PHILOUSOPHE
Un siècle de république turque.
Une des dates marquante de l'Histoire en Europe a été 1453. Cette année-là, l'Occident chrétien, stupéfait, assiste à la chute de Constantinople; la cathédrale Ste Sophie, alors le plus vaste lieu de culte de la chrétienté, est transformée en mosquée. L'empire ottoman ne s'en tiendra pas là, puisqu'il va ensuite s'étendre à l'ouest jusqu'au lieu qui deviendra par la suite l'Algérie, au nord jusqu'à la Hongrie, à l'est jusqu'à l'Azerbaïdjan et au sud jusqu'à l'Egypte. L'armée ottomane acquit ainsi une réputation d'invincibilité, qu'elle perdit toutefois à la bataille de Lépante en 1571, où la Sainte Ligue, formée par les Etats chrétiens du sud de l'Europe, réussit à la défaire. L'Empire ottoman est ensuite travaillé par des nationalismes interne, mais tiendra vaille que vaille jusqu'à la 1ere guerre mondiale.
En s'alliant à l'Allemagne, l'Empire mise sur le mauvais cheval et se retrouve du côté des vaincus en 1918. Auparavant, en 1915, s'était déroulé ce qui officiellement est désigné sous le nom d'"évènements de 1915", à savoir le massacre à grande échelle par l'armée ottomane d'Arméniens et d'Assyro-Chaldéens, aidée en cela par des régiments kurdes. La fin de la guerre voit naître la Turquie moderne, considérablement diminuée géographiquement en comparaison de ce qu'elle fut et dirigée maintenant par un militaire Mustapha Kemal. Cela fait suite au traité Sykes-Picot signé en 1916 où, avec l'aval de ce qui était encore l'Empire russe, fut planifiée la découpe des possessions arabes de l'ancien Empire ottoman. Le partage se fait entre la France et la Grande Bretagne. En réalité, ce qui restait de la Turquie aurait dû être dépecé également mais Mustapha Kemal réussit à organiser la résistance et à mettre en échec ce projet. En 1920, est signé le traité de Sèvres. Il est prévu de démanteler ce qui restait de l'Empire entre un Etat turc recouvrant l'Anatolie de l'Ouest et un Etat kurde à l'est. M. Kemal refuse et lance la guerre d'indépendance. Elle oppose l'armée turque qu'il dirige à l'armée grecque, soutenue par les Britanniques.
Le conflit prend fin en 1922. M. Kemal propose aux Kurdes de participer à une grande Turquie, en contrepartie d'un régime d'autonomie interne. Mais ceux-ci veulent en rester aux dispositions du traité de Sèvres.
En 1923, est signé le traité de Lausanne, qui annule le traité précédent. La Turquie est alors fixée dans ses frontières actuelles et la question kurde passe aux oubliettes. M. Kemal fonde le parti républicain du peuple, dont le programme est laïc, nationaliste et moderniste. Dans celui-ci, il n'est plus question d'autonomie kurde. Considérés désormais comme des étrangers, le pouvoir central espère leur émigration dans des pays voisins. Le 29 octobre 1923, la république est proclamée. M. Kémal en est le président et Ankara en devient la capitale. Le califat, fondé en 1299, est aboli, le calife est expulsé et trouve refuge en France. Le nouveau pouvoir proclame une neutralité stricte fondée sur 6 principes: ne pas interférer dans les affaires intérieures de ses voisins, ne pas provoquer la toute nouvelle URSS, ne pas donner de conseil sans y avoir été invité, développer des liens avec les pays arabes sans se laisser entraîner dans leurs querelles, adopter la culture de l'Occident en n'oubliant pas qu'il s'agit de puissances impérialistes.
L'année suivante, une nouvelle Constitution est promulguée: elle définit un régime parlementaire à une seule chambre, et instaure un système politique fondé sur la règle du parti unique (Kémal est alors un admirateur de Mussolini). Le ministère de la charia est supprimé, de même que les tribunaux religieux, alors que les établissements d'enseignement religieux sont fermés. Pour appliquer son programme et vaincre les résistances, le pouvoir s'appuie sur l'armée. En 1925, a lieu la première révolte kurde, elle sera sauvagement réprimée. La même année, est signé avec l'URSS un traité d'amitié et de non-agression. En 1926, un nouveau code civil est promulgué: la polygamie est supprimée et l'égalité homme femme est affirmée. 1928 voit l'adoption de l'alphabet latin, tandis que l'islam perd son statut de religion d'Etat. En 1930, une nouvelle révolte kurde est matée par l'armée. En 1934, les femmes peuvent voter et deviennent éligibles à tous les scrutins, Kemal est proclamé Atatürk (le père des Turcs). En 1937, le principe de laïcité est inscrit dans Constitution, Atatürk meurt et est remplacé par son premier ministre. Lorsqu'éclate la 2e Guerre mondiale, la Turquie affiche d'abord sa neutralité, puis rejoint les Alliés après la conférence de Yalta. En mars 1945, l'URSS ne renouvelle pas le traité de non-agression signé en 1925, car elle avait demandé un contrôle conjoint avec la Turquie des détroits reliant la Mer Noire à la Méditerranée. Ce refus d'Ankara entraîne un rapprochement avec Washington. 1er novembre de la même année, le multipartisme est introduit.
Le mandat britannique sur la Palestine prend fin en 1947. Les membres de l'ONU votent en faveur de la création de deux Etats; l'un juif, l'autre arabe mais seul l'Etat juif voit le jour et sera nommé Israël. La Turquie le reconnaît dès l'année suivante et rejoint l'OTAN en 1952. 1953, installation de la première base militaire US, 1955, signature avec l'Irak, et sous l'égide des US, le "pacte de Bagdad".
Il s'agit alors essentiellement de faire contrepoids à l'Egypte prosoviétique. Jusqu'en 1964, Ankara, craignant l'expansionnisme soviétique, s'alignera sur les positions US. Toutefois, dès 1959, le pays, voulant garder une marge de manœuvre face aux USA, fait une demande d'adhésion à la CEE; en 1960, un coup d'Etat militaire met au pouvoir un kémaliste pur et dur qui sera suivi d'un autre coup d'Etat, 2 ans plus tard, qui échouera. L'armée se retire du pouvoir et l'année suivante, les négociations avec l'Europe ayant repris, est signé un accord d'association économique entre Turquie et CEE.
En Turquie, les milieux économiques font part de leur opposition, craignant un effet néfaste, pour leurs entreprises, d'une baisse trop forte des tarifs douaniers. Une première crise chypriote surgit en 1964, qui refroidit les ardeurs turques en faveur de l'Occident.
Il faudra attendre 1970 pour qu'un protocole additionnel à l'accord d'association avec la CEE soit signé; y est introduit le principe d'une limitation de l'exportation de certains produits vers l'Europe. Tout le processus est arrêté après l'invasion et l'occupation de la partie nord de Chypre en 1974, Ankara ayant décidé de régler la crise chypriote à son seul avantage en annexant une partie de l'île. L'éloignement de l'Occident est encore accentué quand, en 1980, intervient un nouveau coup d'Etat militaire. Il est soutenu par les USA bien qu'il a pour conséquence la dissolution du parlement, l'interdiction des partis politiques et le démantèlement des syndicats. Toutefois, 2 ans auparavant avait eu lieu la création du PKK (parti des travailleurs du Kurdistan), d'obédience communiste et prônant la lutte armée. On pouvait y voir l'oeil de Moscou ! En tout état de cause, suite à ce coup de force, la CEE interrompt ses relations avec Ankara. On assiste à un retour à un régime civil en 1983, mais l'ensemble des restrictions politiques ne sont levées qu'en 1987. La Turquie demande alors officiellement son adhésion à la CEE, mais 2 années plus tard la Commission européenne émet un avis négatif.
En 1991, Ankara décide de participer à la 1ere guerre du Golfe, ce sera surtout l'occasion pour la Turquie de lancer des opérations militaires contre les Kurdes irakiens. Pour parfaire cette opération, le pouvoir décide de la création des "escadrons de la mort", qui feront, durant les années suivantes, plusieurs centaines de milliers de victimes kurdes en Turquie même. En 1995, un parti se réclamant de l'islam fait une percée inattendue et remporte les législatives. L'armée, inquiète, rend public un mémorandum où elle met en garde le gouvernement contre le danger islamiste. Le chef du gouvernement préfère ne pas insister, il démissionne et dans la foulée, le parti religieux qui le soutenait est dissous. L'année suivante, un accord d'union douanière entre en vigueur suivi de l'acceptation, par le Conseil européen, de l'inscription de la Turquie sur la liste des pays dont la candidature en vue d'une adhésion est examinée.
Avant que le siècle ne fut achevé, Ankara put annoncer l'arrestation du chef du PKK au Kenya, les services secrets turcs ayant bénéficié de la collaboration des services US et israéliens. Privé de son chef, le PKK annonce la fin de la lutte armée.
En 2001, un vibrionnant politicien, Recep Erdogan annonce la création du Parti de la Justice et du Développement (AKP), de tendance à la fois islamo-conservatrice et pro-européenne. Ce nouveau parti remporte les élections législatives et son chef devient 1er ministre. En 2003, Ankara refuse de s'associer à l'agression US contre l'Irak et en novembre de la même année, des attentats revendiqués par Al Qaida font 50 morts à Istanbul. En novembre 2004, le Conseil européen donne son feu vert à l'ouverture de négociations d'adhésion à l'Union européenne. Elles seront gelées un an plus tard suite au refus de la Turquie d'appliquer l'union douanière avec Chypre. En 2007, a lieu la première élection du Président de la République au suffrage universel, M. Erdogan est élu. 2010 est l'année de la crise entre la Turquie et Israël, à la suite de l'attaque par l'armée israélienne d'une flottille humanitaire turque transportant des secours pour Gaza. Le Hamas qui dirige Gaza est une organisation alliée aux Frères musulmans, tout comme l'AKP, de fait, la Turquie le soutient, d'autant qu'elle cultive des relations très étroites avec le Qatar, lequel finance cette organisation. En 2011, suite à la victoire de l'AKP aux législatives, M. Erdogan est reconduit dans ses fonctions; il remporte le 1er scrutin présidentiel, en 2014.
A la suite de la guerre civile en Syrie, opposant le pouvoir à différentes milices islamistes, certaines étant soutenues par l'Occident, qui semble avoir un problème avec les pays arabes dès qu'ils ne sont pas dirigés par des musulmans sunnites, Ankara soutient la rébellion. Il y voit un moyen d'intervenir militairement contre les Kurdes installés dans ce pays, au nom du prétexte bien commode de la lutte contre le terrorisme. Cela d'ailleurs ne l'empêche pas d'appuyer les Frères musulmans en Egypte et en Tunisie. Pour affirmer sa présence en Syrie, Ankara n'a pas hésité, en 2015, à contrer la Russie et à abattre un avion militaire russe. Cerise sur le gâteau, M. Erdogan put faire état de ses talents de négociateurs en obtenant 6 milliards d'€ de Bruxelles en échange de la promesse de garder dans son pays les ressortants syriens qui avaient fuit la guerre.
De fait, la Turquie tient l'Europe par l'Allemagne du fait de la présence d'une importante communauté d'immigrants à qui M. Erdogan a explicitement demandé de ne pas s'assimiler, transformant l'Allemagne en un pays communautariste. De surcroît, Ankara a vite compris qu'il pouvait, en instrumentalisant la question migratoire, exercer de manière constante un chantage financier sur l'UE. Celui-ci se complète d'ailleurs d'un chantage diplomatique par le refus de l'adhésion de la Suède à l'OTAN, tant que celle-ci sera conciliante avec ses réfugiés kurdes.
Mais après l'échec du coup d'Etat de juillet 2016, M. Erdogan se détourne complètement de l'Occident, établissant une sorte de contre-modèle nationaliste et religieux. Il s'éloigne également des "Frères musulmans", car cela avait compliqué sa relation avec la Russie avec qui il a voulu ensuite se rapprocher. Une politique de coopération avec Moscou voit le jour, notamment dans le domaine du nucléaire civil et dans le domaine militaire (achat du système de missiles russes S 400 provoquant l'ire de Washington).
Celui que l'on commence à appeler le "Reis", le chef, est réélu en 2018; il dirige le pays avec une majorité formée par l'AKP et le "parti d'action nationaliste", fondamentalement antieuropéen et anti atlantiste. Il signe en 2019 avec la Russie l'accord de Sotchi, selon les termes duquel les 2 pays se partagent chacun une zone d'influence en Syrie. En janvier 2020, il décide d'une intervention en Libye en soutien au gouvernement en place, qui est contesté par l'opposant Khalifa Haftar, appuyé par Moscou. L'intervention turque n'est pas désintéressée car Ankara revendique une zone économique exclusive de 460 000 km2 en mer Egée et en Mer Noire, ce qu'accepte le pouvoir en place à Tripoli. Le même mois est inauguré le pipe-line gazier Turkish stream permettant l'acheminement de 32 milliards de m3 de gaz par an. En février 2022, débute l'"opération militaire spéciale" russe en Ukraine; Ankara, consciente que l'opération vise à mettre un terme aux exactions du gouvernement ukrainien contre la population russophone du Donbass (13 000 morts, 1,5 millions de déplacés selon les chiffres de l'ONU), suite au refus ukrainien d'appliquer les accords de Minsk, décide de ne pas appliquer les sanctions décrétées par les USA contre la Russie. On constatera que le gazoduc turc n'a pas été saboté, contrairement à celui de la docile Allemagne. M. Erdogan, contrairement à M. Scholz, semble avoir compris que la servitude volontaire ne mène jamais à rien. En aout 2022, Ankara accepte de reprendre les relations diplomatiques avec Israël, et ce, après 10 ans d'interruption. En septembre, Ankara, jouant désormais sur tous les registres, participe à la réunion de l'OCS (organisation de coopération de Shanghai).
En juillet dernier, lors du sommet de l'Otan à Vilnius, le président turc s'est opportunément souvenu qu'en 2005, il avait demandé à Bruxelles l'adhésion de son pays à l'Union européenne, une demande qui n'a jamais abouti et qui est donc encore en cours. Le président de l'Union européenne s'est empressé de dire qu'il voulait "redynamiser" les relations entre Bruxelles et Ankara. Mais on voit mal comment elles pourraient l'être puisque les positions de cette dernière concernant les conflits en Syrie, Libye, Ukraine et Arménie sont antagonistes de celles de l'Europe, plus que jamais dirigée par des spadassins se dévouant corps et âme à la défense des intérêts de Washington. De surcroît, les relations sont extrêmement tendues avec la Grèce au sujet de forages gaziers en Méditerranée. Mais Ankara a parfaitement compris que le rapport de force dans le monde est en train de changer. L'Occident est tétanisé par l'évolution du monde actuel, qui se fait sans ses obsessions "droitdel'hommistes" et LGBTQI+, considérées comme décadentes par le "sud global". De plus en plus, la Turquie prête attention aux initiatives prises par les BRICS+ et délaisse un G7 en train de s'enliser.
Ankara a pu constater que la position syrienne s'est trouvée renforcée après sa réadmission au sein de la Ligue arabe et le voyage triomphal, en septembre dernier, du président de ce pays en Chine. Fort de ces soutiens, M. Assad a déposé une demande officielle auprès d'Ankara de retrait des troupes turques en Syrie. Pour autant, les Turcs n'ont pas réagi, préférant s'accommoder modus vivendi établi avec la Russie, laquelle n'intervient pas dans la question kurde. Un modus vivendi qui tient aussi en Libye et de plus en plus en Afrique, notamment depuis la débâcle française dans les pays du Sahel. Ankara est certes un rival et un concurrent de l'ensemble Chine Russie, l'un et l'autre désormais et en réponse à l'Occident qui pensaient pouvoir leur faire la peau, très liés l'un à l'autre. Mais cela ne nuit en rien en rien à une collaboration tactique entre ces 3 partenaires dès qu'il s'agit de nuire à l'Occident. On en a eu un exemple récent avec le conflit du Haut-karabbah, où Moscou et Pékin ont laissé l'Azerbaidjan, aidé par la Turquie, humilier l'Arménie, en théorie alliée de l'Occident. Mais celui-ci l'a froidement laissée tomber. Tant Ankara que Moscou ou Pékin enregistrent avec satisfaction la lente décomposition de l'Occident sur la scène internationale. Ankara suit avec une attention soutenue l'évolution de l'organisation des BRICS, récemment élargie, et les efforts menés par ces pays pour, à la fois dédollariser l'économie mondiale et neutraliser les effets délétères de la déterritorialisation du droit US.
Dans la guerre menée par les USA contre la Russie par Ukraine interposée, Ankara s'était associé aux efforts en vue d'un règlement pacifique du conflit, lequel, en mars 22, avait failli aboutir sous l'égide du gouvernement israélien de l'époque. Mais le président ukrainien n'a aucune marge de manoeuvre, il lui a donc fallu poursuivre la guerre. Suite à cet échec des négociations, Ankara a livré à Kiev des drones tout en refusant de s'associer aux sanctions occidentales contre la Russie.
Pour finir, un mot sur l'armée: elle s'est toujours jugé garante du legs du M. Kemal. Elle est intervenue directement en 1960, 1971, 1980 mais a échoué en 2016. On assiste depuis à une ferme reprise en main de l’armée, par le pouvoir islamo-conservateur, qui en a profité pour purger le pays des partisans de Fethullah Gülen, un islamiste haï par l'armée, concurrent de M. Erdogan et considéré comme l'instigateur de la tentative de renversement du pouvoir. En réalité, le rôle politique des forces militaires avait été minoré dès 2003. M. Erdogan, tout juste élu, a, pour ce faire, invoqué les négociations avec l'Europe pour mettre les militaires au pas, si l'on peut dire. Il eut pour cela le soutien des gülenistes, alors allié du pouvoir. Le Reis donna satisfaction à l'armée en décapitant, après le coup d'Etat manqué de 2016, le mouvement de Gülen et en profita pour se présenter comme un islamiste modéré. Le grand tort de M. Gülen étant de s'être inspiré dans ses discours d'un chef religieux kurde, Saïd Nursi. Cela a signé l'arrêt de mort du mouvement. Son écrasement après 2016 a d'ailleurs été approuvé par l'ensemble des forces kémalistes et nationalistes.
Malheur aux vaincus, Washington ayant misé sur M. Gülen, M. Erdogan a, depuis, pu se présenter comme étant le champion de l'indépendance nationale. Il a compris la nature véritable de son protecteur US après le sabotage du Nord-stream en mer Baltique; il n'a évidemment aucune envie de subir le même désagrément avec son Turkish stream. Sa position actuelle dans le conflit en cours au Proche Orient est calquée sur celle de Moscou: une négociation suivie du retour d'Israël dans ses frontières de 1967 et la création, enfin, de l'Etat palestinien.
Jean Luc
La Russie après l’URSS !
Café politique du jeudi 9 octobre 2014!
1) ELTSINE, Président de la Fédération de RUSSIE de décembre 1991 à décembre 1999.! !Après l’implosion de l’URSS en décembre 1991, on peut dire que la Russie n’aura pris son nouveau visage qu’avec l’arrivée aux affaires de Vladimir POUTINE, quelques dix années plus tard. La transition, d’abord opérée par Boris ELTSINE, dite « thérapie de choc » se soldera par des difficultés supplémentaires infligées à un pays déjà exsangue. !!
