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L'hommage à Robert

hommage

 

A Robert

 

Commentaires de ton oeuvre philosophique toi qui as tant fait pour perpétuer la mise en commun de la parole dans ce « café philo populaire », où beaucoup ont reçu ton message en héritage.

 

J'ai été de ceux qui t'ont suivi dans ta volonté de perpétuer le café philo, menacé de disparition lorsque Eugénie Végléris décida d'en arrêter l'animation à la brasserie de la Victoire.

 

Sous ta conduite nous connûmes l'errance en divers lieux de la Krutenau avant de nous établir au snack Michel en l'an 2000, car orphelins d'un atelier de recherche de vérité et de justice, nous étions obstinés à vouloir restituer la part symbolique du père.

 

Tu tenais à ce cercle de parole libre excluant toute pensée radicale, et nous philosophes humbles chercheurs de vérité, voyions la vérité, non pas la « Toute » mais faisions acte de foi car nous croyions à son existence.

 

Nous postulions la sortie de l'ignorance comme un acte de libération pour nous-mêmes et immodestement pour l'humanité. En tout cas nous n'acceptions pas que le livre soit fermé, scellé par le sceau de notre impuissance à connaître cette vérité «Toute».

 

Le supposé savoir te faisait horreur car il est séduction et manipulation pour arracher des lambeaux de pouvoir au détriment des ignorants et des crédules.

 

Certes la parole n'est pas la chose comme tu te plaisais à nous le rappeler mais elle est le grand signifiant qui donne expression au « Tout », et à ce qui est signifié ; Tout ce qui est dit s'incarne, prend existence non seulement chez l'homme, mais plus universellement pour tout ce qui est.

 

La philosophie populaire, tu la voulais comme une parole hors de toute rhétorique et dans toute son intention simple et pure.

Tu recherchais ce juste milieu entre les paroles du Christ et celles de Bouddha, pour conclure qu'il y avait convergence entre la méditation et l'oraison silencieuse de la prière chrétienne. Tu avais développé un système de pensée original qui empruntait, tant à ces blocs de spiritualité qu'à des penseurs et philosophes actuels, Lacan, Deleuze, Ricoeur, Baudrillard.; Sans compter que l'évangile de Thomas t'apportait et nous apportait une tonalité singulière et rafraîchissante.

 

Malgré nos oreilles incrédules, tu t'efforçais de nous expliciter le concept de « vacuité », cet horizon dépassable de l'illusion du réel, de l'abandon des choix et du lâcher prise. En effet si nous voulions connaître la fin, il nous fallait nous tenir au commencement.

 

Puisses-tu être entré en harmonie de pensée avec tous les composés de la vie, où la vacuité te sera plus un « cadeau qu'un amer calice d'amertume», car en effet tu le souhaitais et tu risques aujourd'hui de recevoir ce cadeau.

La plupart d'entre nous n'étions pas suffisamment éclairés pour saisir ta recherche de passerelles entre la philosophie, le non savoir et la non pensée.

 

C'est avec un peu de honte que je me souviens avoir souri comme d'autres à l'évocation de tes concepts exotiques, avant même de prendre la peine d'y déceler cette recherche obstinée de l'espoir, de l'amour et de l'amitié, en un mot la recherche du bonheur. Mais nos concepts étaient empêtrés dans la contradiction de leur dualité, du bien et du mal de la chair et de l'esprit ..

 

Je suis sûr que ce supplément de lucidité que tu as acquis dans ta lutte contre une maladie cruelle, t'aura permis de concilier la perception de la force des petits bonheurs et délices de la vie, et la prise de conscience de leur caractère illusoire et éphémère ; le sens que tu as patiemment arraché dans la quête de vérité ne sombrera pas dans la béance de la contradiction, mais s'unifiera lors de ton « entrée dans le courant ».

 

Je suis convaincu que tu es sur ce chemin du milieu, celui qui est entre l'illusion et le néant. C'est ce même chemin qui te donnait la force d'agir dans un Monde où tout est inexorablement éphémère et passant, et cet effort est illuminé par le souffle de la grâce.

 

Maintenant tu dois savoir comme maître Eckart que le mental est absolument vide, pour parvenir à ce degré ultime de ce « je ne sais rien, je n'ai rien, je ne veux rien ». En fait tu voyais avec les yeux de la foi et tu peux prétendre à cette grâce ultime d'accéder à cette « nuit obscure » que tu nommais souvent en citant Jean de la Croix ; cette vision est aveugle mais elle est l'essence de la foi, un acte de foi.

 

A mourir tout à fait à quoi t'aurait-il servi de vivre ? Tu as été pour quelques uns d'entre nous ce socle, cette autorité naturelle, un modèle d'identification à partir desquels nous pûmes structurer à notre tour notre pensée, pour après prendre notre envol par l'interprétation et le doute, qui nous font rompre les chaînes puis les reconstituer pour la transmission.

 

La paix de l'esprit comment ne la mériterais-tu pas, après avoir traversé cette vie avec ses lots de souffrance, dont cette souffrance que tu dénonçais avec véhémence, celle d'avoir manqué à notre désir et tenté piteusement de combler le vide qui en découlait.

Or ce vide comme tu le soulignais est précisément « le lieu où le réel nous attend, nous surprend et nous provoque, c'est la méditation et son actualité ». ; nous nous rendons ainsi disponible pour une autre paix que celle que le monde nous propose, dans un état d'éveil et d'attention libérée de l'effroi de la mort et de son angoisse.

 

Lorsque tu nous parlais d'art nous étions à l'évidence tous des artistes et tu nous incitais à l'utiliser pour jouir d'un déchiffrement du réel, réel entendu sous l'acception de tous les phénomènes et non sous sa seule apparence naturaliste.

Tu nous initiais à cette formidable capacité de régénérescence de l'art, qui se réédite de façon neuve et inédite avec la mémoire du passé : l'art est bien une manière de dépasser la nature de l'homme et ce faisant, d'apporter une réponse à la misère du Monde, une émotion singulière et au-delà une vision universelle dans l'histoire.

 

Tu poussais l'exigence à accepter le processus de déconstruction de l'image de l'art, du beau et du vrai, notions riches en valeurs symboliques, et lieux de consensus ; Tu prenais le risque du désarroi en accueillant l'éclatement de ce consensus, même poussé jusqu'à l'épuisement total de toutes les valeurs esthétiques, conscient que l'art résiste car il est présent, vivant et ressurgit en tous lieux et en tous moments.

Je garderai ce souvenir de celui qui refusait d'être « tiède » et qui ponctuait ses interventions en séance de coups de gueule contre les hypocrisies, les discours convenus, les freins au désir, le pouvoir et les systèmes marchands surtout dans l'art, l'accumulation capitaliste, l'académisme qui tue l'esthétique, et les « Tags » qui dénaturent les immeubles du passé.

 

Philosopher c'est apprendre à mourir, déjà, quand nous sommes dans le creuset du maintenant, dans cet instant entre le passé et le futur ; Nous sommes certes jugulés par la loi de la nécessité d'être là avec ses incontournables impératifs, et cette nécessité échappe à toute spéculation intellectuelle ; il nous faut donc accepter le « passant de notre vie » qui est changement, répétition, souffrance, et où se consument la vanité de nos projets et de nos désirs.

 

Toi comme nous, avons tenté de ne pas demeurer ignorants et de nous nous inscrire dans cet espace-temps où se dévoile le réel, et c'est spontanément qu'il pût être donné à notre entendement de le recevoir ce « réel » comme un don et une grâce, comme une lueur éclairant pour un instant l'obscurité de notre in accomplissement

 

La mort n'est pas hors de la vie mais participe du mouvement et de l'action où se prépare chaque renouvellement ; Tu as vu ici-bas avec « ton oeil en bon état » » et tout ton être en a été éclairé, et cette « vue en ce monde » est bien une parabole pour une autre dimension de la « vue ».Et fort de ce viatique tu nous exhortais dans ta lettre N°66 « En avant les matriciels et les bienheureux», à demeurer debout et en marche dans l'ici et dans l'ailleurs.

 

Tu as malgré la maladie choisi une manière de vieillir pour atteindre une infinie légèreté de l'être au point qu'au moment de ta mort, un léger frémissement de vent puisse t'emporter.

 

Ta parole vivra encore parmi nous et participera du sens qui se dévoilera pour ceux qui s'en donnent la peine, même si nous ne recevrons plus ta « lettre de proximité périodique » par laquelle tu nous faisais partager les fruits de ta quête inlassable du « gai savoir ».

 

Merci encore pour tout cela et adieu

 

Gérard 21 février 2005

 

Retour au café philo

mai 68

     

QUINZE PETITS TABLEAUX POUR UNE INSURRECTION DE MAI

 

I-Climat autour de mai 1968

 

II-1 Le statut de la femme

 

II-2 Les ouvriers

 

II-3 Les jeunes

 

III-1 La Sorbonne dogmatique et stérile

 

III-2 Nanterre la libertaire joyeuse et féconde

 

III-3 Strasbourg la situationniste puis la réflexive

 

IV La révolution sans visage, sans meneurs ni penseurs

 

V- La communauté retrouvée et inavouable

 

VI- Commémoration et récupération

 

VII- Après 1968 et les itinéraires de dégagement

 

VIII- En 2008 nous sommes tous des aliénés

 

IX- Le gauchisme comme une revanche sur l’échec politique

 

X- Le café philo comme un monastère où se préserve la parole dans ce nouveau Moyen-âge                

(Remarque : conducteur en bleu, récitant en noir et annonce de films en rouge).

 

I-Climat autour de mai 1968

 

Milieu des années 1960, le fascisme a été vaincu de longtemps, la reconstruction est  achevée, mais  la continuation des sacrifices nous est demandée, partagés que nous sommes entre le mythe compensateur de la grandeur du gaullisme patriarcal et dominateur et les promesses communistes d’un ailleurs encore meilleur.

 

Mais c’est le temps des menaces, menace de la bombe atomique qui nous promet d’être vitrifiés avec les yeux de météores  debout sur des décombres fumants, le deuil et la culpabilité des colonies perdues, les non-dits sur la guerre d’Algérie que nous projetons sur le Vietnam, et nous subissons de notre tréfonds les renvois aigres d’une déjà ancienne collaboration et d’un antisémitisme d’Etat mal digérés…nous sommes tous des juifs allemands !

 

Le mal que nous avons fait à l’extérieur du pays, dans nos colonies, nous ronge maintenant de l’intérieur, et nous, les oubliés des 30 glorieuses, sommes titillés au plus profond par des besoins lancinants et répétitifs nés des salaires trop parcimonieux qui on éteint notre désir…et tout cela à l’ombre d’un charismatique général comme un éteignoir sur un temps morne, un apparent océan étal, un océan létal, qu’aucune ride ne vient brouiller

 

L’ennui ne semble pas propice à l’insurrection, et nos revendications infantiles sont navrantes, nous aurions perdu toute puissance d’indignation et notre capacité de refus, l’ordre moral a bridé nos désirs, mais nous sauterons du royaume de la nécessité à celui de la liberté...

 

Nous sommes la cohorte des unidimensionnels, les aliénés du corps et de l’esprit d’un monde de marchandises matérielle et culturelles, sans relief, mais avec nos seules et nécessaires platitude et standardisation propre à l ‘adhérence. Notre désarroi se juxtapose   à l’opulence apparente, car la sagesse n’est pas dans la liste des courses ni la lumière pour notre vie dans l’achat d’une lampe. !!

 

Et vertigineuse lucidité du livre blanc sur la jeunesse, « Les jeunes français songent à se marier de bonne heure, veulent la réussite professionnelle et économisent, lui pour s’acheter une voiture, elle pour constituer son trousseau !…. ».

 

Mais au fond, « Nous ne voulons pas d’un monde où la garantie de ne pas mourir de faim, s’échange contre le risque de mourir d’ennui !! » L’espoir ne réside plus que chez les désespérés, impatients d’appréhender la vraie vie dans la fureur et les ténèbres.

 

Mai 1968 est une idéologie généreuse qui dénonce :

                . les dérives de la société de consommation

                . s’inquiétait des manipulations de la démocratie

                . stigmatisait la morgue des mandarins

                  méprisait l’égoïsme des nantis

                . remettait en cause les conformismes

                . revendiquait l’autonomie de la personne privée

                . alertait sur les effets pervers de la technique

 

 

Et il va tonner dans un ciel bleu ! La domination sociale de type bourgeoise du 19ème siècle, va porter ses nuées !!

 

Présentation du film de Guy Debord : « Sur la passage de quelques personnes à travers une assez courte unité de temps ».

Attention ceci n’est pas un documentaire, car le cinéma a pour fonction de présenter une fausse cohérence isolée, d’une communication et d’une activité absentes .

 

Les écrans peuvent être successivement blancs ou noirs comme les 2 faces d’un miroir vide, tout le noir comme les yeux fermés sur l’excès du désastre, ou tout le blanc pour exprimer l’incommunicable et l’intransmissible, car il faut détruire la mémoire de l’art.

 

Nous vivons en enfants perdus de nos aventures incomplètes et tournons dans la nuit , dévorés par le feu !Des besoins resteront sans réponse, et ce qui n’a pu être oubli é reparaît dans les rêves en éclats de passé non révolu.

 

C’est ici la peinture de la vraie vie absente, sous prétexte de la description dune activité ou d’un monument….Nous sommes dans le spectacle, et non dans la vraie vie car nous sommes inauthentiques dans le travail forcé et la contrainte qui détruisent les conditions mêmes du bonheur.

Détachez-vous  de l’Histoire pour vivre réellement votre vie privée authentique, remplacez votre passivité existentielle par la construction des moments de la vie, et votre doute par l’affirmation ludique en détournant les situations .

 

II-La domination  autoritaire ne cesse de produire des incapables civils, la femme, le jeune et l’ouvrier….

 

II-1 Le statut de la femme

 

Il est de toute première instance, que même autorisée à prendre la pilule gaullienne, de 1967 quand même !! La femme,

 

                . N’a obtenu le droit de vote qu’en 1944

                . Ne peut ouvrir un compte sans l’autorisation de son mari

                . Ne peut exercer une profession sans l’accord de son mari

                . Ne peut choisir le lieu d’installation de la famille

                . Ne peut s’affranchir de la puissance paternelle

                . N’a pas l’exercice de l’autorité parentale

                . Ne peut pas avorter

                . Ne peut pas divorcer par consentement mutuel

. Ne peut pas toucher un salaire identique à l’homme

. N’a pas accès à certaines professions

…….

 

Oh ! tableau sinistre  de la vieille aliénation féminine, éternelle mineure civile,  qui parle cependant de libération avec la logique et l’intonation de l’esclavage !!

 

 Vocation de saintes laïques qui s’affermissent d’en passer par la pauvreté, les déclassements et les diminutions de salaire, vous aurez  la lenteur objective d’une masse compacte de volonté contre la force tranquille des fortifications capitalistes et bourgeoises.

 

 

Car femmes vous n’êtes pas des de Beauvoir ou des Sagan, vous restez ce corps discret, presque muet même si le désir de parler affleure, déjà, retenu encore par une timidité , le poids de la vie domestique, la vie pas facile, la manière de concilier la vie de femme et de mère  pour se résoudre à l’action et obéir ainsi à l’impératif catégorique d’exister vraiment et de s’inscrire dans un principe de réalité et de plaisir.

 

Mouvement irréversible pour sortir de vous –même comme on naît au monde, et vous êtes sur un chemin qui a du cœur, car finalement le destin ça s’invente très bien !!

               

II-2 Les ouvriers

 

Ils protestent contre les cadences infernales d’un travail en miettes dont ils sont aliénés du produit final, ils osent demander des pauses supplémentaires, ce qui déjà avait choqué le jeune Sarkozy alors âgé de 13 ans !!

 

Mais Grand soir du Mans d’octobre 1967, occupants  de la Rhodiaceta comme en 1936, où êtes vous ? Où sont les 12000 révoltés arrachant les grilles d’airain de la préfecture du Mans  pour en dresser des barricades ? ….Où êtes-vous  ouvriers de Redon, Caen et Besançon, engloutis dans l’oubli d’une mémoire arrangée, vous qui pourtant,  détachés de vos chaînes, avez rejoint le grand cortège des piétons de mai ?

 

Il y a bien une pensée insurrectionnelle chez les travailleurs qui pensent que la crise du capitalisme est arrivée au bout, son déclin va déterminer l’hégémonie politique et intellectuelle de la classe ouvrière, sur l’ensemble de la société .

 

Ca –y-est cela semble bien être l’ultime manifestation du vieux combat des travailleurs, le dernier grand cinéma avant la mutation du monde ouvrier. Et c’est une victoire, car 1968 introduit partout l’élément de la liberté ….Mais  que d’interdits culturels à surmonter  pour usurper le savoir, et se donner les moyens de lutter à armes égales contre ceux qui  pensent que chacun doit rester à sa place !!

 

Oh ! culture et philosophie dans la rue, appel d’air, appel à entendre d’autres mots que ceux de tous les jours, et c’est cette culture au nom de laquelle nous subissons jusqu’alors les pires souffrances et humiliations,  cette culture est hiérarchisée et hiérarchise, elle nous réduit au silence nous qui  en sommes dépourvus, elle n’est que la domination des faibles.

 

Et nous faisons  peur aux néolibéraux ! Car les masses ont fait peur, tout comme la Commune de Paris a effrayé Thiers en 1871, et la démocratie n’arrive plus à contenir ces soulèvements qui alors doivent cesser….

 

Mais Monsieur, ce mouvement a été scénarisé par Engels et nos camarades de 1848, car nous sommes enfin les réceptionnaires du colis dont les insurgés du 19ème siècle ont arraché  le bon de livraison au prix de luttes terribles ….. et l’esthétique de notre soulèvement réside dans notre volonté politique incontestable, car nous appliquons la théorie de l’Histoire qui nous mord la nuque, et ne nous dissimulez pas que la  paix sociale avec nos dominants, n’est qu’une guerre à basse intensité !!

 

 Moi l’ouvrier, je refuse le travail à la chaîne dans laquelle mon abstraction est totale, moi aussi je suis un corps, moi aussi j’ai de l’intelligence et je me  révolte contre le vieux système fordiste, contre l’énorme pression qui s’exerce sur mon  corps et mon désir….non,  Monsieur le patron de droit divin, mon corps n’est pas à marchandiser, ni mon Eros à enchaîner dans votre emprise machinique !!

 

Le travail à des relents de mise à mort et de lente agonie, d’une vie dépecée en salaires, « Travaillons sans temps morts et produisons sans entraves ! ».

 

Je n’ai aucune hâte à prendre ma vacation,  le travail est déshumanisé , il me mène à la résignation, à l’abandon de ma créativité et de mon  potentiel humain. Je suis inquiet du chômage et, sans espoir  de réalisation …je me sens  livré aux médias de masse qui récupèrent toutes mes critiques et j’ en  perds mon esprit de révolte

 

Salut  commune étudiante, universitaire, toi  sous l‘enseigne de l’imagination au pouvoir, et de la véritable utopie libertaire , toi l’ avant-garde révolutionnaire , exaltée par ta réussite fabuleuse , bande tes énergies pour nous  arracher  à notre opium stalinien ou social-démocrate, et aide- nous à abattre l’Etat bourgeois et bureaucratique!!

 

Je te salue aussi Parti, de répondre à nos besoins matériels, tandis que ta mythologie révolutionnaire satisfait la  part frustrée de  mon existence travailleuse.

 Mais la sécurité et le salaire ne constituent pas encore notre part fondamentale de la vie…..au contraire, l’autogestion, la révolution sont peut être notre salut pour briser le régime disciplinaire de l’usine ? Notre  fièvre combative de jeunes travailleurs, évoque pour les anciens de 1936, leur ancien enthousiasme capitalisé en URSS, et cela nous stimule pour occuper les usine !!

 

Frères humains, nous sommes pour lors déshumanisés et chosifiés, nous ne comptons que comme variable d’ajustement et variation saisonnière !

 

Que reste-t-il de notre étincelle humaine, de notre créativité possible , nous, êtres tirés du sommeil à 03h00 ou 6h00 chaque matin, cahotés par les trains de banlieue, assourdis par le fracas des machines, lessivés, bués, cavés, par les cadences, les gestes privés de sens, le contrôle statistique, et rejetés vers la fin du jour dans le hall de gare, cathédrale de départ pour l’enfer des semaines et l’infime Paradis des week- end, où la foule communie dans la fatigue et l’abrutissement ? Le travail dégrade la vie quotidienne jusqu’à la honte d’être soi, à l’épuisement de la parole dans la routine des jours .

 

Présentation du film « Sochaux le 11 juin 1968 »

 

Filmer les ouvriers, leur donner la parole à eux qui ne l’ont jamais,  faire découvrir leur richesse mais aussi la dureté l’injustice et la détresse !! Un cinéma lié concrètement à la condition ouvrière et tourné par eux, car la meilleure marche de l’empereur serait celle tournée par les manchots eux-mêmes !. Ah image tremblante et émue des ouvriers rendue  à merveille, car la pellicule est sensible, même si le cameraman prend le parti pris de filmer les travailleurs et les syndicats de manière  romantique.

 

 Chaque matin à 03h00 la ronde des cars mènent les ouvriers au lieu de la mutilation de leur existence, là où l’usine attaque les corps…Ce qui est présumé socialement supportable est humainement inadmissible …..Puis c’est le crime d’état, les CRS tuent, deux morts et 150 blessés et estropiés….Deux logiques criminelles, celle qui engouffre les corps dans l‘usine et celle qui engloutit les morts dans l’Histoire…..

