Ceux d'entre nous qui se souviennent que l'Europe fut jadis chrétienne n'ont pas oublié le récit biblique selon lequel, avant la construction de la tour de Babel, les humains se seraient exprimés dans une seule langue. Evidemment, il s'agit d'un mythe, auquel cependant les apôtres du culte d'un genre nouveau, en Occident du moins, semblent vouloir donner une nouvelle jeunesse. Il s'agirait, pour les laudateurs du néo-libéralisme (la tentative devant permettre aux marchés financiers de mettre les société civiles en coupe réglée) et les sectateurs du néoconservatisme (assurer à l'auto-proclamée "nation indispensable" le rôle de guide de l'humanité) de faire triompher, pour ce faire, une langue unique. L'usage de l'anglais assurerait aux partisans de l'ordre nouveau une sorte de parousie de leur dogme, où les miasmes putrides qui auraient entravé jusque-là le développement des civilisations seraient définitivement éliminés. En réalité, les mythomanes qui, de moins en moins masqués, avancent derrière le rouleau compresseur des multinationales du divertissement, lui-même renforcé par le pouvoir décérébrant et abrutissant de la publicité, ne cherchent en rien promouvoir l'élégante langue des grands auteurs anglais ou nord-américains. Ils sont les fourriers d'un nouveau langage, le "globish", une sorte d'anglais global à prétention non discriminante et inclusive, au vocabulaire plus que limité et qui permettrait à tous d'entrer dans le monde merveilleux de la "fin de l'histoire". Du moins telle qu'il est rêvé par les financiers des grands fonds de pension anglo-saxons et qui, pour ce faire, cherchent à mettre en pratique ce que dit l'un des personnages du roman, "1984", de George Orwell: " Ne voyez-vous pas que le but de la novlangue est de restreindre les limites de la pensée? A la fin, nous rendrons impossible le crime par la pensée, car il n'y aura plus de mots pour l'exprimer. Tous les concepts nécessaires seront exprimés chacun par un seul mot dont le sens sera rigoureusement délimité". "Instrument de communication, la langue est aussi un instrument du pouvoir", écrit fort justement Pierre Bourdieu, dans "Ce que parler veut dire". Ainsi, pour prendre un exemple qui fait couler beaucoup d'encre en ce moment, l'Ukraine, longtemps dominée par la Russie, principalement avant 1905 et pendant la période soviétique, a-t-elle commis l'imprudence, notamment après 2014, s'estimant soutenue inconditionnellement par la "nation indispensable", d'imposer sa langue officielle sur tout son territoire. Pourtant, une langue minoritaire peut devenir une langue partenaire, sans que cela ne nuise à l'unité d'un pays. Mais lorsqu'apparaît ce que les linguistes nomment une diglossie, où une langue doit s'effacer devant une autre, cela provoque parfois des remous. Le Maroc a su mieux gérer sa situation, où la langue berbère, certes minoritaire, a cependant un statut de seconde langue officielle. La Tchéquie et la Slovaquie, bien que n'étant pas en conflit sur une question linguistique, ont quant à eux, su gérer leur séparation à l'amiable. Mais il est vrai que dans ces 2 cas, les "grandes consciences" occidentales ne s'en étaient pas mêlées. "Quand nous défendons le français chez nous, ce sont toutes les langues du monde que nous défendons contre l'hégémonie d'une seule", écrit un essayiste québécois, Pierre Bougault. Un tel effort n'est évidemment pas salué par l'actuel président français, qui est perçu par les francophones étrangers, comme, "arrogant et son gouvernement comme un boulet" (selon le périodique "Manière de voir" édité par le Monde diplomatique). Une langue peut ainsi être déconsidérée par ses locuteurs même, voire être mise en danger par l'indifférence des élites chargée de la défendre. Bien qu'historiquement, il y a eu également d'autres causes à une telle situation. Ainsi, par exemple, la conquête militaire. Les langues amérindiennes ont pratiquement disparu du continent nord-américain; en Europe, le gaulois a cessé d'exister après le massacre de près de 7 millions de guerriers gaulois par les armées de Jules César. En Irlande, l'anglais est devenu la langue officielle après l'élimination, au XIXe siècle, par les armées de Grande-Bretagne, de 2 millions d'insulaires de ce pays. Mais une langue peut aussi disparaître parce qu'elle n'est plus transmise. C'est très souvent le cas des langues minoritaires. Les linguistes considèrent qu'une langue finit par s'évanouir si le nombre de ses locuteurs passe sous le seuil du million de pratiquants. Une langue est également en danger lorsqu'une population est remplacée, ou du moins asservie, par une autre. Le danger est plus important dans le premier cas, car lorsqu'une population se voit simplement contrainte d'adopter une autre langue, elle tente le plus souvent de résister. Ainsi