- ELTSINE avait fait toute sa carrière au sein du Parti Communiste. Il accède au pouvoir de manière relativement démocratique, à la suite d’une élection au suffrage universel en Juin 1991, qui devait désigner le Président de la seule Fédération de Russie. Son rival était GORBATCHEV, le dernier Président de l’URSS, transformée alors en une éphémère «Communauté des Etats Indépendants ». Mais ELTSINE et son équipe n’avait pas la moindre idée de la façon dont fonctionnait une économie de marché. Initiée par ce qu’on avait nommé alors le « Consensus de Washington », chapeautée par le FMI et la Banque Mondiale, une singulière équipe composée par le vice-secrétaire du Trésor US et de nomenclaturistes de l’ancienne URSS improvisèrent une « thérapie de choc » qui acheva de détruire ce qui restait d’une économie déjà mise à mal par la perestroika gorbatchévienne; le seul résultat fut ce que POUTINE appellera « la belle époque de la mafia ». En 1992, l’inflation atteignit 2600%. Aucune classe politique nouvelle n’émergea de ce chaos, car beaucoup, de MOSCOU à VLADIVOSTOCK s’étaient pris à rêver de la fin de l’Histoire (thème alors à la mode) et du nouvel ordre mondial, berceuse que fredonnèrent sur place les innombrables tycoons venus de WALL STREET. Pour ceux-ci, il s’agissait de partir au grand galop à l’assaut du far east, ce qui devait permettre aux USA, se voyant et étant désormais vus comme une hyper-puissance (VEDRINE) de régner jusqu’à la fin des temps sur un empire commercial sans frontières, aux dimensions du monde. ! ! - ELTSINE fut donc réélu en 1996, mais sombrant dans l’alcoolisme, il devint une marionnette aux mains d’une garde rapprochée qui n’eut qu’un seul souci: s’enrichir par le pillage tant que c’était possible. Durant ses quelques moments de lucidité, il parvint toutefois à empêcher l’explosion finale du pays, grâce à l’élan patriotique suscité par la première guerre de TCHETCHENIE. Il put ainsi sauvegarder le réseau d’hydrocarbures d’Asie Centrale que la défunte URSS avait construit, il réussit à sauver le siège de membre permanent de la Russie au Conseil de Sécurité de l’ONU, ainsi que le maintien de l’arsenal nucléaire. Mais malgré la promesse faite par l’OTAN à GORBATCHEV, il ne put s’opposer à l’extension de l’OTAN en Europe Centrale, dans les pays baltes et dans les BALKANS. En 1998, il nomma au poste de Premier Ministre, Evgueni PRIMAKOV qui stoppa la thérapie de choc: la monnaie fut dévaluée de 50%, le pays se déclara en faillite et annonça son insolvabilité, le contrôle des changes fut rétabli et on instaura une administration fiscale efficace! !
- Revenons un instant sur la guerre de TCHETCHENIE: L’AZERBAIDJAN étant devenue indépendante, le Caucase Nord, qui inclut la TCHETCHENIE resta russe, ce qu’elle était depuis les années 1920, suite à un découpage de la région par STALINE. La population tchétchène, dont une partie fut déportée en 1945 pour collaboration avec l’armée nazie, fut autorisée à revenir en 1957. Mais, elle était restée violemment anti-russe. Pour les USA, la tentation fut grande au moment de l’indépendance de l’AZERBAIDJAN, d’isoler la Russie en misant sur l’exploitation à son profit des immenses réserves de pétrole et de gaz de ce nouvel Etat et en créant des voies d’exploitation ne passant pas par la Russie (AZERBAIDJAN, GEORGIE, TURQUIE: réseau NABUCCO). En 1991, La TCHETCHENIE voulut rejoindre cette « ceinture verte »musulmane, elle proclama unilatéralement son indépendance, ce que n’accepta pas ELTSINE, et il s’en suivit une véritable guerre. En 1996, un compromis est signé: GROZNY gagne son autonomie financière, MOSCOU y préserve son autorité politique. Les islamistes, sous la conduite de leur chef Chamil BASSAÏEV, pour certains commentateurs, manipulés par les services secrets US, refusent l’accord et étendent la guerre au DAGHESTAN voisin. Le fait est que BASSAÏEV se réclamera du wahhabisme, qui très certainement l’aura financé, car ne l’oublions pas, durant la guerre d’AFGHANISTAN menée par l’URSS, l’islamisme radical était soutenu par les USA et les fidèles alliés du Golfe.! !
- Alcoolique, miné par la maladie, ELTSINE fut contraint à la démission en décembre 1999. Son ultime décision avait été de nommer un ultime premier ministre POUTINE. Ce dernier, totalement inconnu, se présenta à l’élection présidentielle de mai 2000 et fut élu. S’en suivit une vigoureuse reprise en main sur les questions politiques et économiques. L’homme avait fait toute sa carrière au KGB, et il allait tout naturellement s’appuyer, d’une part sur les services de sécurité pour mettre au pas un appareil administratif totalement corrompu et d’autre part sur le « clan de St PETERSBOURG » dirigé par son ami Dimitri MEDVEDEV, membre de Gazprom pour s’attaquer à l’oligarchie. Seuls ceux qui s’engageront à s’abstenir de toute activité politique pourront continuer à faire des affaires, les autres…! !
- Contrairement à son prédécesseur, POUTINE prit son rôle très au sérieux: il se mit dans la tête qu’i lui fallait restaurer la grandeur passée de la Russie. Sa thèse centrale est la « verticale du pouvoir ». Qu’est-ce-à-dire? La souveraineté et elle seul doit servir de socle à la puissance, car s’il n’y a pas de souveraineté, il ne peut y avoir de nation; que l’économie soit en passe d’être mondialisée, ne doit en rien influer sur la vue politique des choses. L’argent est apatride, les hommes d’argent n’ont donc pas à s’occuper de la politique, encore moins s’ils viennent de l’étranger. Les ressources naturelles, principales ressources d’un pays économiquement encore arriéré, doivent passer sous le contrôle de l’Etat, celui-ci étant secondé par des gouverneurs de régions (il y en a 7), qui sont nommés par le pouvoir central. Enfin, l’église orthodoxe devient le pilier social du régime et le socle de l’identité russe. ! !
- Le premier dossier que POUTINE eut à régler fut le dossier tchétchène. A la suite, en 1999, d’attentats à MOSCOU, dont on n’a jamais pu établir s’ils avaient été le fait de Tchétchènes ou du FSB russe dans le but de les attribuer aux Tchétchènes, POUTINE lance la deuxième guerre de TCHETCHENIE. Une guerre sanglante entre indépendantistes, islamistes et prorusses, s’y déroulait depuis la poursuite du conflit enclenché par BASSAIEV. POUTINE, en tant qu’ancien du KGB, savait quelles méthodes utiliser pour « pacifier » tout ce beau monde. Mais devant le tollé occidental, il décida de confier la poursuite de la guerre au chef local Ramzan KADIROV, un pro-russe. Inconnu des Occidentaux, il put mener la guerre à sa guise et la mener à son terme. Pour MOSCOU, tout était rentré dans l’ordre, la démonstration devant en être faite par l’organisation des jeux de SOTCHI en février 2014. ! !
- Dès le début de son mandat, il s’était agi pour POUTINE, de s’affirmer en « contrepouvoir face à l’hégémonie des USA ». En 2003 s’opéra un spectaculaire rapprochement entre la FRANCE et l’ALLEMAGNE lors de la création d’un front commun à l’ONU contre le projet étatsunien d’invasion de l’IRAK, suite à la découverte de supposées armes de « destruction massive ». La riposte états-unienne ne tarda pas, des révolutions dites colorées fortement anti-russes éclatèrent dans toute la « ceinture verte », révolutions appuyées par le gouvernement US et des fondations privées US comme celle de Georges SOROS, appuyées aussi par BRUXELLES. Dans le même temps en 2004, tous les anciens pays satellites de l’URSS en Europe centrale furent incorporés à l’Europe bruxelloise, comme l’on dit à MOSCOU et pour certains dans l’OTAN.! !
- Le KREMLIN initia alors une coopération avec la CHINE, l’INDE et cinq anciennes Républiques d’Asie centrale, et ce par la création de l’Organisation de Coopération de SHANGHAÏ (OCS). Il s’agit d’une union douanière que complètent des accords militaires. Pour 2015, d’ailleurs sont prévues des manoeuvres militaires communes sino-russes dans l’immense espace sibérien. Evidemment, l’embellie diplomatique avec les Européens ne dura pas. Le KREMLIN est suivi en cela par l’essentiel de la population russe qui considère que ses malheurs du XXème siècle viennent de l’Ouest et du monde atlantique (système communiste marxiste, invasion nazie, thérapie de choc eltsienne).! !
- Cette méfiance est à l’heure actuelle d’ordre ontologique, car c’est bien la chute du communisme et la fin de la guerre froide qui ont rendu possible la mondialisation, mondialisation qui pour WASHINGTON représentait une dérégulation généralisée de l’économie (l’Etat étant le problème et non la solution). Cette mondialisation a été vue par ses thuriféraires comme une homogénéisation américanisée du monde, le nouvel ordre marchand planétaire remplaçant et supprimant définitivement les querelles entre les nations. Or, on assiste plutôt à une résurgence généralisée, et pas seulement en RUSSIE, du questionnement identitaire. La politique est venue comme l’art de régir ce qui est commun à une nation. Le libéralisme et plus spécifiquement, le libéralisme libertaire, qui est la marque de fabrique de la mondialisation est considéré comme intrinsèquement négateur de l’essence du politique, puisqu’il ne connaît que des intérêts particuliers et assigne pour seule mission à l’Etat de garantir des droits individuels. L’idée de nation est évacuée et avec elle celle de destin collectif. Pour la presse russe, l’Europe est décadente, amorale, déculturée, et ne peut que sombrer dans le chaos. Vassalisée par les USA, intégrée dans une alliance militaire qui a survécu aux raisons qui l’ont fait naître (Pacte de VARSOVIE), condamnée à l’impuissance et à la paralysie par des institutions, qu’on peut dès lors à juste titre qualifier de débilitantes (CHEVENEMENT), elle en est réduite à un rôle de suivisme dans la politique élaborée à WASHINGTON, de « containment » de l’ensemble OCS.! !
- Pour POUTINE, la « verticale du pouvoir » ne peut, dans le cas russe et dans la situation économique de ce pays, que reposer sur la dimension énergétique. L’ambition a donc été de créer une « forteresse énergétique », qui dans l’esprit du KREMLIN devait regrouper tous les pays inclus dans le réseau d’oléoducs et de gazoducs permettant l’exportation des ressources énergétiques. Pour la RUSSIE, cela se matérialisa par la construction de deux réseaux de gazoducs, l’un passant directement de la RUSSIE à l’Europe de l’Ouest par la BALTIQUE, l’autre par la Mer Noire. Outre la RUSSIE, cet ensemble de producteurs, cette nouvelle OPEP, devait inclure la BIELORUSSIE, le KAZAKHSTAN, le TADJIKISTAN, l’OUZBEKISTAN, la GEORGIE, l’ARMENIE et… l’UKRAINE. ! !
- Depuis son indépendance l’UKRAINE a comme partenaire privilégié la RUSSIE. 60% des salariés ukrainiens travaillent pour l’exportation vers la RUSSIE. Pourtant ce pays, pillé par les oligarchies mafieuses depuis 20 ans, n’a jamais pu décoller économiquement et peine à payer ses fournitures de matières premières provenant de RUSSIE. L’UKRAINE est le terrain de jeu des services secrets russes, mais aussi des fondations US. La Fondation CARNEGIE a englouti 5 milliards de dollars dont on ne sait pas trop à quels investissements ils ont été consacrés. Toujours est-il que l’ancien Président ukrainien, Victor IANOUKOVICH avait négocié avec BRUXELLES un accord d’association, et dans la foulée avait demandé un prêt de 20 milliards d’euros. Vu que l’homme est un mafieux notoire, BRUXELLES refusa et IANOUKOVICH se tourna vers MOSCOU qui lui promit 15 milliards de dollars assortis d’une suppression des barrières douanières entre les deux pays. ! !
- Que s’est-il passé ensuite? Les US, voyant leur jouet leur échapper, ont certainement eu une part non négligeable dans le déclenchement des manifestations qui allaient conduire au limogeage d’IANOUKOVITCH. Il est de notoriété publique que les services secrets US n’avaient pas été inactifs lors de la Révolution Orange de 2004, qui avait été l’une des Révolutions de couleur de cette époque. Ces manifestations ne concernèrent que la partie occidentale de l’UKRAINE, mais non la partie orientale, russophone, et encore moins la CRIMEE. Celle-ci, jusqu’alors russe, avait été octroyée à l’UKRAINE par KROUTCHTCHEV en 1954 pour marquer le 300ème anniversaire du Traité de PEREIASLAV qui avait scellé l’union entre l’UKRAINE et la RUSSIE. De fait, suite à diverses manœuvres russes et suite à un référendum non reconnu par la communauté internationale, la CRIMEE fut à nouveau intégrée à la RUSSIE. ! !
- Toutefois l’opposition entre l’Est et l’Ouest de l’UKRAINE s’aggrava et finit par déboucher sur une véritable guerre civile. La voie de la raison eût été de régler cette question par la fédéralisation de l’UKRAINE, voire par la création d’une confédération sur le modèle suisse, mais WASHINGTON s’en mêla, proposa au pays d’intégrer l’OTAN, comme si l’UKRAINE était un pays situé au bord de l’ATLANTIQUE, et BRUXELLES suivit, prouvant, s’il était besoin, la vassalisation de l’Europe aux intérêts des USA. Des sanctions furent décrétées contre la RUSSIE en riposte à ses « provocations », sanctions qui affecteront l’économie européenne, mais pas celle des USA. La FRANCE, qui est tombée bien bas depuis 2003, refusa même d’honorer des contrats qui financièrement n’étaient en rien insignifiants, alors que suite à l’affaire de la BNP, où la banque avait été lourdement condamnée par un tribunal US, (ce qui avait provoqué un imperceptible murmure de FABIUS), elle aurait pu et aurait dû manifester son indépendance et sa souveraineté! !
- Le dossier est pourtant suivi de très près par l’Allemagne d’Angela MERKEL, qui est la grande bénéficiaire et la grande garante de la mise en place de l’euro, ce qui va lui permettre d’assurer en fait un leadership croissant en Europe. On se souvient que Nicolas SARKOZY avait eu pour ambition la création d’une Union pour la MEDITERRANEE, pour sécuriser l’approvisionnement énergétique. Ce projet fut torpillé par l’ALLEMAGNE qui voulait privilégier la RUSSIE. Mais la RUSSIE sait bien que le bassin atlantique, qui avait été l’axe du monde à partir de 1945, avec un pôle dirigeant, WASHINGTON, et une annexe, BRUXELLES, ce pôle au niveau mondial est sur le point de perdre sa centralité. L’ALLEMAGNE le sait aussi même qu’elle pousse activement à la signature du traité dit TAFTA dont elle pense qu’il permettra aux entreprises allemandes d’accroître encore leur suprématie sur leurs concurrentes européennes. On comprend dès lors l’activisme allemand concernant le traité TAFTA. Celui-ci signé, BERLIN, sans nul doute traitera directement avec MOSCOU pour régler l’affaire ukrainienne, ce qui se traduira vraisemblablement par une zone d’influence allemande à l’Ouest et une zone à l’Est où l’influence russe prédominera! !
- L’affaire des sanctions ne peut qu’accélérer le décentrement de la RUSSIE vers l’Est. Décentrement qui sera suivi par l’ALLEMAGNE qui sait que la RUSSIE, qui est encore une économie de rente basée sur l’exploitation des richesses naturelles, aura besoin de la technologie des firmes germaniques pour se développer. Ce décentrement, à vrai dire, a été initié il y a quelques années déjà, les sanctions ne faisant qu’accélérer le mouvement (400 milliards d’investissements chinois en RUSSIE, rien que pour le semestre 2014). Lorsqu’on sait que les BRICS ont pour ambition de créer une banque mondiale concurrente du FMI et de créer une monnaie de réserve concurrente du dollar, lorsqu’on sait la volonté de la RUSSIE d’être, avec la Chine l’organisateur de ce nouvel ordre monétaire mondial, on peut se demander si l’affaire ukrainienne n’a pas été montée de toutes pièces pour casser le dynamisme récent de la RUSSIE. Quoi qu’il en soit le yuan chinois est coté à la Bourse de MOSCOU de sorte que les transactions entre ces deux pays ne se font plus et ne se feront plus en dollars. En tout état de cause, ni l’ALLEMAGNE ni la RUSSIE n’ont envie de faire ressurgir les fantômes du passé. L’UKRAINE a payé un lourd tribut aux folies totalitaires du XXème siècle, environ 5 millions de morts par la famine provoquée, dans les années 1933-1936, et 8 millions de morts suite à l’invasion nazie. S’il est un pays en Europe où la notion de guerre froide ne devrait plus avoir de sens, c’est bien de l’UKRAINE dont il peut s’agir.! !
- Quant à POUTINE, pour qui l’effondrement de l’URSS a été, comme il l’a confié, le drame de sa vie, il a longtemps oscillé entre ceux qu’il considérait comme ses modèles, Youri ANDROPOV et DENG XIAO PING. Le premier voulait desserrer lentement le carcan idéologique pour enclencher un rapprochement avec l’Europe, mais la maladie l’empêcha de poursuivre son objectif. Pour DENG, à l’inverse de ce que fit GORBATCHEV, il s’était agi de desserrer le carcan sur la seule sphère économique tout en gardant le contrôle du Parti Communiste sur la population. Le développement de l’affaire ukrainienne et ses conséquences vont certainement pousser le KREMLIN à se détourner de l’Europe. Reste à savoir quelle sera l’évolution de l’ALLEMAGNE: suivra-t-elle la RUSSIE et abandonnera-t-elle une Europe appauvrie par un dollar qui l’aura néanmoins tant servie ou restera-t-elle un pôle en Europe, ce qui lui assurerait alors un rôle dirigeant? Le « nein » inconditionnel de la Chancellerie quant au financement de la dette des Etats européens par des « eurobonds », une mutualisation de la dette qui serait d’un grand secours pour l’euro, incite à penser que c’est la première voie qui sera suivie.! - Pour les stratèges du KREMLIN, il ne fait aucun doute que l’empire US connaîtra une déroute comparable à ce qui fut celle de l’URSS, le chaos crée par les US au Moyen - Orient démontrant que la Maison Blanche est incapable d’avoir une stratégie sur le long terme et se contente de se lancer dans des improvisations. MOSCOU avance méthodiquement ses pions, d’autant plus méthodiquement que le KREMLIN s’est fait surprendre par l’affaire libyenne. Il faut savoir qu’il n’a jamais considéré le « Printemps arabe » comme autre chose qu’une rêverie des Occidentaux et que la réalité plus prosaïquement était une prise de pouvoir par les Frères musulmans et les islamistes. Pour le Président russe, il n’y a pas d’islamistes « modérés », la nécessité est de les combattre tous en soutenant les régimes qui le font quelles que soient leurs caractéristiques par ailleurs. C’est ainsi que MOSCOU est un fidèle allié de DAMAS, mais aussi de l’EGYPTE du Maréchal SISSI, lequel a été reçu en grande pompe cet été par POUTINE en CRIMEE! La RUSSIE est également très présente en IRAN, et l’on voit que ce sont les alliés de MOSCOU qui contrôlent le canal de SUEZ et le détroit d’ORMUZ, les deux grandes voies d’approvisionnement en pétrole de l’Occident. Y a-t-il eu panique américaine? En tous cas, l’extrême facilité avec laquelle le « califat islamique » s’est emparé en juillet d’une bonne part de l’armement irakien, livré par les USA, laisse songeur. Ont-ils eu la naïveté de croire que le « califat »les débarrassera d’ASSAD, l’allié de MOSCOU, puisqu’il affaiblira l’IRAN? Mais ils devraient savoir que manipuler les islamistes se retourne toujours contre ceux qui cherchent à les manipuler. Quoi qu’il en soit, WASHINGTON est à nouveau empêtré dans le bourbier irakien. MOSCOU ne fera rien qui pourra lui faciliter la tâche, le prochain épisode de la confrontation OTAN-OSC, qui s’annonce et qui sera certainement la grande fracture du XXIème siècle sera dévolu à la SYRIE. ! !
- Sage est le chef d’Etat qui se souvient de la formule de Raymond ARON: en temps de guerre, un Etat n’a pas d’amis, il n’a que des alliés qu’imposent les circonstances.! !
Texte écrit par Jean-Luc.!
La Russie après l’URSS
Café politique du jeudi 9 octobre 2014
Après l’expose de Jean-Luc, le débat s’ouvre.
!
1) La question ukrainienne et le « chauvinisme russe »."
- Une personne originaire d’UKRAINE nous livre son témoignage. Elle ne pense pas que le conflit en UKRAINE soit le lieu d’un affrontement entre l’Est et l’Ouest. L’information qui circule surestime le rôle des Etats-Unis dans l’origine du conflit, même si les Etats-Unis utilisent la situation actuellement.
- Il s’agit plutôt d’une révolte des citoyens face à la corruption généralisée dans ce pays. Cette révolte exprime le désir de moins dépendre de la RUSSIE et de se rapprocher de l’EUROPE. Il ne s’agit pas d’une guerre civile.
- L’exposé de Jean-Luc ne mentionne pas la position française dans me conflit ukrainien. Il y a une réelle interrogation pour cette intervenante sur la nature de l’intervention française dans la question ukrainienne au Conseil de l’EUROPE. L’ALLEMAGNE a les mains liées à cause de sa dépendance énergétique importante par rapport au gaz russe ce qui n’est pas le cas de la FRANCE. La FRANCE a donc un « joker » qui aurait pu lui permettre d’intervenir autrement dans ce conflit, mais elle ne le fait pas.