 

1968  a été une insurrection violente contrairement au mythe officiel !!Il faut détourner et retourner contre elles-mêmes les mises en scène patronales dans la transformation de la tragédie de l’exploitation en comédie du travail !! Donner enfin un contenu au terme « chaîne », monstre devenu mythique, la monstruosité de l’entreprise se creuse dans les voix blanches, inarticulées et cassées  des dominés qui la décrivent !!

 

Décrire, décrire la condition ouvrière dont la réalité contredit les grands mythes contemporains concernant la société de consommation, l’abondance  et la disparition des barrières de classe…Ah l’intégration apparente à l’américaine dans la société du bien-être ,il faut au contraire contester cette société et les biens de compensation qu’elle offre, l’auto, la machine à laver et les porte-clefs, « Nous sommes tous des copocléphiles !! »…..

 

Non ! d’abord la dignité ouvrière, le sens de la vie et du travail !!…la classe ouvrière est quand même dotée d’une mission eschatologique !! Ils savent donner corps à ce qui est encore à inventer en lançant les voitures kamikaze contre les murs de l’industrie, mus par une grammaire de transgression systématique,  tressée de pensées rouges et fraternelles.

 

II-3 Le jeune

 

Epoque conformiste, amidonnée, pudibonde, barbante, on se fait renvoyer d’un lycée pour des cheveux trop longs dans le cou ! L’ordre moral règle les vies privées, le ministre de l’information contrôle les programmes…Indignons- nous de tant d’interdictions quotidiennes car nous n’avons pas de théories mais des colère, ,nous n’avons pas de modèles mais des envies que nous allons  écrire sur les murs !

 

Nous appartenons civilement à nos parents, et nous masse de 3000 étudiants d’une cité U, on veut nous faire vivre comme un pensionnat, on nous applique les interdits de défense de la classe bourgeoise alors il faut dépaternaliser et dire non aux vieux pour mieux leur dire oui plus tard !

 

 

Monsieur, ce n’est plus un chahut, c’est une manif,  une révolte contre l’autorité paternaliste qui nous commande, qui nous interdit ou nous  accorde comme à la caserne ;;;;mais un nouveau pouvoir monte des clameurs de la rue….

 

Nous serions des  lycéens qui ignorent la Raison et qui doivent donc obéir à d’autres types de règles que la règle démocratique ! Exigeons le changement, l’émancipation individuelle et la participation à la vie sociale et politique, avant qu’on nous livre à l’économisme et au productivisme !

 

 

 Nous sommes la dérision, « Eh salut fils à papa de la sécurité sociale !, Eh salut déchet de la société de consommation !, Eh salut moi c’est orphelin du monde, Eh salut raté de l’idéal !», c’est nous la jeunesse au bois dormant qui se réveille et ressuscite les vieux vocabulaires de 36 et 45 de leurs cendres, et  notre ennui visera un ennemi commun….Oh !  anarchie et pur nihilisme qui vont casser la baraque !

 

D‘instinct nous refusons  une vie qui n’est qu’une guerre pour exister, non contre les malheurs que provoque la société, mais contre ses bénéfices de société opulente, nous voulons ce choc de génération contre la vieille génération qui s’embourgeoise, et ce serons bien nous les rebelles. Considérez notre grand agacement qui se mue peu à peu en impatience laquelle n’attend qu’une étincelle, c’est écrit par Marx,  Marcuse et Reich ,Oh ! trinité des philosophes du soupçon, « Nous sommes tous des philosophes allemands ! ».

 

Nous nous arrangerons avec la morale bourgeoise et  catholique, et nos liens humains se règleront sur  le progrès des choses, et attention à nos petits arrangements avec l’idée que nous nous faisons de notre biologie !!

 

Le pouvoir bourgeois craint la circulation des sexes dans les cité U casernes, comme une méfiance vis-à-vis des lois de la nature… « Nous sommes tous des étudiants reichiens !!» et voulons désirer par amour réciproque l’abandon sexuel sans tenir compte des lois établies, et préceptes moraux comme au cinéma et dans la publicité .Qu’on ne nous fasse pas défense de s’éclater dans une société qui éclate !!

 

La révolution passe par l’émancipation des corps, plus je fais l’amour et plus je fais la révolution, si je résiste aux plaisirs je compromets le destin de l’Humanité dans son émancipation définitive !! Le sexe est le bon sujet de l’Histoire et dans le feu de l’étreinte nous sommes les messagers du chaos ! Véritable conception notariale du désir !

 

Nous ne voulons plus du cours magistral  où on ne sollicite pas de retour, chaque   parole et pouvoir qui s’exercent,  entraînent une soif de dialogue, dialogue à la fois sur l’enseignement, la vie étudiante, et la société dans son ensemble.

 

La blouse est obligatoire dans les internats, on est majeur à 21 ans, passibles de deux heures de colle pour avoir traversé la pelouse, la perturbation d’un cours valant exclusion temporaire, et la tenue incorrecte sanctionnée, et on ségrègue entre les « félicités », les « encouragés », et les blâmés qui sont invités à choisir une autre voie, l’interdiction des cheveux longs, interdiction de fumer !!

Sous l’aspect ludique de notre action, nous avançons couverts d’un habillage théorique révolutionnaire, attention nous sommes  portés par la conjoncture, objets d’une force immanente et objective, alors il devient risqué de nous punir comme de vulgaires transgresseurs et chahuteurs puérils d’un ordre immuable.

 

 Mais las, nous pressentons que notre  vie toute entière sera débordée par les exigences de la société industrielle et pour le seul intérêt des affaires, militaires et politiciens, la société  est capable d’absorber notre  opposition et présente l’irrationnel comme étant rationnel

 

Ah ! cette société qui a besoin de  tant de kilos d’intelligence scientifique, de tant de tonnes de sens commercial, de tant de milligrammes d’intuition poétique, c’est l’offre et la demande, la marchandisation de l’âme.

 

Cet institué n’est qu’une écorce vide, meurtrière, opprimante et désespérante….le triomphe des choses nous vampirise et nous réifie !

 

Et nous en  avalons des cours de l’enseignement mécanique pour devenir des étudiants incultes et incapables de penser par nous-même, produit fabriqué massivement, en série…Oh ! religion révélée où  nous communions  dans l’illusion mystique d’être devenu par miracle un étudiant,  dans l’espoir qu’on nous confiera un jour les vérités dernières, véritable opium, une marchandise culturelle à consommer

 

Enfin nous déboulons en avalanche dans l’université qui  nous asservit aux besoins immédiats de l‘industrie, par des régents rhétorique et des préfets de discipline…. L’enseignement doit-il être un apprentissage immédiatement efficace ou doit-il être une culture ouverte à tous et désintéressée ? Ah mais non, il faut fabriquer à la chaîne des travailleurs intellectuels dont a besoin la société bureaucratique du capitalisme moderne, pour administre la machinerie tentaculaire de l’Etat.

 

Nous pressentons que nous sommes majoritairement voués au cycle d’études court des IUT masse qu’on veut éliminer de l’université malthusienne,  et alors nous est  offerte l’angoisse de finir comme nos parents, petits chefs à la Poste ou aux impôts en nourrice de l’Etat Providence, dans une absence d’espoir et une morne résignation posée comme un couvercle sur notre jeunesse !!

A moins que nous ayons la peau des bureaucrates pour mieux nous en revêtir !!

 

Les temples de l’intelligence allaient nous servir de guide pour décrypter les événements, et nous éclairer sur la conduite à tenir, de la Sorbonne traditionnelle à Nanterre-  l’annexe en passant par Strasbourg la réflexive.

 

III-1 La Sorbonne

 

Ce haut lieu doit accoucher d’un système de pensée qui élimine de son champ conceptuel tout compromis avec la société bourgeoise, et qui pose les jalons sur la voie d’une contestation radicale de l’ordre ou du désordre établi. A défaut d’invention on nous propose le  modèle tropical castriste, mais surtout chinois, levain d’une nouvelle philosophie de l’action ; « l’arme de notre salut se forge dans le Sin-Kiang !!!

 

Mais les épigones deviennent vite sectaires, utopistes et casse-coup si les sentiers pour rejoindre ces valeurs ne sont pas bien balisés; l’action politique risque de verser dans une nouvelle forme de totalitarisme, de pensée et d’action qui n’aura rien à envier au fascisme.

 

 

Et nous allons vivre  une période en « isme » entre pessimisme viscéral et désespoir méthodique, dans une schizophrénie balançant entre « il faut réussir mes études », et de l’autre « seuls les salauds réussissent leurs études »….mais ces « ismes » ne sont-ils pas qu’une impasse et non un isthme ?

 

« Frères humains, n’ayez les cœurs contre nous endurcis », car nous sommes peut-être victimes à notre insu, d’un antihumanisme sorti tout droit du structuralisme pour promouvoir la mort de l’homme et la mort du sujet !! Notre spontanéisme d’ insurgés  serait donc sujet à réserves ? Et notre objectif qu’en est-il, où les rapports d’autorité sociale seraient subvertis, et où nous serions en rupture d’allégeance, dans une crise du consentement à l’autorité ?

 

 

Mais au lieu de la fête libertaire, c’est la mythologie révolutionnaire qui reprend le dessus dans l’antre de la rage, voici le retour de l’autoritarisme doctrinaire, c’est la Sorbonne doctrinaire avec ses casseurs glacés, idéaliste dialecticiens, et tacticiens adeptes de Clausewitz, chefs au sérieux ascétique et exaltés, des Peter Pans virant aux Savonaroles  pour le spectacle, et cela vaut bien le paternalisme  autoritaire d’avant et dénoncé !! Ici on spontane, mais dans un ordre suprême avec Mao à sa tête !

 

Le programme d’action révolutionnaire est avancé et cadencé, d’abord attaquer la structure étatique la plus faible, à savoir l’université, puis l’armée avec ses soldats du contingent, et enfin se faire entendre des ouvriers des usines qui alors suivront « les ouvriers prendront de nos mains fragiles d’étudiants, le drapeau rouge de la lutte contre le régime antipopulaire  » . comme au siècle des lumières !!

 

 

Mais nous ne  produisons  que de la contraint disciplinaire, au nom d’un espoir d’une autre société, nous défendons les méthodes les plus totalitaires, comme de naïfs Saint-Just !! Car, militants, nous portons le ressentiment de l’ouvrier, plus la mauvaise conscience de l’intellectuel, et la violence sera toujours l’accouchement d’une société en gésine !!

 

III-2 Nanterre

 

Nanterre la libertaire joyeuse et féconde veut fusionner les genres, face à La Sorbonne dogmatique révolutionnaire mais stérile. Le courant libertaire au sein du marxisme sourd comme le retour du refoulé, vieille taupe anti autoritaire

 

La parole  se libère dans la société, moment d’effervescence où elle se met en scène, s’affranchit des contraintes et crée une nouvelle société  où l’utopie, les rêves les plus fous, le désir, auront leur place….la parole s’exprime sous forme de slogans poétiques , surréaliste et d’humour décapant…la lecture critique du monde qui nous entoure montre qu’on est  pas caporalisé idéologiquement….Nous aspirons plus au dérèglement des sens, qu’aux commissaires politiques !

 

Les murs ne sont pas tombés en ruines sous le fardeau insupportable de tant d’écrits, de tant de graffitis de la canaille, ils étaient nos éphémères ainsi que les mouches de mai, comme de piquantes mises en abyme…les murs blancs sont les murs d’un peuple muet !

 

Ah ! nos barricades sont  de l’ordre du désir de barbare, sans oublier de  prêter une interprétation libidinale à l’acte révolutionnaire. Mais pouvons-nous nous évader par cette porte libidinale sans se coucher à terme sur un divan de Lacan, chantre d’un nouveau code de substitution, d’une rationalisation de notre névrose, détecteur de nos inconscients qui tirent à droite comme pour s’aligner sur la culture de l’oppresseur ? « Nous sommes tous des structuralistes subtils »

 

Et nous sommes pourtant porteurs de contradictions meurtrières, qui mèneront le capitalisme à sa tombe !

 

C’est  facile de prendre le pouvoir sans le vouloir vraiment, dans un  climat d’érotisme ambiant, il faut érotiser le débat pour sortir du comique et de l’absurde du quotidien, et on se met à parler de révolution avec ardeur, même si cela paraît ridicule voire dangereux et grotesque !

 

Alors jouir sans entraves en contresens de l’injonction lacanienne de ne rien céder à son désir…. selon Wilhelm Reich nos névroses et notre mal être proviennent de l’inhibition de la sexualité dans nos sociétés chrétiennes….pourfendons donc toute morale de frustration qu’elle soit nationaliste, socialiste ou religieuse, un carnaval romain cousu dans le salace et dans le flicage voyeur bourgeois !

 

Allons, mettons à la voile  dans la nef des fous de la mouvance free sex, il faut réaliser la multiplicité de nos désirs pour que notre réalité quotidienne ne soit pas cette lente agonie que la civilisation de la bombe, du plastique et du Coca-cola nous impose comme un modèle d’existence… refusons  nos vies inauthentiques … dénonçons la domination sociale, l’exploitation du travail de fabrique et la violence politique pour promouvoir un  hédonisme actif ! « Nous sommes tous des jouisseurs, chacun selon ses capacités ! ».

 

Accrochons à nos visages le sourire de défi ,l’ anarchisme joyeux, symbole de l’esprit de contestation, avec notre faconde, ,notre  ironie et notre joie symboles de la libération de la parole, dans les facultés, aux portes des usines et dans la rue…Enfin prendre le pouvoir sur sa vie dans un désir d’émancipation et de liberté., et avec des mots d’ordre surréalistes et poétiques, une révolte existentielle qui ne  peut pas intégrer un discours politique !!

 

La vie que nous avons pris à bail sera si peu que ce soit suffoquée de joie, belle, un instant au-delà de tout !!

 

Revendiquons-nous de nos maîtres Il nous faut remonter aux surréalistes des années 1920, pour qui la seule arme contre la démence collective de la guerre des tranchées est la dérision dans l’art ; Détruire les tiroirs de l’organisation sociale, son langage et son autorité pour reconstruire, que vivent la subversion, la dissolution et le détournement !!.

 

La révolution est une forme supérieure de la critique, une négation de la complaisance, et il faut avoir sur la table le beau revolver à cheveux blancs d’André pour commettre l’acte surréaliste par excellence, tirer sur la foule au hasard, et tirer 100.000 fois avec cette arme surréelle…détruire dit-elle pour donner le visage de la désagrégation, le revolver doit être automatique et répondre à une caresse comme automatique est aussi l’écriture. L’assassinat est , sur la planète situ, le plus prisé des beau arts. !!

 

Nous sommes bien la comète brasillante du surréalisme des années 1920 !!. Et donnons une force subversive au canular révolutionnaire par nos truculences , ….nous avons  compris que l’acte politique est spectacle, et il nous  faut détruire une société essentiellement inhumaine qui repose  sur l’économie politique et qui secrète partout le travail forcé, l’artifice , le mensonge, la contrainte, en détruisant les conditions du bonheur naturel, lequel ne peut être que dans la liberté et la fête.

 

Détachons-nous de l’Histoire, et vivons notre vie privée dans l’immédiateté de notre rapport au monde, avec nos  sentiments intimes, nos amours, nos plaisirs, nos loisirs et nos instants créateurs. Rien n’est plus important pour nous, or cette vie quotidienne, la civilisation technique en fait un enfer !!.

 

Nous sommes le pouvoir sociologue mais non le chien de garde de la société, nous n’irons pas à Aden-Arabie, car la sociologie est un sport de combat, ici !

 

III-3 Strasbourg la situationniste puis la réflexive

 

Le 26 octobre 1966, c’est l’heure du supplice, Abraham Moles le professeur de psychologie sociale, distingué idéologue de la communication industrielle, assomme son auditoire avec sa théorie  du langage des objets.

 

Alors Monsieur le chantre de la société de consommation, recevez ces tomates jusqu’au haut de votre chaire, et appréciez en la vertu sémiologique !! Vous êtes ainsi la première victime d’un mouvement plus culturel que social, vous l’idéologue honni de la société de consommation.

 

Un vent surréaliste souffle sur Strasbourg, les « situ » vont véroler les institutions…..détournons, détournons, l’AFGES est une proie facile à prendre démocratiquement, et le programme est simple « Par la voie des urnes et  avec le seul programme de tout raser au passage, détournons avec nos idées fumantes les fonctions officielles de l’AFGES ».

 

Il faut dissoudre immédiatement, détourner l’objet social et dilapider les biens, détruire pour mieux reconstruire !! Messieurs les juges, nous ne sommes coupables que d’assister à la décomposition et à l’effondrement spontané d’une institution qui va rejoindre le terrain vague désormais offert aux valeurs nouvelles !!

 

Et nous passerons de l’idéologie du désir à l’apologie du pouvoir sur fumier de décadence, dans une économie libidinale, et accueillerons avec innocence la violence brute et décodée…nous plaquerons sur nos idées les têtes de mort qui leur ressemblent !

 

A Strasbourg on peut désormais reconstruire sur les ruines du spectacle, le noyautage ludique peut commencer, alors venez à nous spécialistes du surréalisme politique, papes de l’Internationale Situationniste de Paris, venez plumitifs orfèvres et polémistes de grand style avec votre virulence et votre sens aigu de la dérision !

 

Ca y-est, notre religion a son livre, petite plaquette verte dotée d’un titre d’une longueur médiévale,  une charge sans retenue, autopsie saignante du malaise universitaire et ses étudiants, les êtres les plus méprisés , qui offrent en échange d’un rôle futur dans le giron du système, une passivité générale !!

 

Nous avons notre Manifeste, « De la misère en milieu étudiant considérée sous ses aspects économique, politique, psychologique et notamment intellectuel et quelques moyens pour y remédier », un pamphlet, un appel à prendre conscience que l’acte politique est spectacle, et l’affirmation ludique doit remplacer le doute !!

 

Debout étudiants passifs d’une minorité prolongée, irresponsables et dociles,  vous  méritez le mépris car vous tolérez la condition qui vous est faite en la mythifiant, mais votre  devenir sera celui d’un petit cadre ! Vous vivez un présent irréel dans un état de domination et compensez en vous muant en boulimique consommateur de « marchandise culturelle ».

 

Les lendemains ne chanteront pas et baigneront dans la médiocrité, vos chants seront ceux des galériens ! ,Exiger le pouvoir de créer des situations dignes de votre  désir !!

 

Pour lors, silence, on sanctuarise la franchise universitaire et on autonomise, nous sommes institués en Conseil étudiant élu à la démocratie directe et dans un cadre d’abolition des partis et des mouvements politiques, l’autonomie de l’Université, autogestion et indépendance, sauf pour le financement revenant à l’Etat !.

 

Nous supplantons le Conseil d’université classique auquel on demande, « Le conseil étudiant vous a-t-il autorisé à siéger ? » L’université devient autonome par rapport au pouvoir actuel seul et unique responsable de la répression policière à Paris… Le doyen clochard « Célestin » processionne avec le drapeau rouge en main, comme une pantomime ridiculisant l’archaïque autoritarisme.

 

Fi de l’efficience !, l’ensemble de l’université se mue en vaste parlement permanent et passionné, le délire novateur tient lieu d’anthologie et le vertige tient lieu de pensée, le déraisonnable devient raisonnable et le romanesque touche au grandiose !!

 

 

On s’émeut dans le sérail qu’une bande de nihilistes qui ne sont que les délégués d’eux-mêmes, sabotent la réforme nécessaire de l‘université. Mais la bouffée délirante cesse.

 

Des commissions étudiants-enseignants planchent sur des propositions pour une université critique qui se heurtent à la fois aux conservateurs et aux jusqu’au-boutistes….les conservateurs prétendent être la référence suprême et traitent les étudiants de voyous

 

Le drapeau rouge flotte sur le Palais universitaire, mais dépourvu de faucille et marteau, il n’est que le signe de la contestation, les conservateurs se muent en sections d’assaut pour casser de l’étudiant. Il faut que la rue n’appartienne plus aux contestataires mais désormais aux tenants de la légitimité démocratique, donc aux partisans du président en exercice.

Mais qui sont les meneurs du jeu, où est l’avant-garde de ce mouvement ?

 

IV La révolution sans visage, sans meneurs ni penseurs

 

Une sourde fermentation de groupuscules est descendue dans la rue, et enfin installée en maître dans le bercail universitaire…la communauté étudiante spontanée  se révolte contre l’université féodale, les lycées casernes et l’usine-pénitencier…solidarité juvénile qui fraternise avec les ouvriers.

 

Certes le capitalisme devient envahissant mais ce n’est pas une crise sociale, alors la crise éclate à Nanterre, et n’est pas pensée par les subtilités idéologiques de groupuscules de la Sorbonne traditionnelle. Le mouvement s’intéresse aux sujets écrasés par le capitalisme et le stalinisme.

 

Il nous faut lutter contre la violence répressive qui n’a pas de visage, les affreux sont tous interchangeables dans l’anonymat de l’appareil répressif !

 

La subversion a fait son chemin, servie par les mêmes hommes, agissant avec le même cynisme, s’imposant avec la même arrogance….Mais qui sont ces mêmes hommes ?  Nos archétypes incarnés ou un inconscient collectif invisible et actif , un événement sphinx , une vague de fond au surgissement éphémère?