la défunte URSS avait-elle essayé d'imposer le russe sur tout le territoire soviétique, les langues dites, dans le jargon soviétique, tutélaires, ayant vocation à progressivement s'effacer. A noter que lors d'un congrès tenu à Bakou, qui s'était tenu en 1926, avait été prévu l'adoption de l'alphabet latin pour les peuples musulmans vivant en URSS. En 1930, ce fut même l'abandon du cyrillique qui fut envisagé, afin de "libérer les masses ouvrières de toute influence des imprimés prérévolutionnaires à caractère bourgeois-national et religieux". Finalement, en 1934, Staline décida que l'édification du socialisme se ferait pour tous par l'apprentissage du russe, au détriment donc, des langues dites tutélaires. L'Ukraine paiera sa résistance par 5 millions de morts du fait d'une famine provoquée (Holodomor). Paradoxalement, il est déjà arrivé, dans l'Histoire, que les vainqueurs s'assimilent aux vaincus et adoptent, en le transformant toutefois, leur langage. Ainsi les Francs délaissèrent-ils le francique (une forme primitive d'allemand) pour adopter, en le modifiant considérablement, le latin, de même que plus tard, les Vikings installés en Normandie, abandonnèrent-ils leur langue, alors que rien ne les y contraignait. Une langue peut également être négligée lorsque ses locuteurs estiment qu'ils ont un intérêt d'ordre économique à le faire. Ainsi l'urbanisation et l'industrialisation au XIXe siècle, en Europe, ont-ils fini par faire disparaître bien des parlers locaux, jugés handicapants pour l'ascension sociale ou tout simplement l'intégration dans un nouvel ordre socio-économique. A l'heure actuelle, où les medias pénètrent dans chaque foyer, une langue n'a de chance de perdurer et de se développer que si une institution politique la défend. Or, seule une centaine de langues dans le monde bénéficient de l'appui d'un Etat qui en a fait la langue officielle. Qu'adviendra-t-il du kurde (encore 30 millions de locuteurs dispersés sur plusieurs Etats) ou du tibétain (8 millions) dans les temps futurs? Alors que les 385 000 Islandais n'ont guère de souci à se faire pour la pérennité de leur langue (il est vrai qu'ils ne sont pas dans l'Union européenne, une entité s'affaissant dans une sorte de "Globishsland"). Car la domination culturelle, comme nous l'avons déjà souligné, conduit peu ou prou à l'affaiblissement, à la dénaturation voire à l'éviction des langues des groupes dominés. Après 1945, L'Europe de l'Ouest, pour bénéficier du plan Marshall, a dû, en contrepartie accepter la tutelle américaine sur ses productions culturelles (le soft-power, matérialisé en France par la signature de l'accord Blum-Byrnes). Cette acceptation, toutefois intéressée, a perduré pour se transformer, après que le plan Marshall eût produit ses effets bénéfiques, en complaisance, en alignement et finalement en servitude volontaire par "construction européenne" interposée. A laquelle, en France, adhère même le dernier résidu communiste qui proclame fièrement, par la voix de son secrétaire général: "PCF is back". C'est le prix de la fidélité à ce que ce parti a toujours voulu être: le caniche d'un maître tout puissant. Ils n'ont jamais compris que la voix du maître ne rassure que si on oublie volontairement de penser à la laisse. Les camarades auraient dû comprendre qu'une langue est essentiellement une réalité sociale; elle permet l'échange entre partenaires égaux et la communication entre des gens qui se respectent. Mais lorsque certains, parmi l'élite ("choose France" (1) de Macron, au nom de l'international business summit) l'abandonne subrepticement, c'est qu'ils ont une finalité tout autre: la création, en l'occurrence, d'une société de contrôle et de surveillance. Evidemment, ils ne le diront pas ouvertement, préférant mettre l'accent sur l'ouverture à d'autres cultures, le refus du repli sur soi, l'acceptation de "valeurs" que l'on présentera comme universelles. Tout pouvoir, qu'il soit démocratique ou non, est légitime lorsque le bloc élitaire propose au bloc populaire une évolution, lui indique un sens, une direction, avec des avantages matériels à la clé. Un pouvoir, qu'il soit démocratique ou non, n'est en rien légitime lorsque le bloc élitaire se transforme en un bloc parasitaire, avec pour but, la concentration extrême des richesses, rendue possible, entre autres, par la dérégulation financière, et qui, de surcroît ne se gêne pas pour manifester ensuite son mépris envers la vile canaille taxée de populiste, ne comprenant rien à rien. A cela, le globish à une fonction d'accompagnement. Les adeptes et les thuriféraires de ces borborygmes verbaux cherchent à manipuler l'opinion, pour l'adapter à la consommation de masse qui n'est que l'école de la conformité. Même s'ils disent vouloir représenter le peuple, ils n'éprouvent aucune