- POUTINE a largement contribué à envenimer la situation pour la défense de ses intérêts propres.
- Il y a un long passé difficile entre l’UKRAINE et la RUSSIE. Du temps de l’URSS, la langue ukrainienne a été réprimée par les autorités soviétiques et les personnes parlant ukrainien étaient appelés nationalistes ukrainiennes. POUTINE utilise la même tactique de « chauvinisme » russe. L’intervenante évoque la vie difficile faite à sa mère, poétesse ukrainienne, qui n’a pu éditer ses livres en 1958 qu’en POLOGNE et qui a été poursuivie toute sa vie par le KGB qui la soupçonnait de nationalisme ukrainien.
- POUTINE traite de « fascistes » les opposants ukrainiens à ses visées expansionnistes.
2) Le nationalisme russe."
- Pour POUTINE, l’esprit nationaliste est essentiel: il consiste à lancer des anathèmes pour rejeter l’autre au nom de ce nationalisme. L’histoire impérialiste de la RUSSIE a toujours utilisé cette rhétorique.
- Ce nationalisme est d’autant plus prégnant que la RUSSIE commence à s’affaiblir économiquement. La RUSSIE est une économie de rentes et si les ressources liées aux matières premières diminuent elle aura de grandes difficultés.
- D’autre part, depuis peu, la RUSSIE subit des échecs dans le domaine spatial qui était un fleuron important de la RUSSIE jusqu’ici. D’après l’AFP, une nouvelle datant du 16-05-2014, nous apprend qu’ « une fusée russe PROTON, transportant un satellite de télécommunications avancé, s’est consumée dans m’atmosphère moins de dix minutes après son lancement, dernier accident en date touchant l’industrie spatiale russe ». Ajoutons que cet échec s’ajoute à d’autres lancements ratés et incidents ces dernières années au point que POUTINE envisage une vaste réforme du secteur spatial.
- Dans l’esprit de « la verticale du pouvoir » qui anime POUTINE, il est important de noter le rôle important du secteur des hydrocarbures qui fait de la RUSSIE une véritable monarchie pétrolière et gazière.
3) Le poids de l’histoire russe dans la politique de POUTINE aujourd’hui.
- L’histoire personnelle de POUTINE joue un rôle important dans sa façon de gouverner.
POUTINE, issu des rangs du KGB, lui-même inquiété pour des faits de corruption à la Mairie de St PETERSBOURG, a en fait toujours profondément regretté la chute de l’URSS et la diminution de la superficie du territoire russe après la chute du Mur de BERLIN.
- Il est nostalgique de la perte de certaines Républiques soviétiques et en ressent une certaine humiliation.
- Un intervenant apporte le témoignage suivant: en 1990, après la chute du Mur, l’armée soviétique était en déroute. Par ailleurs comme chaque pays satellite de l’URSS était plus ou moins spécialisé industriellement en lien avec l’URSS, toute l’économie russe a subi une profonde réorganisation à l’issue de cet effondrement. Par exemple, la BULGARIE était spécialisée dans les batteries et dans la fabrication de tramways à destination de l’URSS, l’ALLEMAGNE de l’EST était spécialisée dans les machines-outils.
- Lors de la chute du Mur de BERLIN, les pays satellites de l’URSS se découvrent une soif d’indépendance et préfèrent effectuer leurs transactions commerciales le plus souvent en marks qu’en roubles.
- Pour les Russes c’est une blessure narcissique sans conteste dans un moment de désorganisation importante de leur économie.
- De manière générale, cet immense pays, grand comme 32 fois la FRANCE, pose des questions de gouvernement bien différentes de celles d’un Etat européen. La tendance dictatoriale qui domine son histoire peut se comprendre en partie par ces éléments géographiques particuliers.
- C’est un pays qui au cours de son histoire a eu des difficultés importantes en ce qui concerne son accès à la mer. Il se pensait dans une forme d’isolement continental. Historiquement l’accès à la BALTIQUE ne date que du début du XVIIIème siècle. Un siècle plus tard s’ouvre l’accès à la Mer d’AZOV.
- Il ne faut pas sous-estimer le rôle des pays en khstan qui ont quitté l’URSS après sa chute: le KAZAKHSTAN, le KIRGHIZSTAN, l’OUZBEKISTAN, le TADJIKISTAN. Ils sont des lieux de passage des flux énergétiques et font en quelque sorte tampon entre la RUSSIE et les pays arabes.
- Ils appartiennent à une union douanière qui se juxtapose à l’OSC (union militaire).
- Enfin, la question de la TCHETCHENIE reste un élément gravement polémique dans le bilan de POUTINE. Les Tchétchènes ne semblaient pas plus intégristes que d’autres. C’est l’attitude russe, selon un autre intervenant, qui a contribué à les radicaliser et à les pousser vers l’intégrisme. GROZNY a été entièrement détruite et de nombreux jeunes tchétchènes ont été déportés et on est sans nouvelles d’eux. Ce qui intéresse POUTINE en TCHETCHENIE, c’est évidemment le pétrole qui transite dans cette province.
4) La RUSSIE et ses rapports géostratégiques."
- La RUSSIE semble se rapprocher de la CHINE et s’éloigner de l’INDE plus proche des ETATSUNIS.
- La RUSSIE dont la démographie diminue peut avoir besoin de la main-d’oeuvre chinoise.
- Elle possède beaucoup de matières premières intéressantes pour la CHINE.
- La CHINE semble, pour sa part se tourner en partie vers l’AFRIQUE plutôt que vers l’URSS.
- POUTINE cherche des alliés en IRAN et en SYRIE pour lutter contre l’islamisme.
En conclusion, ce débat est incomplet et ne donne pas une image détaillée de ce qu’est la RUSSIE aujourd’hui. Il met l’accent sur la grande complexité d’un Etat-continent héritier d’une histoire impérialiste et dictatoriale dont nous avons des difficultés à imaginer l’évolution si les facteurs économiques deviennent plus défavorables et rendent la vie des Russes plus problématique. Il semblerait néanmoins qu’une certaine évolution démocratique se fasse jour, davantage qu’en CHINE, en tous cas.
Témoignage d’une ukrainienne, participante du café politique de Strasbourg en 2008-2009!
« Je suis venue plusieurs fois au café politique en 2008-2009. Je suis depuis vos diffusions sans pouvoir m’engager souvent.! Ukrainienne d’origine, je m’inquiète beaucoup par rapport à l’angle dont la question ukrainienne est exposée….! Savez-vous que le parti SVOBODA conjointement avec le parti encore plus radical (mais pas fasciste) ont obtenu moins de 2% à la dernière élection du 25/5 en UKRAINE?!
Je n’irai même pas jusqu’à expliquer que ce n’était nullement un parti adepte d’idéologie fasciste… Plutôt des mêmes oligarques qu’au pouvoir, mais voulant exploiter un peu une idée du nationalisme (et non du fascisme) face au cursus pro-soviétique (même pas pro-russe) de IANOUKOVITCH, marionnette de POUTINE. Maintenant la question: si en FRANCE actuellement le FN obtient 25% des votes, devrons-nous organiser une table ronde avec des Russes préoccupés par la montée du néo-fascisme en FRANCE?! Par ailleurs les Russes qui vous écrivent connaissent-ils le score des vrais partis néo-nazis en
RUSSIE même?!
Ils utilisent des clichés propagandistes typiques de MOSCOU qui accusent les protestataires de MAÏDAN de fascisme. La majorité de la population, de tout âge et tout profil socio-professionnel, des femmes, des vieillards, des enfants, des étudiants se sont révoltés contre la corruption et contre l’abus de pouvoir du régime IANOUKOVITCH, marionnette de POUTINE, qui a fait tuer plus d’une centaine de personnes sur MAÏDAN. !
Quand vos interlocuteurs russes disent que « les Russes ne laisseront jamais l’UKRAINE »… Quelle chance pour les UKRAINIENS, avec l’annexion de la CRIMEE, avec la persécution et la mise en détention illégale des activistes ukrainiens, des TATARS de CRIMEE, des soldats de l’armée ukrainienne, par le KGB russe. Avec les tirs des Grads ( « grêles ») et autres missiles interdits par les conventions internationales, avec l’invasion, la présence des spetsnaz, de mercenaires et de l’armée régulière russe en UKRAINE, pays souverain et indépendant… !
J’aurais préféré vous exposer tous ces points d’inquiétude de vive voix à l’occasion. En attendant, comme vos messages sont diffusés en public, je me permets de vous faire partager quelques propos d’une ukrainienne « fasciste et fière de l’être » dans le sens de l’interprétation du KREMLIN, soit d’une patriote de son pays, comme environ 40 millions d’autres, préoccupée par la reconstruction de son propre pays ».!
La réaction d’autres amis russes
Génia et moi regrettons beaucoup n’avoir pas pris part au café politique dont tu m’envoies le rapport. Nous sommes heureux d’apprendre que les Français restent extrêmement lucides et ne se laissent pas berner par la chaos informatique qui règne aujourd’hui en Europe.
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Une information historique, notamment sur le lien RUSSIE – UKRAINE. L’Ukraine (Kiev) est le berceau de la religion ou même plutôt de la civilisation orthodoxe et du statut d’état et donc, en beaucoup, de la culture de cette région (nous ne sommes pas du tout religieux !).
Une caractéristique de la culture et du caractère slave qui prédominent et unissent les pays de l’ex-URSS.
Une analyse de l’empreinte politique, idéologique, sociale, économique et démographique, notamment de l’ex-socialisme, sur les relations entre les pays de l’ex-URSS, empreinte qui est, du reste, loin d’être totalement négative comme on a l’habitude de le croire, ici, en Occident. Notamment, il ne faut pas oublier qu’une trentaine de millions d’Ukrainiens vivent en Russie et s’y sont totalement intégrés. ~50% de la population ukrainienne est russe. 80% de la population ukrainienne vivant en Ukraine ne parle pratiquement que le Russe. Cela nous fait dire que que la Russie ne laissera jamais périr l’Ukraine et lui viendra toujours en aide !
On ne peut pas passer à côté du caractère néo-fasciste des événements en Ukraine.
Une analyse des perspectives de développement qui se basent non seulement sur les relations économiques, comme le laisse entendre l’auteur du rapport, mais sur l’histoire des pays, leur culture, leur langue, etc. Nous croyons que les événements conflictuels se dissiperont mais que l’Ukraine restera liée à la Russie, d’un manière ou d’une autre .
Il me semble que ces questions sont tellement importantes et en forte relation avec le futur de l’Europe, qu’elles mériteraient peut-être d’être discutées dans un prochain café politique auquel nous ne manquerions pas de participer, bien que nous soyons loin et ennemis de toute propagande politique…
Toutes nos meilleures pensées !
Génia et Pavel.
CAFE POLITIQUE DU 5 NOVEMBRE 2009
UNE NOUVELLE SOUFFRANCE AU TRAVAIL ?
Intervention de Jean-Louis.
Le sujet proposé insiste sur la notion de « nouvelle » souffrance au travail. Cela signifierait que les conditions qui président à la souffrance au travail aujourd’hui, ont changé.
Tout d’abord, intéressons-nous à l’étymologie du mot travail. Il s’agit d’un véritable pléonasme « étymologique : le mot travail vient de tripalium en latin qui signifie instrument de torture, plus précisément, il désigne l’instrument à trois pieux qui immobilisait les bovins en vue d’une opération dans la Rome antique. Ce sens du mot travail implique l’idée d’entrave et d’immobilisation forcée (on retrouve dans en-trave la racine trav-ail). Travail signifie aussi travail de la femme dans le déroulement de l’accouchement.
Dans les années 1850-1900, le mot travail se transforme sous l’influence du protestantisme. Il promet une certaine forme de libération.
Il reste que l’association de la notion de souffrance à la notion de travail est ancienne.
Ce qu’il est convenu d’appeler le néo-management date des années 1985. Tom Peters écrit Le chaos management très lu aux Etats-Unis, sorte de mode d’emploi pour managers qui définit les bases du développement actuel du management. En voici un extrait : « le succès d’une entreprise dépendra de son aptitude à capitaliser sur les soubresauts du marché ».
Il y a une différence importante entre les données du taylorisme et les conditions actuelles du travail. Le taylorisme exerce essentiellement une emprise sur les corps. Le travail est interchangeable et tout est mis en place pour que le procès de fabrication soit le plus rationnel possible. Il reste que dans ces situations les ouvriers créent une sorte d’autonomie illégale et jouent avec les règles que le taylorisme et la hiérarchie n’auront de cesse de combattre, bien que cependant le strict respect du mode opératoire pensé par les ingénieurs des méthodes débouche pratiquement tout le temps sur des blocages du procès (cf grève du zèle). Le néo-management lui, tout en proclamant que l’humain est au centre, et en lui faisant miroiter plus d’autonomie et de prise d’initiatives, « entrave » (on retrouve là l’étymologie d’origine de travail) en définitive cette autonomie et l’encadre afin de préserver la répartition des pouvoirs, tout en développant un contrôle sur les esprits, la pensée, l’émotion et l’imaginaire. Ses techniques sont affinées pour exercer une soumission librement consentie.
Avec le chômage de masse de ces vingt-cinq dernières années, les stratégies de fuite devant la souffrance au travail deviennent très complexes : faire semblant, affronter la hiérarchie ou quitter son emploi ont des conséquences graves entraînant la précarisation par la perte d’emploi et la difficulté à retrouver un travail. Le suicide peut alors devenir la seule issue possible pour certaines personnes.
Chaque individu est régulièrement évalué et mis sous pression y compris par ses pairs. Chaque salarié se sent en concurrence avec ses collègues.
Le capitalisme industriel a évolué vers le capitalisme financier. L’argent se déplace à la vitesse d’un électron. La gestion et l’obsession du chiffre prédominent faisant émerger une nouvelle barbarie gestionnaire (cf Vincent de Gaulejac : « La société malade de la gestion » ). Même les maladies professionnelles comme la souffrance au travail sont exprimées en terme de coût. Devant le nombre important de suicides les DRH de Renault ont manifesté leur étonnement parce que les indicateurs de stress utilisés par l’entreprise étaient plutôt bons ! Ces indicateurs excluent en fait les personnes qui ne suivent pas le rythme des exigences de l’entreprise.
En conclusion, il est intéressant de citer le chercheur Gildas Renou qui écrit dans son article, Les Laboratoires de l’Antipathie, que le management moderne incite à créer du cynisme de la même manière que dans l’émission télévisée Le Maillon Faible, il convient d’éliminer le concurrent le plus dangereux pour soi - même ( et surtout ! ) s’il est compétent. Sont ainsi mises sur un piédestal des techniques qui visent à créer de l’antipathie et à exercer un nouveau pouvoir.
Intervention d’Alain.
La « bonne santé mentale » est définie par certains comme la capacité à souffrir. Tant qu’on peut souffrir, on n’est pas malade.
Alain décrit le cas d’une personne malade de son travail dont les éléments d’information ne sont pas rapportés ici et appartiennent au groupe du café de ce jour. Ils ne sont pas destinés à être retransmis même si le secret médical a été respecté totalement dans l’exposé fait au café.
Le suivi mis en place ( psychiatre de ville et médecin du travail ) a contribué très certainement à la prévention du suicide chez ce salarié qui est toujours vivant. Mais il reste que les conditions de travail n’ont fait l’objet d’aucune amélioration malgré les interventions répétées du médecin du travail. Cela peut s’interpréter comme une persistance des facteurs professionnels à un niveau élevé de passage à l’acte suicidaire.
A la suite de ce récit il est souligné que le médecin du travail n’a pas été entendu par la direction dans une démarche préventive qu’il a engagée auprès d’elle, alors qu’il y avait manifestement risque de suicide pour le salarié. Ce risque peut être situé au point de rencontre de deux paramètres : les conditions de travail dégradantes infligées au salarié et la vulnérabilité de la personnalité de ce salarié.
Quelques précisions sur la médecine du travail :
Elle est la seule discipline médicale hors du champ du ministère de la santé. Elle est rattachée au ministère du travail
Elle comprend le volet de l’aptitude au travail, mais aussi le volet prévention des risques professionnels le plus souvent relativement négligé. Ce deuxième volet devrait permettre de prévenir les maladies liées au travail et d’éviter que les conditions de travail deviennent pathogènes. Mais, pour preuve des difficultés que rencontre la prévention, alors que la loi sur les accidents du travail date de 1898, ce n’est qu’un siècle plus tard qu’on commence à reconnaître certains suicides comme des accidents du travail. Le médecin du travail est perçu comme une caution d’un système, qu’il le veuille ou non. Il est à l’interface du salarié et de l’employeur.
Schématiquement, on peut proposer deux optiques différentes dans l’approche de la souffrance au travail :
- L’approche cognitivo-comportementale du stress au travail
- La psychodynamique du travail selon l’approche de Christophe Dejours qui met en évidence les questions de collectif au travail et la place de l’individu au travail dans un système de normes collectives. Dans les émissions récentes de FR3 sur le travail, Dejours propose des pistes d’analyse du suicide au travail en disant que, pour la plupart des personnes en souffrance, la dimension de la pensée sur leur travail a disparu. Les personnes prêtes à se suicider ne se pensent plus comme des humains en lien avec d’autres humains. Le dérapage final conduit à un raptus qui, lui, est pensé ( on peut se référer aux lettres écrites par les suicidés et par la mise en scène sur le lieu de travail). La question qui sous-tend les travaux scientifiques sur la problématique du suicide est la suivante: quelle personne cherche quelles solutions à quels problèmes ?
Lecture par Jean-Louis de la lettre de Michel D. le 13 juillet 2009 avant son suicide à France Telecom : « Je me suicide à cause de mon travail à France Télécom ».
DEBAT
· Discussion autour de la notion de suicide au travail
o Un intervenant met en doute le fait qu’une personne prête à se suicider puisse écrire une telle lettre. Les syndicats n’auraient-ils pas pu l’écrire ?
Une première réponse à cet argument est de dire que les personnes prêtes au suicide atteignent un haut niveau de détachement qui leur permet d’exprimer le sens de leur geste. En psychiatrie, cette phase de détachement est identifiée dans le processus suicidaire. Quand ce processus est planifié, l’angoisse chute. Il s’agit du temps du pré-passage à l’acte. La personne sait qu’elle va mettre fin à ses jours. Quand on pratique des autopsies psychologiques de suicidés, il se trouve que près de 30% d’entre eux n’avaient pas d’antécédents dépressifs. On ne peut donc pas établir de lien direct pour ces personnes entre dépression et suicide.
Il est toujours possible de douter de tout, mais ce qui interpelle dans les suicides au travail, c’est leur mise en scène. France Télécom a pris la mesure de la situation après le 23ème suicide tout en parlant de mode…
o Peut-être faut-il nuancer les liens entre souffrance au travail et suicide ? Entre l’état de la réalité et sa médiatisation ? Il semblerait qu’il y ait davantage de suicides au Ministère de la Culture en France qu’à France Télécom. Il ne faut pas faire de confusion entre suicide et souffrance. Il n’y a pas de lien simple de causalité directe.
o Un autre exemple de tentative de suicide est évoqué avec le cas de la tentative de défenestration de la directrice de la PJJ de Paris. Sa direction lui avait imposé de faire redéménager un service qu’elle avait fait déménager quinze jours auparavant. Son passage à l’acte a eu comme effet de créer du collectif là où la personne avait vécu un isolement important.
o Ce qui heurte aujourd’hui, c’est que le travail puisse devenir la cause d’un suicide. Le travail semble être devenu le sens de la vie, le dernier lieu des liens possibles.
Il y a une réelle indifférence au « capital humain ». Le cynisme est valorisé. On crée de l’antipathie pour conserver le pouvoir dans l’entreprise.
o Pourquoi une telle souffrance au travail aujourd’hui ?
- Elton Mayo a pourtant bien analysé le fait, dans les années 1930, qu’en améliorant le climat psychologique dans l’entreprise, les travailleurs étaient plus performants. Il complète ainsi l’hypothèse taylorienne qui ne prenait en compte que les techniques et les conditions matérielles du travail pour améliorer la productivité.
- Alain évoque que dans le cadre de son rapport d’activité de médecine du travail dans l’aéronautique ( 1993-1994 ), il avait fait état d’une augmentation notable du stress dans l’entreprise sans en identifier vraiment les causes à ce moment-là. L’entreprise n’a pas pris en compte ce constat. Ce rapport transmis à l’Inspection du travail n’a pas eu davantage d’écho.