 

Mais oui ils sont là, à l’œuvre depuis le siècle des lumières du 18 ème, ils fomentent sans désemparer , de la Révolution française à  la Commune de Paris, et à Mai 1968….ça vibrionne et ça fonctionne !!, Ce sont toujours les mêmes sous un masque différent…c’est une légion microbienne, une subjectivité collective vécue sans savoir la formuler il faut en avoir peur, elle ronge, vermine et vérole la société, et de ce foyer infectieux peut survenir des revendications inconsidérées, « Soyez réalistes, demandez l’impossible !! ».

 

Mais qui organise cela ? Personne camarade! On est tous là  dans la rue, franchisés par l’invisible, les jeunes, les 10 millions de piétons de mai dans un rapport à la mort possible, les inorganisés, les fatigués du gaullisme et du stalinisme , c’est une rupture où se joue le destin d’une génération passionnée fraternelle et messianique, mouvement vaste et spontané ce n’est pas une foule mais un corps vivant, et massif, sans hiérarchie, débordant, impossible à canaliser.

 

Nous sommes dictés, et on noircit des follicules, l’explication marxiste s’est vue vexée, car une étincelle venue d’en haut de nulle part a mis le feu en bas !! Et cette origine est assez impure, pensez donc !! Une histoire de sexualité entre étudiants. Oui mai 1968 est bien ce feu intérieur poétique qui brûle où il veut et quand il veut !! Ne tentez pas en vain de vouloir le réduire ou le prédire !!

 

Un principe d’individuation s’est brusquement mis en acte !! ….Soudain les politiques et les syndicats ont perdu la main sur les pions sociaux qui ne marchent plus au pas, et qui en viendraient même à ne plus vouloir travailler !! Nous ne voulons plus  attendre demain pour chanter, nous ne reconnaissons plus nos chefs ni leurs habitudes !!

 

Oui nous n’acceptons plus de mourir, nous nous  mettons en état d’interruption et d’improvisation, et tout converge vers une autre conception du temps……non définitivement,  il n’y a jamais eu de pensée 1968, juste un appel intime pour un mouvement spontané, un décloisonnement auquel chacun a été tenu de répondre en termes personnels, rien de mystique, juste un peu d’air, de l’air !! Fini le structuralisme, l’Histoire revient avec son sens et ses sujets !!

 

Dix millions de piétons interloqués par une transcendance bénie, arrêtent le mouvement d’une vie besogneuse et stérile,  se retrouvent et se rencontrent dans la rue pour un jaillissement de la parole.

 

V- La communauté retrouvée et inavouable

 

Oh 1968, une amitié de bande et  esthétique de la rébellion, on a décrété le soulèvement de la vie et cassé ce qui dans le système ne répond pas aux demandes de la vie….Une transcendance éruptive autre que l’autorité indiscutable et verticale, descend sur nous et libérant notre volonté particulière, contre la domination sociale. Oui,  tenter de construire une sorte de conscience communautaire.

 

C’est l’aspect poétique de cette prétendue révolution,!…effervescence des corps, incroyable sensation de liberté, de communion vécue dans la chaleur intestine du groupe…..un nouvel esprit de tolérance est né.

 

Utopie, rêve, révolution ? Oui mais d’abord irréductible à toute idéologie, l’affirmation de cette simple « possibilité d’être ensemble qui rend à tous les droits, l’égalité dans la fraternité et la liberté de parole qui soulève chacun »…

 

Ah ! l’être ensemble de mai 1968, fort et faible d’une effervescence sans calcul et sans utilité, insolent et insolite à force d’innocence…moment fondateur, moment d’émergence du désir avant que celui- ci ne retombe dans les mots d’ordre…écrire sur les murs pour transmettre non un savoir, mais un sens de la rencontre, une eucharisties dans la rue  …!!

 

Un idéal communautaire où toute la société n’a plus besoin de médiation, et peut entrer dans la pure violence,.

 

Le mur du temps s’est ouvert pour laisser entrer dans sa suspension, l’Histoire et les vies, Ah il ne faut pas rater cette suspension du temps de mai 1968, cette fusion de l’histoire et des existences individuelles.

 Notre  parenthèse affective et historique…Ca arrive et ça fonctionne, sans injonction, la soudaineté d’une rencontre heureuse, une communication explosive où l’on s’ouvre au premier venu comme avec un être déjà aimé précisément parce qu’il est le familier-inconnu., présence innocente et suprêmement insolite

 

En dehors de toute utilité, une possibilité d’être-ensemble s’offre à tous, et la parole libre retrouve son statut dans la rue et se grave en dur sur les murs, le dire prime le dit dans une effervescence presque pure 

 

La maquette de la société du futur, et puis la générosité des petites gens se rassemblant en petites fêtes… l’amour fou de la vie et les fureurs contre la connification des masse média. Et toujours une petite flamme têtue, irréductible, narquoise, absolue, un petit feu fraternel et revendicateur.

 

Et cette ouverture au beau, à la culture du beau, ce monde qu’on a bien du mal à identifier et que l’on croit inaccessible car réservé à la bourgeoisie , une manière d’améliorer la place de l‘individu  face au monde complètement déshumanisé, et le profit crève de honte de voir  des  étudiants et des  ouvriers joyeux !!

 

On a attendu et envoyé tant de courriers désespérés dont on attend jamais de réponse, car nous n’avons pas de passeurs culturels, de passeur d’intelligence, mais nous en  sommes sûrs maintenant, jamais cette lettre que nous envoyons aujourd’hui n’atteindra son destinataire avec autant d’adresse !! Nous avons entendu vos voix sans visage !

 

Attention les héritiers sont là, dépeceurs et négationnistes, mais mai 1968 n’est pas à vendre ou à transmettre par une quelconque dévolution !

 

VI- Commémoration et récupération

 

Sans vergogne on impute à ce mai 1968 tous les dégâts de la permissivité, et l’anxiété de l’individu désormais privé de croyances  et de repères.

 

La transformation de mai 1968 par les intellectuels qui le rejettent est révélatrice du tournant conservateur prétendent qu’il fût la redécouverte du libéralisme des années 1980 !! Une liberté sans entrave, et une interdiction d’interdire, aura fait sauter les derniers verrous qui freinaient encore en France l’expansion du marché. Voilà, Sarkozy achève le triomphe de son télépopulisme, et de l’intégration de la politique au spectacle ;;;liquidons, liquidons mai 1968 !!

 

 

On peut oublier mai 1968, la défaite, mais pas ce qui nous a métamorphosé…même si, nous babyboomers, héritiers de l’illusion lyrique de mai 1968 ! !nous préparons à truster les postes de pouvoir économiques et médiatiques !! Et la libération des moeurs elle se réduirait à l’adaptation hédoniste « libérale, libertaire » à une société de plus en plus vouée au marché,

 

Le spectacle de mai 1968 se fatigue et même s’ennuie pendant ces commémorations, la commémoration est un rituel obsédant, comme pour inventer un ersatz de communion à la France qui court après son ombre, une sorte de recension frénétique et angoissée…, on mobilise leur force symbolique supposée pour mieux agir sur les mentalités !!

 

Alors que mai 1968 n’est qu’une dérision de l’histoire mythologique, une révolution en creux, Mais historiquement, jamais les barricades n’auront de finalité subversive, et il y a bien un décentrage par rapport aux questions du pouvoir..

 

Chacun tente d’inscrire mai 1968 dans son passé et de le récupérer, après que chacun ait repris sa place, même après une errance installée, chacun avait dû dire sa colère à ses parents pour pouvoir leur succéder…

 

Attention Messieurs les récupérateurs, mai 1968 n’est d’aucun parti, il a son innocence irrecevable ; Mai reste une contradiction vivante, on  ne peut  non plus instrumentaliser ses figures car elles sont contradictoires aussi, irrécupérables, comme le mouvement de 1968 lui-même !!

les insectes nécrophages ont bouffé le cadavre, et ce qui reste c’est l’impondérable, le non idéologisé, le non rationalisé !

 

Mai 1968 n’est pas à vendre, ce n’est pas un domestique et quand il voudra demain il criera encore !…. Cessez la fétichisation de mai 1968 avec cette manie bien française d’instrumentaliser un événement passé pour régler ses comptes avec le présent !! 

Ce fût un météore vécu si poétiquement, si mythologiquement et si réellement, que toutes les forces imaginaires ont été consommées, il n’y a plus ni fumée ni cendre

 

Une tentative de récupération, mais Mai 1968 est un héritage empoisonné

 

Le monde d’aujourd’hui est contraire à toutes les utopies de 68, elles ont légué un monde injuste et marchand, technologique et violent, international et arrogant.

 

Cours camarade, le vieux monde est derrière toi ! Mais le rêve d’un monde différent a engendré une profonde destructuration, l’individu moderne est esseulé et matérialiste dans une génération de déracinés.

 

Comment mai 1968, une idéologie généreuse qui voulait dénoncer, 

                . les dérives de la société de consommation

                . s’inquiétait des manipulations de la démocratie

                . stigmatisait la morgue des mandarins

                  méprisait l’égoïsme des nantis

                . remettait en cause les conformismes

                . revendiquait l’autonomie de la personne privée

                . alertait sur les effets pervers de la technique

comment est-elle arrivée à une telle contre-performance, car le pire des pièges est celui qui consisterait à revenir en arrière en vertu du phénomène de balancier ?.

 

Il est interdit d’interdire

 

Mai 1968 se voulait contestataire, rejetant toute forme d’autorité et de contrainte, mais l’interdit invite l’individu à renoncer à ses représentations primaires  pour les transformer en conduites viables dans la réalité.

 

Mai 1968, une révolution de l’immédiat, dans une démarche de la satisfaction immédiate du désir individuel.

 

Jouissez sans entraves

 

Aujourd’hui, chacun est stimulé à agir selon les premières idées qui lui viennent à l’esprit, sans médiation, dans l’agir et dans l’impulsivité, sans se livrer à un travail de réflexion, en rejetant toutes les médiations qui interposent un obstacle entre le sujet et l’objet de son désir. L’absence de médiation, rend prompt l’individu à se déprimer et s’écrouler par manque de ressources intérieures qu’il aurait pu enrichir grâce à l’apport moral de cette culture.

 

Ni Dieu ni maître

 

Mai est contre les diplômes et les contraintes notamment de l’enseignement. On affirme par là son refus d’apprendre, d’imiter, de s’inspirer des modèles. La tradition qui signifie transmission, devient réactionnaire….en cassant les modèles, on a cassé les legs, on a refusé la transmission, on a fait sombrer la culture…le refus de la transmission est le refus de l’humanisation.

 

Prenez vos désirs pour la réalité

 

Mai 1968, tisse un lien symbolique entre violence totalitaire et libération morale, en légitimant la violence comme mode de rénovation.

Nouvelle hiérarchie entre le droit et la loi, où l’explosion des droits légitimes l’effacement de la loi et proclame le relativisme absolu de toutes les valeurs. La négligence du sens de l’interdit et à la réflexion morale, ont pu contribuer à la montée de la violence au sein des écoles. Le manque d’éducation morale entraîne le recours à la loi judiciaire, et dès lors il y a risque de confondre le légal avec la morale,. En déclarant la morale en faillite, mai 1968 a finalement engendré des barbares sans loi.

 

En mai fais ce qu’il te plait

Mai 1968 aurait permis à toutes les libertés d’éclore, mais l’idéologie de l’époque est le libertarisme révolutionnaire, « les individus font le peuple, mais un peuple immédiatement souverain récusant les médiations et des institutions. Mais ce libertarisme n’est-il pas devenu le libéralisme dominant, et le matérialisme aurait vaincu le politique.

 

Mai 1968 a annoncé la disparition de toutes les valeurs, et les acteurs n’ont plus reconnu que celles de l’argent. Mai 1968 a été la révolution des futurs consommateurs , des consommateurs addictifs qui consommeront sans entraves après avoir cassé les valeurs spirituelles morales et culturelles.

 

 Mai 1968 a été ce moment de destruction, mais pour emmener la première grande libération de la société de consommation de masse.

 

Mais le consommateur n’est pas synonyme de citoyen, et la société ne parvient plus à engendrer des militants  dévoués, désintéressés et actifs au service du bien commun.

 

Du passé faisons table rase

 

Mai 1968 a eu une ambition politique folle, mener à son terme l’espérance révolutionnaire, avec le besoin de faire table rase, de rompre avec l’ordre établi avec la passé, avec le désir de tout reprendre à partir de zéro.

 

Nous sommes dans l’ère du modernisme, un monde moderne inconditionnellement supérieur à tous les mondes anciens devenus synonymes de préjugés parce que le monde moderne incarne l’émancipation humaine ; Cependant on a confondu le droit d’inventaire historique d’un regard intelligent sur l’histoire, et retenu seulement le rejet avec mépris des héritages culturels.

 

On a fait table rase du passé car le présent était l’utopie enfin advenue…..et comme le présent est parfait, le triomphe de la pensée 1968 s’accompagna d’un total effacement de l’avenir.

 

Demandez l’impossible

 

Mai 1968 fût un élan généreux mais par un excès d’imagination, car il s’agissait d’une utopie pure, un irréalisme qui a voulu éviter les réalités objectives et a mythologisé la société.

 

Utopie de vouloir construire un monde radicalement nouveau, de l’autogestion et de la puissance créatrice de la base, une société organique sans la contrainte des codes hiérarchiques, d’une spontanéité sans désordre, et d’une foi sans église.

 

L’imagination au pouvoir

 

La révolte de 1968 a échoué, c’est la fin d’une stratégie politique violente, et la société d’aujourd’hui est inégale sans âme et sans idéal, qui s’interdit de rêver d’un monde meilleur et de contempler les idéaux des sociétés classiques, de se donner des défis d’humanisation.

 

Il faut s’attendre à d’autres types de crise plus désespérées et désespérantes, car l’idéal est mort avec le seul horizon de la vie humaine et sa consommation.

 

La déprime a gagné toute une génération de jeunes témoignant d’un pessimisme incroyable quant à son avenir et sa possibilité d’être acteur de sa vie ….de plus cette jeunesse survalorise l’obéissance au détriment de la liberté, le conformisme  à l’originalité, et nage en pleine défiance, dominée par la peur de l’autre et de demain…

 

Une révolte de l’imagination qui se termine en conformisme frileux !!  Mai 1968 serait-il à l’origine de la pensée unique actuelle ? On aurait de la peine à penser que l’on peut avoir l’esprit libre et penser autrement, l’imagination a sombré sous le pouvoir de la propagande !!

 

Mai 1968, une révolution de cancres

 

Mai 1968 a généré le naufrage de la pensée dans la tyrannie de l’opinion, les vendeurs recherchent la part disponible dans l’esprit du consommateur.

 

L’individu déboussolé et déraciné, sans repères, n’a plus les moyens de s’affranchir de la pensée dominante ; il faut retrouver une philosophie à vivre qui développe l’apprentissage de la vie pensée par soi-même, la remise en cause comme outil de progression, le sens des valeurs comme moteur de la conduite individuelle, la puissance des idéaux qui permettent de transcender la bestialité et la barbarie.

 

Les saturnales ont pris fin, le jour se lève sur un lendemain de fête dans l’amertume d’un espoir avorté.

 

VII- Après 1968

 

Nous avons été nourri au lait devenu aigre de mai 1968, car après, de la domination nous avons été renvoyés au néant qui fabrique tous les doutes, c’était plus de liberté et aussi moins de certitudes.

 

Nous avons joué avec la violence symbolique, et expérimenté la passion dans l’ordre du politique ; nous avons cru en la dimension millénariste du prolétariat, véritable messie rédempteur collectif par qui et avec l’aide de l’Etat, l’Homme serait transformé en faisant évoluer par les marges le centre mou de la société. Sans le savoir nous  baignions dans le froid carnaval crépusculaire de la fin des idéologies.

 

 

Nous ne voyions pas arriver le grand soir généré par le déterminisme marxiste, oui la révolution est la plus grande dévoreuse de toutes les formes de patience chez l’homme qui se veut au service de l’autre, et nous serons encore longtemps à siffler avec le drapeau rouge en main pour un train de la révolution qui ne part jamais ; Notre gondole Aurore glisse sur l’eau noire des chagrins romantiques .

 

Mais il est encore  interdit d’interrompre comme le rêve d’une révolution toujours recommencée, certes la parole a cessé de circuler surtout entre générations, et  l’exaltation du grand soir pour nous devient le dégoût des petites matins pour les suivants !! Ne survivons-nous que pour nous contempler dans une flatteuse miniature d’essayiste poseur, alors que la transmission ne devrait s’accomplir que dans le silence ?. 

 

Allons vers un étrange oubli de nous-mêmes, les yeux fermés sur l‘évidence vers un abyme d’où nous ne saurons pas nous dégager, nous autres fous dans un tourbillon de hasard qui attendrons peut-être la formidable voix jupitérienne et éclairante, d’un rappel à l’ordre de Leviathan luciférien…

 

Les gaz lacrymogènes se dispersent comme la fumée des vains songes d’un théâtre d’ombres, et seuls les murs parlent encore, seuls. Oui nous avons choisi comme quartier général un lieu de fiction par excellence, le théâtre de l’Odéon !! Aucun Palais d’hivers n’a été pris fût-ce par la porte de service, les mandarins sont toujours dans l’université, les noirs dans les ghettos, le tiers-monde dans la pauvreté.

 

Nous avons agi nos désirs hors de la réalité, et avons fait feu sur le semblant !!

 

Ce 14 juin 1968, le rideau tombe sur le dernier acte du théâtre de l‘Odéon, capitale culturelle de la révolution, le délogement par la police a surpris les deux derniers occupants qui dormaient innocemment enlacés, jouir sans entrave !…mais passent les jours délétères et nous demeurons dans la fêlure fitzgeraldienne d’un romantisme funèbre.

 

Mais nous aurions été moins révolutionnaire que suédois, c’est à dire prêts à n’importe quel travestissement pour nous donner un rôle ? La révolution n’est plus désirable, et Marx serait dépassé avec sa notion de besoin économique au lieu de la notion de désir !

 

Nous n’aurions fait qu’assister aux premières saturnales de la société industrielle, où l’effondrement des idéologies a dépouillé l’extravagance de tous ses oripeaux..

 

Nous étions prêts à nous jeter dans ce vide suédois, les yeux extasiés après avoir béni Freud et Mao monstrueusement accouplés. En fait nous avons collé notre vérole à toutes les institutions.

Mais la fin du mouvement n’est pas aussi romantique partout, l’étudiant a facilement passé la rampe, mais l’ouvrier ?

 

Film « Reprise », la reprise du travail aux usines Wonder, une femme se dresse et trouve encore les mots simples pour rassembler, et ranimer  la solidarité, l‘espoir. Mais le silence retombe avec l’abattement, et une autre jeune femme cherche ses mots pour crier sa déception, sa solitude et son désespoir.

Le temps suspendu redémarre la course de ses heures, et bientôt réapparaîtront le petit chef goguenard, et  les acides qui rongent les mains et mettent les poumons en rade. Une vie pour rien, au salaire parcimonieux dans une usine qui attaque les corps.

 

La flambée surréaliste et romantique a jeté ses derniers feux, mais les frustrés d’un combat qui avait soulevé tant d’espoirs, se radicalisent dans l’ombre clandestine de la dernière génération d’octobre 1917.

 

IX- Le gauchisme pour une revanche sur l’échec politique

 

Ils avaient la mémoire des vaincus du combat politique, et la pugnacité des révolutionnaires de 1917 disciplinaire!! Ils sortaient de l’intimidation stalinienne et de son enfer infra politique .Que vienne l’ère de l’ouvriérisme exacerbé !! Et ce sera le spectacle pour des acteurs socio- maniaques qui se disent avoir prolonger la plainte des opprimés.

 

Nous avons les espérances révolutionnaires des ouvriers dans nos rêves d’intellectuels, et remplaçons le prolétariat trop impliqué dans le système, même si nous sommes tous infestés d’idéologie bourgeoise !