gêne pour renier leur langue afin de servir un maître étranger (working time festival de la CFDT). Toujours, il convient d'abrutir pour asservir, et jamais de convaincre dans le but de susciter de l'adhésion. Le but du jeu est de ne plus se penser en tant que Français, ou Allemand ou Italien, mais de créer un conditionnement de sorte de ce qui est dit ne diffère pas de ce qui aurait été formulé par un Américain, de préférence dans la mouvance néoconservatrice. Ainsi entend-on épisodiquement des aberrations comme "L'anglais est l'avenir de la francophonie", B. Kouchner dans "deux ou trois choses que je sais de nous", ou encore C. Allègre, qui ânonna, en 1997 déjà: "L'anglais plus le minitel plus l'ordinateur, c'est pour le futur comme lire, écrire, compter". On ne s'étendra pas sur les pitreries du "one planet summit", qui n'a rien trouvé à redire à la conversion de ce qui reste de l'économie européenne à l'usage du gaz de schiste états-unien. En réalité, en Occident l'appauvrissement linguistique et donc culturel, organisé par les autorités, doit permettre l'émergence de glossolalies cherchant à exprimer ce que les maîtres du moment veulent que l'on croit et qui ne doivent jamais être questionnées. Il s'agit d'évacuer la question de la souveraineté en la ramenant à celle de l'identité. Or celle-ci interroge toujours la question de l'origine. Où la situer? En tous cas, le piège fonctionne à merveille puisque les partis s'auto-définissant comme patriotes s'y sont précipités les pieds joints. Après avoir créé de la confusion, comment procède l'adversaire pour parvenir à ses fins? Il y a parfois plus de vérité et surtout de perspicacité dans les propos d'un quidam que dans ceux d'un érudit. Or, voici ce qu'a écrit un certain Ron Suskind dans le New York Times du 17 octobre 2004 : "Le conseiller a dit que les gars comme moi faisions partie ‘de ce que nous appelons la communauté basée sur la réalité’, qu’il a définie comme des gens qui croient que les solutions émergent de votre analyse judicieuse d’une réalité discernable. Ce n’est plus la façon dont le monde fonctionne vraiment. Nous sommes un empire maintenant, et quand nous agissons, nous créons notre propre réalité. Et pendant que vous étudiez cette réalité – judicieusement, à votre façon – nous agissons à nouveau, créant d’autres réalités nouvelles, que vous pourrez étudier également, et c’est ainsi que les choses se passent. Nous sommes les acteurs de l’Histoire, et vous, vous tous, ne pourrez que vous contenter d’étudier ce que nous faisons". Au moins, le propos a le mérite d'être franc et clair. On répondra par le propos de J. Cocteau: "La décadence est la grande minute où une civilisation devient exquise". Si l'on considère le globish comme l'expression même de la décadence, du fait de l'appauvrissement du langage qu'il engendre, nul doute que des temps exquis, où les fausses idoles seront enfin renversées, nous attendent. (1) https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/choose-france
(2)«Without a Doubt – Faith, Certainty and the Presidency of Georges W. Bush»
Projet de très longue réponse à Jean Luc
L’appauvrissement linguistique. au maintien de la diversité biologique. comme en témoigne (?)
L’appauvrissement de la langue est-ce un phénomène politique, sociétal, philosophique ou linguistique?
Et puis, en fait, le langage, s'appauvrit-il vraiment, se prive-t-il de sa capacité de production, comme un sol qui s’appauvrit lorsque sa fertilité diminue, devient-il incapable de se renouveler, ou se voit-il privé d'une partie de ses possibilités ?
La Linguistique est une science descriptive, qui étudie le langage humain, l'organisation, la structure des différentes langues, en essayant d'en identifier leurs propriétés générales et constitutives, afin de comprendre la façon dont nous percevons le monde, comment nous y participons, et finalement, ce que nous sommes. Elle le fait en analysant les divers éléments d’une langue: les mots, leur son et leur construction, leur prononciation, leur cohérence, les phrases et le discours, l’écriture, le sens, etc….
Comment la linguistique pourrait-elle affirmer que la langue s’appauvrit ?
La question qui fait l’objet de notre sujet est essentiellement posée d’un point de vue politique. Et à chaque fois que cet éclairage est politique, volontairement ou non, le propos est « puriste », le purisme, en linguistique, étant l'attitude qui consiste à chercher à rendre une langue « pure » en la débarrassant d’apports extérieurs, de mots nouveaux, considérés comme un appauvrissement de la pureté du langage, une menace pour son intégrité, un appauvrissement de la pensée et de la connaissance, mais aussi un facteur de tension et de conflit potentiel. Les questionnements sont alors remplacés par des démonstrations sectaires.