- Une explication économique est avancée pour éclairer cette nouvelle souffrance: la jouissance au travail ne fait pas vraiment partie des critères de l’organisation du travail ( dilemme du dromadaire : l’entrepreneur méhari et son salarié dromadaire perdus dans le désert). On sait depuis Smith et Ricardo que les salaires ne peuvent s’établir qu’au niveau de la « survie » dans un environnement social donné. Les conditions de travail dans lesquelles est placé le salarié, sont tout juste, ni moins ni plus, celles qui permettent à l’entreprise d’obtenir le profit maximum. La nouveauté dans ce contexte, c’est bien la nouvelle tyrannie du taux de marge des ventes. Comme en France, et indépendamment de la crise, la productivité du capital s’avère insuffisante, la seule solution pour atteindre une rentabilité économique satisfaisante, reste d’augmenter le taux de marge des ventes. Ce taux de marge dépend en grande partie du coût du travail. Comment réduire le coût du travail ? On peut diminuer le coût unitaire du travail ( salaires et charges ) ce qui est déjà pratiqué ou réclamé par le patronat, et on peut augmenter la productivité du travail en accélérant les cadences par toutes les méthodes, physiques et morales, appropriées : ce surcroît de pression sur le personnel accentue la souffrance au travail. Cela se voit clairement dans la stratégie de France Télécom qui avait mis en place un système accru de mobilité des personnels.
- Le taux de suicides au travail semble plus élevé en France. Il y a une spécificité du fonctionnement de l’entreprise privée et des services publics en France qui pourrait apporter des éléments d’explication à cette situation particulière. La productivité horaire du travailleur français est l’une des plus élevées au monde (la deuxième), le changement de travail est très difficile à cause du taux de chômage élevé vers la cinquantaine en particulier, l’individuation est renforcée et crée l’isolement au travail. Enfin, la révision des politiques publiques entraîne une désorganisation importante dont les bénéfices sont peu lisibles.
- La culture des moyens a fait la place à la culture des résultats. Une aide-soignante fait part de son sentiment de frustration après sa journée de travail parce que son travail est minuté et l’empêche d’entrer en contact réellement avec les personnes âgées dont elle a la charge. La mise en concurrence de tous avec tous entraîne une perte du sentiment d’appartenance.
- Explication philosophique (extraits d’un texte envoyé par Gérard en complément du café)
« Jusqu’alors, nous avions le « transcendental » de la loi kantienne qui freinait les pulsions, nous sommes passés à la « loi sadienne », qui est jouissance et profit maximal même au prix de la destruction de l’autre. … L’entreprise est devenue le château totalitaire sadien de la philosophie dans le boudoir où l’on procède au massacre sadique, la jouissance archaïque dans l’anéantissement de l’autre ( cette mode du suicide soulignée avec un rictus amusé de Lombard) ».
Conclusion
Pour répondre à cette souffrance au travail, il y a des cabinets comportementalistes qui vendent aux entreprises des procédés pour détecter les individus à risque comme dans une démarche qualité. Ils proposent la mise en place d’indicateurs. L’autre approche est celle de Dejours. Elle consiste à recréer une parole collective. Il conviendrait également de mettre en place une approche pluridisciplinaire de l’organisation du travail dans laquelle le médecin du travail aurait une part importante. Nous sommes loin des propositions à leur réalisation et pour l’instant la souffrance au travail dans sa malheureuse nouveauté fait des victimes chaque jour.
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CAFE POLITIQUE STRASBOURG du 8 OCTOBRE 2009
QUEL AVENIR POUR LE TRAVAIL PAR RAPPORT AU CAPITAL ?
Après une intervention de Djamel sur les définitions du travail et du capital et la synthèse de divers ouvrages traitant de leur rapport, le débat s’ouvre. (Toutes les références bibliographiques vous seront transmises).
DEBAT.
Réflexion sur la notion de capital.
Une première intervention brosse un tableau de l’économie et de son fonctionnement selon un schéma qui va être fortement nuancé par d’autres intervenants : les salaires rémunèrent un travail, les intérêts l’apport de capital, les dividendes les actionnaires, les profits l’entrepreneur. Tous ces actes économiques semblent nécessaires et légitimes. Il convient que le salarié perçoive un salaire décent, que l’acteur économique paye des intérêts pour emprunter, que l’entrepreneur perçoive des profits sans quoi il ne créerait pas d’entreprise.
La première critique de ce fonctionnement est qu’il ne correspond plus à l’actualité : en effet, les détenteurs du capital demandent des rendements de plus en plus exorbitants. Le circuit de l’économie financière est déconnecté des entreprises et de la valeur d’usage. Des bulles financières se constituent. La Bourse n’est plus créatrice de richesses.
Actuellement, le capital se définit moins comme une accumulation que comme du flux financier. La concurrence entre les rendements des capitaux privilégie la loi du profit maximum dans les délais les plus brefs.
La dimension géographique de l’économie s’est modifiée. Avec la chute du Mur de Berlin, les capitalistes n’ont plus d’entraves. Les capitaux se déplacent vers les paradis fiscaux. L’économie devient virtuelle..
Les capitalistes ont une réelle conscience de classe aujourd’hui. Le capitalisme est un système réseau. Il est social.
Le capitalisme fait preuve d’un scandaleux court-termisme. Il est question en ce moment que Carrefour vende ses magasins en Chine et en Amérique Latine parce qu’ils sont moins rentables !
On parle toujours de la compétitivité du travail pour la mettre en cause, sans jamais s’interroger sur la productivité du capital. Or, pour obtenir une rentabilité économique satisfaisante, une entreprise a deux voies synergiques, mais distinctes : une voie « facile », celle de l’augmentation du taux de marge des ventes, en comprimant le coût du travail, et une voie « difficile », celle de l’augmentation de la productivité commerciale du capital, en investissant dans des productions plus chargées en innovation, répondant mieux aux besoins du marché. Quand la productivité du capital est insuffisante, comme c’est relativement le cas pour l’économie française, alors on cherche d’autant plus frénétiquement à écraser les coûts du travail, ce qui a toutes les chances d’empirer la situation. Le vrai socle d’une économie compétitive, c’est une productivité du capital sans cesse améliorée, permettant alors un taux de marge suffisant sans avoir à comprimer la rémunération du travail.
Réflexion sur la notion de travail.
La question d’évaluer la productivité d’un salarié reste un véritable problème. Quelle unité de mesure pourrait-on adopter pour quantifier la productivité comparée d’un ouvrier, d’un médecin, d’un trader ? Peut-être serait-ce uniquement la loi du marché ?
Ce ne sont pas et de loin les compétences acquises qui sont rémunérées. L’expérience prouve que ce sont souvent les personnes qui acceptent le mieux le formatage de l’entreprise qui ont le plus de chances de trouver du travail et de rester dans l’entreprise.
Le capital est prééminent sur le travail juridiquement. Dans une entreprise, ceux qui détiennent le capital ont un droit supérieur par rapport à ceux qui travaillent. Les salariés redécouvrent cet aspect au travers de la crise actuelle. Ils pensent avoir tout donné à l’entreprise et disent qu’on leur vole les machines au moment d’une délocalisation ou d’une fermeture d’usine. Les ouvriers répercutent un discours managérial qui leur a fait croire qu’ils avaient une place dans l’entreprise différente que celle que leur contrat de travail leur assigne.
Dans la loi, le salaire épuise tous les droits des salariés sur les fruits de l’entreprise. Cette loi n’est pas une loi naturelle, mais juridique. Le facteur travail est rémunéré au prix du marché. Le facteur capital pourrait l’être, lui aussi, par exemple au taux d’intérêt sans risque, plus 4 ou 5 points. Tout le surplus, dit actuellement la loi, est pour les détenteurs du capital. La justification classique de cette disposition réside dans la « récompense » de l’initiative risquée des actionnaires.
Les entreprises, le plus souvent, ne s’appuient pas dans leurs méthodes managériales sur la pyramide de Maslow qui place l’épanouissement de la personne au sommet de ses besoins nécessaires après les besoins physiques, alimentaires, sexuels, amoureux, et d’estime. La souffrance au travail vient de cette méconnaissance et de la recherche effrénée du profit.
Il existe trois violences faites au travail : la baisse du coût du travail en période de chômage, la pression sur le travail même en période de croissance et la violence fiscale : la suppression de la taxe professionnelle qui va faire augmenter la CET et pénaliser le travail.
Quelques pistes pour répondre à cet antagonisme capital-travail.
De Gaulle a proposé après la guerre d’associer capital et travail en prônant une structure juridique de participation du travail avec le capital. En effet, dans son discours de Strasbourg du 7 avril 1947, il évoque « l’association digne et féconde de ceux qui mettent en commun, à l’intérieur d’une même entreprise, soit leur travail, soit leur technique, soit leurs biens, et qui devraient en partager, à visage découvert et en honnêtes actionnaires, les bénéfices et les risques ». La droite et la gauche radicale s’y sont largement opposées, pour des raisons idéologiques. Dans son désir constant et renouvelé de mettre fin à la division traditionnelle de la société en « maîtres et serviteurs » ou « patrons et ouvriers », De Gaulle imposera en 1959 l’intéressement facultatif, puis en 1967 la participation obligatoire, dispositions qu’appliqueront à nouveau en traînant les pieds patronat et syndicats, pour les mêmes raisons respectives qu’à la Libération.
La finance islamique peut être une piste intéressante : pour un prêt immobilier, c’est la banque qui achète la maison pour vous en faisant une plus-value. Si vous avez des difficultés à rembourser la banque, la banque ne vous reprend pas votre bien. Vos descendants continueront de payer par exemple. Le capital et le travail se partagent par moitié. Les bénéfices et les pertes sont partagés.
Il est possible de revenir sur la loi qui octroie le surplus de rentabilité des entreprises uniquement aux actionnaires : Il suffit que la loi, avec les précautions extérieures requises, stipule que le salaire n’épuise pas les droits du travail sur les fruits de l’entreprise, en justifiant sa disposition par la « récompense » de la décision risquée des travailleurs de prêter leurs services dans telle entreprise.
Conclusion
La crise actuelle met cruellement en lumière la position de plus en plus défavorable des salariés par rapport au capital. Peut-être est-il urgent de réfléchir à réduire l’inégalité structurelle entre capital et travail ?
D’où vient et où va l’argent ?
Intervention de Jean-Louis
D’où vient l’argent ?
Jean-Louis part du film intitulé l’Argent-Dette de Grignon, disponible sur internet.
Plusieurs mythes doivent être remis en question :
L’argent et la monnaie sont garantis par l’Etat . En réalité, l’argent n’est plus assis sur une base métallique comme l’or. Ce système a pris fin aux Etats-Unis en 1971. Aujourd’hui, toutes les monnaies sont basées sur la confiance en leur pouvoir d'achat direct. L’argent est en fait créé par les banques commerciales privées et accepté avec confiance dans la mesure de sa correspondance avec des biens réels.
Quand la banque fait crédit, on pense qu’elle prête de l’argent déposé . On croit que les dépôts font les crédits. Les manuels d'Economie enseignent que c’est globalement faux. Ce sont les crédits qui font les dépôts. En effet, les revenus de la production anticipée par les crédits retournent à la banque sous forme de dépôts. Les crédits sont à l’origine de la création monétaire, création qualifiée d'ex-nihilo, si l'on tient pour "rien" les projets rentables du travail humain. Quand une personne rembourse son prêt, détruisant ainsi l'argent créé, elle croit rembourser la banque, or depuis quelques années, la banque se défait du risque de crédit en revendant le contrat de prêt. C’est le système de la titrisation dont les subprimes sont un bon exemple abusif. La banque ne joue plus que le rôle d’intermédiaire. Une banque ne peut prêter que ce qu'elle possède ou ce qu'elle emprunte, aux déposants, aux autres banques et à la Banque Centrale. Si la banque prête 100, elle peut détenir seulement environ 10 en "monnaie centrale", sous forme de réserves obligatoires et de billets émis par la Banque Centrale. Les 100 vous sont crédités et vous permettent de payer les artisans qui travaillent pour vous et qui déposent leur argent à la banque. La banque peut ainsi recommencer à prêter grâce à ces dépôts. Les dépôts sont bien la contrepartie des crédits.
Plusieurs paradoxes incitent à la réflexion :
nous disons qu’il y a trop de dettes, mais si l’argent est créé à partir du crédit, en réduisant le crédit, on diminue la masse d’argent qui circule et on risque d'asphyxier l' Economie. Le crédit est donc une question de bon dosage pour assurer en permanence l'équilibre des marchés de la monnaie et des biens.
Si l’essentiel du nouvel argent est créé à partir du crédit, comment faire pour rembourser les intérêts du capital ? Il est nécessaire de créer plus d’argent pour rembourser les intérêts, tout comme pour payer les salaires et rémunérer les fonds propres des entreprises
Où va l’argent ?
Avec une création monétaire de 8%, on injecte 8% d’argent tous les ans dans le système financier. Cet argent se répartit en croissance du PIB et en augmentation des prix. Le PIB augmente en moyenne de 2% par an et les prix augmentent environ de 2% par an. Or 8% d’argent est injecté. Où vont les 4% restants ?
Ce nouvel argent ne va pas dans l’économie réelle, mais dans des bulles concernant des actifs bien réels comme les matières premières, les immeubles et les actions. Une bulle se définit par une augmentation des prix déconnectée d’une certaine réalité, mais toujours connectée aux transactions réelles entre vendeurs et acheteurs.
Voici plusieurs exemples de bulles :
Les bulles des actions des Bourses comme celles du Down Jones dont l’une décolle en 1980 et l’autre en 1994.
La bulle Internet en 2000 qui a amené la FED à abaisser les taux.
La bulle immobilière mondiale.
La nouvelle bulle des matières premières avec le pétrole à partir de 2007-2008.
Où se trouve cet argent pléthorique ?
Il se trouve dans le patrimoine des propriétaires des actifs matériels et financiers correspondants. Les krachs boursiers et immobiliers représentent le mouvement inverse, en détruisant brutalement de l'argent créé lors des bulles.
Les banques ont une rentabilité importante de l’ordre de 16%. La Société Générale, par exemple, présente une évolution positive de ses dividendes même malgré la crise.
La part des activités financières par rapport à l’activité globale des pays est démesurée. Mais il n'est pas pertinent de comparer la somme des transactions sur les actifs financiers avec la valeur de la production de biens et de services. L’Angleterre, spécialisée dans les services financiers, est un exemple particulièrement explicite de ce décollage artificiel, mais qui satisfait les besoins libres des vendeurs et acheteurs d'actifs financiers.
DEBAT
1) Critiques de la thèse de l’Argent-Dette de Grignon
Il y a confusion entre le multiplicateur de crédit et le taux de réserves obligatoires: le multiplicateur de crédit est le rapport entre la masse monétaire et la quantité de monnaie centrale. Cette dernière comporte les réserves obligatoires des banques commerciales et les billets émis par la Banque Centrale. Si le taux de thésaurisation de la monnaie tourne autour de 10% avec un taux de réserves obligatoires de 2% des dépôts, le multiplicateur vaudra alors 10.
La masse monétaire et la quantité de monnaie centrale maintiennent une relation interactive complexe. Dans un sens, l'approche du "multiplicateur" considère que c'est la création de monnaie centrale "ex ante" qui détermine la création bancaire. Mais dans l'autre sens, l'approche du "diviseur", la création de monnaie centrale ne fait que ratifier "ex post" la satisfaction des besoins des agents économiques par la création bancaire.
Il y a la croyance fausse qu'une banque peut prêter 9 fois plus que ses dépôts. Bien sûr, une banque ne peut prêter au plus qu'un montant équivalent à ses dépôts et à ses fonds propres. Depuis que les Etats n'ont plus le monopole de la création monétaire, il n'y a pas de folie bancaire pour autant. La création bancaire est limitée par de nombreux dispositifs: le taux de réserves obligatoires ( 2% des dépôts), l'achat de billets à la Banque Centrale, les ratios restrictifs dits de Bâle II, le taux d'intérêt du refinancement auprès de la Banque Centrale, la nécessaire demande des agents économiques et enfin, le nécessaire remboursement des crédits, qui détruit l'argent créé.
La Banque Centrale, par sa politique monétaire, a un rôle régulateur de la création de la monnaie par le crédit bancaire. Il est faux de dire que la croissance monétaire soit "exponentielle" et illimitée: le crédit a sa contrepartie réelle dans la production anticipée; il est donc limité par la crédibilité des projets de production; en cas d'excès, la masse monétaire se corrige par l'inflation et les pertes des faillites.
Le film de Grignon présente un aspect « conspirationniste » tendant à faire croire qu’il existe un système dont le but est de créer des phénomènes. Ce film reste flou sur les opérations comptables du crédit bancaire, "simple jeu d'écriture". C'est par ce flou que s'engouffre le soupçon du complot. Le système actuel apparaît comme bien huilé : il récupère les bulles et on en revient à la production. On en revient à la nature de l’argent qui consiste à la mettre en lien avec les produits que l’on crée.
En ce qui concerne le taux d’intérêt du capital, il est classiquement justifié par sa productivité, mais depuis Keynes, sa justification repose plutôt sur sa rareté, c'est-à-dire sur la rareté des investissements dans des projets rentables. En dernière analyse donc, le taux d'intérêt du capital trouve sa légitimité dans la rareté des innovations productives.
Débat autour des bulles financières .
Les bulles jouent-elles un rôle d’entraînement de l’économie réelle ?
Les bulles ont un effet d’ entraînement dans la mesure où, par exemple, les gens qui possèdent des immeubles grâce à cet argent consomment davantage, mais il est nécessaire que les bulles éclatent de temps à autre pour rétablir la masse monétaire.
Quand il est question des bulles, il faut préciser de quelles bulles il est question. En effet, la bulle immobilière peut avoir des effets bénéfiques sur l’activité économique, mais la bulle des finances créatives (CDS) a permis aux banques de vendre du vent. Même la bulle immobilière peut avoir des effets néfastes : les Espagnols ont construit de nombreuses résidences quasiment vides aujourd’hui. Ils ont mis en place 800 terrains de golf destinés aux touristes. Ceux-ci consomment en eau l’équivalent de la consommation de 20 millions d’Espagnols ! Se pose alors la question de l’écologie. Mais on peut fort bien concevoir une croissance durable dans un monde fini, il suffit d'envisager une croissance par les services et les innovations.
Le phénomène de titrisation et ses conséquences.
Les banques ont tenté d’échapper à la régulation et pour cela, elles ont créé des succursales hors-bilan.j
La titrisation existe aussi dans le domaine commercial. La multiplication du crédit s’est aussi fondée sur le phénomène hypothécaire.
La titrisation a été facilitée par le développement rapide de la technologie en décalage avec l’évolution des mentalités. Il était normal autrefois de contrôler la rentabilité d’un crédit avant de l’octroyer. Il existait en France une Caisse des marchés de l’Etat créée en 1936 chargée de ce type de contrôle.
Réflexion sur la nature de l’argent.
L’argent est un symbole, un signe. Cela explique qu’on puisse en créer ex-nihilo, quoique pas sans contrepartie. L’argent n’est qu’une inscription liée au consensus social. Cette inscription donne du pouvoir d’achat. L’argent est un symbole littéral (écrit), il permet d’effectuer des opérations (additions, multiplications..). Les capitalistes peuvent accumuler des unités monétaires.
Il existe des monnaies complémentaires. Elles sont tolérées entre partenaires commerciaux en Suisse, le WIHR, et en Italie par exemple.
L’argent peut-il être confondu avec la richesse ? Il faut croire que non, parce que si tout le monde était riche et ne travaillait plus, les denrées se feraient rares et on verrait apparaître le paradoxe suivant : être riche en argent rend pauvre si l’économie est en panne !
Les Etats ont renfloué les banques par peur que la confiance diminue et que l’économie cesse de fonctionner. On s’aperçoit du côté dématérialisé de l’argent, symbole utilisé de façon mathématique. Sans la croyance, il s’écroule.
CONCLUSION
Beaucoup de questions restent en suspens : Y a-t-il vraiment un groupe qui oriente consciemment la création monétaire ? Peut-il y avoir une croissance durable dans un monde fini ? Pourquoi les gouvernements empruntent avec intérêt ? Quels sont les moyens pour l’Etat de réguler la masse monétaire ? Quel est le rôle du blanchiment d’argent et du marché noir ? Quelles idées précises proposer pour sortir des contradictions révélées par la crise financière ? Sans doute convient-il de revenir à une nouvelle définition de la valeur des choses …
Sans tomber dans des thèses extrêmes, il est intéressant d’essayer d’appréhender le fonctionnement de la création monétaire, sa régulation et ses dérives. Ce café a le mérite d’éclairer ces différents aspects.