 

Mai 1968 n’est que le prélude de l’été chaud à venir, d’authentique partis révolutionnaires suppléent le syndicat étudiant, des mouvements politiques de masse transforment les universités en « bases rouges », et se lancent à l’assaut des campagnes et des usines et organisent la résistance de ceux qui partagent l’hérédité du salariat. . Le gauchisme prend son ego pour la réalité, et on s’invective et fulmine d’infinis anathèmes :

 

 

Nous nous ingénions à dépister :

 

 le déviant théoriciste à la dérive ludique, l’exégète exotique des manuscrits de 1844, l’adorateur invétéré du grand homme à la petite verrue, le glossateur labile de Marx, l’apologiste hémiplégique de Tocqueville, le maoïste, le prochinois de la république de ¨Pro-Chine, le révolutionnaire en chambre, le démocrate petit-bourgeois, le révisionniste indigne, le social-traître, la vipère lubrique, l’allié objectif du grand capital, le bolchevique défroqué, le social- moderniste, l’apparatchik mollasson, le populiste ouvriériste, le léniniste ossifié, le fils sodomique de Marx et Engels, le structuraliste repenti, l’activiste  addictif, la crapule stalinienne, le gauchiste confusionniste, le dirigeant fantoche d’un îlot de socialisme ou d’une enclave micro-totalitaire, l’opulent renégat, le sectaire revanchard…

 

…le pied-rouge, le porteur de valise, le révolutionnaire professionnel appointé, le révolutionnaire auto-breveté, le déviationniste patenté, le diviseur de la gauche, le spontanéiste, l’adepte des happenings, l’exorciste anti-léniniste, l’atlantiste éhonté, le réformiste tiède et complice, le liquido, le flagellateur péremptoire, le suspect d’accointances avec l’ennemi de classe, le provocateur pro-pouvoir, le gauchiste juvénile, le gauchiste marcellinesque, le mythomane de la rue, le mythologue du pavé, l’autogestionnaire ambigu, l‘adepte trouble des dures luttes, le hippy marxiste, le marxiste libidinal, le renégat aux inflexions kautskystes…

 

 

…le subvertisseur du politique, le petit-bourgeois gentilhomme, l’opportuniste, le kerenskiste mitterrandolâtre, le libertaire libidinal, le manipulateur cynique ou désabusé, le comploteur contre les forces démocratiques, le supplétif du patronat, l’aventurier gauchiste à la solde du pouvoir, le minoritaire agissant, le remaker de 1917  fossoyeur de l’étape stalinienne, le contestataire périphérique, le stratège de la tension, le fourrier de la restauration capitaliste, le caïman avide fouissant dans les marigots de l’opportunisme menchevik…

 

…le séide barramineur, le surenchérisseur pathétiques, le mao- spontex ou spontanéiste, le ligueur incontrôlable, l’élément incontrôlé, le boycotteur systématique, l’avant-gardiste tangeantant l’utopie,  le casseur appointé, l’adepte de la Révo-Cu, le petit bourgeois aux mœurs relâchées, le réformiste fuyant la rupture, le conformiste pourrissant, le comploteur international cosmopolite et exotique, le suppôt de l’impérialisme, l’huissier des agresseurs policiers auprès des victimes, l’ange armé du glaive exterminateur du bolchevisme…

 

… le traître titiste de la bande à Rajk,  l’apparatchik sujet au ramollissement aristocratique, le camarade au comportement dilettante, le fils avéré de Trotsky par le truchement de la biologie de l’Histoire, le fissureur illusionné de barrières sociales et de tabous, le jouisseur fainéant de la tiédeur rassurante des cellules, le laquais du pouvoir, l’apostat de quartier surtout latin, l‘élément trouble aux travers boukhariniens, le refouleur subjectiviste de la dialectique..

 

Et les chefs de cellule paraissent, engagés se rattachant à la tradition du bolchévisme de 1917, marqué par la clandestinité, le pseudonyme, et la dissimulation, l’abnégation pour le triomphe de la révolution, dans une aventure collective où l’individu tient peu de place, et dans une approche morale au chevet d’une société malade !!

 

Nous sommes les élèves, et notre recherche individualiste est spontanée,  et paradoxalement nous nous donnons comme guides des professionnels gauchistes de la politique pour encadrer nos désirs !

 

La règle est conventuelle, assister aux réunions de cellule hebdomadaires, où un parangon de cellule, parolier de la ligne juste,  une enflure de cerveau dans l’Olympe du parti  fait rouler le tambour d’une voix d’autorité pour opérer sur nous la cléricalisation communiste, et nous faire atteindre le degré supérieur de la bolchévisation ; Nous ambitionnons des bonnes notes comme des écoliers appliqués de la lutte finale !!

                 

Nous sentons confusément, qu’entrer dans la citadelle du parti, c’est souffrir le complexe de l’assiégé avec des menaces permanentes qui nous donnaient le sentiment d’importance ! Nous acquérons même la froideur apparente au visage,  qui peuvent nous faire passer pour des ascètes, des adeptes de la pureté  avec une soif d’absolu et d’intransigeance dans l’application de postures et de programmes.

 

Apprendre et encore apprendre la doctrine pour atteindre cet état d’innocence supérieur qu’elle procure pour ne jamais se laisser prendre au dépourvu par les contradicteurs, et posséder les rudiments des frères de notre église, et devenir frais bardé d’une scolastique marxiste-léliniste !.

 

C’est effrayant de réaliser que l’avenir radieux promis, doive emprunter les couloirs glacés et arides de ces théories fumeuses, pour entrer dans le cercle étroit d’une avant-garde éclairée, qui voit avant tous les autres, le dur chemin conduisant à une porte étroite, mais avec la certitude d’un port possible.

 

 

Marcuse ou Reich peuvent plus facilement retrouver leurs enfants, que Lénine, cependant nous nous donnions parfois l’allure de militants à l’ancienne avec un seau, de la colle et des solutions à angle aigu, et proférions des mots historiques, des théories définitives, des suggestions timides, des propositions extravagantes, des accusations terribles ou enfin des espoirs insensés.

 

Notre mal de jeunesse est-il éligible,  à la dialectique marxiste, et au matérialisme historique ?La haine est cependant le visage le plus clair de notre conscience révolutionnaire !!

 

Mais c’est une Histoire juive, de Moïse à Marx, Marcuse et Trotski, nous sommes dans l’éternel fantasme de la conspiration des constructeurs de plans mystérieux et de galeries souterraines afin de mieux miner la société …les sapeurs sont là, Lambert, Fraenkel, Krivine, Stora, Ben Saïd, Benny Levy, Cohn-Bendit, sépharades et askhénases, leaders d’origine juive, vous êtes la conscience du Monde, révélateurs du processus inconscient affleurant dans la fêlure de l’Histoire, travailleurs de la faille de cet inconscient collectif pour aller de la névrose à l’assomption du désir commun.

 

Vous semblez les avatars de régénération  venus re-conjuguer les identités après vous être affranchis de la chape moralisatrice,  de la tradition et de la religion pour exploser dans l’efflorescence libidinale.

 

Vous étiez les médecins véritables au chevet d’une classe malade de la trahison du stalinisme, les maoïstes spontex et exubérants étaient une variable du stalinisme, la révolution chinoise ayant également dégénéré….militants, vous avez accompli le cycle de l’espoir, de la recherche puis du désenchantement.

Long et pénible travail de deuil pour ceux qui affrontent la dépression, ce qui avait été refoulé de l’ébranlement spirituel de mai fait retour .

 

Vous les imprégnés du vertige de l’échec révolutionnaire, vertige du bunker wagnérien, avec une attirance paradoxale pour l‘auto destruction, figures romantiques réfugiées dans l’attente mythique du grand soir qui tarde à arriver. Toujours avec e sentiment inéluctable qui procure un incontestable sentiment de supériorité..

 

Où êtes-vous stratèges des bureaux politiques, héros névrotiques de l’Histoire, Recanati suicidé romantique de 30 ans quand l’insurrection ne fût plus le Nord de son voyage, Linhart sombré dans la folie à force de réciter des prières qui avaient perdu tous leur sens, et tous les autres  dont les ailes de géant ne pouvaient se déployer que dans des situations de crise et qui peinèrent à se reconvertir dans des itinéraires de dégagement. Requiem  !!

 

 

Quatre décennies plus tard, « Nous sommes tous des aliénés subtils !! ».

 

VIII- En 2008 nous sommes tous des aliénés

 

L’économie va bien mais le social va mal, vers un grand saut en arrière pour voir ce social épouser le religieux !! La religion devient la solution à la solitude sociale, et perdre son esprit libre c’est bien abdiquer son esprit rebelle.

 

 Nos chères classes sociales se sont transformées en masses de CDD, et sur les décombres de la solidarité de classe, fleurissent les paniques identitaires et cette nouvelle masse, cette plèbe réinventée, demeure la  substance première d’une Histoire éternelle , le foyer jamais éteint de toutes les révoltes .

Les rapports de pouvoir et de domination sont exacerbés, que ce soit dans l’entreprise, dans l’université, dans l’espace public, et nous sommes dans une période de très faible contestation de l’ordre établi, ou ne serions-nous plus capables que d’un subcuturalisme incendiaire de supermarché ?

 

Au travail, la hiérarchie bureaucratique ne domine plus, mais elle a été remplacée par la concurrence dans les rapports des hommes au travail. La personnalité toute entière du collaborateur doit être attachée à la firme, le comportement social et émotionnel ont un poids croissant dans l’évaluation de leur travail.

 

Ce n’est plus de la simple obéissance aux ordres dont il faut faire montre, non plus l’indépendance absolue, il faut assujettir nos capacités d’initiative et de responsabilité de l’homme au travail, aux propres fins de la firme

 

Chacun est confronté en permanence à l’angoisse de sa propre défaillance….alors maladies mentales qui font devenir bénéficiaire de l’allocation d’invalidité, du stress  et du suicide au travail.

 

L’aliénation a un nouveau visage, oppresseur évanescent contre lequel il est difficile de se révolter, le flux tendu, les travailleurs ne sent plus un destin commun, toujours plus avec moins dans une logique financière …

 

Mai 1968 n’était pas le désir d’une civilisation des loisirs sans travail, mais surtout une façon de travailler à repenser…aujourd’hui peu importe le salaire pourvu qu’on ait un emploi !!

 

Je suis le petit-bourgeois qui désirait avoir les mêmes droits que les enfants de mes maîtres, et aujourd’hui je m’enfonce seul dans ma nuit, cette nuit où chacun n’a plu qu’à trouver sa pace dans ce monde où chacun est  libre et donc seul.

Il est minuit dans le siècle et on s’enfonce dans ce minuit de la nuit universelle

 

Nous sommes dans la rupture mémorielle, maintenant que nous appartenons à ce bloc coagulé de déceptions qui se réalise au moment de la trahison massive de l’âge mûr, comme un sel amer de désillusion !

 

Nous avons voué un culte à la jeunesse en s’insurgeant contre les vieux et maintenant nous sommes l‘arrière garde, les gardiens du temple. Pour autant nous croyons incarner l’avenir et faisons tout ce qui faut pour compter, compter encore !!

 

Avons-nous rejeté le progressisme, et ne nous méfions-nous pas de l’illusion du bonheur, pour nous résigner à des illusions contingentes, tout juste pour supporter et aménager la vie des mortels en société ?

 

Mais nous n’aurions rien appris de l’Histoire que des prémonitions impuissantes, une feuille de route imprécise, un rendez-vous aléatoire avec les décennies futures…nous sommes débranchés quant aux grandes mythologies collectives, et jouons désormais perso en repliant notre libido sur notre moi….et nous errons dans un éternel présent aveugle, fait de consommation sans mémoire ni projet, un culte de l’instant épars et singulier, en recherche des pires archaïsmes identitaires.

 

Nous n’aurons laissé que des sujets d’inquiétude à nos héritiers, pas même une antisèche ni aucun messianisme…notre inflation verbale fût un puissant facteur d’immobilisme, après avoir casser la baraque…finalement, nous montrer fût plus payant que de démontrer. Sauf pour nous d’aider à démonter sans violence le néolibéralisme comme nous le fîmes avec le communisme ! Ou, voire même, redevenus penseurs libéraux,  réhabiliter l’Etat, la Nation, la Morale, après avoir joui du spontanéisme de la société civile ! Trahison.

 

Tout s’est-il irrémédiablement perdu dans une illusion lyrique qui nous aurait abusés ?

 

X-Le café philo comme un monastère où se préservent la parole et la pensée ouvertes à tous, dans notre nouveau Moyen-âge de décadence et de procuration.                            

 

Mai 1968 a fécondé les cafés philo qui sont cet espace d’expression orale ouvert et accessible à tous, de pensée libre de participants anonymes liés par le seul contrat de leur bonne volonté, ou s’autorisant du désir de débattre.

 

La parole ne s’est pas éteinte, figée au fronton des édifices et sur les murs, la soudaineté des rencontres heureuses dans la communication explosive de familiers-inconnus n’est pas forclose, l’être-ensemble  en dehors de toute utilité s’offre encore, et la parole libre conserve encore son statut, non dans la rue, mais dans les cafés, et le dire prime toujours le dit dans la même innocence et effervescence presque pures.

 

Mai 1968 a généré le naufrage de la pensée dans la tyrannie de l’opinion, les vendeurs recherchent la part disponible dans l’esprit du consommateur.

 

L’individu déboussolé et déraciné, sans repères, n’a plus les moyens de s’affranchir de la pensée dominante ;

.il faut retrouver une philosophie à vivre qui développe l’apprentissage de la vie pensée par soi-même,

. la remise en cause comme outil de progression,

. le sens des valeurs comme moteur de la conduite individuelle,

. la puissance des idéaux qui permettent de transcender la bestialité et la barbarie.

 

Une philosophie à vivre fondée sur l’humanisme, ferment de la société, et le dialogue comme voie de connaissance à l’intérieur de soi ; Une philosophie pour combattre la peur de l’autre et de l’avenir pour remettre l’homme au centre de la société, et pour nourrir de nouveaux idéaux de justice et de fraternité.

 

Mais les aînés de 1968 ont tout pensé, et après avoir nietszchémment tourné la page, ils laissent aux suivants un agenda de travail de 40 ans pour tout reconstruire !!

 

Encore aujourd’hui on s’arrête et on pense, une cohorte profile son ombre sur les murs et se dirigent en pénombre de fin de journée vers les cafés philo. Les acteurs, ici, ont le regard réflexif sur la civilisation, ici, on vient partager et non donner une leçon, la parole libérée, philosophe et poétise.

 

Foin de pensée obscure ou en profondeur, mais un regard en surface des choses, la philosophie de la quotidienneté ou plutôt de la transformation de la vie quotidienne.

Il y a toujours de quoi se révolter, toujours une raison d’être critique, révolte de l’immédiateté, des bouffées de possible d’une pensée-action.

 

Changer ici et maintenant, dans un débordement de sensualité dans la rue, la drague universelle généralisée dans la rue, regarder en face avec radicalité !!

Sans être philosophe, désobéir pour savoir comment cela fait quand on obéit, l’obéissance commence en conscience et la conscience commence en désobéissant.

 

La revanche de l’esprit de mai 1968, année de la jeunesse des désirs et des idées. ( Toujours par Gérard)

 

Lors de la dernière élection de 2002 M Raffarin s’est mué en croisé auto-désigné pour éradiquer l’esprit de mai enkysté dans notre pays, esprit de mai qui est à la fois laxisme et frein au plein épanouissement de la société libérale avancée.

 

Je voudrais  retirer la housse d’amnésie de ces années idéelles, quitte à donner dans la nostalgie mièvre, pour ressusciter si besoin en était, ce temps des idées, où notre romantisme se heurtait aux conservatismes ambiants, nous qui n’étions pas encore vaccinés contre les utopies.

 

La véhémence de l’époque est toujours vivace et se peut évoquer dans un inventaire à la Prévert :

…Explosions de parole, aveux de rêves, éruptions partagées, aveuglements collectifs, psychodrames shakespeariens, longues marches, programmes de transition, banderoles emphatiques, dépavages ludiques, votants juvéniles aux lourd « pavés critiques », confusions mentales, synchrétismes idéologiques, obédiences obligatoires, étiquetage non moins obligatoires de l’appartenance par des douaniers idéologiques,  drapeaux -parapluie d’institutions éphémères, proscrits, amateurs d’orgies vandales, animateurs du bazarre de la caravane révolutionnaire, dénudeurs de plaisirs et d’érotisme de la vie, mueurs d’assemblées générales en happenings désordonnés,détecteurs de passifs politiquement asexués, ânons dédaigneux des carottes verbeuses tendues par l’oppresseur…

 

… chercheurs de conflits avec les « ennemis préférentiels », décideurs solitaires employant le pluriel de majesté, persifleurs de burgraves modernes pétris d’une certaine idée de la France, contractés ou dilatés par une exaltation angoissée, officiants de liturgies secrètes et expiatoires, exploseurs de champ du possible, destructeurs des Bastilles de l’âme, métaphysiciens de la contestation systématique, Christs passant du tabernacle à la rue, passeurs du sommeil liturgique à l’action révolutionnaire, prêtres escaladeurs de barricades, frères prêcheurs saisis par le complexe de l’inquisition, chercheurs d’une nouvelle immanence dans la mêlée, adeptes de la longue marche des somnambules  maoïstes , jésuites confiants dans le spontanéisme social, adeptes du bonheur masochiste du refus du juste emploi de la raison, révolutionnaires odéonesques, vitupérateurs des gris conservatoires de la pensée infirme…..

 

.. tenants d’une rationalité systémique et totalisante, fétichistes de l’événement historique, alternatifs de la subjectivité révolutionnaire et du déterminisme historique structural, orthodoxes réfractaires à la psychanalyse et au surréalisme, parangons d’un idéal scientifique hégémonique, théoriciens de la violence nécessaire, quêteurs du moment fantasmatique du grand frisson pseudo-révolutionnaire, guerriers à la poursuite d’une improbable apocalypse, déceleur de possibles enfouis sous la conjoncture, fétichistes d’une histoire ventriloque, taupes entristes de réseaux rhizomatiques…

 

…maîtres du brio et de l’élégance hautaine des invectives, janissaires inflexibles, volontaristes pragmatiques, prophètes définitifs, soumis vertigineux à la règle et à l’esprit de parti qui gèle les certitudes, aveuglés par la fascination des rites, dialecticiens du centre et de la périphérie de la classe ouvrière, virtuoses de la rhétorique, nervis en délicatesse avec l’orthodoxie, querelleurs talmudiques, occupants de la ligne de crête et oublieux de la vallée…

 

… provocateurs coureurs de risques de mort ou d’instauration d’un ordre nouveau, mandatés implicites de la classe ouvrière qui cèdent au vertige de la substitution pour aller plus vite et plus loin, maîtres des incantations groupusculaires, transgresseurs de silence, Gorgias  tonitruant aux écrasantes facultés de synthèse, apprentis rois-philosophes incontestables, adeptes du bien supérieur escompté par un mal nécessaire et inéluctable, rabatteurs d’idées et de phénomènes sociaux émergents, exaltés de la violence rédemptrice et de la Résistance sublimée, fougueux à l’impatience érigée en stratégie, prôneurs de carême révolutionnaire, prêcheurs de liturgie contemporaine de la Pâque ou plutôt de grève générale, planificateurs de non sens des beaux arts, apprentis technocrates de science politique…

 

… intellectuels marxisto-structuralistes, rôdeurs de barrières assimilés révolutionnaires, bourgeoises muées en Vénus de barrière honorées sur les fortifs, intellectuels pétris de concepts attrapés au ruisseau, producteurs de sémantique pour haut-parleurs, étudiants neutres polarisés et  crétinoïdes consciencieux, étudiants génialoïdes autarciques, défenseurs de la cité mués en prêcheurs  barbares…

 

… chercheurs d’anti-modèles, patrons virtuels de coteries et de chefferies, stipulateurs de pacte trop déclaré avec l’ennemi, théoriciens prosélytes, tenants intransigeants de tendances haineuses et durcies, dévoués de l’automutilation rédemptrice, dévoués de la morale sacrificielle et victimistes, maîtres en litanie de tracts incantatoires, éructeurs de cantiques impies, postulants-dirigeants à diriger même les fonctions intimes des autres, grands émus sensibles de la théorie, militants encombrés de culpabilité et aux désirs enfouis…

 

… priseurs de copinage viril et d’ascendants guerriers dans les tranchées de la lutte des classes,  taraudés de la lutte des classes, chefs charismatiques de bases rouges, apprentis sauvages malhabiles, psalmodieurs d’amour et d’anarchie, jouisseurs de pouvoir lycéen, adeptes des fesses sur le bitume, vibrionneurs cosmopolites, vélléitaires séditieux, pisseurs de lignes de folliculaires éphémères aux glissements sémantiques prodigieux, frondeurs catho pressentant le fagot…

 

… membres de la Nouvelle Résistance Prolétarienne,  imitateurs nostalgiques des FTP pas avares de puiser dans le répertoire métaphorique, situationnistes hermétiques, refouleurs de vapeurs des petits-boutiquiers poujadistes,  romantiques de l’illégalité pétris de légitimité, sublimeurs de complexe culturel ou descendeurs idéologiques bourgeois de l’échelle sociale, leveurs de couvre-feu culturel, pigeurs sous pseudo de tracts à la facture vigoureuse,  stratèges volubiles de l’arrière, bourlingueurs komminterniens, idéalistes véhéments et cahotiques, contempteurs falots de Gramsci et rédempteurs lyriques de Vichinsky, pourvoyeurs de manifestes définitifs, participants de colloques fêtards, amateurs de révolution tropicale à force ouverte, avant-gardes idéologiques archaïques à la tête d’un soulèvement moderniste…

 

… phraseurs cantonnés dans des schémas abstraits, discoureurs ambigus, inventeurs de contre-société investis de mission historique, naïfs croyants que la vérité est dans les masses, enfleurs de débat et gagneurs sur les marges, syntaxiques du poème et de la motion ignorants du décalage entre le monde de la motion et le monde du désir et du plaisir, pentecôtistes de l’esprit de mai, coureurs de meetings de marches ou de sit in (voire de zap, marche + sit in), chevelus pourfendeurs de tabous, découvreurs de nouvelles questions sociales, pourfendeurs de l’irresponsabilité des justes milieux,  déceleurs de convergences, nettoyeurs de porcheries à rupins, narcissismes groupusculaires à la cheville modérément ouvrière, enragés d’officines éparses soumise au sectarisme centrifugeur, détecteurs d’infiltré…

 