Par exemple, pour ceux qui ne veulent pas s’en prendre directement à l’immigration, de première ou de seconde génération, il s’agit d’utiliser « l’appauvrissement de la langue » pour démontrer une prétendue « perte de savoirs traditionnels », qui seraient essentiels. Ce qui nécessite d’omettre tout l’apport culturel des migrations, qui peuvent aussi être internes au pays considéré: « le déclin des connaissances traditionnelles », serait également dû au déplacement à grande échelle de communautés autochtones et locales vers les régions urbaines, en omettant l’inversion de cette tendance, suscitée justement par l’intérêt croissant pour les cultures traditionnelles.
D’autres, néanmoins sont plus directs envers toute immigration. Il y a quelques temps, nous étions coincés entre une Marine et un Jean-Marie: c’était la double Pen ! Depuis peu, ce rôle échoit à Éric Zemmour, plusieurs fois condamné pour incitation à la haine raciale, qui se démarque par un art oratoire virulent, parsemé de citations et de références historiques douteuses, au service d’une idéologie qui prône « la reconquête » et l’assimilationnisme intégral , en sapant le sens des mots». (L’assimilationnisme est un mouvement d'idées ayant pour objectif de faire disparaître tout particularisme culturel et d'imposer l'assimilation culturelle aux minorités d'un pays.)
Ce travail de sape par un usage particulier des mots, est cultivé par les pouvoirs totalitaires. A partir du moment où l’on cesse de croire que les mots ont un sens et qu’ils nous servent non seulement à nommer le réel, mais aussi à le faire advenir, la question de la vérité, perd toute pertinence, parce que la représentation du réel imposée est celle qui sert le mieux les intérêts du plus fort.
Pour contrôler efficacement la pensée, le pouvoir totalitaire a compris qu’il lui fallait réformer le langage, en interdisant l’usage de mots qui pourraient véhiculer des pensées dangereuses pour sa domination.
Lorsque le langage sera parfait et pur, il n’y aura plus de mots pour exprimer la contestation.
De plus, par le mensonge (au nom du Bien), le sens des mots est déformé, les cartes sont brouillées, les rôles sont intervertis, les victimes deviennent bourreaux et les bourreaux, victimes. Les déformations subtiles de la langue allemande que lui avaient faire subir les nazis, nous éclairent : le mot « héroïsme », par exemple, fut réduit au sens de l’endurance physique de l’homme aryen parfait.
Mais, paradoxe, en politique, la linguistique, son usage utilitaire du langage, montre aussi sa richesse !?
Alain Bentolila, professeur de linguistique, soutient que les jeunes des banlieues souffrent massivement d'un «déficit linguistique», manifesté par un «vocabulaire exsangue et une organisation approximative des phrases». Selon lui, les causes de cette carence résident dans le fait que ces jeunes vivent en vase clos dans leurs quartiers ghettos et leurs bandes, partageant les mêmes goûts, les mêmes intérêts et le même désintérêt pour le reste du monde. Ainsi réduits à une «communication de proximité», ils n'auraient presque rien à se dire, car deux ou trois mots, juxtaposés sans ordre et à peine articulés, suffiraient alors à évoquer une information prévisible.
Or, un linguiste devrait savoir que la majorité des langues du monde (environ 5 000) se parle au sein de groupes humains dont les membres se comptent en quelques centaines, souvent bien moins. Dans ces sociétés, dites traditionnelles, les individus se connaissent tous, partagent les mêmes croyances, les mêmes coutumes, les mêmes travaux, la même nourriture. Où trouverait-on connivence plus forte ? Si l'on suit le raisonnement de Bentolila, leurs langues devraient être de peu de mots et de syntaxes imprécises. comme on l'a longtemps cru, du reste. Pourtant, elles sont non seulement aussi riches que le français «cultivé», mais bien souvent d'une complexité dans les procédés de formation de leurs mots et de leurs phrases (morphologie et syntaxe) dont même le latin et le grec ne nous donnent qu'une pâle idée. Cette absence de corrélation entre le nombre et la condition des locuteurs et le degré d'élaboration du système linguistique qu'ils partagent montre que la communication, au sens strict du terme, n'est pas la fonction première du langage. C'est bien plutôt le récit, ce besoin vital de conter des histoires aux enchaînements intriqués, pleines d'entités fictives. Comme outil de communication pratique, le langage est du reste bien peu efficace. Essayez donc d'expliquer par les seuls mots comment monter la chaîne d'une tronçonneuse ! (2)
Des récits communs, cela s'appelle de la culture. Il faudrait donc que ces jeunes n'en aient pas. et c'est bien ce qui nous est donné à entendre. Les jeunes des banlieues savent pour la plupart fort bien d'où ils viennent. Mais l'important pour Alain Bentolila n'est pas qui ils sont mais ce qu'ils sont, à savoir des pauvres. Et les pauvres, on l'a dit avant lui, n'ont pas de (vraie) culture, donc pas de (bon) langage. Dans les années 60 et 70, le linguiste américain William Labov découvrait chez les jeunes Noirs des ghettos de New York une culture narrative, d'une richesse insoupçonnée, faite de récits d'expérience, d'énigmes, de blagues ritualisées, de poèmes satiriques, le tout manifestant une virtuosité langagière que presque tous partagent. Insoupçonnée cette richesse, parce que d'une culture consciente d'être stigmatisée. On ne montre pas ce qu'on peut faire à qui, on le sait, l'a par avance jugé et condamné.