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SYNTHESE DU CAFE POLITIQUE DU 18 SEPTEMBRE 2008
QUELLE REFORME POUR LE SYSTEME DE SANTE EN FRANCE?
Intervention de Jean Dorémieux, suivie d'in texte sur le même thème de Jean Jung
La Sécurité Sociale est une « planète à casser ». L'organisation créée par Pierre Laroque en 1945 ressemble au Titanic ! Dans cette intervention, je me propose de me centrer sur la seule question du métier de médecin généraliste en prenant comme exemple, pour en débattre, la médecine générale allemande.
En Allemagne, le médecin généraliste peut faire les examens médicaux qu'il veut le même jour. En France, le diagnostic peut s'étaler sur une semaine entraînant souvent des dépenses de santé abusives.
En Allemagne, les dépenses de santé représentent un pourcentage moindre du PIB qu'en France alors même que les honoraires sont libres depuis trente ans. Le patient ne paie pas son médecin, mais donne la somme forfaitaire de 10 euros par séance diagnostique par trimestre. Le tiers payant est généralisé.
Comment expliquer que la liberté des honoraires ne provoque pas une augmentation des dépenses de santé ?
Le médecin allemand ne dilue pas son activité en consultations coupées comme cela est le cas en France où les honoraires sont encadrés. Par ailleurs, il est tenu, une fois par trimestre, de justifier le montant de ses honoraires en relation avec une courbe de Gauss qui le situe. Le médecin qui a investi beaucoup d'argent dans du matériel de pointe et qui devient personne ressource dans son environnement peut ainsi expliquer aisément le prix élevé de ses honoraires. Cette confrontation entre pairs qui se passe dans le cadre du Kreis tient lieu de formation médicale continue par le biais des échanges de pratiques qui s'y opèrent.
Si un médecin ne peut justifier ses honoraires élevés, il est sanctionné par un régress sur prescription et ne perçoit pas la totalité de la somme à laquelle il entend prétendre.
DEBAT
Discussion sur les modèles allemand et américain.
. Comment expliquer le mécontentement récent des médecins allemands qui ont manifesté ?
. Que penser du double suicide d'un couple d'ophtalmologistes à Offenbourg après un regress sur recettes alors qu'ils avaient investi dans un matériel de haut niveau pour lutter contre la myopie ? Ce serait une sorte d'effet pervers du système ?
. La compensation donnée aux médecins hypo-actifs ( à l'autre extrémité de la courbe de Gauss), ne semble pas être une façon de les encourager à l'activité. C'est un peu « le repos du non-guerrier » !
. Il y a une contradiction à vouloir « casser » la Sécurité Sociale et à vanter le système allemand qui est aussi un système qui relève de la Sécurité Sociale.
. En se penchant sur le système américain, on se rend compte que le pourcentage de PIB consacré à la santé est supérieur à celui de la France et que la santé est un produit commercial. Malgré cet investissement important, l' espérance de vie des Américains est inférieure à celle des Français. Le système présente pourtant quelques avantages : il y a plus d'argent pour la recherche, le développement de technologies de pointe et la création de nouveaux médicaments. Les médecins américains ont davantage de temps à consacrer à la recherche. Dans le domaine de l'urologie par exemple, la recherche médicale française ne produit plus de publications et se contente de traduire le contenu des congrès américains dans ses propres congrès d'urologie. Par contre les nouveaux médicaments sont souvent bien plus chers que ceux qu'ils remplacent et leur efficacité n'est pas toujours évidente. On peut raisonner de la même manière en ce qui concerne les examens complémentaires.
La question du financement des dépenses de santé
La santé est un domaine important de la solidarité républicaine. Son financement repose surtout sur les riches, or ils sont trop peu nombreux ce qui entraîne un financement trop faible pour l'ensemble de la collectivité.Les dépenses de santé sont toutes et toujours financées par les revenus du Travail et non par ceux du Capital; En effet, le Capital étant un facteur de production très mobile, sa rémunération tend à s'homogénéiser partout sur la planète: là où il est grevé de cotisations santé, sa rémunération brute tend à s'élever d'autant afin de maintenir sa rémunération nette. Les cotisations sociales sont récupérées par les entreprises à travers les prix de vente, et n'affectent donc pas leurs bénéfices. L'extrême concentration des richesses, consolidée par le corporatisme colberto-féodal, donne une croissance molle, une production peu dynamique, qui se traduit par un pouvoir d'achat poussif des salariés, classes dits "moyennes", lesquelles parviennent de plus en plus difficilement à financer des dépenses de santé, elles, en croissance dynamique;
C'est donc bien l'insuffisante répartition des richesses, qui, en France, est en dernière instance responsable de la chronique incapacité du système à financer les dépenses de santé. Car ce "manque de riches" freine une efficacité économique qui pourrait mieux financer la santé;
Le poids de l'administration dans le système de santé en France.
. Autrefois une consultation d'urologie durait 30 minutes dont 5 minutes consacrées à la partie administrative. Aujourd'hui, la consultation dure en moyenne 15 minutes et la partie administrative occupe 8 minutes de ce temps.
. Les médecins ont du mal dans ce contexte à écouter la plainte du patient
Propositions pour réformer le système de santé en France.
. Dans une optique de déremboursement progressif des soins, le relais pourrait être pris par les caisses complémentaires
. Procéder par ordonnance comme pour la création de la Sécurité Sociale par le Général de Gaulle
. Développer la responsabilité individuelle par une éducation appropriée dès le plus jeune âge. Ainsi, il sera plus facile de discerner un réel problème de santé d'un malaise passager et cela évitera le syndrome du malade imaginaire. Attention cependant de ne pas « jouer » à être son propre médecin seul apte à faire un diagnostic pertinent. La responsabilisation irait de pair avec une véritable conscience du coût de la santé pour la collectivité à mettre en rapport avec l'argent que le citoyen investit sans sourciller dans des biens de consommation qui n'ont aucun caractère d'urgence.
. Diminuer les coûts administratifs , en particulier supprimer des emplois au sein même de la Sécurité Sociale
. Privilégier la réforme de l'hôpital. Celui-ci absorbe plus de 50% des dépenses de santé.
. Pour le financement de l'Assurance Maladie, ne plus charger le travail, car on pénalise le produit lors de sa vente, mais taxer davantage la consommation ( voir la notion de TVA sociale développée au cours de cafés politiques antérieurs)
. Imaginer la mise en place de paniers de soins comme aux Etats-Unis. Cela reviendrait à coupler le diagnostic et le traitement pour éviter un consumérisme outrancier des médicaments et des examens complémentaires. Dans l'Orégon, 3500 couples ont été ainsi déterminés.
. Ne pas laisser au médecin de famille la responsabilité de la durée de l'arrêt de travail. Créer un corps de médecins du travail indépendant de la direction de l'entreprise qui aurait la capacité de déterminer la durée de l'arrêt grâce à sa connaissance des lieux de travail.
Sur le même thème, un texte de Jean Jung
En ce qui concerne la Sécurité Sociale, on peut bien changer les dirigeants, on ne change pas en un jour les mentalités et les systèmes de pensée sauf à organiser une chasse aux sorcières que la droite ouverte et décomplexée se refuse de faire. Mais de la chasse aux sorcières à la promotion de ses opposants, il y a tout de même une marge importante. De toute façon, il faudra bien un jour se débarrasser de nos vieux
démons sauf à s'enfermer dans un refus suicidaire du monde réel qui nous condamne à avoir peur de la science, ne rien comprendre à l'économie et à rater les principales réformes structurelles dont notre pays a tant besoin. je veux évoquer ici un dossier récurrent.
>
> Le trou de la sécu !
Pour un économiste lucide et honnête, le déficit de la sécurité sociale ne saurait constituer une surprise dans la mesure où aucune véritable réforme de la sécurité sociale n'a jamais été entreprise au nom de la préservation d'un pacte social qui nous condamne pourtant à l'impasse. La sécurité sociale accuse aujourd'hui un déficit de 12 milliards d'euros pour 2007 et combien en 2008 et 2009 ? ce qui constitue un de ses déficits les plus élevés depuis sa création.
> Depuis trente ans, le gouvernement en place constate que les dépenses sociales excèdent les recettes sociales. Il s'ingénue alors à inventer de nouvelles recettes (qui sont autant de nouveaux prélèvements sur la richesse produite comme la CSG, la RDS et demain la TVA sociale) dans le même temps qu'il tente de rationner les dépenses sans s'attaquer à la cause ultime de ce dérapage structurel. Pourtant, force est de
constater que la multiplication des prélèvements sociaux n'a jamais stoppé ce processus de dérive alors même qu'il contribue à accélérer la dislocation du tissu économique (délocalisation, déconnection entre le coût du travail supporté par l'employeur et salaire disponible pour l'employé). Il y a là comme un effet diabolique: Au-delà d'un certain seuil d'accroissement des charges (pression sociale), les recettes sociales
diminuent.
> La cause de cette inflation de dépenses est pourtant connue mais elle heurte un tabou français : elle provient du mythe de la gratuité qui consiste à décréter et à multiplier des droits sociaux dans des domaines (santé, retraite) qui échapperaient à toute contrainte et toute régulation économiques. Depuis trente ans, on s'attaque donc aux effets (insuffisances de recettes, dérapage des dépenses) sans remettre en cause la logique d'un système qui conduit précisément à ces dysfonctionnements. Car les dérapages ne proviennent ni de la fraude, ni des abus ; ils sont inhérents au fonctionnement de tout système collectiviste qui conduit chacun de nous à nous comporter comme des passagers clandestins.
> Imaginez que, lorsque vous consommez l'électricité, c'est votre voisin qui paie les factures car vous avez, à son insu, piraté son compteur.
Ce que vous ne savez pas, c'est que votre voisin est aussi malin que vous et qu'il a fait la même chose.
> Alors que le consommateur français est extrêmement rationnel et vigilant lorsqu'il consomme des biens et services marchands (parce qu'il reçoit et assume la facture de ses propres choix de consommation), il devient totalement irresponsable lorsque qu'il consomme des biens et services publics (et sociaux). Croyant avoir droit gratuitement au maximum de biens et services publics (et sociaux), il participe en fait à un
véritable pillage d'une ressource rare puisque son entretien et sa préservation dépendent de l'argent public et du travail des fonctionnaires, c'est-à-dire de la manne que chaque contribuable consent à laisser à la collectivité.
> Une récente enquête annuelle de la Banque mondiale montre que de plus en plus de pays veulent faciliter la vie des entreprises, notamment en s'engageant dans des politiques franches d'assouplissement réglementaire à côté desquelles les réformettes à la française font figure de pâle homéopathie. Or l'homéopathie n'a guère d'effet contre un cancer généralisé.
> C'est bien un cancer généralisé qui met à terre notre économie depuis trois décennies. A force de faire peser le fardeau sur les entreprises à travers des réglementations nouvelles et toujours plus complexes, des prélèvements supplémentaires et des contraintes institutionnelles de plus en plus lourdes, comment peut-on encore s'étonner du mouvement de délocalisation ? On croit encore que l'on peut faire « payer le capital » alors que cette terminologie montre à quel point nous sommes enfermés dans une grille de lecture marxiste dont la pertinence scientifique est nulle.
> Tout ce qui pèse sur le capital se retournera contre l'investissement, et tout ce qui accroit les difficultés de l'investissement amoindrira nos capacités de croissance et de compétitivité. Et ce sont bien les ménages qui seront les seules victimes en dernier ressort de cette politique qui consiste soi-disant à faire payer les patrons.
> Le résultat de cette hystérie antiéconomique persistante est bien connu. Ne pouvant délocaliser, les petites entreprises de services meurent peu à peu d'asphyxie, croulant sous le poids des charges, tandis que les grandes entreprises redéployent leurs activités dans les pays qui ont décidé d'offrir un environnement plus favorable à l'activité économique. Le monde est vaste tandis que l'hexagone rétrécit.
> Les entreprises sont plutôt en situation de subir ce phénomène - plutôt que de le désirer - car elles n'ont pas d'autres choix que de s'adapter ou de disparaître, au contraire de l'Etat qui peut se permettre de dépenser plus sans évaluer l'efficacité de sa dépense.
> Avant d'accuser les entreprises dans un discours populiste aux accents démagogiques faciles, les médias et les responsables politiques feraient mieux de comprendre une fois pour toutes cette réalité, notamment en balayant devant leur propre porte car il n'y a rien de plus dangereux pour l'économie d'un pays qu'un Etat mal géré.
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LA TVA SOCIALE
> L'économie française doit relever le défi que représente le financement de sa protection sociale. Plusieurs pistes de réflexions sont évoquées et soulèvent le débat puisqu'elles touchent à l'équilibre financier des entreprises. Parmi les options possibles, la mal nommée « TVA sociale » est celle qui est proposée par votre gouvernement.
> Il s'agit, en réalité, d'une Cotisation Sociale sur la Valeur Ajoutée (CSVA)et non d'une taxe. Elle consiste à supprimer partiellement certaines cotisations patronales afin de les remplacer et transposer par une nouvelle et simple cotisation assise sur l'ensemble de la consommation.
> Contrairement à la TVA qui est un impôt facturé à caractère fiscal, ce nouveau prélèvement sur la consommation serait une cotisation affectée totalement à la branche minimum maladie + vieillesse.
> Je propose de déplacer certaines Cotisations Sociales tranches patronales en bout de chaîne : sur la Valeur Ajoutée . Cette CSVA serait à chiffrer (comme l'éco taxe) sur une ligne de facturation séparée et récupérable comme la TVA. Elle pourrait, de ce fait, comme pour l'alcool et le tabac, être ventilée directement vers une chambre de compensations sociales.
> L'assiette de la cotisation sur la consommation, c'est-à-dire la valeur ajoutée globale, serait plus large que celle des cotisations patronales ou de la TVA car elle toucherait l'ensemble de la consommation des actifs, des non actifs, des étrangers retraités, des délinquants, des clandestins : en résumé tous ceux qui consomment, dépensent, profitent et bénéficient des prestations sociales minimum maladie + vieillesse voire plus sur le sol Français.
> La mesure rétablirait un meilleur équilibre des prélèvements entre les industries de main d'ouvre, les transformateurs, les entrepreneurs, les artisans, les agriculteurs, les services, les prestataires de la santé, les assurances, les finances, les professions libérales, les administrations et collectivités, l'économie souterraine, les achats de produits et matériaux destinés au travail clandestin, et tous les autres acteurs économiques.
> Les acteurs français qui produisent des biens et des services en France pourraient ainsi baisser leurs prix de revient hors taxes et surtout les prix à l'exportation grâce à la baisse des charges sociales patronales, améliorant ainsi leur compétitivité. Les produits importés seraient, eux, soumis à la même cotisation, répartissant ainsi en partie l'équilibre entre certains produits importés - qui ont une forte intensité en travail faiblement rémunéré - et les produits fabriqués en France.
>
> C'est une simple logique que le Danemark a compris depuis fort longtemps, a appliqué depuis le jugement de la Cour Européenne de Justice le 27 Novembre 1987, suivi par la Suisse (1 % chômage), L'Allemagne 3 %, l'Italie, et très bientôt d'autres pays. Ces dossiers sont d'ailleurs étudiés actuellement par les instances à Bruxelles.
C'est grâce à cet important rapport (ratio environ x 3) que l'Allemagne dégage d'ailleurs une marge supérieure à celle espérée, ce qui lui permet d'en extourner les 2/3 vers d'autres postes.
> Cette mesure aurait donc le double avantage de faire cotiser les produits importés au même titre que les produits fabriqués et consommés en France, et de renforcer la compétitivité de ces derniers à l'exportation. Et ce, tout à fait légalement au regard des règles européennes et de celles de l'OMC.
>
> Il faut savoir qu'il n'y a pas d'avenir sans producteurs, sans recherches, ni d'industries, en somme les vrais créateurs de richesses. Réalité de bon sens que la France a du mal à comprendre. Si la France optait pour cette CSVA la compétitivité de l'économie serait puissamment renforcée, et les industriels seraient moins tentés de délocaliser leurs activités à l'étranger.
> Reconnaissons que le coût du travail en France peut jouer un rôle négatif sur les décisions des entreprises en matière de délocalisation et de leurs implantations. La consommation constitue l'assiette non délocalisable.
> Enfin, si les entreprises n'augmentent pas la charge de travail de leurs salariés en postes, la baisse du coût du travail se traduirait par un accroissement des embauches, une réduction du chômage donc des charges sociales favorisant les nouveaux débouchés à l'export nécessitant plus de main d'ouvre.
> Pour bien comprendre le système il faut consulter les comptes de la nation 2006 (source INSEE 2006) à savoir :
> a) Masse salariale toutes entreprises (661,2 Mrds) + administrations (234,7 Mrds) soit un total global de........................................
> 895,9 Mrds ?
> 1% = 9 Mrds
> b) Partie Valeur Ajoutée produite par les entreprises assujetties à la TVA.....................................
> 1600,0 Mrds ?
> 1% = 16 Mrds
> c) Valeur Ajoutée globale produite par les entreprises (1111.2 Mrds) + ind (139,2 Mrds) + soc/non financières (895,6 Mrds) + soc financières (76,4 Mrds) + Adm. publiques (284,6 Mrds) soit un total de..........................................................................................................
> 2507,0 Mrds ?
> 1% = 25 Mrds
> En divisant b par a on obtient un ratio d x 1,78
> > En divisant c par a on obtient un ratio e ...> x 2,77
> Une baisse des cotisations patronales trop faible (en dessous de 5%) ne rendra pas les entreprises françaises plus compétitives, et les mesurettes, exemple loi Fillon, n'incitent pas à l'augmentation des salaires. Par contre cette baisse accompagnée d'une diminution légère des charges salariales aurait pour résultat une augmentation du pouvoir d'achat.
> Il faut noter que le minimum maladie + vieillesse représente en moyenne 14,70% des cotisations patronales sur la masse salariale (a) soit 132,3 Mrds
> A titre d'exemple, une CSVA de 5% prélevée sur
> · l'assiette de la TVA (b) représenterait 5 x d => 5 x 1,78 = 8,9 % soit 79,7 Mrds (8.9% de 895,9 Mrds)
> · l'assiette de la valeur ajoutée globale (c) représenterait 5 x e => 5 x 2,77 = 13,85% soit 124 Mrds (13,85% de 895,9 Mrds)
> Le deuxième exemple nous démontre à l'extrême que 5% prélevés sur la valeur ajoutée globale à tous les niveaux (c) produirait presque autant en valeur que les 14,70% (part patronale moyenne actuelle) .
> A vrai dire une opportunité révolutionnaire pour simplifier et modifier partiellement le financement de la protection sociale tout en réduisant les prix H.T.En effet, les charges sociales pèseraient moins sur le calcul du prix de revient de l'entreprise, et le prix final à la consommation serait moins sujet aux coefficients multiplicateurs appliqués par les acteurs intermédiaires.
>
> Je vous remercie de m'avoir lu , très respectueusement vôtre, Jean Jung
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Synthèse du café politique du 26 juin 2008
La moralisation des hommes politiques
Après une intervention de Jean-Brice sur le thème d'éthique et politique (voir en fichier joint), Christian nous propose une réflexion sur la moralisation des hommes politiques.
Intervention de Christian.
Les mots proches du mot corruption sont dérèglement, tromperie, trucage, affairisme, compromission, déviance.
Le mot éthique est souvent prononcé quand on parle de corruption.
La corruption exacerbe les inégalités.
Il existe des associations d'élus contre la corruption comme l'association anticor. Le vote leur apparaît comme un contrepoids à la corruption.
La corruption est d'autant plus développée qu'il y a une mauvaise gouvernance, que les pouvoir législatif et judiciaire sont défaillants, que l'information est censurée. L'Etat français a tendance à mettre la main sur les médias (voir Sarkozy en lien avec Bolloré et Bouygues).
La corruption est liberticide, elle tue la démocratie et enferme dans un mode de pensée unique.
DEBAT
· La concentration des pouvoirs est source de corruption.
Sous la monarchie française les pouvoirs étaient confondus. Actuellement, on assiste à une autre forme de concentration des pouvoirs entre les mains du patronat, des politiques, des médias et de la haute administration. Pour arrêter la corruption, peut-être faut-il imaginer un autre statut de l'homme politique ?
Le Parlement français est souvent qualifié de Parlement croupion. Il dispose d'une initiative législative très restreinte par rapport à l'exécutif.