…katangais pseudo-mercenaires de la Sorbonne, sensibles séduits par le martyrologue, pousseurs de cris primals élémentaires « CRS SS », prisonniers des fantômes de mai prêts à gagner l’insurrection de 1968 en 1970, techniciens des lignes de fuite et de l’ubiquité galopantes, valets de l’impérialisme, déserteurs libidineux aux épanchements bourgeois cinéphiliques ou littéraires, orateurs en transe pousseurs de discours taillés dans la langue de bois, tapeurs de « sten » et ronéotypeurs, dépisteur de « jaunes », flaireurs de situations potentiellement révolutionnaires, louangeurs sectataires de Beria, outre-passeurs de ligne politique, ralbolistes…

 

…jongleurs époustouflants d’idées, souffleurs de brise libertaire et balayeurs de discipline ancestrale, graffiteurs prolixes de murs, besogneux du travail politique, férus de gratuité ludique, établis à l’orgueil alimenté et pansé par la souffrance d’usine, créateurs d‘abcès de fixation gauchiste, farauds à l’affectivité frissonnante sous un militantisme à l’allure martiale, convocateurs de concepts, mouvants élastiques autour de noyaux durs, tenants d’une société hystérique, instrumentés à leur insu d’une ubiquité privilégiée, militants de porte, politiciens de l’ancrage dans la classe messianique, inventeurs de leviers et de points d’appui originaux…

 

…destructeurs simultanés du système de domination et du mécanisme de refoulement, travestisseurs des domaines de contrainte en espace ludique, adversaires du « sérieux » et partisans de la transgression pure, démolisseurs de professeurs pourvoyeurs à leur insu d’idéologie clandestine de valeur bourgeoise et de relents colonialistes, dépisteurs de risque de castration perfide et silencieuse dans la quadrichromie du Lagarde et Michard, pourfendeurs de l’école« rouage de la machine dominante », pulsionnaires de mort habillés d’idéologie présentable, interdicteurs d’interdictions, faiseurs de tables rases…

 

…substitueurs de sens tragique au sens chrétien de la vie, mauvaises consciences morbides aux ambitions funèbres, projeteurs en rêve d’avenir de la nostalgie du passé, artificiers de la force explosive des mythes révolutionnaires, bricoleurs d’armement spirituel clandestin, dévoués au rêve de fraternité ouvrière et de justice universelle, fanatiseurs et meneurs d’organisations serviles à la mode pharaon, paganistes idolâtres et dévastateurs, frères preux et défricheurs, schizophrènes entre l’amour bourgeois et l’amour de Moscou…

 

… conspueurs de la trahison des clercs, prophètes sublimes d’incompréhension, plumitifs solitaires pétris de jansénisme, camarades vitamine dont la foi dissipe les détresses, caporalisateurs de la jeunesse, catéchiseurs d’analphabètes politiques, kantiens à la main pure parce que sans mains, pourchasseurs d’esbigne et de démission,découvreurs collapses et précoces des écrits de  Victor Serge et d’Ante Ciliga et de Boris Souvarine, découvreurs collapses et tardifs des écrits de Soljénistsyne…

 

Intermittents permissifs entre le répressif qui se déglingue et le dissuasif qui pointe, candidats au poste de ministre du Désir, combleurs de lacunes au gré des esthétiques personnelles et des idéologies de référence, amateurs d’homélies sartriennes de thèses marcusiennes de vaticinations lacaniennes et de ratiocinations bourdieusiennes, candidats ouvriers sensés faire l’Histoire sans connaître l’Histoire, chercheurs d’épingle « dénominateur commun » dans la botte de foin de l’œcuménisme, troqueurs d’échec léniniste contre une réussite blanquiste, renifleurs des recoins et des pièges des belles « totalités », chercheurs proudhoniens de mutualité et d’autogestion, jouisseurs fouriéristes de ribotes et de parlottes, utopistes marxistes d’un paradis pour rares élus et d’un cauchemar pour tous les autres….

 

Candidats à une saturnale cyclique et régulatrice,  catholiques de la faim et brouteurs de verdure, confucéens à éclipse et marxistes critiques, ennemis de l’atome et amis de la paix, défroqués déversant leur verbe gourd de surplus de bave caritative, vitupérateurs du réflexe conditionné et  de l’obligation statutaire et de la bienséance de gauche, politiseurs de propos pour diaboliser les projets, Absalons d’une révolution capillaire, couleurs dans le béton des ennemis de classe, apprentis empathiques se prenant pour des exégètes, constitueurs de faits patents en simple lieux communs, chercheurs de félicité invariable ressemblant fort à l’enfer, convoiteurs du sort métaphysiquement enviable du prolétariat pauvre … 

 

…porteurs de dynamite du Kommintern, manieurs de la dialectique du revolver, conjureurs de l’horreur du vide par le balancier d’une séduisante dialectique, chercheurs de transes apocalyptiques, excipeurs du droit d’aînesse des orthodoxies, épigones jouant les Chantecler du marxisme-léninisme, victimes de la confusion entre le langage du moi collectif et le collectivisme enrégimenteur, contempteurs de la chouannerie d’un patronat rétrograde, contempteurs des référends cellulaires, majoreurs dans l’escalier verbal inefficace, proféreurs de l’euphémisme « normalisation », adeptes du socialisme à couleur de tanks, valetudinaires chefs de groupe stalinien, gardiens des vérités boucannées par les fumées idéologiques…

 

…médiateurs autoproclamés du bien du peuple, convaincus de nationalisme bourgeois, activistes fractionnels de partis, hystériques staliniens, révertébrés des débris des faillis du gauchisme, fustigeurs des adeptes du jeu parlementaire aux airs de conventionnels, contempteurs des chantres du centralisme antidémocratique, partisans de l’ubiquité du parti unique,

 

…évalueurs de rendement militant, propriétaires légitimes de la révolution,  détenteurs du degré élémentaire de la conscience politique, socialistes radicaux haïssant le radical-socialisme, partisan du dégel esthétique fissurant les vielles écoles, combleurs de lignes de faille entre dominants et dominés, chercheurs d’hypothétique provende dans les manifestations, pourfendeurs d’étiquettes pastel, archéologues de la violence ouvrière dans les profondeurs du 19ème siècle, inépuisables activistes du combat du jour contre la nuit, héros positifs triomphant des contraires, contributeurs zélés au bonheur de l’humanité….

 

Promeneurs de mal de vivre déguisé en idéologie, asservisseurs jdanoviens de la culture sous le joug du parti, transformateurs d’angoisse en énergie, triomphateurs des inerties, candidats à la rationalisation de leur névrose, chercheurs d’itinéraire de dégagement après l’engagement militant, élèves de camelots politiques passés élèves de gourous passeurs vers le spirituel, fourbisseurs de finesses tactiques contraires à l’amour propre, danseurs de samba socialiste aux bigarrures d’auberge espagnole, candidats au sacrifice suprême d’une révolution de concepts et de mots, dévots sartriens…

 

…guévaristes à la fibre tiers-mondiste, voyeurs à la concupiscence mythologique de belles à l’idéologie austère et repoussante, damnés de la terre à la rescousse de damnés de la mer sur le bateau « Ile de lumière », Robespierres à l’humour dévastateurs, fustigeurs des masques morbides de la terreur d’Etat, narcisses des miroirs fissurés par les  craquements du temps, amateurs d’éclectisme et de flou théorique mêlant les effluves de castrisme au parfum italianisant de togliatisme, sujets à la glissade affective et émotionnelle, jeteurs de gourme d’adolescence attardée dans le maelström révolutionnaire…

 

Léninistes libertaires, puiseurs d’énergie dans la force propulsive d’Octobre 1917, adeptes des lignes de fuite de théories introuvable, adjudicateurs pour leur propre compte de la curatelle du prolétariat, prosélytes des cents fleurs de l’information d’en bas, corporatistes d’une classe esthétique, esthétiseurs de la révolte, entristes trotskistes, courtisans d’une révolution désirable, Tolstoï rouges, mégalomaniaques de la dialectique de la révolution mondiale, pétris de sémantique historique de la révolution de 1789, imbus de logomachie puérile de  sectarisme phraséologique et d’activisme gesticulateur, passeurs entre la rue et le pouvoir…

 

Adeptes de l’entre-soi et du repli sectaire, scotchés au principe d’espérance, irréductibles à la nuque raide, adeptes morbides de la jambisation, manifestants humant le vent d’est, sentinelles messianiques, esthètes aristocratiques de la dissidence et de la défaite, sectaires atteints de pathologie minoritaire, aveuglés par le mythe de l’élection, esprits mêlés d’indifférence sceptique et de certitude dogmatique, volontaires légitimes tangeantant le volontarisme arbitraire, fustigeurs des thermidors…  

 

 

.. insatisfaits personnels fondus dans la satisfaction collective, pousseurs de non-conformisme à l’extrême limite, agents demi-solde de la révolution, adeptes du communisme expurgé de son idiotie, meneurs d’activité ludique grevées de séquelles staliniennes, critiqueurs volubiles de la critique  du programme de Gotha, mal logés à l’étroit en famille mais à l’aise dans les vastes causes, défricheurs de passerelles entre le particulier et l’universel, camarilla de jeunes turcs défiant les épigones du PC…

 

.. amateurs de prêt-à-penser et de vulgate révolutionnaire, jeunes hommes de marbre chavirés par des sentiments humains, assassins verbaux et porteurs de fers symboliques dans les plaies bourgeoises, frustrés des rapports purement intellectuels à l’idée et chercheurs d’action voire de cogne, nourrisseurs de mythe matriciel, viseurs d’avenir à portée de pavé, cerveaux submergés de brume de Husserl de relents de Durkheim et de bouffées sartriennes, déplaceurs de centre de gravité sociale, entreposeurs d’idées désamorcées, trublions en amphi d’exposés de doctes badernes ou baroni della cathedra..

 

…Jeunes battants sentant la mort lente de leurs naïvetés précoces usées par les inerties, écœurés de gloses abâtardies, tenants de ligne de masse fustigeant les avant-gardes autoproclamées, quémandeurs de domicile idéologiques ou de terres de grandes promesses, intellectuel bourgeois jouet inconscient de ses origines portées comme un pêché originel inexpiable, cyniques raisonnés aux sentiments aristocratiques, bouffeurs frileux de grimoires, adeptes du « lutter c’est jouer », devins d’un avenir conjecturable, candidats potentiels et décalés à l’affiche rouge, inventeurs d’horizons indépassables…

 

Remueurs des béatitudes des quiétudes mortes, fétichistes de l’événement historique, inclueurs de la singularité de l’événement dans les engrenages de la machine structurale, victimes du réveil proustien dans la fraîcheur des aubes incertaines, adossés au communisme comme à une montagne magique ou au Sinaî,écrivain noir sur blanc d’un avenir rouge, consciences en retard sur les conditions objective mûres et blettes, démonteurs des sortilèges de la modernité marchande, profileurs et traqueurs du kapital  social-killer, contempteurs des concepts réactionnaires d’infini et d’éternité,  dénonceurs du totalitarisme soft du marché, conspueurs de l’hédonisme consumériste répresseur de l’histoire humaine,  

 

Vomisseurs des statistiques de la contrainte, anarchistes expressionnistes et déclamatoires, intérimaires de la révolution permanente, permanents de la routine mandarinale ronronnant à vide, renégats aux inflexions kautskystes, renégats reniées par leurs compagnons de reniement, élus de la conjoncture emportés par l’événement, antihumanistes théoriques, révisionnistes moscovites, cascadeurs de la rupture épistémologique, accros résiduels de la transcendance alliant la crosse et le marteau, frères ennemis statuaires et structuristes, porteurs de température à 450 Fahrenheit pour brûler les vieux  grimoires, chercheurs d’impératifs catégoriques œcuméniques, voltigeurs à l’avant-poste de la révolution mondiale, chercheurs de catégories impératives œcuméniques, voltigeurs à l‘avant-poste de la révolution mondiale, émetteurs de théories-ouvre-boîtes universelles, leveurs d’ambiguités métaphoriques, interfaceurs entre les ghettos théoriques et la ligne de masse,

 

… fonctionnaires de la pensée correcte et laveurs de scories petites-bourgeoises et d’atavismes bourgeois, inventeurs de superstructures  volontaristes, apprentis- Saint-Just en herbe repoussant les doléances subjectives, dignitaires ontologiques de l’idée, impatients en souffrance dans les salles d’attente grises de l’absolu, brandisseurs de parades symboliques contre le terrorisme intellectuel, jouets entre des mains sur-déterminatrices aux modalités structurales et aux métaphysiques régressives, souscripteurs d’assurance tous risques contre le vide existentiel, casseurs du statut de « rouage docile »d’une société malade et oppressive, briseurs de préfectures en airain et bâtisseurs sur les terrains vagues de l’effondrement spontané…

 

… déçus de la pratique de la démocratie directe athénienne donnant la prime aux stentors, allumeurs de « foco » et fixateurs d’abcès révolutionnaires, emboîteurs de poupées gigognes Marx-Engels-Lénine-Staline-Mao, encartés d’appareils annonciateurs de grèves générales à répétition, ravaudeurs de la  famille de la société du monde et de l’univers, daubeurs de prophètes empesés, détourneurs du lit de l’Histoire lors d’un grand soir par une révolution majuscule, expanseurs du domaine de la lutte symbolique à la limite de l’escalade, émulateurs de jacqueries dans les champs mais Elysées, franchisseurs de l’hiatus entre les générations, géniaux inventeurs de concepts dégoulinant de réminiscences, stipendeurs de taylorisme et de stakhanovisme…

 

…groupuscules à la scissiparité compulsive,groupuscules schismatiques, groupes d’affinité ultra-gauchistes,escouades revendiquant l’exclusivité de l’orthodoxie révolutionnaire, éloquence de la forme préjugeant du fond, héros et martyrs d’une grande cause par le seul mérite de l’abstraction, profuseurs de mandements et d’encycliques, conscience tordues par une effroyable confusion morale, jeunes vivant au mépris de leurs raisons de vivre…

 

…adeptes d’une foi dénouant l’absurdité mais non pourvoyeuse d’une acceptation sereine, surhommes dyonisiens effaçant l’image du crucifié passif, rédacteurs des livres d’heures folles et pauvres de la révolution sexuelle, rédacteurs de vade mecum à l’usage des élites du nouveau rayonnement, apprentis Masaryk régénérant par la vertu un monde sans foi et une université sans idéal, saints François des « Assises » proies des tribunaux révolutionnaires, tenants d’une Commune de 1968 qui glisserait de la catégorie de la durée à celle de l’espace…

 

… ignorants de la prudence politique jusqu’au bout du stylo, soldats perdus d’une guerre ouverte à fronts renversés, pourfendeurs du matérialisme consumériste qui n’a pas la grandeur tragique d’un matérialisme totalitaire, dénonceurs de l’abus de bien-être petit-bourgeois diminuant la puissance vitale, mûrisseurs des oppositions jusqu’au stade de la cristallisation stendalhienne, pousseurs de feux la marche en avant pour produire l’effet de marée, diffuseurs sublimissimes d’optimisme raisonné, développeurs du complexe de l’assiégé…

… soldats alternatifs de la guerre de rue du quartier latin et de la guerre des caves de st Germain des Prés, clandestins à la vie recluse nouée et tendue de l’aube au soir par la crainte, adeptes des slogans ne s’embarrassant pas d’euphémisme et de circonlocution, fractionnaires fissipares, prescripteurs de remèdes immunitaires à la fission, avant-gardes semblables aux ordres monastiques chrétiens du Moyen Âge, distributeurs du kit des faiseurs de révolution…

 

Que de pensées dominantes sur lesquelles se projetaient nos fantasmes de dominés, et ce tissu idéaliste bariolé de contradictions servait de couverture à notre jugement ; nous agissions parfois avec le mimétisme et la perspicacité de dépendeurs d’andouilles, et étions nombreux à voir autre chose dans la même chose.

 

Nous avons joué avec la violence symbolique, et expérimenté la passion dans l’ordre du politique ; nous avons cru en la dimension millénariste du prolétariat, véritable messie rédempteur collectif par qui et avec l’aide de l’Etat, l’Homme serait transformé en faisant évoluer par les marges le centre mou de la société.

 

 

L’ambiguïté était totale, notre recherche était individualiste, spontanée, souvent peu politique et sans projet précis car liée au contexte familial, et pourtant paradoxalement nous nous donnions des professionnels gauchistes de la politique pour encadrer nos désirs.

 

Nous étions dans l’illusion d’un contexte pré-révolutionnaire, d’un grand soir, d’une longue marche, où tous les moyens de l’arsenal politique, voire de la force armée, étaient nécessaires pour un bouleversement radical et global de la société ; or ce changement totalisant ne faisait que recouvrir des questions très basiques et peu romantiques, telles les revendications des pauvres, des bas salaires, des prisonniers, de la condition féminine, de l’allocation logement pour les étudiants….

 

Si nous n’avons pas fait table rase de tout, au moins peut-on inscrire à notre crédit des innovations, des mises en lumière, de blocages de la société civile, et avons-nous contribué à accélérer la réforme de cette société civile qui n’avait pas suivi la modernisation technologique et économique (avortement, école, participation, rénovation de l’enseignement, émancipation des jeunes…).

 

Etions-nous manipulés ? et nos manifs, monomes, interv’, mouv’, coord’, assoc’ négos, étaient-ils la démonstration de notre épaisse connerie partisane et primitive, ou baignions- nous sans le savoir dans le carnaval crépusculaire de la fin des idéologies.

 

Pour nous en apparence nous vivions une époque épique, où flottant au-dessus du chaos des sentiments nous souscrivions à une pensée non binaire expurgée des pièges de la simplification. Nous n’étions certes pas désenchantés, et nous nous nourrissions alors  de symbolique et d’allégories, de croyances de messianisme quasi religieux, d’aliments poétiques, et avions nos œuvres de référence à brandir pour hurler notre désir de tout remettre en cause avec nos fantasmes d’une autre politique possible. Nous ne savions cependant pas comment nous dépêtrer de cette gangue manichéenne, de ces affrontements idéologiques, de ces proférations d’anathèmes et d’exclusive

 

Dès notre plus jeune âge nous étions initiés à la dialectique via le « glop / pas glop  » de Pif  le chien, apprentissage que nous complétions par des exercices motriciels pour développer notre ductilité corporelle, avec le poing fermé et la gorge déployée en annonant « vlà la jeune garde ».

 

Qui de nous pouvait prétendre être dans l’orthodoxie ? Qui ne s’est pas prêté un jour à l’autocritique, à l’autoflagellation, à l’aveu d’une faute, comme à un exercice spirituel où l’indignité était proportionnelle à notre rang dans les organisations.

 

Nous étions sous la férule de parangons de la ligne juste, et qui n’a jamais dépisté :

 

…Le déviant théoriciste à la dérive ludique, l’exégète exotique des manuscrits de 1844, l’adorateur invétéré du grand homme à la petite verrue, le glossateur labile de Marx, l’apologiste hémiplégique de Tocqueville, le maoïste, le prochinois de la république de ¨Pro-Chine, le révolutionnaire en chambre, le démocrate petit-bourgeois, le révisionniste indigne, le social-traître, la vipère lubrique, l’allié objectif du grand capital, le bolchevique défroqué…

 

… le social- moderniste, l’apparatchik mollasson, le populiste ouvriériste, le léniniste ossifié, le fils sodomique de Marx et Engels, le structuraliste repenti, l’activiste  addictif, la crapule stalinienne, le gauchiste confusionniste, le dirigeant fantoche d’un îlot de socialisme ou d’une enclave micro-totalitaire, l’opulent renégat, le sectaire revanchard…

 

…le pied-rouge, le porteur de valise, le révolutionnaire professionnel appointé, le révolutionnaire auto-breveté, le déviationniste patenté, le diviseur de la gauche, le spontanéiste, l’adepte des happenings, l’exorciste anti-léniniste, l’atlantiste éhonté, le réformiste tiède et complice, le liquido, le flagellateur péremptoire, le suspect d’accointances avec l’ennemi de classe, le provocateur pro-pouvoir, le gauchiste juvénile, le gauchiste marcellinesque, le mythomane de la rue, le mythologue du pavé, l’autogestionnaire ambigu, l‘adepte trouble des dures luttes, le hippy marxiste, le marxiste libidinal, le renégat aux inflexions kautskystes…

 

…décisionnaires très comminatoires au ton très club des jacobins de 1789, enfleurs de puissance de l’ennemi pour mieux en provoquer la faiblesse, dépisteurs de tendances contraires au canons du centralisme démocratique, habilleurs de rondeurs de leur dialectique insinuante, dialecticiens issus d’une fiction diabolique, serveurs de cuvette aux Ponce Pilate socio-médiocrates, pacifistes ragaillardis de haine social…

 

…le subvertisseur du politique, le petit-bourgeois gentilhomme, le stratège électoral éloignant l’heure de la rupture, l’opportuniste, le kerenskiste mitterrandolâtre, le libertaire libidinal, le manipulateur cynique ou désabusé, le comploteur contre les forces démocratiques, le supplétif du patronat, l’aventurier gauchiste à la solde du pouvoir, le minoritaire agissant, le remaker de 1917  fossoyeur de l’étape stalinienne, le contestataire périphérique, le stratège de la tension, le fourrier de la restauration capitaliste, le caïman avide fouissant dans les marigots de l’opportunisme menchevik…

 

…le séide barramineur, le surenchérisseur pathétiques, le mao- spontex ou spontanéiste, le ligueur incontrôlable, l’élément incontrôlé, le boycotteur systématique, l’avant-gardiste tengeantant l’utopie,  le casseur appointé, l’adepte de la Révo-Cu, le petit bourgeois aux mœurs relâchées, le réformiste fuyant la rupture, le conformiste pourrissant, le comploteur international cosmopolite et exotique, le suppôt de l’impérialisme, l’huissier des agresseurs policiers auprès des victimes, l’ange armé du glaive exterminateur du bolchevisme…

 

… le traître titiste de la bande à Rajk, l’élément abusé sécrèté et berné par la démocratie bourgeoise, l’apparatchik sujet au ramollissement aristocratique, le vichyssois en mal de revanche contre le parti des 75000 fusillés, le camarade au comportement dilettante, le fils avéré de Trotsky par le truchement de la biologie de l’Histoire, le fissureur illusionné de barrières sociales et de tabous, le jouisseur fainéant de la tiédeur rassurante des cellules, le laquais du pouvoir, l’apostat de quartier surtout latin, l‘élément trouble aux travers boukhariniens, le refouleur subjectiviste de la dialectique..