Les jeunes de nos banlieues possèdent des richesses équivalentes et qu’ils ne les montreront jamais aux semblables d'Alain Bentolila. et ils feront bien. Comme si la faculté de langage n'était pas une propriété génétique de l'espèce humaine ; comme si tous les enfants, ayant acquis sans effort leur langue maternelle, ne se livraient pas à des jeux de langage que seule la maîtrise spontanée d'une syntaxe et d'une sémantique élaborées rend possibles.
Il n'est pas question de nier l'inégalité sociale. Ces jeunes doivent-ils apprendre le français «standard» comme une autre langue ? Si certains en profitent pour l'approfondir et l'illustrer, tant mieux. On peut espérer qu'ils vivront mieux de n'avoir pas été dénigrés dans leur plus intime, leur langue quotidienne.
(Selon Alain KIHM, sociolinguiste)
Roland Barthes, en 1977, lors de sa leçon inaugurale au Collège de France : « La langue, comme performance de tout langage, n’est ni réactionnaire ni progressiste ; elle est tout simplement fasciste ; car le fascisme, ce n’est pas d’empêcher de dire, c’est d’obliger à dire. » Barthes s’attaquait aux présupposés de la philosophie occidentale pour qui, depuis les Grecs, la parole est l’expression de la raison et de la liberté.
Or, le langage peut-être tout cela : fasciste, au service des dominants et de leur idéologie, mais aussi raison, égalité et liberté par la philosophie, sans comme le faisait Barthes, dramatiser et politiser les enjeux du langage dans un sens univoque.
Lors de l’affaire Dominici, Barthes avait remis en cause la fonction de la parole dans le procès, du fait de la maîtrise du discours par les magistrats, par contraste avec la pauvreté de langage de l’accusé. Ce cliché du paysan inculte, a peut-être surmonté celui du paysan matois pour démontrer ce qu’il fallait démontrer.
(Matois se dit d'une personne qui a de la ruse sous des dehors de bonhomie.)
On retrouve le même procédé de démonstration dans l’affirmation selon laquelle « le langage des cités appauvrit » et « renforce l'isolement social", ce dernier ayant plutôt une raison économique et/ou la discrimination, due à la volonté de conserver des comportements et des pensées en adéquation avec des usages, des habitudes, des repères anciens.
Où est passée l’obligation de correspondance avec des circonstances de vie non choisies?
Il en résulte néanmoins, l’affirmation d’un appauvrissement actuel de la langue, réduite à quelques exclamations (« un truc de ouf ! », ça veut dire quoi au juste ?), qui participerait à l’impuissance à nommer le réel. Alors que le verbiage prétentieux du management et de la pédagogie, avec leurs expressions toutes faites, leurs lexiques pseudo-scientifiques, pervertissent progressivement bien plus les champs du savoir en brouillant notre perception du monde.
Mais si l’on veut bien considérer ce langage des cités comme un patois, quasi « régional », il montre, au contraire, la richesse de la capacité d’une langue à une simplification sémiologique permettant de révéler l’état d’une société dominée, pour qui l’usage de la langue « officielle » est sans intérêt. Rappelons que la langue conjugue deux pouvoirs : un pouvoir d’enregistrement et un pouvoir de révélation du réel.
Toutefois, les patois n’ont jamais été appréciés par les pouvoirs en place, qui pensaient que les langues régionales représentaient un frein pour l'apprentissage de leur langue officielle.
Notre monde était divisé en petits territoires, chacun ayant sa langue, et lors de conquêtes, d’alliances, les dictionnaires et les grammaires, codifièrent les langues afin d’obtenir l’unification des nouveaux territoires, par le remplacement des différentes langues régionales, au nom d’une « conscience nationale »: « une langue, un peuple, une nation ». Ainsi on pouvait se reconnaître comme appartenant à une collectivité unique, grâce à une langue commune, garante d’une identité collective, malgré des résistances locales. Ce qui se fait notamment à l’aide de nouveaux héros mythiques: on dit « la langue de Molière», « la langue de Shakespeare » ou « la langue de Goethe, de Dante, ou de Cervantès ». Ces mythes veulent sédimenter des cultures, des usages, des habitudes, or l’histoire d'un peuple, d'un individu n'a jamais été figée.
Le résultat recherché consiste en un nationalisme qui endort les consciences, une fiction de l’identité collective garantissant la cohésion sociale et l’intégration sociale. Or ce mythe n’est que le relais d’idéologies nationalistes, quine visent pas à représenter la réalité mais à la transformer.