Quand un amendement tend à demander des sanctions à l'encontre des élus et des ministres à propos de défaillances constatées par la Cour des Comptes, on constate que cet amendement est refusé par les députés et que ce refus n'est pas relayé par les médias.
Pour lutter contre la corruption il faut une véritable division des pouvoirs, des pouvoirs et des contre-pouvoirs, la transparence des comptes publics.
Tout ce qui cultive le culte du secret a tendance à générer de la corruption.(voir les Loges maçonniques du midi de la France liées à des entreprises d'abus de pouvoir). Ce serait bien que les Francs-Maçons affichent leur appartenance comme le font leurs pairs dans les pays anglo-saxons.
Internet peut jouer le rôle de contre-pouvoir. Il est possible de créer un buzz (opinion) qui l'emporte dans le débat public. Se pose cependant le problème de la vérification de l'information sur internet.
Les liens entre corruption des politiques et le domaine économique.
L'exemple de Monsanto, décodé dans une émission de télé récemment, démontre que les politiques ont subi de fortes pressions exercées par le lobby des avocats de l'entreprise Monsanto pour ne pas mettre en ouvre le principe de précaution dans le domaines du maïs transgénique.
Certains actionnaires américains de Monsanto sont des sénateurs américains. Les décisions politiques sont ainsi très liées aux intérêts économiques de certains grands groupes et ne prennent pas en compte la santé des populations.
Un intervenant cite l'exemple d'une miellerie de Vendée dont les intérêts sont entrés en conflit dur avec la firme Bayer à propos du gaucho et qui a été contrainte d'abandonner son activité.
Un autre exemple démontre la force des grands groupes : une association qui défend les semences ancestrales : Kokopelli, a perdu trois procès contre des grands fabricants de semences.
Il existe une corruption systémique constatée à propos de la crise des subprimes : depuis le 9 août 2007, les banques centrales ont injecté plus d'argent que depuis le 11 septembre 2001. Début mai 2008, 15 banques ont recapitalisé à hauteur de 185 milliards de dollars. La crise qui se profile concernera les crédits des cartes de crédit. Le politique n'ayant mis aucune sorte de législation véritablement régulatrice en place, une corruption financière généralisée a pu prospérer. Une entreprise qui gagne de l'argent délocalise sans prendre en compte d'aucune manière le politique au sens du bien commun.
Quelques pistes pour éviter la corruption
La formation du citoyen pour qu'il puisse comprendre les enjeux des décisions et leurs conséquences. En effet, la gestion des collectivités publiques et de l'Etat est très complexe et peu lisible, avec des partenariats public-privé qui éloignent souvent celui qui décide de celui qui réalise et de celui qui est chargé de surveiller : l'électeur.
o Créer un conseil municipal de surveillance des décisions à effet économique prises au niveau local
o La mise en place d'un véritable espace judiciaire européen qui permette aux juges d'avoir des retours des commissions rogatoires et de faire lever le secret bancaire
o Limiter la pratique du secret administratif et du secret défense en France sans égal en Europe
o Créer des sanctions dissuasives en cas de corruption pour que les gains réalisés par la corruption deviennent inintéressants
o Aligner les règles d'inéligibilité des élus sur celles des membres de la fonction publique
En conclusion, un intervenant fait le rêve que la France pourrait vivre une sorte de démocratie évolutive dans laquelle les citoyens transféreraient leur impôt à qui ils voudraient. Ainsi, plus besoin de sondages !! Il y aurait de fait un contrôle par les électeurs de l'emploi de leur argent.
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Ethique et politique
La politique naquit dans la Grèce antique du désir de vouloir soumettre le fonctionnement de la Cité à la conscience réflexive et de ne plus seulement le laisser s'établir selon la seule force des interactions entre individus. Il ne s'agit plus uniquement d'entériner des faits sociaux enracinés par l'usage (comme le décalogue par exemple..), mais de procéder à un nécessaire décapage de nos habitudes fallacieuses par des révisions cognitives fondées sur des données factuelles. Il apparaît d'emblée que la politique a partie liée à l'éthique du fait de son aspiration au bien, et plus particulièrement au bien commun.
Platon distingue ainsi la science des moyens qui correspondent aux techniques multiples, de la science unique des fins qui vise au souverain bien. Platon propose dans ce but de placer des philosophes-rois à la tête de la Cité. Ceux-ci, acquis à l'idée du bien, et longuement formés à sa pratique, sont censés être aptes à mener le plus adéquatement la société. Il s'agit là d'un système aristocratique visant à confier le pouvoir à une minorité, et dont le jeu obscur réside dans les modalités et les critères de désignation de ces fameux philosophes-rois : sont-ils autoproclamés, désignés par cooptation. Aucune de ces mesures n'apparaissent comme pleinement satisfaisantes. De plus les tentatives de Platon de s'immiscer dans la vie politique se sont soldées par un cuisant échec.
La politique apparaît ainsi comme la difficile alliance entre des nécessités pratiques et des exigences morales théoriques.
Kant établit la distinction entre les impératifs hypothétiques relevant de conseils techniques, prudence et habileté et apparaissant comme une nécessité pratique permettant d'obtenir ce que l'on désire et, d'un autre côté, les impératifs catégoriques se posant en devoir incontournable : « Agis de telle manière que la maxime de ton action puisse être érigée en loi universelle » ayant pour corollaire l'impératif catégorique pratique : « Agis de telle manière que tu traites à tout instant l'humanité, aussi bien dans ta personne que dans celle de tout autre, toujours en même temps comme une fin et jamais seulement comme un moyen ».
Machiavel, pour sa part, entend rompre la parenté nécessaire entre éthique et politique, non pour définir un état idéal, mais pour se livrer à l'analyse de ce qui existe dans l'optique d'accroître le pouvoir du prince au profit de la satisfaction de son peuple.
Il en ressort que la politique se caractérise par la capacité d'imprimer la marque de la volonté et de la signification humaine sur les événements.
Elle a pour tâche, sans fin, de proposer des valeurs et de les soumettre à l'épreuve des faits.
Il s'ensuit un engagement de conduite, un acte de décision par lequel un individu se lie lui-même à son futur par des démarches et parfois par la mise en jeu de sa propre vie. Cela imprime un caractère anticipateur à l'engagement politique qui considère que le passé n'est jamais un destin que l'on ne peut que subir, mais qu'il peut toujours être restitué en faveur des perspectives futures. Cela consiste à choisir un objectif pour se mettre en état d'influer sur le cours des choses, sans pour autant viser un idéal inatteignable, mais de manière à ce qu'il y ait une probabilité d'atteindre le but fixé. Il s'y ajoute la nécessité d'être capable de réajuster ses visées, au gré de la survenue d'événements intercurrents.
On voit là que la politique est indissociablement liée à la temporalité, mais elle est également partie prenante avec la liberté. Pour Spinoza, il est indispensable d'être autorisé à penser ce que l'on veut et à dire ce que l'on pense. Cela se conçoit pour lui dans la grande unité de la vie et de la doctrine. Dans la foulée de Spinoza, c'est l'ensemble de la philosophie des Lumières qui défendra le droit à la liberté et à la pluralité. Voltaire dit : « Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous puissiez le dire ». Toute liberté implique une responsabilité, celle d'endosser un passé, d'autres volontés et d'autres actions, mais dans l'optique d'infléchir le cours du destin et de rompre le cercle des fatalités. C'est le moyen par lequel l'existence peut s'ouvrir à sa signification et tenter de se donner un contenu le plus conforme possible à ses exigences profondes.
De surcroît, la politique ne peut s'envisager que comme relation interpersonnelle et comme mise en jeu de solidarités. Elle se situe au croisement de la dépendance envers d'autres vies et d'autres destins et de la possibilité donnée, de ce fait, d'imprimer une autre ampleur à sa propre existence. Le fait politique est produit par le recouvrement de deux ensembles, celui de l'individu et celui de la situation (la situation étant le produit d'interactions passées et de la mise en jeu d'autres existences
Pour finir, un mot sur l'engagement politique. Par cet engagement, l'on ratifie des idéaux, des objectifs, une doctrine, une stratégie, et l'on accepte une discipline en vue de contribuer à leur succès. Cet engagement est similaire à celui pris à l'égard d'une valeur, par exemple, la justice. Il s'agit d'une attitude mixte, impliquant tant l'intellect que la sphère affective, ainsi que la rencontre entre la finitude d'un objet déterminé et l'infinité du vouloir.
Jean-Brice Jost
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Synthèse du café politique du 29 mai sur le rapport Attali
Le rapport Attali, dans sa dimension économique, est à rapprocher du rapport Rueff et Armand préconisé lors de l'arrivée de De Gaulle dans les années 60 et de celui des années 30, connu sous le nom de Plan du 9 juillet (1934), élaboré par un groupe connu sous le nom de X crise (constitué de grands commis de l'Etat, droite et gauche confondues).
Après avoir présenté les huit ambitions du rapport Attali, Christian nous propose de réfléchir à quelques mots clés évoqués par ce document : confiance, créativité, mobilité, agilité, repenser le socle des connaissances, identifier les potentiels, nouvelles chances pour tous.
Le débat qui suit évoque certaines contradictions inhérentes au rapport tout en tenant compte de la valeur intrinsèque de nombreuses propositions.
Une remarque préliminaire met l'accent sur le fait que le citoyen se sent souvent dépossédé de ses décisions par les experts et vit dans la défiance généralisée à cause des crises mondiales, des bulles financières et de la spéculation sur les matières premières.
1. Ce rapport a une orientation idéologique qui est celle de l'économie du risque et de la croissance.
On peut penser que nous vivons dans un système en accélération qui porte en lui-même sa propre fin. Pourquoi, alors, stimuler la croissance ?
Le rapport fait allusion à une société du savoir et non de la connaissance ce qui illustre bien la tendance des entreprises françaises à ne pas embaucher des littéraires ou des philosophes contrairement aux Etats-Unis ou à la Grande-Bretagne.
La principale contradiction réside dans l'affirmation du développement durable et les préconisations du développement de la croissance économique :
· Le commerce en ligne au niveau international présente le danger écologique de faire voyager les produits par avion et de contribuer à l'effet de serre même s'il supprime les intermédiaires et raccourcit les circuits.
· Le développement des transports aériens en low cost pour relier des lieux en France non desservis par TGV pose la même question.
· La multiplication des grandes surfaces pour les mettre en concurrence oblige les acheteurs à se déplacer en véhicule à la périphérie.
Un intervenant relève le fait que le rapport fait une incantation à l'entreprise et à la concurrence, sans pour autant se demander pourquoi la croissance est aussi molle en France, pourquoi l'entreprise y est si peu innovante, pourquoi la concurrence y est si faible, et sans identifier parmi les causes fondamentales le caractère corporatiste, à la fois féodal et colbertiste, de notre économie, dont les grands dirigeants sont liés à l'Etat (pantouflage des hauts fonctionnaires). La remise en cause du fonctionnement du CNRS ne suffit pas à éviter l'emprise que les grandes entreprises exercent sur l'innovation en France au détriment des PME.
la critique de la mobilité, comme facteur de développement économique.
o Il convient de s'interroger sur le rythme de changement le plus favorable. Si la mobilité géographique est favorisée, il y a un risque de déracinement des populations, d'homogénéisation et de disneylandisation
o Avec la mise en place de pôles de compétitivité qui réunissent toutes les compétences afférentes au métier abordé, il y a nécessité de rejoindre ces lieux pour y travailler
o Les incidences humaines de la mobilité sont à considérer : comment les couples peuvent-ils avoir une vie commune s'ils sont séparés par des distances ingérables pour rejoindre leur travail ? 40% des femmes diplômées de haut niveau en Allemagne ont fait le choix du métier plutôt que celui de la famille. A cela s'ajoute le manque de structures collectives de garde pour les jeunes enfants en Allemagne. Autre exemple : la mobilité des chefs de service dans les hôpitaux allemands est bien supérieure à la mobilité française. Les postes à pourvoir sont mis au concours sur le territoire et ne sont pas liés à la succession du chef par son adjoint localement.
La question universitaire.
· Il y a une réelle inquiétude à vouloir mettre les universités en concurrence. Cela risque de se faire au détriment de la recherche fondamentale qui n'est pas immédiatement rentable. La recherche n'évolue pas au même rythme que la société.
· L'Université des métiers semble à tous une proposition intéressante. C'est une université de la deuxième chance qui permettrait à ceux qui n'ont pas pu entrer dans le cursus universitaire après le lycée de se former plus tard.
L'adéquation des objectifs et des moyens financiers.
Certaines mesures permettent de faire des économies comme le projet de supprimer à terme l'échelon départemental, mais bien d'autres mesures semblent coûteuses et difficiles à financer, comme les agences pour les services publics. L'échéancier proposé en fin de rapport qui évoque pour la fin de l'application des mesures la fin 2009 paraît, à cet égard, peu réaliste.
En conclusion
On peut se demander quelle est la finalité sociale de ce rapport. En 1982, le Dalaï-Lama répondait à une personne qui l'interrogeait sur la probabilité d'une troisième guerre mondiale : « Pensez-vous que nous avons orienté le progrès dans la bonne direction ? ». Se pose ici la question de la décroissance définie par Serge Latouche.
Mais il est difficile de préconiser la décroissance alors que les richesses sont si mal partagées, en France notamment, où la mobilité sociale des pauvres est particulièrement faible.
Une fois de plus, le consensus se révèle compliqué à mettre en ouvre. Le mérite du rapport Attali est cependant de relancer de manière factuelle et non clivée le débat de société sur le changement que tout le monde s'accorde à trouver nécessaire.
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Quel pouvoir pour le politique aujourd'hui ?
Synthèse du café politique du 24 avril 2008
Intervention de Pierre sur pouvoir politique et mondialisation.
Le pouvoir politique semble faible par rapport au phénomène de la mondialisation dont les conséquences sont multiples : multiplication de sociétés multinationales, délocalisations en nombre dans tous les secteurs, mouvements de capitaux immaîtrisés. Politiquement se créent des ensembles continentaux comme l'Europe, l'Amérique Latine, L'Amérique du Nord, la Chine, L'Inde.
La mondialisation n'efface pas pour autant les divergences politiques et culturelles. Par exemple, les Japonais qui utilisent les techniques de l'information avec brio n'en font pas le même usage que nous. La Chine reste un Etat dictatorial alors que nous nous adressons à elle comme s'il s'agissait d'une démocratie occidentale sensible aux Droits de l'Homme (d'où les relations confuses du gouvernement français avec ce pays à propos du Tibet ).
La mondialisation entraîne des replis identitaires en chaîne.
L'explosion démographique qui caractérise le XXème siècle (1milliard d'hommes en 1900 et près de 6milliards en 2000 ), pose la question brûlante du niveau de vie de tous les habitants de la planète. Les récentes émeutes de la faim témoignent de ce problème urgent.
Que peuvent faire les politiques face à ces constats ?
Ils sont souvent bridés dans leurs initiatives par le refus des citoyens de voir la réalité avec lucidité. Ce refus de comprendre est très bien explicité dans l'ouvrage de Jean-François Revel : « La connaissance inutile ». Peut-être y a-t-il une façon de sortir de cette impasse par une information meilleure des enjeux politiques et par une amélioration du niveau culturel des personnes.
Deuxième intervention à partir des notes de Raphaël.
En France, le pouvoir législatif a peu de poids. Le pouvoir exécutif est maître de l'ordre du jour à l'Assemblée et 90% des projets de loi émanent de l'exécutif. Plus de la moitié des lois françaises ne sont que des applications des directives européennes et même si nous élisons les députés européens, nous avons le sentiment de mal contrôler leur action en tant que citoyens.
L'exécutif exerce aussi une autorité importante sur le judiciaire par le biais de l'organisation de celui-ci et de sa hiérarchie. La question qui se pose est de savoir de quel pouvoir nos députés disposent vraiment et nous à travers eux ?
DEBAT
Après un débat préalable sur la notion de libéralisme économique, examinons les différents niveaux auxquels le pouvoir politique peut agir et de quelle manière.
· Débat préalable sur la notion de libéralisme économique.
Un des intervenants présente le libéralisme économique d'Adam Smith comme un système dans lequel les interactions marchandes s'organisent d'elles-mêmes le mieux possible. C'est comme s'il y avait une « main invisible », avatar de la notion de Dieu. L'intervention de l'humain doit être réduite le plus possible.
Un autre intervenant fait remarquer que dans la philosophie libérale, l'individu n'est pas fait pour la société, mais c'est l'inverse. Cependant, la « main invisible » du Marché, imparfaite et incomplète, a besoin de la main visible de l'État pour réguler et compléter : fixer les règles du jeu par exemple, et garantir la propriété privée. L'Etat, selon Max Weber, se définit comme l'entité sociale qui a le monopole de la violence légitime (armée, police). L'économie libérale se développe dans la confiance permise par ce cadre sécurisé.
Le pouvoir politique et la mondialisation.
Tous les Etats ne sont pas des entités démocratiques. Beaucoup d'entre eux disposent de pouvoirs économiques importants liés à un pouvoir politique fort qu'ils exercent dans tous les domaines (la Russie et la Chine en sont de bons exemples). L'ancien Président Poutine était à la tête de Gazprom ! Les Russes sont entrés dans le capital de Total.
Par ailleurs, les Etats démocratiques ont fait preuve récemment d'un réel interventionnisme, qu'il s'agisse de la FED aux Etats-Unis ou du gouvernement anglais, pour éviter la faillite des banques liée aux produits dérivés incluant des subprimes. La BCE réagit de la même manière pour éviter une crise de confiance majeure dans le système bancaire.
Le politique et l'économique sont très étroitement liés. Le politique apparaît même aujourd'hui comme le sauveur de l'économique au niveau mondial par crainte d'un krach du type 1929. Les Etats investissent dans des entreprises privées par le biais des fonds souverains. Les libéraux sont demandeurs de l'action régulatrice de l'Etat pour permettre une meilleure efficacité de l'économie.
Ce pouvoir du politique sur l'économique pourrait s'exercer d'une autre manière qu'en étant à la traîne de l'économique. Le politique pourrait intervenir en amont, par exemple dans le cadre européen.
Le pouvoir politique et l'Europe.
L'Europe est devenue libérale. Il s'agit bien d'un choix politique. L'Etat français était propriétaire de France Telecom. Il ne détient plus que 5% du capital de cette entreprise. Dans le domaine de l'énergie, l'Europe s'aperçoit maintenant que le démantèlement de la filière énergie en dissociant production, exploitation et transport pose problème face à des géants comme Gazprom qui n'ont pas opéré cette séparation.
L'Europe aurait pu tenter de proposer une meilleure répartition du profit pour lutter contre la pauvreté. L'Europe peut fixer des règles différentes de celles qui fonctionnent ( ?). Les politiques ont le pouvoir qu'ils veulent bien se donner.
Cela est d'autant plus vrai que les lois européennes priment sur les lois nationales et que ce sont les jurisprudences européennes qui ont pouvoir de décision. Il est assez étonnant d'ailleurs que peu de syndicats fassent appel à l'Europe pour la défense des salariés dans le cadre juridique existant.
· Le politique au niveau national.
Plusieurs interventions font remarquer que le rapport de l'électeur à son député peut avoir un effet corrupteur et relève souvent d'une forme de clientélisme. Il n'est pas rare que des députés proposent la mise en place d'associations fantômes pour répondre à un besoin du moment et répondre à l'électeur.
Le député fait souvent figure d'assistante sociale .
Les médias jouent un rôle important dans l'image des hommes politiques perçue par les citoyens. Cela impacte la capacité d'agir de ces mêmes hommes politiques. Le bilan n'est pas toujours au premier plan de l'image que les médias renvoient d'un élu.
La politique nationale est souvent comparée à celle des pays voisins. On peut se demander si cette méthode comparative a une légitimité en raison de contextes spécifiques à chaque Etat.
En France, actuellement, l'exécutif prend des mesures et les dément rapidement ce qui ne renforce pas le poids de la représentation nationale qui se sent ignorée. C'est comme s'il s'agissait d'une politique « tango » !
En conclusion
La question posée est celle du champ d'action du politique. A l'évidence, de nombreux problèmes se posent à l'échelle planétaire et demandent à être pris en compte par une gouvernance planétaire ( voir Attali également).
Il est d'ailleurs singulier qu'il soit davantage question de gouvernance que de gouvernement planétaire. Aurait-on peur d'une véritable dimension politique ?
Les grandes orientations dans le domaine économique pourraient être pensées selon d'autres critères que celui de la consommation. Le politique devrait jouer le rôle de conscience critique. De même dans le domaine de la réflexion éthique sur l'euthanasie ou le bioéthique par exemple.