 

Que de catégories kantiennes ou schoppenaueriennes auxquelles il était de bon ton de souscrire au mépris même de notre individualité ; en réalité il s’agissait bien d’un individualisme anti- toquevillien, où nous n’étions pas notre propre fin mais visions le bien-être de l’humanité toute entière en débloquant les freins du progrès.

 

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Le nouveau livre de Gérard Chabane 

Variétés du millénaire

 

 

Variétés du millénaire est un livre de 300 pages dont voici les thèmes développés :

 

Nos fins de siècle et de millénaire en l’An 2000 sont tout à fait présentables même si elles n’égalent pas celle du XIX ème qui porta une civilisation à son apogée ou à sa mort.

 

 L’occasion de s’interroge sur l’absurde de Camus  pour le centenaire de sa naissance et aux questions  de notre début de millénaire depuis la fraude sur la viande de bœuf, l’extension du droit au mariage et la fin du monde de l’An 2000.....

 

 Le temps chronologique a fait aussi son œuvre sur la vie de l’auteur en le privant de proches  ascendants. De quoi lui instiller l’énergie pour remonter aux racines  ou à l’embouchure de trois fleuves, l’Ellé, la Vienne et l’Oued Acif.

 

Tour à tour moraliste, poétique  et humoriste, l’auteur indique comment rester un pur esprit au sein d’un café philosophique au-delà des tourments intérieurs et extérieurs, afin de tout comprendre.

 

Cet ouvrage est la quatrième de l’auteur après, « La mort au Donon », « Dernières Nouvelles d’Orient » et « Philosopher en Mai ».

 

Extrait : Devenir un pur esprit au café philosophique ?

 

Je ne saurais dire si la fréquentation du café philosophique de Strasbourg m’autorise à postuler la qualité d’un pur esprit parvenu au stade de la découverte des lois de l’esprit à la manière de Monsieur Teste de Paul Valéry ? Devant mon verre, où mousse  le panaché de bière et de limonade, je crois être en mesure de garantir l’ivresse de ma volonté jusqu’au triomphe exponentiel de la conscience de soi ! Pensez-donc, je me gargarise de rejeter la philosophie et même l’histoire de la philosophie avec son cortège de conventions étriquées, de faire le procès continuel du langage, je me porte fort de liquider les opinions et coutumes de l’esprit attrapées dans la vie en commun ! Je tente de me hisser de plusieurs crans au-dessus de l’espèce pour neutraliser en moi les émotions et les sentiments qui me viendraient de mes simples et triviaux vécus domestique qui me feraient produire des idées impures. De l’enclos de mes dents risquent alors de sortir des pensées démesurées comme des monstres ou des chimères qui ne trouveront aucun écho parmi mes semblables. Mais me suis-je au moins assez introspecté pour savoir que tant d’efforts ne seront récompensés que par des pensées provisoires, information qui me sera donnée par l’expression d’un sentiment. Je sens tout à coup le même écueil que Paul Valéry  dans sa conclusion quant à l’hyper-cérébral Monsieur Teste, «  Plus je vais, plus j’ai besoin de tendresse. Au fond, il n’y a que cela au monde.»

Enferré dans ce prodigieux challenge, puis-je me vanter de n’avoir jamais quémandé le secours de la religion ou de toute autre croyance ? Je me souviens de la sainte Catherine d’Alexandrie, devenue paradoxalement la patronne des philosophes, après être parvenue à convertir les cinquante « Sages » que l’empereur Maxence lui avait dépêchés pour la confondre dans sa croyance! En fait, Sainte-Catherine d'Alexandrie symbolise l'union de la philosophie et de la religion, elle a son monastère au Sinaï tout près du mont où Moïse reçut les tables toutes faites de la loi, loi très dure dans un premier temps puis plus douce et participative pour la deuxième fournée. Se donner une loi intransigeante ne nous préserve pas de succomber aux vagues issues de notre affectivité ou de celle d’autres.

Quelle que soit notre ambition, notre personnalité est une suite ininterrompue d’attitudes attendues, exprimant ou non une sensibilité exacerbée aux promesses de la vie. Ainsi, je suis une créature bien vivante et ne me semble pas avoir jailli d’une propre conception platonique de moi-même. Comme pour tout un chacun ou presque, mon cœur est souvent une turbulente émeute, imprimant les imaginations les plus grotesques et les plus fantasques dans mon âme. Je sens ma vitalité, comme si elle couvait sous la cendre, mes nerfs parfois prêts à s’enflammer. Observateur de certaines individualités de la communauté du café philo, je suis intrigué de ce qu’elles revalorisent tous les membres proches d’elles suivant l’effet qu’elles produisent dans leurs yeux bienveillants; mais dès que la lumière de leur pensée faiblit, leur compte d’êtres enchantés décroît d’une unité.  

Lorsque nous philosophons, nous présentons parfois le visage ennuyé et distant afin de dissimuler notre monde intérieur de désordre et d’inquiétude, et cet artifice nous permet de continuer à présenter à nos proches, un froid et insolent sourire, tout en se souciant des exigences de notre corps alerte, sans ménager notre sensibilité aux émotions des autres. Je puis affirmer que nous parvenons quelques fois à une haute connaissance de nous-même, mais bien provisoire !

Notre corps porte la marque et le sens de notre histoire, il nous suffit de travailler sur la marque pour en libérer le sens ! Etrangement, notre corps, pourtant inscrit dans le présent, porte la trace du passé ! Quoique nous prétendions, notre conscience est bien trop intermittente, là où notre corps veille sans trêve qui inscrit en nous toutes les émotions et débite en un jet ininterrompu un flux émotionnel en lien avec l’environnement, que notre conscience s’y fixe ou non ! Vouloir être un pur esprit et garder l’empire sur nos émotions ?

L’émotion entre dans le processus de pensée

Par la pensée pure, nous glisserions du monde du tragique pour celui du  sage et du philosophe pour quitter le monde des émotions qui pourraient basculer  dangereusement vers les passions ;  les émotions sont brusques, la passion est dure, mais les deux coexistent, la passion n’est qu’une cascade d’émotions. Mais le pari de vouloir substituer un monde de pensée philosophique à un monde des émotions parfois incontrôlables n’est-il pas trop hasardeux pour nous voir préférer les faire coexister ou de nous engager à assigner à notre pensée une philosophie des émotions et de la passion.

 La démarche semble paradoxale de vouloir établir une philosophie des émotions car ce sont apparemment deux traits antagonistes de notre personnalité, l’affectif et le raisonné, c’est bien un challenge que de faire ausculter l’émotion par la Raison et, inversement d’aimer la sagesse à en perdre la raison !

 La passion et la raison seraient deux domaines étrangers ?  Mais alors faire entendre raison à ce qui est sous l’emprise de la passion est-ce possible ? La passion ne serait-elle pas inaccessible à toute argumentation rationnelle ? Calons-nous sur deux présupposés qui veulent que  la passion soit subie de l’extérieur hors de notre volonté et cela nous affecte, tandis que  la Raison serait le libre arbitre et la possibilité de la maîtrise absolue de soi.

A contrario si nous sommes maîtres de « soi », nous pouvons prétendre accéder à la sagesse par la maîtrise de nos passions par la Raison !  Mais ne serait-ce pas dommageable et nous condamner à l’isolement et à la précarité, à nous mettre hors de la nature et de l’affectif ?

Nous devons dès lors nous incliner et admettre qu’il n’existe pas de pure maîtrise volontaire des passions, d’ailleurs  Spinoza rejeta la pure maîtrise volontaire de soi au motif que  le déterminisme de la nature règle aussi l’homme. Notre corps nous impose des passions et nous avons même du mal à en être conscient, en dépit du fait que nous le sachions ! N’éludons pas notre propension à la paresse de notre intelligence qui renâcle à aller au-delà des illusions de la perception, que ce soit volontaire ou non.

 A défaut d’établir le règne sans partage de l’intellect abstrait, pourquoi ne nous engagerions-nous pas à mettre les passions sous contrôle ? Descartes, en critique de la raison pure, défendit les émotions et les passions mais en pointant leurs excès. Le rôle de la passion dans la vie affective n’est donc pas contesté mais exige un équilibre qui est une condition de la maîtrise de soi.

Certes, le christianisme a voulu opposer la passion et la raison comme l’opposition du corps et de l’esprit,  le malheur de l’homme serait d’être lié à ses passions. Le débordement passionnel serait le « mal radical » qui dès l’origine s’inscrit dans la finitude humaine. Pourtant la religion nous offrit le tableau de la passion de la Semaine Sainte !

La sagesse nous indique la voie du compromis, si en effet la passion et la raison sont définitivement étrangères, il nous reste à utiliser la technique du contrepoids, une passion peut en contrebalancer une autre, sans recours à la raison ! Dans son domaine, la raison agirait ainsi sur la raison pour donner à une pensée provisoire une autre pensée qui lui succèderait. La passion et la raison agissent simultanément en nous.

Le « je » humain est à la fois sujet rationnel et corps. Nous ne pouvons pas jouer l’un contre l’autre. Notre corps est notre outil de perception du monde, il enregistre tout à la fois les impressions produites par le monde extérieur et réciproquement nos réactions par rapport à ce monde. Nous pouvons les dissocier et délivrer notre esprit de toute servitude qui pourrait résulter de son attachement au corps.

Nous devons donc essayer de ne pas vivre en nous abandonnant à notre corps comme tel, il nous faut chercher à manifester ce qui relève de notre activité spirituelle par rapport à tous nos prolongements affectifs spontanés de notre vécu. 

Si nous renonçons à écarter les émotions et les passions dangereuses ou heureuses au nom de la raison, si même nous renonçons au compromis entre les deux, attachons-nous à estimer la valeur philosophique de l’émotion qui semble bouleverser la raison. Ne faisant plus fi de l’histoire de la philosophie, rappelons le statut ambivalent de l’émotion pour les Grecs de l’antiquité, soit une faiblesse selon les sages Solon et Aristote, soit une grandeur selon les poètes tragiques comme Sophocle et Euripide. Mais ce modèle grec est-il universel et vaut-il pour aujourd’hui ? En tout cas l’émotion semble être irrémédiable, comme la colère d’Achille, la tristesse des Perses, le chagrin d’Antigone, la jalousie de Médée…..

  Lors de nos débats philosophiques nous avons pu observer quand des membres se  laissent submerger par leurs émotions ! Il leur est parfois difficile de lâcher prise quand l’émotion s’empare de leur corps, il leur faut pourtant s’en libérer afin de débonder une pensée qui se voudrait presque pure.  D’aucuns invectivent ces exaltés mais ils devraient prendre au sérieux les sensations qui les traversent, elles sont un message qui leur est délivré de ce qui est bon ou non pour eux. En effet, nous devons prendre appui sur nous –mêmes en notre corps physique et sensible qui en se débarrassant de ses tensions, opère une décharge physique qui permet de libérer l’esprit.  Il est bien difficile de renoncer à sa colère  ou à son ressentiment tant qu’on n’a pas trouvé autre chose pour prendre appui. Une émotion est bien une réponse orpheline de sa question.

Cependant efforçons-nous de distinguer les vraies émotions qui surviennent sous forme de crises aussi violentes que passagères comme la peur, la colère, le chagrin ou l’angoisse ,de celles  de la crainte, de la rancune ou du ressentiment, de l’inquiétude, de la peine, de la tristesse et de la douleur prolongées qui ne sont pas des secousses affectives soudaines de tout notre être.

Nous avons en nous des croyances et des souvenirs qui déclenchent des émotions négatives et, nous pouvons être conduits à un état d’urgence induit par un accès de panique ou de colère, alors relâcher nos tensions permet d’éclaircir notre pensée. Nous nous enlisons alors dans une situation obsédante, avec le ressentiment qui crée un contentieux entre soi et les autres, empêche de se tourner résolument vers l’avenir.  C’est ainsi un poids inutile en nous comme se laisser ronger par le remords qui entraîne une perte de confiance en soi due à un sentiment d’échec. La peur naît généralement de l’anticipation d’une situation à risques comme parler en public pour déployer sa pensée.  Ainsi nous  pouvons passer un cap émotionnel difficile avec des exercices respiratoires ou des postures.

Du simple désordre intérieur qu’il a pu ressentir, le membre du café philo après une pratique dans la durée, a dorénavant une science claire de ses émotions, qui ne sont pas très nombreuses en fait ; Il sait ses joies, ses peurs et ses colères et sait fort bien les exprimer par l’amour, la fuite ou l’agression. La palette de ses émotions se résume tout simplement entre le plaisir et la douleur. Il en a une telle science qu’il peut pister la boucle du cycle de ses émotions, de leur naissance à leur expression, prête pour une nouvelle émotion toute neuve ! Il sait la fin d’une émotion avec une telle précision qu’il s’arrange en sorte d’en veiller le cadavre tangible ! Il se rapproche des autres ou les fuit, selon son désir ou sa haine, tout selon une loi bien apprise du commerce avec ses semblables. Mais n’oublions pas que le café philo est le lieu commun du croisement de nos pensées et non le mouvement de nos esprits animaux qui nous rapprocheraient de nos instincts refoulés et primitifs.

N’allez pas croire que les émotions bouleversent sa raison, troublent sa conscience et ne font qu’engager son corps dans la pâleur ou la rougeur. Certes il aime à penser que  ses émotions sont irrémédiables, comme la colère d’Achille, la tristesse des Perses....... , mais  il sait mobiliser son courage contre la peur, sa clairvoyance contre l’angoisse, et sait donc comment se dégager de la violence instinctive des émotions, et même les passions n’impliquent pas en lui des émotions démesurées.

Il sait gérer les émotions dangereuses, sait se préserver des violents  mécontentements ou de son agressivité dans ses colères, sait prendre conscience des dangers réels ou imaginaires dans ses peurs, sait identifier insatisfaction et malaise diffus qui envahissent la conscience dans sa tristesse, et sait percevoir sa mise en défaut personnelle, ses timidité et pudeur en réponse, dans sa honte. Il n’est donc pas question que son verre vole vers son interlocuteur comme un argument supplémentaire lorsqu’il tente de porter en vain la contradiction.

Si l’exercice de la pensée peut conduire à la joie de type Spinoza, n’écartons pas l’hypothèse où notre membre émotif et passionné du café philo, peur se laisser bien sûr gagner par les émotions heureuses, sait manifester  sa vive satisfaction de l’âme suite à un événement heureux dans ses joies, sait montrer son intense satisfaction par rapport à quelque chose de grandiose dans son admiration, sait exprimer l’exaltation de son âme face aux situations qui dépassent son espérance dans ses enthousiasmes !           

Il sait rester maître de ses désirs, sa conscience fut-elle tournée vers ce qu’il aimerait posséder, les manques et les tensions ne prenant jamais l’empire sur lui. Dans ses passions, il sait faire en sorte que son désir ne déséquilibre pas sa conscience sous le fouet de l’objet même  de sa passion. Il est prêt pour une autre aventure, au-delà du simple commerce avec ses émotions qui ne font que le contraindre, son corps et lui........

 

En vente auprès de l'auteur ou au café philo.

 

Le livre de Gérard Chabane 

« Philosopher en mai »

 

"Le narrateur vous présente le fonctionnement d’un café philo dont il est membre et tente de percer les motivations de cette assemblée d’élection prompte à s’interroger par la parole vivante. Cet espace d’expression orale est ouvert et accessible à tous, pour une pensée libre de participants anonymes liés par le seul contrat de leur bonne volonté, ou s’autorisant du seul désir de débattre.

Une communauté choisie s’entiche de l’amour de la sagesse et des autres et prône la quête de vérité contre l’obscurité, selon une fécondité critique. Elle répond ainsi à l’appel à entendre d’autres mots que ceux de tous les jours autour de ces tables d’une agora conviviale.

Le café philo s’inscrit dans une généalogie remontant à Mai 68 dont il préserve les préceptes d’une philosophie populaire pour « Philosopher en Mai » Chacun cherche des repères clairs hors des opinions communes, pour conduire son existence en usant de sa faculté de penser par lui-même. La sagesse doit parler à l’esprit et guider notre action sur la base d’une philosophie à la portée de tous, à mi-chemin entre la science de spécialistes et la sagesse pratique érigée en art de vivre.

L’auteur s’attache ensuite à une recension des événements de Mai 68 qu’il a vécus, où l’analyse originale prime l’événementiel sous l’angle d’une interprétation philosophique et politique. Une société organisée peut-elle vivre sans l’appropriation autorisée par quelques-uns de la valeur produite par d’autres ? Le clash serait donc toujours à venir."

Cet ouvrage "Philosopher en Mai"est le troisième d'une trilogie; l'ont précédé "La mort au Donon" et "Dernières nouvelles d'Orient"

 

 

 

"Dernières nouvelles d'Orient »

 

Ce récit de voyage de 500 pages est prétexte à réflexions philosophiques, religieuses et historiques; il en vente directement auprès de Gérard au café philo, au prix de 12€"

 

Avant-propos de l'ouvrage, "Dernières nouvelles d'Orient", Gérard Chabane.

 

"Je vous sollicite pour marcher de conserve avec moi, afin d’aller dans le désert tunisien au pas lent des chameliers, à gratter le palimpseste de la Turquie pour qu’affleurent nos racines grecques romaines et chrétiennes, à parcourir l’île des Lotophages, à marcher sur les traces de Moïse dans le Sinaï, à parcourir la terre des pharaons des bords du Nil à la mer Rouge, à entrevoir la Jérusalem terrestre, à remonter les gorges de la Samaria en Crète, et enfin en Provence et en Lubéron où Marie d’Orient accosta en Camargue pour évangéliser l’Occident.

Telle est ma tentation de l’Orient que je célèbre comme un mythe en autant de rituels répétitifs transparaissant dans le retour de phrases leitmotiv tout au long des récits ; les itérations sont ainsi le rituel de régénération toujours recommencé afin que le grain ne meure. Respirer sans cesse les fondamentaux afin de se régénérer en se rappelant les origines quand dans le même temps le rite conserve sa valeur au mythe.....

Mon propos n’est ni d’apporter une thèse nouvelle ou tenter d’en reproduire des anciennes, mais retracer naïvement mon itinéraire personnel de recherche de quelques mystères du monde et de nos origines. Je garde la pudeur et l’incertitude de l’incompréhension incontournable de l’au-delà qui me pousse à me taire, en vain. Que pouvais-je trouver en ces contrées, l’origine barbare, l’imitation du Christ ou d’Osiris ? Cléopâtre avant de se suicider, n’avait-elle pas transmis à César le rêve d’Alexandre d’unir l’Orient et l’Occident ?

Je comptais m’appuyer beaucoup sur le christianisme, avant de prendre conscience que l’Egypte antique l’avait nourri de ses restes dispersés d’une vieille sagesse ésotérique de l’homme, matinée de Véda! J’ai accepté le Jugement dernier osirien et n’ai plus disposé de temps suffisant pour éprouver la sentence chrétienne !

J’invite mon lecteur potentiel à me suivre en mon périple dans cinq mille ans d’histoire et cinq pays d’Orient, ne craignez pas qu’il s’agisse d’une irréalisable chimère que d’aller en des lieux que j’ai jadis aimés ! Je ne vous convie pas à la recherche de sensations mortes, car la recherche nostalgique d’expériences est souvent sans retour ; je ne veux pas interrompre votre devenir incessant pour vous figer et durer sans changer comme ici en ces déserts et ces ruines immémoriaux....

Depuis longtemps je suis intrigué par ce Vème siècle av JC où le monde civilisé bascula autour de son axe afin de tendre vers une sagesse et une sérénité nouvelles ; De l’Asie mineure à l’Indus l’esprit capitalisa et potentialisa dans des personnages, Bouddha, Lao-tseu, Confucius et l’école de philosophie grecque de Milet.

Une voie nouvelle s’ouvrait à l’Humanité, vers la vertu où la nature ni bonne ni mauvaise pouvait être domptée par la seul faculté de l’esprit. En Egypte où on ne concevait pas le mal comme une entité en soi, mais plutôt comme l’ombre du bien, déformé et modelé dans la matière, Seth personnalisait cette matière inconsciente, aveugle et obscure, qui peut faire le bien ou le mal. Horus qui fuit pendant sept jours, monté sur un âne, cet âne utilisé pour se référer à l’âme tombée dans la matière, comme dans le mythe d’Apulée ; en Egypte l’âne reçoit le nom de lao, celui qui « engendre les ténèbres », de même que le lao hébreux, matière primordiale dépourvue de raison et créatrice de formes........