Or, les cultures, française, québécoise, belge, suisse, voire africaine et maghrébine ne sont pas identiques malgré l’emploi d’une même langue. La langue n’est pas le tout du langage. Ce ne sont ni les mots, ni les règles de syntaxe qui sont porteurs de culture, mais les manières de raisonner, de raconter, d’argumenter pour blaguer, pour expliquer, pour persuader, pour séduire. On peut exprimer une pensée dans une autre langue que sa langue d’origine. Bien des écrivains, en sont la preuve. On ne change pas de culture quand on change de langue.
Hélène Carrère d'Encausse, secrétaire perpétuelle de l'Académie française, devenue française à sa majorité, déclare que "La France s'incarne d'abord dans sa langue !" et "Ma patrie, c'est la langue française."
« Presque un quart des membres actuels de l'Académie française (8 sur 33) sont nés à l'étranger, tels Amin Maalouf (Liban), François Cheng (Chine), Dany Laferrière (Haïti) ou Andreï Makine (Russie)...
Le français porte leurs idées.
Comme l’anglais, il a toujours vécu d'emprunts. « Ce à quoi il faut être attentif, c'est à la structure de la langue. Quand j'entends un ministre déclarer "nous sommes en capacité de" au lieu de "nous avons la capacité de", je dis non, car il n'utilise pas une tournure française » écrit-elle.
Ce qui est très courant dans la presse !
Le rapport de la gendarmerie révèle que Alain P… se serait suicidé lui-même. (Nord Éclair)
Le grand inventeur Louis Lumière s’est éteint. (L’Aurore)
Le mystère de la femme coupée en morceaux reste entier. (Est-Éclair)
Très gravement brûlée, elle s’est éteinte pendant son transport à l’hôpital. (Dauphiné Actualité)
C’est avant votre crime qu’il fallait éprouver des remords.
À la lumière du doute qui obscurcit cette affaire, nous trancherons.
C’est l’immobilisme qui conduit notre région au gouffre.
Son érection est confiée à la plus grosse grue du département.
-Mon mari est pour le moment décédé.
-Pouvez-vous faire quelque chose pour ma fille, fille-mère qui nourrit son enfant au sein sans pouvoir joindre les 2 bouts.
-Depuis que mon mari est mort, il n’y a plus de bêtes sur la ferme.
-En Russie soviétique: Il y aura une exposition de 150 tableaux réalisées par 150 peintres. Ils ont été exécutés au cours des deux dernières années.
-Dans un bar norvégien : On demande aux femmes de ne pas avoir d’enfants au bar.
-Dans un zoo de Budapest : S’il vous plaît ne pas nourrir les animaux. Si vous avez de la nourriture appropriée, donnez-la au gardien en service.
Toutes nos sociétés sont constituées de cultures et d’identités composites et tendent à le devenir de plus en plus du fait de mouvements d’immigrations, d’intégrations et de communautarismes. Et chaque fois qu’une communauté majoritaire se sent menacée, les nostalgies de la pureté ethnique renaissent, en utilisant le levier du langage.
La vie, les transformations des cultures permettent de continuelles réinventions des identités sociales, en évitant une perception du réel enfermée dans l'unicité du jugement sur une histoire du monde prescrite.
C’est convertir un enrichissement en un appauvrissement, par ce mythe du lien entre l’identité et la langue, qui freine l’essor de l’idée de l’égalité entre humains, en diffusant l’idée d’une différence de valeurs culturelles entre eux.
Les identités individuelles sont multiples et ne se contrarient pas entre elles. Chaque être humain appartient à plusieurs groupes sociaux. Une personne peut être à la fois « philosophe », « supporter d’un club de foot, «européen », et « philatéliste », « il ou elle », etc., en fonction du nombre de groupes auxquels elle s’identifie, ce qui fait que chaque individu possède de nombreuses identités linguistiques. C’est un processus dynamique, et les individus peuvent en « jouer », passant délibérément de l’une à l’autre au cours de la même conversation, marquant ainsi le changement d’une culture à l’autre.
La langue n'est pas seulement la capacité d'exprimer oralement des idées, mais constitue ce qui permet la formation même de ces idées. Ce qui fait que les expressions linguistiques peuvent ne pas être identiques, d'une langue à l'autre, exprimant toutefois le même concept, que la pensée perçoit, malgré les différences:
(Par exemple : Français : Rire jaune = Italien : Ridere verde)
Si un jour on ne parlait plus qu'une seule langue, ce serait une catastrophe « écologico- intellectuelle » sans précédent ! La diversité des langues est un patrimoine inestimable, irremplaçable et enrichissant, au sein d’une même société. Ce serait annuler l'effet Babel qui a été très productif pour l'humanité. A chaque fois qu'une langue disparaît, le monde s’appauvrit un peu plus. Le nombre et la richesse des langues est une partie importante de la « biodiversité ».