Le rôle du politique depuis la Grèce ancienne est de vouloir agir sur l'économique et le social en fonction de critères de justice et d'émancipation des individus. S'il est possible de formaliser des lois économiques comme on le fait pour les lois de la nature, alors il est possible d'agir sur elles.
La mondialisation induit des effets d'échelle : ce qui est efficace à une échelle ne l'est pas forcément à une autre. Selon le principe de subsidiarité, il ne convient pas de se référer au niveau supérieur de manière automatique.
La nouvelle donne de communication créée par internet aura sans conteste un impact dans la manière d'agir des politiques davantage contrôlés par ce cinquième pouvoir. La formation du citoyen, condition d'un meilleur rapport avec le politique, peut peut-être passer en partie par cette communication virtuelle.
Synthèse du café politique du 6mars 2008 : Le Storytelling
Intervention de Jean-Louis sur le livre de Christian Salmon, Storytelling, La machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits aux éditions Découverte.
L'auteur est écrivain et membre du Centre de recherches sur les arts et le langage (CNRS ).
Ce livre est un livre engagé qui dévoile les rouages d'une « machine à raconter » qui remplace le raisonnement rationnel dans le domaine économique et politique. Ce « nouvel ordre narratif » a pour but de formater les individus en les plongeant dans un univers fictif qui filtre les perceptions, stimule les affects et encadre les comportements et les idées.
Le succès de cet ouvrage s'explique en partie par la peopelisation croissante de la vie politique comme en témoignent les ouvrages très vendus concernant Cécilia Sarkozy.
Le mot histoire a plusieurs sens en français. Il convient de préciser celui que Salmon utilise dans le storytelling. Il ne s'agit pas de l'Histoire qui relate le passé avec une exigence d'objectivité, ni de l'histoire au sens du roman qui fait appel à l'imaginaire et qui a un début et une fin. Il s'agit d' histoires racontées pour manipuler le public et l'entretenir dans un état de mensonge.
Le storytelling est utilisé depuis les années 90 dans l'entreprise. L'entreprise est progressivement passée de la vente du produit à la vente du logo, puis les marques se sont mises à raconter des histoires. Le but est d'influencer le salarié qui est aussi consommateur en réécrivant une histoire de l'entreprise : par exemple la marque de chaussures Michael Jourdan fait une pub qui dit : « Ecrivez votre propre histoire, nous vous fournissons les accessoires ». Sous-entendu, vous deviendrez tous des M. Jordan en achetant ces chaussures. Le paradoxe tient au fait qu'il ne peut y avoir des millions de M. Jordan.
Dans le domaine politique, c'est Reagan, un ancien acteur, qui le premier utilise le storytelling.. Clinton, lui-même, après avoir écrit un ouvrage dit : je ne sais pas si c'est un bon livre, mais en tous cas, c'est une bonne histoire . Bush reprend des histoires racontées par Reagan comme s'il s'agissait de copié-collé. Les hommes politiques américains sont dans la grande tradition narratologique du western (le héros est mis en scène)
Aujourd'hui, cependant cette tradition se transforme en machine. Des cabinets de consultants accompagnés par les médias transforment le champ politique en théâtre comico-tragique.
Salmon propose l'exemple suivant dans lequel on voit Bush en 2004 se prendre de compassion pour une jeune fille qui a perdu sa mère le 11 septembre. Bush arrive à lui faire exprimer son émotion. Il apparaît comme une sorte de guérisseur du malheur. Cette vidéo du cas Ashley a été un vecteur très important de la réélection de Bush en jouant sur la fibre émotionnelle et l'identification.
DEBAT.
Il convient de décoder des contre-discours qui utilisent les mêmes procédés que le storytelling.
Ainsi, Michael Moore dans son film sur le système de santé américain, Sicko, arrive à démontrer que des gens meurent aux Etats-Unis pour que l'assurance maladie fasse du profit et que le système français est le meilleur du monde. Cette mise en histoire de la santé radicalise la question en la caricaturant ce que les détracteurs de M. Moore ont dénoncé en listant toutes les inexactitudes mises au service de la thèse défendue. De la même façon, le film d'Al Gore, Une vérité qui dérange, présente une contre-narration contestable à certains égards.
Ce contre-discours qui est une autre forme de storytelling ne peut pas se confondre avec l'histoire que nous racontent les Verts dans la campagne municipale de Strasbourg en faisant appel à notre imagination pour se représenter la ville en 2020 avec une circulation douce et une consommation d'électricité largement minorée. Le procédé de projection dans l'avenir ne fait pas appel ici à une identification émotive. Il fait rêver à un but qui donnerait l'espoir de mieux vivre ensemble.
Il est important de faire la différence entre le storytelling et les mythes qui jalonnent l'histoire humaine.
Certains mythes son vieux comme le langage. Ils ont une fonction explicative et ne s'adressent pas à des faits existants. Ils éduquent l'esprit plus qu'ils ne forcent l'adhésion. Les Grecs eux-mêmes ne croyaient pas toujours à leurs propres mythes. Par opposition à la sagesse proposée par les mythes, les Etats ont souvent eu la tentation de remanier l'Histoire en fonction de leurs intérêts. Ainsi la Troisième République s'est emparée du mythe de Vercingétorix pour se renforcer et les pays communistes sont passés maîtres dans l'art de travestir la réalité historique pour la mettre au service de l'idéologie et du pouvoir du moment.
Les mythes fédèrent une représentation commune du monde alors que le storytelling banalise le mensonge et masque la réalité. Dans le domaine de l'entreprise, Enron a trompé ses salariés en leur racontant une certaine histoire de l'entreprise qui s'est effondrée avec la mise en lumière du trucage du bilan. Le salarié qui avait cru son Président s'est ainsi retrouvé à la rue sans assistance.
Le storytelling agit dans le présent. Il nie le passé et n'en analyse pas les causes. Il ne s'intéresse pas à l'avenir.
Les ressorts du storytelling.
Le storytelling joue sur l'émotionnel et sur les manques ressentis par les individus. Il fait des promesses, car il sait que les populations espèrent des jours meilleurs.
Il joue sur les pulsions régressives et entraîne immanquablement la déception quand on s'aperçoit que le récit est mensonger.
Le storytelling se situe dans un contexte de perte de repères par rapport à la notion de vérité. L'époque est celle d'un renversement des valeurs. Il est nécessaire de passer à une autre acception de la vérité. La phase actuelle s'apparente à une phase de nihilisme.
La question qui se pose est de savoir jusqu'à quel niveau on adhère à un discours, quelle force on déploie pour faire croire, à quel moment la compréhension donne le droit d'arrêter ou de continuer à croire.
La baisse de la popularité de Sarkozy peut s'expliquer en partie par le fait que les Français ont cru aux histoires racontées pendant la campagne et s'aperçoivent que la réalité dément beaucoup de promesses d'amélioration de leur quotidien.
Le citoyen se sent en quelque sorte renié à travers son vote.
Le storytelling est porté par les cabinets de consultants qui prennent de l'importance.
Le livre Propaganda, écrit par le neveu de Freud, Edwards Bernays en 1928, a pour but d'appliquer les découvertes sur le psychisme individuel au domaine du collectif.
L'auteur crée une Ecole des Relations Publiques et commercialise sa méthode auprès des grandes entreprises américaines. Il diffuse des techniques de consulting qui utilisent le storytelling. Ainsi pour faire vendre la cigarette aux jeunes femmes, il organise un événement à New - York, lors d'un défilé de suffragettes en convoquant la presse. A un certain moment, ces jeunes femmes sortent de dessous leurs jupes une cigarette et un briquet. Elles allument leurs cigarettes en public et fument en symbolisant avec cette flamme la torche de la liberté. S'écrit ainsi l'histoire de la femme qui se libère au travers de la cigarette.
Tout produit se trouve chargé de symbolique. Les produits de luxe sont le signe d'appartenance à la classe élevée. Plus ils sont chers, plus ils sont demandés ce qui confirme l'utilisation par le marketing de cette charge symbolique.
Les consultants de tous types encadrent aujourd'hui l'activité politique à l'exception des Verts qui apparaissent anachroniques à cet égard. Il s'agit de soigner la mise en scène des histoires que les leaders politiques nous racontent. Ségolène Royal a fait appel au cabinet Ogilvy qui a des ramifications qui dépassent sa simple activité de conseil à la candidate. Il serait financé par la CIA et participerait à des campagnes politiques aux USA. Il aurait produit des études commanditées par un tiers des Commissaires européens et serait lié à Barroso.
L'UMP est conseillée par le Boston Consulting Group (BCG ). Un débat s'ouvre sur le niveau de dangerosité de ces consultants. Certains seraient manipulateurs, d'autres seraient utiles pour l'analyse des situations. Il reste que certaines techniques comme la PNL sont mises au service de dérives sectaires et peuvent susciter des interrogations.
CONCLUSION.
Pour lutter contre le formatage de la machine à histoire, il convient de se mettre en position de résister et de démontrer l'abîme qui existe entre les faux espoirs déployés par le storytelling et la réalité sociale. Le contre-pouvoir qui apparaît le plus efficace semble être la culture et la posture de veille. Le café politique tente, à son humble niveau, de participer à cette réflexion déconstructrice de la politique-spectacle.
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SYNTHESE DU CAFE POLITIQUE DU 31 JANVIER 2008 : QUELLE DIVERSITE ET QUELS ENJEUX POUR LA FRANCE
Intervention sur le thème de la diversité par Djamel Djeziri.
Le terme de diversité apparaît dans le champ politique à partir de 2004. Sept ouvrages sont parus récemment sur ce thème, mais de nombreux sont prêts à être édités.
Depuis peu, s'est tenue une Assemblée générale constitutive de l'Assemblée française des managers de la diversité ( AFMD). L'AFMD regroupe dix entreprises françaises parmi les plus importantes sur le marché, comme Orange, Pfizer, Casino, Loréal, Cap Geminy. Elle se propose de lutter contre toutes les discriminations liées à l'âge, aux préjugés raciaux, à l'orientation sexuelle, et de faire progresser la parité homme-femme. Elle souhaite promouvoir la diversité sans qu'à aucun moment elle ne donne une définition claire de ce concept. Le terme de diversité semble avoir remplacé celui de discrimination positive qui identifiait mieux les domaines de lutte.
Un colloque récent réunissant des penseurs de la mouvance de Renaud Sainsaulieu a eu pour thème : « La diversité en question : opportunisme, discrimination ou reconnaissance sociale ? ». Il propose de rechercher les questions qui peuvent se cacher derrière ce concept. Il soulève le caractère ambigu de cette notion et se demande à quel mode de pensée elle renvoie. En effet, ce mot appartient à un vocabulaire politiquement correct, il a une forme lexicale lisse et par ailleurs on en parle en terme d'urgence sociale. La diversité dans son acception première semble être un moteur de ralliement, comme un étendard idéologique qui masquerait la dimension conflictuelle de la société française.
La diversité apparaît comme un élément de discours, la politique qu'elle promeut comme une volonté de changement. Elle s'insère même dans les accords entre partenaires sociaux. De grands groupes commencent à créer des directions de la diversité sans que les titulaires de ces postes comprennent toujours tous les aspects de leur cahier de charge.
Le débat du jour porte sur le décodage de cette notion de diversité dans le champ politique
DEBAT.
L'aspect positif du concept de diversité et de sa pratique politique.
o La mise en avant de la diversité liée à l'immigration a permis de faire entrer au gouvernement des personnalités comme Fadela Amara, Rachida Dati et Rama Yade. On peut avancer l'idée que présence de la diversité au sommet de l'Etat est un signe intéressant de renouvellement des élites par rapport au traditionnel vivier des énarques.
o La diversité met fin au mythe de la pureté de triste mémoire quand il s'attache à la race. Cette diversité est multifactorielle ( âge, ethnie, religion, genre). Chaque personne peut-être concernée par plusieurs de ces caractéristiques.
o Depuis trente ans, la politique de parité homme-femme a porté ses fruits dans le domaine de la représentation politique en particulier dans les Conseils municipaux et régionaux. La parité et depuis peu la diversité ethnique semblent être une source de pluralisme d'opinions et de compétences.
o Dans le domaine social, le principe américain de l'Affirmative Action a démontré sa pertinence en compensant les discriminations.
Les arguments qui remettent en cause l'utilisation de la notion de diversité dans le champ politique
· En parlant de diversité, on peut se demander si on ne se met pas à mettre l'accent sur des différences qu'on n'aurait pas vues antérieurement ou alors il s'agirait d'un code pour l'action ?
· La mise en avant de la diversité pourrait générer davantage de discrimination : chacun représente, en effet, une forme de diversité par ses caractéristiques propres. La notion de diversité renvoie à des identités qui vous définissent dans lesquelles il est facile de vous classer. De là à imaginer la mise en place de quotas et de barèmes de points, il n'y a qu'un pas.
· La diversité peut apparaître alors comme un instrument de contrôle du pouvoir qui récupère des idées humanistes de gauche. On peut se demander si les conflits sociaux ont des chances de se résoudre sur un mode statistique.
· Vouloir que la diversité soit présente dans les Assemblées représentatives, est-ce pour autant vouloir en faire des miroirs sociologiques ?
· Sous le terme de diversité on peut aboutir à une sorte d'homogénéisation des combats dont il est difficile de différencier les aspects spécifiques ( parité, origine ethnique..). Une sorte de « pot-au-feu ! »
· La notion de diversité reste très floue dans sa définition : par exemple sur le site cadre-emploi, la diversité est présentée comme une chance. Si on clique sur une offre, d'une part, certaines entreprises seulement en font mention et d'autre part le demandeur d'emploi peut projeter le type de discrimination qui lui convient sans que l'entreprise en précise la teneur
· La diversité vue sous l'angle du pluralisme culturel pose un problème conceptuel à la République française dont un des fondements est que la nation est au-dessus de tous les particularismes et refuse l'attribution de droits spécifiques à des groupes particuliers. Certains, au nom de la diversité s'opposent à cette république qui ne considère que la communauté des citoyens sans prendre en compte les identités locales, les libertés individuelles et les corps intermédiaires. Alain Renaud propose une solution intéressante à ce problème : le multiculturalisme tempéré qui prendrait en compte la réalité de la société française. Il serait possible de reconnaître des droits spécifiques non en tant que droits collectifs, mais comme droits individuels. Par exemple, apprendre des langues régionales comme le basque ou le breton.
CONCLUSION
Si une certaine lutte contre les discriminations a fait ses preuves, l'idée de mettre en avant le concept de diversité suscite de nombreuses réticences.
La diversité semble avoir pour effet de gommer la notion de communauté. C'est comme si on parlait de communauté sans y inclure l'idée du collectif. L'individu divers apparaît comme déconnecté du collectif. La diversité peut-être accusée de masquer les rapports sociaux et les inégalités économiques et politiques. Elle met en exergue des problèmes culturels ( voir Touraine). Par la diversité, on peut faire l'hypothèse que le capitalisme réintègre à son profit la critique sociale. En niant la stigmatisation, la diversité empêche que des luttes se mettent en place au nom des valeurs républicaines.
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Café politique du jeudi 20 décembre 2007
L'Evangile a-t-il encore une pertinence économico-politique?
Ci-dessous : le texte de préparation, la synthèse, un texte du Pasteur Winstein, le texte de Jean Dorémieux avec les paraboles et les commentaires du Pasteur Winstein.
1) Texte de préparation :
Il faut se rendre à l'évidence que les paraboles n'expriment pas prioritairement un idéal de société, mais cherchent à exprimer une leçon sur les rapports entre les hommes et Dieu, bien sûr aussi entre humains, ou encore, donnent un enseignement ou une exhortation, un appel à ne pas relâcher l'attente au sujet du Royaume - attendu ou déjà manifesté (partiellement).
Jésus enseigne la Réalité de l'ESPRIT. L'esprit est seul existant. La " matière" elle-même, est une vue de l'esprit. L'Adn aussi. Fends cette bûche, dans cette bûche je suis, dit Jésus dans l'évangile gnostique de Judas découvert l'an dernier. Si les hommes respectent l'Esprit dont ils sont tous pénétrés et habités, en le voyant comme l'Essence Unique de Tout ce qui Est, le Royaune se fera. Il se fera de toutes les façons, mais selon l'action des humains, à grands et effroyable fracas ou dans un chant de Joie.
2. L'attente messianique est très forte. Elle ne représente pas un courant uniforme, mais elle est largement répandue
Les 6 siècles de domination étrangère n'ont Rien à voir dans l'intuition de notre Essence Divine et Immortelle. Celle-ci a toujours été respecté par certains hommes de toutes les contrées du monde depuis des milliers de milliers de siècles. Jésus à dit " Que vous souciez-vous de la fin, prétendez-vous connaître le début ? "
Jésus proclame l'imminence du royaume de Dieu. D'autres textes et milieux l'attendent comme étant le jour du seigneur, ou du jugement, ou la venue du fils de l'homme au sens collectif du mot fils, mais c'est un royaume de Dieu pour son peuple et dont Dieu semble se porter garant.
Le peuple de Dieu, n'est pas plus un peuple, juif ou chrétien, ou occidental, que le fils, bien compris par Marc, n'est individuel. Le peuple de Dieu, ce sont tous ceux qui veulent bien comprendre que l'Esprit est Un et qu'il est l'Essence de Tout et que son Essence est donc Surpuissante comme le fût Zeus ou Zen. Mais les mécréants et les paresseux de la tête et du cour, aussi, sont dans le peuple de Dieu, seulement ils l'ignorent, voilà tout ! Seul l'usage que nous faisons de l'Esprit est créateur d'effroyables troubles psychiques et physiques, humains et planétaires. L'écologie elle-même devrait comprendre que si nos tournures d'Esprit se mettaient au diapason de la Nature de l'Esprit, l'Air de notre atmosphère en serait purifié, et la Terre, Fils de Dieu comme nous, verrait son Corps de Vie, régénéré.
2) La synthese de Geneviève :
Introduction.
Il est difficile d'approcher le Jésus historique si ce n'est à travers ses paroles apprises par cour par des rabbins ou par le résultat d'une chaîne de transmission plus libre. L'Evangile le plus ancien est celui de Marc. Il est le plus proche de l'existence du Christ. Les autres Evangiles lui sont postérieurs. Le Christ apparaît comme l'annonciateur du Royaume de Dieu et, paradoxalement, meurt crucifié comme Roi des Juifs.
Les disciples du Christ ne l'ont pas accompagné partout. La restitution des paroles de Jésus peut varier, mais dans l'ensemble, on peut convenir que certains propos sont rapportés par laq plupart des sources de manière identique. Les paroles du Christ présentent des qualités de concision et de bon sens. Elles étonnent souvent par leur caractère inattendu. L'essentiel du message christique repose sur la notion d'amour du prochain.
DEBAT
Pour certains intervenants, il n'est pas pertinent de rechercher un message économique ou politique dans les paroles du Christ.
En effet, les paraboles, par exemple, partent d'images comme celle de la pêche miraculeuse. Elles ne se rattachent pas à une réalité économique donnée. Quand il est question d'un denier comme paiement des ouvriers de la onzième heure, cette rémunération ne correspond en rien à un salaire de l'époque. Dans les Evangiles, le Christ parle d'autre chose. Il dit lui-même : « Mon Royaume n'est pas de ce monde ». Jésus n'a pas d'objectif politique. Quand il parle de justice, il s'agit d'une justice irréalisable sur terre.
Pour d'autres intervenants, les Evangiles ont une résonance économique et politique aujourd'hui.
Une première remarque aborde le financement du Christ et de ses disciples. Il semblerait que Jésus disposait d'un réseau assez large quand de Galilée, il est arrivé à Jérusalem. Ses adeptes lui auraient fourni des subsides. Jésus semble avoir eu un projet politique fondé sur un idéal social.
Plusieurs écrits parlent de situations économiques : Jésus pardonne aux personnes qui ne peuvent pas payer leurs dettes. Il affirme aussi que les riches ont des difficultés à le suivre à cause de leur richesse.
La Parabole des talents est intéressante et prête à discussion pour qui pense qu'il existe une pertinence économique du message christique.
Le maître confie des sommes différentes à ses serviteurs avant de partir en voyage. A son retour, il constate que le serviteur auquel il avait donné la plus petite somme ne l'a pas faite fructifier contrairement aux autres serviteurs. Le maître se fâche et l'accuse de ne pas avoir fait prospérer son bien. Il donne la somme du troisième serviteur à celui des trois qui a déjà le plus d'argent. L'interprétation qui peut être faite de cette parabole est que la propriété doit rapporter.