Partir en voyage est une parenthèse dans notre vie habituelle où nous n’avons plus le recul nécessaire pour découvrir et nous découvrir, tant il est vrai que nous partons non pour nous fuir mais pour nous retrouver ; une envie de dehors et d’ailleurs qui est une manière de renouveler l’espace par un dépaysement aux sensations neuves, comme si nous voulions pallier l’impossibilité de nous rajeunir par un retour dans le temps en le transférant sur le rafraîchissement du regard porté sur un monde vierge à nos yeux........

Le fil rouge dans la trame des souvenirs est constitué par cette quête d’Orient qui fut longtemps un mythe ; tantôt une vision péjorative du XVII ème siècle avec sa litanie de Mamamouchis, de galères barbaresques et un péril de peuples orientaux mêlant le fanatisme cruel à la fantaisie affectée et maniérée typiquement orientale ; tantôt l’orientalisme du XIXème siècle en quête de renouveau à partir des mythologies, mystères antiques et cultes ésotériques orientaux, qui jeta sur les routes du sud, Fromentin, Chateaubriand, de Nerval, Flaubert et bien d’autres !

Quelle impudence à vouloir rendre compte de cet Orient à la suite de ces grands témoins suivis par d’autres contemporains, jusqu’aux rédacteurs de guides culturels bleus ou verts! Tout simplement s’agissait-il pour moi de définir un spectre de pays où au cours de plusieurs séjours je tentai d’approfondir mes connaissances dans une démarche d’écoute humble

Cet ouvrage "Dernières nouvelles d'Orient"est le deuxième après "La mort au Donon" publié par Edilivre; un troisième est en préparation, "Le rouge était mis".

 

 

 

La mort au Donon

 

Le narrateur vous présente un aspect d’une rencontre entre deux régions, l’Alsace et le Limousin, même si nous croyions déjà tout connaître, l’évocation d’une famille dans le tourbillon des événements nous en précise les contours.

Un battement d’aile de papillon engendra le cataclysme de la grande guerre de 1914-1918, où l’héroïne, Louise du Limousin, partit en quête de son fils combattant au Donon sur le front d’Alsace-Lorraine, où se cristallisèrent la haine et la destruction.

La démence collective de la guerre des tranchées, ne pouvait nous conduire que dans le surréel et le fantastique ultérieurs. Un autre battement d’aile de papillon, la vie et la mort du bûcheron Chrysostome Vosgésus, déclencha en cascade la vindicte des dieux, actuels et passés, et la folie de tout un village.

Au tragique de la guerre font suite la poésie et le fantastique d’une vie simple de bûcheron, prétexte à une réflexion sur les dieux, le sacré, le temps, l’identité, la mémoire, l’histoire, le réel, l’imaginaire, la conscience et l’inconscient collectif.

L’auteur né en 1950 est originaire du Limousin, Saint Pardoux en Haute-Vienne, terre d’assignation et d’élection. Installé depuis 40 ans en Alsace, il tente de souligner des points de rencontre entre ces deux régions et l’Allemagne, dans le cadre d’une fiction tragique.

 

Merci d’avoir accepté d’entrer dans cette histoire romancée, et bonne lecture.

 

 

 

 

 

 

 

GILGAMESH - Le nouveau livre de Jean-Luc Graff

 

 

 

Il ne saurait s'agir dans ce livre de proposer une biographie d'un personnage dont aucune trace historique ne subsiste. Néanmoins, celui dont il est question dans cette narration a vraisemblablement existé; le texte le plus ancien qui en a pour la première fois raconté l'épopée, aurait été composé il y a plus de 4 500 ans. On y fait mention de Gilgamesh, roi d'Uruk, ville à laquelle les historiens rattachent l'invention de l'écriture.

Ce texte, gravé sur des tablettes d'argile redécouvertes au XIXe siècle, fut, au moins partiellement, le fruit de l'imagination et des croyances des hommes de ce temps.

Peut-on légitimement s'en servir aujourd'hui pour recréer une fiction ? Oui, si nous savons entendre les interrogations des contemporains de Gilgamesh et si nous considérons qu'il est des thèmes de réflexion qui sont universels et intemporels. Le temps alors n'efface rien, il est au contraire ce qui unit les pensées.

Et c'est en fin de compte lui qui finit par s'évanouir, permettant aux idées de construire et de constituer un socle commun à diverses civilisations.

Que dire par exemple, de l'amitié, de I "amour, de la mort ? Qu'est-ce que le pouvoir ? A ces questions, aucun événement particulier ni aucun concept général ne permettent d'apporter une réponse satisfaisante et définitive. Aujourd'hui, comme il y a plusieurs millénaires, nous ne pouvons que constater nos tâtonnements et avouer notre faiblesse face à qui représente ce qu'il y a de plus essentiel et de plus fondamental dans la vie de chaque être humain.

Et c'est alors la question du sens qui est posée, question qui ne peut trouver de réponse, mais qu'il serait vain de vouloir éluder.

 

Après Voies Croisées, Jean-Luc GRAFF signe son deuxième ouvrage aux Éditions Edilivre.

 

Question d’interprétation

 

« Confronté à l'opinion, par définition changeante puisqu'on la sonde constamment, à la suite sans fin de discours convenus dont le seul effet est de nous conforter dans nos préjugés et nos idées reçues, à un déferlement permanent d'images ne véhiculant rien mais apportant tout de même une grande confusion dans l'esprit, il faut savoir s'arrêter et s'interroger : qu'est-ce,cela qui nous entoure?

Ces quelques considérations n'ont pas la prétention d'y apporter de réponses, mais de souligner la pertinence de la question. »

 

Dans cet essai, Jean-Luc développe des considérations sur l’apparence, l’existence, l’identité, l’illusion etc....

Le livre est en vente au prix éditeur de 10 € ( disponible au café philo).

 

 

Le nouveau livre de Jean Luc  : « REGARDS » est en vente sur le site « thebookeditions.com »au prix de 14.24 € ou auprès de l’auteur.

 

 

livres jean luc

Le dernier ouvrage de Gérard Chabane

 

Extrait du livre "L'Alsace à pied d'homme", 248 pages; Sixième ouvrage de Gérard Chabane.

 

Notre vie est un itinéraire dont nous ne connaissons pas  le commencement et rarement la fin, et comblons cette histoire lacunaire en réalisant une petite Odyssée à hauteur d’homme, à pied, comme une expérience initiatique et fondatrice, une quête de sagesse, dont nous voulons rendre compte. Nous sommes alors notre propre doigt de Dieu pour voir vraiment le monde comme notre représentation et projeter notre volonté comme destin.

Cette idée fait son chemin en nous avant que nous empruntions les sentiers réels. Nous poursuivons alors notre baleine blanche sur notre vaisseau au long cours et sommes à la manœuvre à l’instar du capitaine Achab. Nous tirerons des bords au sextant mixte du ciel des vivants et des morts en fixant les amers sur la ligne d’horizon.

Nous pouvons faire le choix de marcher aux confins du monde, mais aussi  de voyager chez soi en fuyant l’artifice qui valoriserait l’aventure selon le carré inverse de la distance. L’exotisme est trompeur qui nous fait cingler vers le lointain, le « là-bas » et l’ailleurs qui uniraient intrinsèquement le fabuleux, l’épique et le sublime!  Je n’ai pas fait le choix d’aller loin pour me dépayser  et me donner l’altérité d’autres mondes et d’autres visages comme le vrai sens de ma marche. Plus humblement,  j’ai souhaité voir la marge du monde en me mettant dans sa marge et à côté des laborieux de ma propre région d’Alsace.

En toute simplicité, j’ai projeté une randonnée pédestre d’une quinzaine de jours en seize étapes, d’une distance totale de 250 kilomètres du nord au sud du département du Bas-Rhin, de gîtes d’étapes en hôtels en ce doux mois de novembre de 2014.

J’ai voulu conter mon expérience sans faire œuvre de rédaction d’un guide, mais faire part des réflexions qui ont doublé mes pas, réflexions avivées par le mouvement du terrain et de mon corps.

Je m’étais déjà enquis de rédiger un petit vade mecum pour le café philo « Comment ça marche un café philo ? » et dans la suite logique je m’interroge sur « Comment marcher en philosophant ? » Le prologue du livre sous forme de prolégomènes, envisage mes principales questions sur la réalité du monde sensible et la possibilité de sa connaissance, l’articulation de la pensée et du corps athée ou religieux. L’empereur romain Constantin qui fut le bras armé de Saint-Paul, eut en l’an 312 et dans nos Vosges à Grand, la révélation qu’il était missionné pour christianiser son empire déliquescent en domptant les corps !

Cette plongée prolongée dans la nature fut une tentation pour moi de me retrouver en homme primitif après avoir gratté le vernis culturel judéo-chrétien amassé depuis des millénaires.

Le projet philosophique posé et exposé, je me suis employé à évoquer mon périple de seize étapes à la manière d’un randonneur classique en narrant de façon aussi succincte qu’académique, l’itinéraire, les curiosités des paysages, les histoires locales, les légendes et les rencontres fortuites.

Ma production de réflexions fut intense que j’ai transcrites comme elles me venaient, tout juste leur ai-je imposé un classement par thèmes comme, la notion de frontière, le rattachement de l’Alsace à la France, les innombrables guerres, les pèlerinages, le cosmos et les années-lumière......

Nous nous devons, dès le départ, de donner du sens à la marche, tant au sens de l’itinéraire que dans les intentions d’approche des phénomènes, ce qui oblige à sérier les impressions personnelles : le relevé des sites et leur dénomination, sans compter la méthode pour consigner convenablement et rapidement les données de l’expérience sur un petit carnet de route comme auxiliaire de notre mémoire.

La marche nous redonne du temps en suspendant sa version citadine, sans que ce soit un renoncement ou une rupture. Ce changement d’habitude implique des préparatifs assez précis pour une bonne assurance technique de l’épreuve, quand bien même nous pourrions être prêts à faire confiance à la nature dans les mains de laquelle nous remettrions notre sort.

J’ai rassemblé toutes mes composantes pour marcher, depuis mon corps, mon esprit et voire mon âme, mais je suis parvenu à trouver dans mon cœur un point d’unification comme une ouverture, où s’immisce l’énergie de la présence ; la balise de cet amour m’a éloigné souvent de l’écueil des incertitudes du corps imprécis et de l’esprit qui peut parfois dériver. A la manière de Victor Hugo, j’ai voulu que mon cœur pense.

Je suis en transit dans la vie comme je suis de passage sur ces sentiers, où tout au plus voudrais-je laisser un peu de ma lumière et de ma présence à temps compté face à l’éternité du paysage. Mon regard aura peut-être percé ce que je crois être l’opacité du monde en prenant le temps de s’enfoncer dans les choses.

J’aurai voulu n’être que lumière, comme celle qui m’a transfiguré souvent aux premières aubes des matins, jusqu’au dernier rayon qui illuminait mes fins de parcours et en retour le chemin que je venais de parcourir! Cette intensité flamboyante transperçait aussi mes nuits de novembre quand je devinais, venant de l’Orient, le mage Caspar porteur de la lumière du métal d’or dans le ciel pour y allumer les étoiles le 6 janvier prochain.

Que retiendra de moi le paysage, mon passage n’aura remué qu’un peu de poussière vite retombée dans celle de mes ancêtres morts ; je rejoindrai la cohorte  des fantômes des marcheurs dont nulles traces de pas ne marquent la poudre des sentiers. Mais rien n’est vanité, et heureusement aux époques lointaines, d’aucuns devineront encore les sentiers qui furent une mémoire martelée à même la terre, une trace et une signature de foules de marcheurs qui se trouvèrent ainsi aiguillés sur ce fil d’Ariane invisible que nous portons à nos godillots.

Je marche en solitaire mais ne suis pas seul, je demande à mon âme de faire dialoguer mon esprit et mon corps, je suis en société avec mes ancêtres des grandes migrations climatiques ou fuyant des envahisseurs venant de l’Est. Moi aussi, je suis tenté de marcher vers l’ouest que le soleil éclaire à partir de l’Est. Ma mémoire et mon passé sont à l’est dont je n’ai plus rien à apprendre, quand l’appel du renouveau de ma force première et inhumaine viennent de l’ouest. A l’ouest rien de nouveau ? Si, et c’est bien là qu’est mon Far West sans être obligé d’en éliminer les Indiens.

Je rejoins mon père dans ses longues marches de journalier pour se rendre dans des fermes de colons en Algérie où vendre chichement sa force de travail ; puis les marcheurs philosophes autour des péristyles des gymnases et des lycées ; puis les vrais marcheurs philosophes cyniques aboyant leurs diatribes contre les bassesses privées et les vices publics ; puis les bons apôtres prêchant la vraie bonne parole sur les routes ou sur le champ de bataille des révélations ; puis les pèlerins en route pour solliciter l’intercession d’un saint apte à soulager une souffrance ;  puis les marcheurs politiques depuis Mao, Gandhi et  jusqu’aux défilés des piétons de Mai 1968 ; puis les poètes kabyles itinérants, à la musette légère, en recherche de joutes poétiques disant la détresse d’un peuple vaincu par la colonisation ; puis les troubadours et Minnesänger livrés à l’appel des forces obscures; puis Rimbaud qui n’était qu’un piétons et rien de plus ; puis les glorieux penseurs depuis Rousseau, Wordsworth, Kant et Thoreau ; puis les grands marcheurs romantiques, éternels  Wanderer en communion avec l’Etre et en grande cérémonie d’union mystique ; puis enfin les promeneurs et flâneurs du dimanche à l’Orangerie, et tous les randonneurs qui par goût marquent les paysages de leur présence. 

Humblement, je vous livre mes impressions après avoir arpenté l’espace et le temps, mais sans chercher à tuer le temps ce qui serait une offense à l’éternité !  En aucune manière je n’ai eu l’esprit de compétition afin de vouloir m’élever au-dessus du temps pour réduire les distances et mieux me perdre dans l’espace. Au contraire, en marcheur serein, j’ai voulu m’accorder à lui comme il passe et à son rythme. Libre quant à mes durées de parcours et sans l’obsession de « Faire un temps », j’ai pu m’en tenir au temps qu’il faisait et pousser plus avant ma contemplation et mes réflexions.

.................La frontière est toujours en filigrane et je me retrouve à cheval entre les sentiers du club vosgien et du Pfalz-Wald-Verein. De saut à gambade comme disait Montaigne, je joue à saute-frontière en passant par le Listchhof- Kappelsstein, puis la Maison Forestière du Listchhof pour un retour au col.

Après Löwenstein et Hohenburg je passe la frontière à la « kaiser Wilhelm Stein » qui marque la limite en pleine forêt, sous forme d’une pierre ouvragée en «indicateur » et écrite en gothique. J’ai vraiment le sentiment d’être à la borne des confins de l’empire, j’imagine que je suis le dernier habitant de la dernière borne de la juridiction impériale, mon maître après Dieu, l’empereur est à des milliers de kilomètres, et pourtant je lui dois déférence car je lui appartiens à l’instar de la terre qui me porte.

Après ces châteaux et sur tout le chemin, tant de rochers allongés qui semblent des vaisseaux fendant de leur étrave l’air et le temps. Ils n’auront que des voiles imaginaires dont vous voudrez bien les gréer mais demeureront amarrés là, ils ne partiront que dans vos rêves sous le commandement de flibustiers noctambules. Fermez les yeux au crépuscule, ces rochers rendent des bruits plaintifs du vent dans leurs mâts. Je voudrais renommer ces lieux et inventer moi aussi des légendes, « Le rocher de la mer d’Allemagne en allée » ou « Le rocher de la mer morte », « Le rocher de la nef des fous » cette mer qu’un dieu solaire implacable darda de ses rayons terribles qui l’asséchèrent en une journée. Qui fut bien étonné ? Ce veilleur à la hune ou au gaillard d’avant d’une chaloupe de grès, quand il cria « Terre ! »

Rue Mercières, je croise le spectre du Wanderer Hölderlin de 1802 que surplombe une étoile qui le guide vers Bordeaux. Il va se mettre en chemin vers une nouvelle vérité, une meilleure vision de lui-même et de ce qui l’entoure et qu’il redoute. Poète errant, il est libre de toute entrave et à l’affût des merveilles du monde. Soudain, il prend conscience que son excès de sentiment intérieur a pu transformer le monde en désert. N’est-il pas prêt à affirmer qu’en des coins de prodige, il n’a rien d’intéressant à dire ? Il a longtemps adopté la posture de Saint- Bernard, qui est de ne rien remarquer du monde extérieur lors d’une promenade! Le réel ne serait-il plus une notion à dépasser vers un idéal, ni le siège de divinités à découvrir ? Nature indifférente et non plus artifice culturel ! Le poète choisit alors le retrait des dieux sans qu’il rencontre cependant le vide ou l’absence mais sa solitude complète ! Le ciel n’est plus mythologique, les rêves n’embellissent plus les choses, non plus que  les références livresques et leurs métaphores n’ornent le paysage!  Le ciel ordinaire est au-dessus de lui, nulle extase ni ivresse, tout juste doit-il tenir la distance qui le sépare de l’ailleurs avec la seule fatigue de son corps.

Les chimères ont déserté, la nature personnifiée ne lui parle plus qui est juste l’écho d’une simple présence  éparse des choses, il lui est loisible de les nommer. Le poète s’est dépris de l’Idéal, il est le marcheur qui n’aspire plus à se fondre dans le grand « Tout ». Il a congédié sa vie intérieure pour se réifier et devenir un réel rocher de grès rose ou simplement la route.

Plus rien ne lui fait auréole que son entêtement, sa marche est immense et solitaire sans le secours de son sentiment intérieur et il en perd la raison ! Aspirant à tout sentir sans médiation ce qui avant n’était que désert, paradoxalement il ne sera plus en état de rien entendre !

 

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Le dernier livre de Jean Luc GRAFF

 

Après nous avoir régalé avec "GILGAMESH", Jean Luc vient de faire paraitre un nouvel ouvrage:

BRUNEHAUT, reine Franque.

 

 

 

 

Le poète latin Marcus Lucanus parla de la « furor teutonicus » pour décrire la fougue guerrière des tribus germaniques qui s'imposèrent progressivement parmi les peuples de la Gaule. L'une de ces tribus, les Francs, eut une importance déterminante du fait de ses initiatives décisives. Un monde nouveau allait émerger, qui illustrera le lien entre la guerre et le sacré, la proximité entre l'héroïsme et la sauvagerie et déjà, la relation entre la royauté et l'absolutisme. L'Antiquité disparaissait, alors que seront posés les fondements du Moyen-Âge et de l'Occident chrétien. La germanisation des Gaules par les Francs resta cependant superficielle, ceux-ci comprenant qu'il était de leur intérêt de reprendre l'organisation militaire, économique et sociale que l'Empire romain avait mis en place. Vers la fin du Vie siècle, Brunehaut, princesse d'Espagne, pétrie de culture latine, parvint à être reconnue comme reine dans une partie du royaume franc.Quelle est l'histoire de celle que son successeur fera passer pour une véritable Antéchrist ?

 

 

Après Voies croisées et Gilgamesh, Jean-Luc Graff signe son troisième ouvrage aux Éditions Edilivre.

 

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Les Appelés, par Jean Luc Graff

À quoi peut-on penser lorsqu'on est appelé aux armes et qu'il n'y a pas d'échappatoire car la guerre ne semble plus pouvoir être évitée ?

 

Le passé, en temps ordinaire, représente toujours ce qu'il convient de savoir dépasser, afin de pouvoir progressivement donner corps à ses ambitions.

Et pourtant, lorsqu'adviennent des circonstances tragiques et que s'ouvre un abîme devant soi, le souvenir de ce qui fut reste l'ultime refuge. En lui redonnant consistance, chacun est alors à même de transfigurer la réalité qui fut la sienne et de cela peut surgir un effet bénéfique qui évite l'errance dans le fatalisme voire le naufrage dans le nihilisme.

Néanmoins, à quoi bon le ressasser, puisque les tranquilles certitudes qui en étaient issues disparaissent les unes après les autres alors qu'elles servaient jusque- là, d'appui à son existence ?

Texte paru dans les DNA du 21/11/2017

Les Appelés, roman inspiré

Jean-Luc Graff vient de publier un nouveau livre, « Les Appelés ». Pour ce roman il s’est inspiré de notes du père d’un ami.

 « C’est après une discussion avec mon ami Gérard Somon que j’ai eu envie d’évoquer l’itinéraire de son père, Robert, qui était né avant la Première Guerre mondiale. C’est un peu l’histoire de son entrée dans la vie active, jusqu’à la mobilisation pendant la Deuxième Guerre », explique l’écrivain. « J’ai imaginé autour de notes que cet ami possédait. On sait que son père a travaillé dans une exploitation forestière au Gabon, a rencontré Albert Schweitzer… »

Après « Voies croisées », « Gilgamesh », et « Brunehaut, reine franque », l’auteur, revient à une histoire plus contemporaine. Le livre évoque deux personnes qui se retrouvent sur un bateau et échangent pendant un long trajet, disant leurs angoisses, leurs inquiétudes. « Tant que tout va bien, note Jean-Luc Graff, on ne réfléchit pas trop à la vie. Mais dès que l’angoisse survient, des questions interpellent. Et c’est le cas à chaque génération. »

Comme à son habitude, Jean-Luc Graff entremêle son propos de mythes et légendes parfois difficiles à faire concorder avec le fil de l’histoire, mais c’est sa manière de philosopher.