L'interculturalisme, n’est pas à confondre avec le multiculturalisme qui obsède notre société contemporaine. Les Grecs identifiaient comme non grecs, les étrangers dont la langue sonnait à leurs oreilles comme « barbare », ce qui est beaucoup plus qu'une simple identification linguistique. Cela prédispose le cadre d'où partira et se développera la relation. (Selon Luca)
Alors la Commission européenne va jusqu’à promouvoir l'anglo-américain comme "langue commune", va jusqu’à traduire uniquement en anglais la nouvelle carte d'identité française; et seule une bonne connaissance de l’anglais permet d’accéder à l'enseignement supérieur...."
Jusqu’à, et c’était peut-être un poisson d’avril, la Commission Européenne devait régler les problèmes de traduction des aboiements de chiens dans les bandes dessinées, qui, selon leur nationalité font « ouah ouah », « bao bao », « wuf wuf », « guau guau », par une directive « harmonisant les cris des animaux dans les BD » : un chien doit faire “ouah ouah” dans les 23 langues officielles » !
Qui pense encore que « Made in turkey » signifie « fabriquée en dinde »
Qui regarde encore ce qu’il y a entre les deux tranches de pain d’un Hot Dog et demande : « Dans le chien, vous n’auriez pas un autre morceau ?????? ».
Le français serait une langue difficile, truffée d'exceptions grammaticales, d’une syntaxe complexe, de règles immuables, d’une orthographe à faire pâlir. Or, ses codes offrent un guide pour permettre à un auteur d'origine étrangère d’écrire sur un pied d'égalité".
Mais est-ce que ainsi le français s'appauvrit ?- La langue française ne cesse de créer de nouveaux sens aux mots, ou d'emprunter à l'étranger. Elle continue de s'inventer. En témoigne le mot "kiffer", qui provient de l'arabe, qui est totalement entré dans la langue. Le français est menacé s'il perd sa fonctionnalité, s'il n'est plus en mesure d'exprimer l'intégralité de notre expérience de la réalité. Le français n’est pas assiégé, il montre la capacité d’ouverture de sa langue et de son peuple, malgré les cris d’horreur de certains, qui préfèrent l’immobilisme et le « retour vers le futur ».
Inutile, en fait, de démontrer que les langues ne sont pas figées, mais évoluent, empruntent, transforment des apports extérieurs.
Les Gaulois n'imaginaient pas que leur langue disparaîtrait un jour au profit du latin... Les Français ne se méfient-ils pas assez de l'anglais, en passe de devenir LA langue indispensable à la promotion sociale ?
Pourtant : votre smartphone vous réveille. Ouf, c'est enfin le Black Friday ! Un brushing, un jean et un T-shirt, et go ! Dans votre coworking, la deadline de votre project manager, c'est ce soir ! Pour le lunch, il suffit d’un sandwich, dans un fast food...
Vous bossez non-stop. Vous checkez vos mails une dernière fois... Ce week-end, vous chercherez une baby-sitter, pour un brunch cool à la maison, après un shopping dans le mall, en bas du business center.
Devant le diktat des aficionado, des gourous kitchs du world-bashing qui font le buzz sur le Web, ersatz d’outsider qui taguent en play-back avec des like, vos évitez le jogging, le running ou le trail, avec les vêtements achetés sur Cdiscount, parce que vous avez le blues because les kamikaze, qui agitent leurs colts et leurs kalachnikovs, qui deviennent des best-sellers, des stars, sans craindre le goulag, et, groggy, vous pensez que le jackpot est de répliquer non-stop par une bronca de post sur Twitter.
Presque tout le monde a compris ?????
Est-ce pire que Le Robert, qui a déclenché la polémique en inscrivant le pronom personnel « iel » dans sa version en ligne, un pronom qui vise à désigner une personne qui ne se reconnaîtrait dans aucun des deux genres. Or « Iel » n’est pas d’un pronom neutre, mais un pronom qui n’est ni masculin ni féminin, mais à la fois masculin et féminin. Il convient, sans jugement de valeur, de s’interroger sur la viabilité d’un mot que l’on impose mais qui ne traduit pas forcément un usage réel.
Quand on ajoutera un nouveau pronom pour ceux qui ne se sentent ni-celles-ni-ceux, que fera-t-on ?
Vous connaissez la différence entre un intellectuel hétéro et un intellectuel homo ?
L’intellectuel hétéro, il vit avec Larousse, et l’intellectuel homo, il vit avec le petit Robert !
Auparavant, nos précieuses ridicules s’étaient mises en tête de rééduquer la langue en imposant cette graphie improbable hérissée de points, de tirets et de e. :. On pensait que jamais ça ne prendrait. On avait tort.
L’écriture inclusive se répand dans la communication des villes, des entreprises. Et bien qu’elle y soit proscrite son usage administratif, est utilisée dans les universités, les grandes écoles, à Normale Sup’ et dans les écoles de journalisme. Ne pas l’utiliser, c’est se signaler comme réac.
Ce n’est pas la langue qui évolue, mais on change le langage au forceps pour changer le réel. C’est le principe du politiquement correct. En interdisant le mot « salope » vous ne ferez pas disparaître le sexisme.
Certains crient au scandale, devant tout ça, d’autres y voient un progrès. Certains dénoncent un militantisme intrusif dans la langue française, d’autres applaudissent à l’évolution de celle-ci.
Le sociolinguiste Cyril Aslanov pose la délicate question du lien entre langue, réalité et politique, car, pour lui, il ne faut pas confondre l’usage d’une langue vivante, et l’imposition d’une norme, qui traduirait davantage une volonté politique [voire communautariste, ajouterais-je]
Le persan, le turc ou l’arménien sont des langues qui emploient « il » par défaut pour dire « il », « elle », « cela » : la différence sexuelle est alors abolie. N’oublions pas qu’en français, le pronom « tu », n’est ni masculin ni féminin, et cette absence de genre ne nous dérange pas.
Ce qui importe est la production de la langue par les populations qui l’emploient. Aussi le fait qu’à la suite d’une décision imposée par le haut pour des raisons idéologiques, un dictionnaire fasse le choix d’introduire un nouveau mot n’a pas d’incidence en soi pour le linguiste. C’est un phénomène sociolinguistique.
Mais, si c’est l’usage qui fait la langue, on peut se demander à partir de quel seuil ? Ou bien nous est-il imposé d’en haut, par un autoritarisme technocratique, ou par une pression communautariste ?
Nous devons nous méfier de ce qui nous est imposé.
“La langue est une éponge qui s’imbibe des idéologies qu’on lui injecte, mais qui peut aussi servir à modeler les consciences”, et peut être pensée comme un outil politique. Destiné à modeler les consciences. Comme les lois de Jules Ferry (1881-1883) qui ont imposé le français au détriment des langues régionales.
Le pronom « iel », signifie que la désignation par défaut ne saurait être le masculin. Mais que désigne-t-il ? Est-ce « l’un et l’autre » (masculin et féminin ensemble) ou « ni l’un ni l’autre » (un autre genre) ?
La langue française est notre bien commun. Les classes populaires y sont autant attachées que les hautes sphères. Quand Najat Vallaud-Belkacem a envisagé la suppression du « i » de oignon (pour simplifier), ce fut un tollé sur nos marchés. Et quand seuls 9 % des jeunes Français, selon Pisa, sont « très performants en compréhension de l’écrit » nul besoin de complications artificielles supplémentaires.
Que le langage s’appauvrisse, n’est qu’une vue de l’esprit, largement diffusée, alors qu’il manifeste sans cesse sa fertilité, sans pour autant pouvoir être contrôlé dans son évolution, bien qu’il nécessite des règles, (orthographe, grammaire), afin qu’il n’y ait pas de doute sur le sens exprimé.
Par exemple, vu sur une plaque de médecin : « Spécialiste des femmes et autres maladies ».
A partir du moment où l’on cesse de croire que les mots ont un sens et qu’ils nous servent non seulement à nommer le réel, mais à le faire advenir, la question de la vérité, perd toute pertinence.
Mais, paradoxalement l’usage utilitaire du langage, par des pouvoirs montre sa richesse, tout comme les tentatives farfelues de construction de mots inutiles, et comme les critiques stars d’apports de langues étrangères.
Tout mouvement est un enrichissement, même s’il n’apparait pas comme tel.
N.Hanar
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NOTES
1-Victor Klemperer écrivait, dans Langue du Troisième Reich : « Les mots peuvent être comme de minuscules doses d’arsenic : on les avale sans y prendre garde, ils semblent ne faire aucun effet, et voilà qu’après quelque temps l’effet toxique se fait sentir ».Bien entendu, pour lui, ses instruments d'analyse habituels, tirés de Voltaire, de Rousseau et de Montesquieu, étaient impuissants à rendre compte de la tyrannie du IIIe Reich.
2- Regis Debray souligne qu'à la mort de Victor Hugo un million d'admirateurs endeuillés suivaient le corbillard ; aujourd'hui, c'est le cercueil de Johnny Hallyday qui est accompagné par un million de personnes...
Les nouveaux modes de communication jouent un rôle majeur dans cet affaissement. On met sur le même plan Jean-Marie Le Clézio et le quidam anonyme qui s'exprime sur Facebook. Au nom de quoi ?
Cela délégitime toute parole publique. Entre le président de la République et un individu quelconque, il y a une différence : le second a délégué le pouvoir à une personnalité qu'il juge digne de cette fonction. Dès lors que toute parole est mise sur le même plan, cette légitimité disparaît. C'est pourquoi la rigueur de la langue est fondamentale. Or, si les mots avaient la même signification pour tout le monde, nous reviendrions à la hiérarchie de la réflexion, de la pensée et des valeurs.