Né à Strasbourg, Jean-Luc Graff vit à Stutzheim-Offenheim ; il a fait toute sa carrière à la direction générale des finances publiques.

« Les Appelés », de Jean-Luc Graff, chez Dom Éditions, 10 euros.( ou au café philo, sur commande, dédicacé par l'auteur!)

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appelés
realites obscurcies

Jean Luc Graff

 

 

Réalités Obscurcies

 

 

Immigrants italiens venus après la première guerre mondiale dans le bassin houiller de Lorraine, les personnages de ce récit ont eu à affronter le tragique de l'Histoire. Lorsque celle-ci s'emballe, quel sens peut-on encore donner à sa vie ? Que faire quand la nécessaire quête de lucidité ne débouche que sur des illusions et des mirages décevants ? De quelles vertus peut-on se prévaloir, alors que plus aucune oasis abritant si ce n'est une étincelle de bonheur, du moins un peu d'espérance, ne se laisse deviner ?

Pourtant, à la lassante banalité du malheur doit répondre l'optimisme plaisant de la raison. Celle-ci enjoint de refuser le fatalisme qui, de tout, ferait un désert existentiel. Comment s'y prendre pour ne pas se laisser emporter par la désintégration de soi qui en serait l'absurde conséquence ?

 

 Publié chez DOM Editions - 9.00€ - ( Ou au café Philo, sur commande, dédicacé par l'auteur)

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Hommage à Pierre
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A notre ami Pierre Nicolas

On fait souvent l'éloge d’un ami, pour se montrer digne de lui. C’est presque inutile, en ce qui concerne Pierre, parce qu’il se savait apprécié de tous, et avait donc reçu, de son vivant, le plus grand de tous les éloges.

Attablé dans l’un de ses nombreux café qu’il fréquentait à longueur de journée, pour écrire, ou découper soigneusement les journaux et magazines qui lui permettaient d’enrichir sa documentation. Il y prenait des notes, après avoir assisté à toutes sortes de conférences, aux cafés philo, cafés théologiques, cafés politiques, cafés histoire, tout en abordant n’importe qui, afin d’offrir sa culture à quiconque passait par là. Pierre se voulait témoin et passant, passeur de savoirs.

Il portait avec lui, chargé non comme un âne, mais comme une âme, l’analyse de tous les travers de l’humanité, qu’il essayait de rendre supportables, pour lui et pour les autres, grâce un sens exceptionnel du contact et du partage.

Alors qu’il aurait pu être historien, Pierre a préféré se confronter au monde à venir, celui de de l’entreprise, dont il étudiait les possibilités de financement, c’est à dire leur capacité de développement, comme il a continué à le faire après sa retraite, aidant des inconnus, ses amis, ceux qu’il rencontrait à hausser le niveau de leurs pensées.

Avec intérêt, mais sans intérêts!

Bien entendu, nous n’étions pas toujours d’accord. D’ailleurs, il jouait de ces débats, me mettait le nez dans mes approximations et mes bêtises, mais sans jamais être vulgaire. Je me permettais de l’être pour deux!

Je lui disais souvent qu’il était un misogyne qui aimait LA femme.

Pierre n’avait rien du play-boy pour défilé de haute couture masculine, rien de l’insupportable macho rouleur de mécaniques, rien du séducteur qui doit tout à l’éclat de son dentifrice ou à son bronzage artificiel.

Il n’aimait pas telle ou telle femme, mais la femme. Il était séduit par une voix entendue à la table proche, par un profil entrevu, une démarche, un geste furtif, un regard, le mouvement de l’ourlet d’une robe, en fait, par la magie de la rencontre.

Même si, parfois, lorsque la fille était très belle, il pouvait citer avec un peu de regret Jacques Chancel : » J’ai été vieux trop tôt, je suis jeune trop tard ».

Comme qui aime bien, châtie bien,  son esprit critique qui ne se limitait pas à la philosophie ou la politique, le faisait réfléchir à ce qu’il ressentait, lui faisait refuser, par des coups de gueule, les hypocrisies et les discours convenus

Pierre était aussi l’homme qui aimait les livres.

Dans son petit studio, ou il se sentait bien, régnait un incroyable capharnaüm, devant des piles de livres soigneusement classés et d’innombrables classeurs contenant des dossiers, impeccablement alignés et annotés. Seul l’essentiel éveillait son intérêt.

 

Pierre était toujours énervé par ceux, troupeaux de suiveurs bêtes et disciplinés, qui vivent à la remorque d'autres qui pensent et décident pour eux. Il m’avait cité à plusieurs reprises, la phrase d’Alexandre Jollien :

« La vie n'est jamais loupée. La vie n'est pas à réussir. Ce n'est pas un objectif. Vivre est à soi sa propre fin ».

Nulle obéissance aux lois, à des usages, à des individus, n’a sa force et sa raison en elle. Obéir parce qu’il est matériellement, impossible de ne pas le faire, obéir parce que l’on croit devoir obéir à des usages, des conventions, des influences extérieures politiques ou divines, ne résiste pas au code moral que sa propre pensée conçoit comme légitime.

Parce que cette soumission, contrainte invisible, se fait par ignorance, se fonde par ruse sur des chimères, seule l’étude de l’histoire des hommes, la prise de distance philosophique avec le monde qui nous entoure, permet une autonomie, libre, par la compréhension des niveaux de complexité que Pierre s’est acharné à décomposer pour les comprendre, pour nous aider à sortir de l’ignorance. (D’après un texte qu’il m’avait fait parvenir)

Il pourra enfin dire, face à face, à Goebbels, qu’il évoquait souvent, ce qu’il pense de lui!

Dans nos discussions, au café philo ou sur une terrasse de bistrot, lieux éminents de philosophie populaire, il ne me ratait jamais, mais maintenant, il va me manquer.

Merci Pierre  et adieu.

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Jean Luc Graff

YRSA LA VIKING

La découverte d'un texte composé il y a plusieurs siècles peut engendrer une réaction de curiosité, d’indifférence, ou encore de moquerie. En effet, comment, à une époque où devaient régner l'ignorance et le préjugé, du moins aimerait-on s'en persuader, aurait-on pu concevoir un récit cohérent et ordonné ? L'impression première n'est jamais ce à quoi il faut s'arrêter,‘ car elle ne reflète qu'un jugement sommaire, essentiellement empreint de superficialité. Ce qui est présenté ici relate des scènes qui se sont passées, ou se seraient passées, il y a plus d’un millier d'années. Après avoir longtemps fait l'objet de transmissions orales, elles ont finalement été codifiées sous la forme d’un texte écrit par un lettré. Mais pourquoi vouloir maintenant refaire une narration de ce qui mêle faits réels et mythes, récits se voulant épiques et l'acceptation de la volonté supposée d'êtres surnaturels ?

Les époques passent et l'esprit humain demeure ce qu’il est. Il garde sa tendance à accorder davantage d'intérêt à ses passions plutôt qu'à la raison. Il accepte ses bassesses qu’il masque, par facilité, en invoquant la fatalité et il camoufle ses erreurs en faisant appel à la nécessité qui n'est autre que le nom qu’il donne à son aveuglement. De sorte qu'un récit est toujours d'actualité, le temps n’effaçant en rien ce qui sous-tend la continuité de la destinée humaine et ce qui assure la permanence de la croyance en ses vaines utopies.

PRIX 12.00 € -Edilivre

Introduction

Il y avait, dans la Scandinavie de la fin du premier millénaire après J-C,, un grand nombre de royaumes. L'histoire de certains d'entre eux, illustrée de récits fabuleux, était transmise par voie orale et avait le statut d'« anecdotes errantes ». Celles-ci sont parvenues jusqu'aux scribes de la chrétienté, religion qui finira par supplanter celle qui, dans ces contrées, avait jusque-là organisé les rôles entre les humains et les dieux. Car 1à comme ailleurs, ce qui fut l'un des moteurs de l'Histoire sont les croyances qui, pour l'élite du moins, acquirent le rang de certitudes ou furent présentées comme telles. Celles-ci structurent les sociétés grâce aux mythes qu'elles cherchent à promouvoir, elles donnent aux pouvoirs une assise fondée sur l'émotion et une légitimité basée sur la nécessité. En effet, sans ordre hiérarchique, aucune société n'est possible; celui dont I'autorité est l'émanation de ce qui a fini par être admis comme étant évident, a besoin de I'obéissance de tous, y compris de ceux gui se raccrochent à l'idée que la croyance donne un sens à leur vie, à défaut de leur donner de quelconques satisfactions. De sorte que dominants et dominés peuvent être, dans des rôles certes différents, au service des êtres mythiques dont leur imaginaire a besoin, pour créer une collectivité  assurant un rôle à chacun de ses membres. Le récit qui sera repris ici a vraisemblablement été compilé par l'un de ces scribes frottés de christianisme. Celui-ci en a souligné les éléments surnaturels pour n’illustrer que leur absurdité par rapport au merveilleux chrétien.

 

Yrsa

L'Ennui et la Vanité

Ce texte a été rédigé à partir de notes faites par un conquistador du XVIe siècle. Ce n'est pas un texte historique mais une réécriture réalisée à partir de l'impression laissée à l'auteur par la lecture du texte original. Tous les éléments factuels figurant dans ce récit ont été repris des notes du conquistador.

Quelle en est l'idée générale ? L'être humain ne peut vivre sans croyances. Celles-ci, dès qu'elles sont acceptées par une élite dirigeante sont admises au rang de vérité et deviennent ainsi un repère à l'action de chacun.

Pour les populations de ces pays, leurs dieux ne pouvaient les trahir, car ils leur avaient accordé leur confiance. Pour les conquérants espagnols, leur Dieu n'aurait su les induire en erreur, sinon pourquoi se serait-il fait connaître à eux ? De sorte que pour ces derniers, leur vérité ne pouvait pas être mise en doute, étant donné qu'il ne s'agissait pas, selon leur conception, d'une croyance, ni même d'une certitude, mais d'un savoir. Dès lors, rien ne pouvait être mis en questionnement de ce qui était affirmé par leur religion, leurs actes se justifiant par le but moral défini par celle-ci.

Ce qui servait de référence aux conquistadors n'était pas une supposée supériorité raciale, le thème lié à la «race» leur était inconnu et n'est apparu que bien plus tard.

En vente au prix de 15,90 E

Ennui et vanité

Les sujets du bac de philosophie

 

Série générale:

Sujet 1: Discuter, est-ce renoncer à la violence?

Sujet 2: L’inconscient échappe-t-il à toute forme de connaissance?

Sujet 3: Sommes-nous responsables de l’avenir?

Sujet 4: Explication de texte autour d'un extrait de l'ouvrage De la Division du travail social, d'Emile Durkheim

 

Chaque  peuple  a  sa  morale  qui  est  déterminée  par  les  conditions  dans  lesquelles il vit. On ne peut donc lui en inculquer une autre, si élevée qu'elle soit, sans le  désorganiser,  et  de  tels  troubles  ne  peuvent  pas  ne  pas  être  douloureusement  ressentis par les particuliers. Mais la morale de chaque société, prise en elle-même, ne  comporte-t-elle  pas  un  développement  indéfini  des  vertus  qu'elle  recommande  ?  Nullement. Agir moralement, c'est faire son devoir, et tout devoir est fini. Il est limité par  les  autres  devoirs  ;  on  ne  peut  se  donner  trop  complètement  à  autrui  sans  s'abandonner soi-même ; on ne peut développer à l'excès sa personnalité sans tomber dans  l'égoïsme.  D'autre  part,  l'ensemble  de  nos  devoirs  est  lui-même  limité  par  les  autres  exigences  de  notre  nature.  S'il  est  nécessaire que  certaines  formes  de  la  conduite soient soumises à cette réglementation impérative qui est caractéristique de la moralité, il en est d'autres, au contraire, qui y sont naturellement réfractaires et qui pourtant  sont  essentielles.  La  morale  ne  peut  régenter  outre  mesure  les  fonctions  industrielles, commerciales, etc., sans les paralyser, et cependant elles sont vitales ; ainsi, considérer la richesse comme immorale n'est pas une erreur moins funeste que de  voir  dans  la  richesse  le  bien  par  excellence.  Il  peut  donc  y  avoir  des  excès  de  morale, dont la morale, d'ailleurs, est la première à souffrir ; car, comme elle a pour objet immédiat de régler notre vie temporelle, elle ne peut nous en détourner sans tarir elle-même la matière à laquelle elle s'applique.

DURKHEIM, De la Division du travail social (1893)

 

Série technologique:

Sujet 1: Est-il toujours injuste de désobéir aux lois?

Sujet 2: Savoir, est-ce ne rien croire?

Sujet 3: La technique nous libère-t-elle de la nature?

Sujet 4: Explication de texte autour d'un extrait de l'ouvrage Le poète et l'activité de la fantaisie, de Sigmund Freud

 

Si au moins nous pouvions découvrir chez nous ou chez nos semblables une activité apparentée d’une manière ou d’une autre à ce que fait le poète ! L’investigation de celle-ci nous permettrait d’espérer acquérir un premier éclaircissement sur l’activité créatrice  du  poète.  Et  effectivement,  une  telle  perspective  existe  –  les  poètes  eux-mêmes d’ailleurs aiment à réduire l’écart entre leur particularité et l’essence humaine en général ; ils nous assurent si fréquemment qu’en tout homme se cache un poète et que le dernier poète ne mourra qu’avec le dernier homme. Ne  devrions-nous  pas  chercher  déjà  chez  l’enfant  les  premières  traces  d’une  activité poétique ? L’occupation la plus chère et la plus intense de l’enfant est le jeu. Peut-être sommes-nous en droit de dire : tout enfant qui joue se comporte comme un poète  en  tant  qu’il  se  crée  son  propre  monde  ou,  pour  parler  plus  exactement,  transporte  les  choses  de  son  monde  dans  un  ordre  nouveau  à  sa  convenance.  Ce  serait un tort de croire qu’il ne prend pas ce monde au sérieux, au contraire, il prend son jeu très au sérieux, il s’y investit beaucoup affectivement. Le contraire du jeu n’est pas le sérieux, mais la réalité. En dépit de son investissement affectif, l’enfant distingue fort  bien  son  monde  de  jeu  de  la  réalité,  et  il  étaye1  volontiers  les  objets  et  les  cir  constances  qu’il  a  imaginés  sur  des  choses  palpables  et  visibles  du  monde  réel.  Rien  d’autre  que  cet  étayage  ne  distingue  encore  l’« activité  de  jeu »  de  l’enfant  de  l’« activité imaginaire ».Or  le  poète  fait  la  même  chose  que  l’enfant  qui  joue ;  il  crée  un  monde  imaginaire qu’il prend très au sérieux, c’est-à-dire qu’il l’investit affectivement tout en le séparant strictement de la réalité.

FREUD, Le poète et l’activité de fantaisie(1907

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sujets bac 2021

 

Il voulut être écuyer

 

Jean Luc Graff partage avec les lecteurs la passionnante histoire de Johannes Schiltberger. Ce récit, écrit à partir des notes de voyage de ce dernier, consignées dans un « Reisebuch », rappelle à tous qu’on n’oublie jamais ses origines

 

Fin du 14e siècle, Bavière

Johannes Schiltberger, âgé de 15 ans devient l’écuyer d’un comte. Celui-ci décide de participer à la guerre contre l’empire ottoman voulue par le roi de Hongrie, mais les armées chrétiennes sont défaites par les ottomans lors de la bataille de Nicopolis en 1396. Schiltberger est fait prisonnier et doit accepter de devenir fantassin au sein de l’armée victorieuse. Il participe à diverses batailles mais lorsque les ottomans font face aux troupes turco mongoles de Tamerlan, ce sont ces dernières qui l’emportent à nouveau. A nouveau captif, il doit désormais combattre à leurs côtés.

Après différentes péripéties parviendra-t-il à regagner son pays natal plus de 30 années après son départ ?

Jean Luc Graff partage avec les lecteurs la passionnante histoire de Johannes Schiltberger. Ce récit, écrit à partir des notes de voyage de ce dernier, consignées dans un « Reisebuch », rappelle à tous qu’on n’oublie jamais ses origines

 

Fin du 14e siècle, Bavière

Johannes Schiltberger, âgé de 15 ans devient l’écuyer d’un comte. Celui-ci décide de participer à la guerre contre l’empire ottoman voulue par le roi de Hongrie, mais les armées chrétiennes sont défaites par les ottomans lors de la bataille de Nicopolis en 1396. Schiltberger est fait prisonnier et doit accepter de devenir fantassin au sein de l’armée victorieuse. Il participe à diverses batailles mais lorsque les ottomans font face aux troupes turco mongoles de Tamerlan, ce sont ces dernières qui l’emportent à nouveau. A nouveau captif, il doit désormais combattre à leurs côtés.

Après différentes péripéties parviendra-t-il à regagner son pays natal plus de 30 années après son départ ?

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ecuyer

Hommage à Jean

Il y a quelques jours, Jean Jung, m’a téléphoné pour me dire qu’il comptait m’inviter dans sa nouvelle maison, dès que MOI, j’irai mieux !

 

Sa force, son énergie, son courage, face à une épreuve qu’il traversait depuis des années, lui faisait toujours recommencer, après chaque petite victoire, sans jamais renoncer ou se résigner.

Jean louait le mérite, l’altruisme, la fraternité, et, pensant que la science, la philosophie et le souci de l’environnement y contribuaient, il na cessé de s’en préoccuper avec enthousiasme et persévérance.

 

La maladie n’a pas gagné : Jean est toujours resté lui-même : un combattant, que ce soit dans sa passionnante vie professionnelle, sa vie familiale qu’il mettait au-dessus de tout, et dans sa vie intellectuelle qui lui faisait m’envoyer, pour chaque sujet du café philo et jusqu’à ces derniers jours, des petites notes pour m’aider, voire m’orienter subtilement, dans un sens qui lui permettait de prôner son humanisme.

 

Par exemple : L’autre - « Notre vie est inséparable de celle des autres, des étrangers que nous rencontrons, qu’ils parlent notre langue ou non, le premier que nous avons connu, et qui nous connaît, c’est le visage de l’autre ou l’étranger. Dans « La pesanteur et la grâce » Simone Veil, écrit : « Aimer  un étranger comme soi-même implique comme contrepartie : s’aimer soi-même comme un étranger »

Nous sommes nous, en intégrant l’autre. »

 

Le héros - « Pourquoi nous avons besoin de héros ? C’est parce que l’humanité a besoin de croire que l’impossible est possible. P

our que l’on croie cet impossible, possible, les Grecs avaient inventé cet intermédiaire entre les dieux et les hommes, qu’ils appelaient héros. Mais petit à petit ça a changé. Quand on n’a plus cru aux mythes, on a essayé de trouver des héros dans la vie de tous les jours; et quand on n’en avait pas, on en inventait, c’est-à-dire qu’on va jusqu’au mensonge pour trouver des héros, mais il ne suffit pas d’être un héros, il faut l’être au bon moment. En vérité les plus oubliés sont souvent les vrais héros, ces humbles, invisibles, et innombrables «petites mains» anonymes qui veillent sur nous. »

 

L’incertitude - "Mais en fait aimerions-nous vivre dans un monde où toute chose aurait une explication précise, ce serait alors la mort de notre imaginaire ; et sur la part d’imaginaire, nous n’aurions que la certitude d’aller vers notre finitude, ce qui rendrait notre vie insipide... cette  non-certitude peut elle être l’espoir de tous les possibles..? En vérité, l’incertitude n’est-elle pas notre seule certitude ?"

 

La mémoire - "Je me demande parfois ce qu’il restera de notre époque. Quelle pourrait être notre contribution digne d’être remémorée pour des siècles et des siècles.

 Cette question est importante car elle dépend essentiellement de nous et des efforts que nous entendons mener pour nous projeter dans l’avenir et transmettre notre mémoire. 

Mais comparer un iPhone avec la pierre de Rosette, nos téléphones ressemblent plus à des tablettes d’argile qu’à une stèle de pierre volcanique d’x cm d’épaisseur patiemment gravée au burin. La pierre de Rosette est célèbre pour avoir permis à Jean-François Champollion de déchiffrer les hiéroglyphes. La parole du roi était alors gravée dans la pierre pour les siècles et des siècles.

 Nous vivons une époque paradoxale où plus rien ne s’efface ni ne se retient. Nous sommes tombés dans ce qu’on appelle le piège du Y-a-tout. 

 Nous n’avons plus à choisir soigneusement les 36 clichés que nous prendrons sur notre pellicule photo mais conservons des milliers d’images qui n’ont plus aucun sens ni utilité.

 Nos décrets ne tiennent plus sur un gros bout de caillou mais bien en des  centaines de volume où plus personne ne se retrouve.

Le numérique nous fait vivre aujourd’hui dans un monde qui ressemble étrangement à une nouvelle Bibliothèque de Babel. Cette bibliothèque imaginaire contient tous les livres du monde. Une telle bibliothèque contiendrait tout le savoir du monde, non seulement le savoir connu mais également tout le savoir que l’on ne connaît pas encore et même celui que l’on découvrira peut être ou jamais...

Nous vivons une époque de savoir sans mémoire. Que nous vaut tout le savoir du monde si n’avons plus de mémoire..? "–

Merci mon Jean, pour ce que tu nous laisse, nous ne t’oublierons pas..

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Jean
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