Une autre interprétation est de dire que le maître est un mauvais manager. Le troisième serviteur n'a pas su répondre à la demande du maître. Dans le contexte actuel, il est possible d'avancer que le christianisme a ouvert la voie au capitalisme en proposant de faire fructifier le capital comme le décrit Max Weber.
On peut aussi voir dans l'interprétation de cette parabole une apologie du néo-libéralisme. Les plus riches s'enrichissent davantage alors que les plus pauvres s'appauvrissent.
Il convient cependant de remarquer que si on prend les paraboles à la lettre, elles contredisent d'autres paroles du Christ comme : « Gardez-vous du désir de posséder ». On peut interpréter la parabole des talents d'une autre manière : le maître représente Dieu qui nous a donné des parts différentes en partage à faire fructifier. Il s'agit ici plus de qualités humaines que d'éléments matériels. Ainsi, en faisant une exégèse critique de la parabole des talents, elle ne semble pas se référer à un projet économique construit par Jésus d'autant que le fonctionnement économique de l'époque est trop différent du nôtre.
Jésus a une éthique de justice et propose une manière nouvelle de vivre ensemble.
Même si les Evangiles ont des sens sociaux, pratiques, politiques et spirituels, on peut dégager de chaque texte une leçon principale.
La parabole des ouvriers de la onzième heure présente aussi plusieurs niveaux d'approche.
Sa portée théologique est de faire comprendre que les derniers convertis à Dieu auront le même statut que ceux qui croient en Dieu depuis toujours. Ils seront récompensés au même titre que les croyants de longue date. Cette parabole qui n'apparaît que dans Matthieu a pour but dans les années 85-90 de montrer aux Pharisiens, croyants respectés, qu'il convient de reconnaître aux derniers pagano-chrétiens la première place au sein du peuple élu.
Par ailleurs, une interprétation à la lettre du texte fait de cette parabole un exemple du pire sur le plan économique : le paternalisme illégitime. L'ouvrier qui n'a travaillé qu'une heure est payé de la même manière que celui qui a travaillé sous le soleil toute la journée. Dire que le salaire d'une heure de travail équivaut à celui de onze heures peut apparaître comme un danger majeur de trouble à l'ordre public et met en avant l'arbitraire du propriétaire.
Une intervenante fait remarquer que bien qu'incroyante, elle est interpellée par cette parabole qui relativise la valeur de l'heure de travail. On peut alors se mettre à réfléchir à la notion de mérite difficilement appréciable selon notre échelle habituelle.
Cette parabole peut aussi avoir une portée éthique en justifiant la discrimination positive à l'égard des plus démunis.
Conclusion
Le débat met en lumière la pluralité d'approches possibles de l'Evangile selon que l'on se place dans une perspective théologique ou que l'on recherche à faire coller le message christique avec la réalité politico-économique actuelle. Ces éclairages divergents sont en réalité des lectures inconciliables, mais le mérite nous revient d'avoir tenté de comprendre ces points de vue différents.
Les valeurs promues par le christianisme sont la justice et la solidarité. Elles peuvent guider l'action humaine et mettre en échec la fatalité préalable. En acceptant de se décentrer de son ego, l'homme peut vivre une forme de spiritualité à la recherche de la vérité.
3) L'engagement socio-politique de Jésus.(Pasteur Winstein)
Quel était l'idéal social et politique de Jésus ?
La question se rapporte
1. à son enseignement = qu'a-t-il dit ?
2. à ses actes = comment a-t-il donné forme à ses convictions (à sa foi) ?
La difficulté pour accéder à la connaissance de son enseignement et de ses actes tient au fait que le Jésus historique n'est accessible qu'à travers la proclamation donnée à son sujet, le kerygme, le message à son sujet (cf. le « titre » de Marc 1.1, le mot euangelion que l'on peut traduite par « bonne nouvelle de Jésus » ou « bonne nouvelle au sujet de Jésus »: ce qui suit est nécessairement « bonne nouvelle au sujet de Jésus » ; mais dans quelle mesure est-elle aussi de Jésus, rapportant son enseignement au sujet de Dieu, du royaume, des rapports hommes-Dieu ?
1. L'enseignement : Nous savons aujourd'hui que les paroles, avant qu'elles ne soient fixées par écrit, furent transmises oralement, mais fidèlement, parce que mémorisées par les élèves (disciples), même si le contexte dans lequel elles avaient été dites par Jésus nous échappe le plus souvent.
2. L'engagement dans la société porte sur les rapports entre les humains, et se place dans la perspective de l'attente du royaume appelé « de Dieu » - ceci implique nécessairement une structure de gouvernement.
La question se pose : Jésus nous offre-t-il un modèle de comportement, dont les principes seraient universels ? (En quoi ces renseignements que nous rassemblons, peuvent-ils nous être utiles ou motivant pour notre engagement dans la société et la définition de la visée d'un tel engagement).
Remarque préliminaire : L'engagement de Jésus, quel qu'il soit, ne peut être envisagé de manière abstraite : il s'insère dans un contexte historique, géographique, précis.
On ne peut donc faire l'économie de l'articulation historique de cet engagement : la Palestine est soumise aux Romains, et l'attente d'un messie-sauveur est forte.
Qui est Jésus ?
Jésus est un homme de son temps, il vit avec les gens. Tout son enseignement est un reflet de sa manière de vivre avec ses contemporains.
Jésus a été un homme croyant, un guérisseur, un maître, qui a d'abord été "disciple" dans une "école" - ou plusieurs écoles ; il devient maître (rabbi), je dirais que la vocation royale vient en dernier.
On attend précisément du messie "roi" qu'il fasse triompher la justice.
1. L'origine sociale de Jésus et des disciples:
Etre fils de charpentier dans une ville comme Nazareth (en Galilée) confère rang de notable. Le charpentier Joseph est le chef d'un clan familial (le père et les fils) ; Zébédée, le père de Jacques et Jean, est patron d'une petite entreprise de pêche ; Douaniers (Lévi - ou Mathias,...)
Un ou plusieurs révolutionnaires (Simon, le zélote, Judas l'Iscarioth (= le sicaire)), provenant de groupes style commandos contre les romains ou contre ceux qui se livrent à leur pouvoir pour abuser d'autres juifs.
Convient-il de parler d'une descendance royale de Jésus...? Cf. Il est dit de Joseph qu'il est de la famille de David ; la dynastie des frères, fournit au moins un chef de l'église de Jérusalem !
On n'a pas quantité de renseignements sur l'engagement de Jésus, quant aux grandes questions de société. Et pourtant tout son vécu le manifeste.
2. Le guérisseur
Jésus a eu le souci de la santé de ses contemporains. Le nombre important de récits de guérisons montre que Jésus avait une activité de thérapeute, de médecin :
Il prend en compte l'être humain dans sa globalité et non pas seulement le corps d'une part, l'âme de l'autre, étant entendu que la représentation duale distinguant corps/âme n'est pas biblique, mais vient de la philosophie grecque.
Conclusion: Jésus assiste des malades. Il intervient non pas pour manifester son pouvoir, mais rappelle que sa force vient de Dieu. Il tient compte de la foi (du malade ou du groupe-support).
Jésus rend aux possédés, comme aux malades une place dans la communauté qu'ils ont perdu du fait de leur maladie ou de leur handicap - soit qu'ils n'en avaient jamais eu.
Pour l'homme d'aujourd'hui : chasser les démons peut signifier : changer les préjugés et permettre un dépassement de la mentalité d'esclaves.
3. Jésus, soucieux des pauvres :
On sait peu de choses et c'est presque par hasard que nous parvient une indication précise et précieuse rapportée par le récit du parfum répandu sur la tête de Jésus (Marc 14,3-9; variante en Lc 7,36-50). V. 5: "On aurait pu vendre (ce parfum) plus de trois cents deniers (1 denier ou drachme = environ salaire quotidien d'un ouvrier), et les donner aux pauvres".
L'équipe de Jésus et des disciples avait donc une caisse des pauvres, ou menait une action en faveur des pauvres. On n'a pas d'autres détails sur la régularité, l'endroit, le nombre et l'identité des assistés.
Le dialogue avec le jeune homme riche (Luc 18.18ss) confirme ce souci des pauvres : le jeune homme riche est invité à vendre ses biens et à en donner le résultat aux pauvres. Dans le commentaire qui suit une telle action permettrait au riche de prendre part au royaume de Dieu. Ce royaume suppose donc que une forme de vie en société qui soit en conformité avec la volonté de Dieu, donc la réalisation de la justice à l'image de la justice de Dieu.
La parabole du riche et du pauvre Lazare, Luc 16,19-31, confirme ce souci de la justice : Il n'est pas dit que le riche soit responsable de la misère du pauvre, mais le riche a une obligation morale vis-à-vis du pauvre : il ne peut se considérer juste devant Dieu, s'il n'agit pas de manière telle que le pauvre puisse vivre dans la dignité.
L'enseignement de la Torah est une aide à vivre de tels rapports de justice.
4. L'exigence des rapports de justice
Le 2è volet du plus grand commandement (Mtth. 22,39 : « tu aimeras ton prochain comme toi-même » demande respect et assistance - le prochain est le compatriote!
La parole du Sermon sur la Montagne / Mt 6,12 : « Ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le de même pour eux » (règle d'or) va dans le même sens.
De même l'invitation à une foi authentique, non hypocrite - Matthieu y insiste particulièrement cf. Mt 23 ; 23,23 : »vous payez la dîme de la menthe, de l'aneth et du cumin, mais vous laissez l'essentiel de la loi : le droit (justice), la miséricorde et la foi ».
Pendant que Matth insiste sur la nécessité d'une justice plus grande que celle des scribes et des pharisiens, cf. 5.20 [du temps de Matthieu, les opposants à l'église sont les pharisiens - ce qu'ils ne sont pas précédemment] et même réclame le souci de perfection (Mt5,48), Luc encourage à la réflexion sur nos rapports avec ceux ont besoin d'assistance pour s'en sortir : la parabole du bon samaritain invite à se demander : de qui suis-je le « prochain » ?
Mt 6,33 : "Cherchez le royaume et la justice de Dieu.
Il présente aussi cet appel au bonheur que constituent les béatitudes (Matthieu 5) ou nous trouvons encore cette formule : « Heureux ceux qui ont faim et soif de justice », .. L'appel au bonheur est une invitation à se mettre en mouvement - loin d'une consolation facile, le message encourage à sortir de la résignation ; il ouvre une brèche vers un avenir. (Luc introduit le souci des pauvres dans les béatitudes = 6,20ss : « Heureux les pauvres »).
Progressivement, les paroles sur la venue du royaume et l'idéal social qu'elles comportent, se trouvent renforcées par des indications éthiques, morales, aidant au vivre-ensemble du temps présent : Luc 14,13 : "Quand tu donnes un festin invite les pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles" (en somme : n'attend par le grand jour pour vivre d'autres rapports.
Dans le même ordre d'idée, considérons le souci de l'égalité hommes - femmes, cf. la parole sur le divorce Mc10,1ss.
Les paraboles reflètent des rapports sociaux de l'époque et donnent le plus souvent une leçon sur l'attente du royaume. Le patron qui embauche même à la 11ème heure est l'image de Dieu qui est totalement libre, et seul à même de faire preuve de bonté au-delà des seuls mérites. La parabole des talents reflète la pratique d'une économie courante pour l'époque (un bon gestionnaire a le souci du patrimoine), mais la parabole accentue la responsabilité de ceux qui ont la charge de tenir lieu de celui (allusion à Jésus ou à Dieu) qui est parti ou paraît absent mais qui tient à ce que ses fidèles ne perdent pas confiance mais fassent avancer le « royaume ».
Travail et loisir : le sabbat : Le travail est une nécessité, mais se conjugue avec un temps de régénération, de souvenir (d'où venions-vous ?), et marque la liberté des enfants de Dieu.
On est frappé par l'extraordinaire liberté que Jésus prend avec un certain nombre d'éléments de la vie sociale :
a) Jésus prend lui-même le large par rapport à l'entreprise familiale de charpentier, de sorte que la mère et les frères viennent le chercher (Marc 3), le remettre sur le bon chemin, à la façon : « n'as-tu pas fini de traîner à travers le pays, revient à la maison faire du sérieux: des charpentes! » Car le travail contribue à la stabilité familiale, donc sociale: le fils reprend normalement l'entreprise du père.
b) Jésus pour qui le respect de la thora va de soi, prend cependant une certaine liberté avec des lois ou des traditions : il ne se lave pas les mains, les disciples ne jeûnent pas,.
c) quelques conception traditionnelles sont reléguées au rang de préjugés : l'aveugle-né ne tient pas son infirmité du fait que ses parents (ou lui-même) auraient péché.
d) lorsqu'il s'agit de contact avec les femmes (elles sont ses partenaires à l'occasion d'entretiens), ou de la place de la femme par rapport à l'homme (égalité en matière de divorce).
L'invitation à l'engagement est particulièrement net à travers l'appel à être « sel de la terre » et « lumière du monde » (Mt 5) : Les disciples sont « lumière » en suivant Jésus, en étant ses continuateurs, en travaillant pour le Royaume de Dieu, en favorisant et en protégeant la vie, en permettant une vie plus communautaire et mieux organisée. La lumière permet de met à jour à la fois les beautés et les imperfections du monde et de la vie, de découvrir la vérité et démasquer le mensonge, l'hypocrisie, l'injustice.
5. Jésus le messie
Jésus entre dans le rôle du messie attendu à la fin de sa vie.
a) Jésus est accueilli comme messie à l'entrée de Jérusalem, condamné et crucifié pour avoir voulu être le messie (terme utilisé pr le grand-prêtre »), le « roi des Juifs » (motif de l'exécution que Pilate fait inscrire sur la croix). Voir mon travail sur « le projet politique de Jésus » (publié dans les Annales n° 4 de l'Union Protestante Libérale).
b) A posteriori, la naissance de Jésus est interprêtée comme étant voulue par Dieu pour faire porter à Jésus la charge messianique : Luc 1,46-53 : le « magnificat » (louange à Dieu dans la bouche de Marie pour célébrer la fidélité pour son peuple manifestée par Dieu en chargeant Jésus d'une mission royale), est une démonstration lucanienne du rôle messianique de Jésus (Voir note 1)
Conclusion : Engagement social - Pour quoi faire?
On peut parler très nettement d'engagement social de Jésus - à notre avis aussi d'engagement politique à la fin de sa vie, mais une théorie économique est inexistante.
Jésus agit pour "libérer" (sauver! - au sens propre) la vie, l'élan vital, l'êre humain lorsqu'il est victime de préjugés. Il invite à agir :
- il invite à faire du « concret » : aide aux nécessiteux, à ceux qui ne s'en sortent pas par eux-mêmes ;
- il invite à dépasser la résignation ; à quitter des situations d'enfermement.
- son enseignement encourage, par extension, aujourd'hui, à une réflexion sur les problèmes de société, réflexion qui induit des choix politiques ou favorise des engagements politiques.
D'une manière globale, Jésus invite à une vie engagée, menée sous le regard de Dieu et des hommes, c'est-à-dire dans le sens d'une responsabilité assumée, les principes éthiques qui guident l'engagement étant non absolument immuables, mais toujours une aide au vivre ensemble.
Aujourd'hui, nous ne pourrons pas faire l'économie d'analyses sérieuses de la société et de son fonctionnement pour dégager des critères du vivre-ensemble.
Ernest Winstein
Notes
1) le roi, le messie annoncé et attendu : Dieu lui donnera le trône de David V.32b (et 33) = tradition orale sur le messie davidique
2) le fils de Dieu par excellence : V. 32a "il sera très grand et appelé fils du Haut" et 33 "son règne n'aura pas de fin", 35b: "ce qui a été engendré sera appelé saint, fils de Dieu". Les v. 34s relèvent de la tradition au sujet d'une naissance virginale comme Mt1,18.
La question que pose Jn-Baptiste emprisonnée à Jésus: « es-tu celui qui doit venir ? », est aussi celle des contemporains d'un Matthieu ou d'un Luc au courant, et surtout vers la fin du 1er siècle : ce Jésus est-il le messie ou n'est-il, comme tel Jean-Baptiste, qu'un précurseur? Et Luc répond ici avec des arguments bien choisis et un raisonnement bien mené : il est non seulement le messie - roi annoncé par les prophètes (V. 32: « le seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père »), mais il est encore fils de Dieu (32) et en vertu de cela son trône n'aura jamais de fin: il règnera éternellement (33). Alors Jésus est-il né du St-Esprit et aurait-il pour père Dieu lui même? La désignation de Jésus comme roi, à l'image de David, descendant ou fils de David, suppose le passage obligé par Joseph, puisque c'est lui qui est descendant de David (et qui ira se faire inscrire dans la ville de ses ancêtres Bethléhem). Mais la filiation directe avec Dieu écarte Joseph pour laisser la place au Saint-esprit (c'est encore plus net dans le récit de Mt).
4) Présentation par Jean Dorémieux, paraboles et commentaires
Les paraboles du Christ dans l'Evangile. Leur pertinence économique
Dans le monde économique actuel
D'emblée, je vous avertis, ici, que résolument athée, je ne suis donc pas du tout un témoin de Jéhovah venu vous vendre la Bible, ce soir. Et pourtant, je vous vends cette Bible quand même ce soir, pour 1,5 euros, le prix d'un café au Michel. Je la vends pour la qualité de sa dernière traduction celle de Segond de Genève. Et surtout parce que les paroles de Jésus ressortent mieux ici du flou des commentaires qui en ont été données et qui me paraissent tout à fait erronés. Je la vends parce qu'à ce prix ceux qui n'en disposent pas encore, en auront pour leur argent. Et qu'ils auront ainsi de quoi vérifier dans le texte mes dires je le dis, tout clair, complètement sacrilèges. D'emblée, athée déterminé, j'avertis tous ceux qui, ici, sont venus pour ne parler que du message religieux des Evangiles qu'ils se sont trompés de réunion. Il s'agit, ce soir, de savoir quel est le contenu libéral ou non, approuvé ou non, pertinent ou non, des Evangiles. Vous savez que les textes évangéliques eux-mêmes sont douteux. Car rédigés très tardivement et bien après la disparition du Christ par des personnes qui ne l'ont même pas connus. Quant au doute qui naît du fait des multiples traductions qui nous ont été données depuis Erasme 1525 il est immense. Ce doute est encore plus grand du fait des diverses interprétations contradictoires qui ont été données depuis 20 siècles. En résumé les mots de Jésus sont enveloppés dans une sorte de gangue obscure attribuée probablement à tort au Christ. Rien n'est plus faux que de réciter ses paroles et de les noyer dans un discours de compassion. Les mots du Christ sont noyés depuis 20 siècles dans un prêche douteux quand à son contenu. Les paroles du Christ sont elles par contre comme de rares pierres précieuses enveloppées dans un torrent de commentaires non validés qui ne tiennent même pas compte du contenu sémantique des paroles prononcées. Les mots du Christ sont noyés dans des commentaires rédigés par des prêtres puis par de multiples variantes de pasteurs. Ces derniers sont venus protester de la fausseté du contenu catholique des paroles du Christ. Ils ont protesté. Ce sont des protestants. Ce faisant leur travail de clarté ne me semble pas encore achevé. Il nous faut tous quitter, au moins ce soir, tous ces messages trompeurs et que tout le monde il est beau et que tout le monde il est gentil et que tout le monde ira au Paradis. Ce n'est pas la question de ce soir. La question est de relire les seules paroles du Christ sans tenir compte en rien de ce que les prêtres et pasteurs en ont dit.
J'ai choisi pour ce faire, entre 40 textes du Nouveau Testament, et, pour plusieurs des paraboles choisies, entre plusieurs traductions, en général deux versions. Ainsi, pour Matthieu, sur le site bible.catholique.org, entre la traduction un peu lourde du Chanoine Crampon (édition numérique par Richard Bourret) ou pour, sur le site de La Société biblique de Genève, la traduction nettement plus fluide du pasteur Segond version 21 (Editions de la Société biblique de Genève), une traduction plus limpide. Voyez par la suite. Il me semble qu'après une telle déclaration de guerre, je me sens obligé à une petite présentation personnelle de celui qui a eu le culot de faire le topo ce soir.
Pause sur des paroles d'un chanteur du Nord où je suis né.
Dans la buée des lessiveuses
J'avais des terrils à défaut de montagnes
Et chaque verre de vin était un diamant rose
Posé sur fond de silicose.
(Les corons de Pierre Bachelet)
Petit garnement donc des corons du Nord, élevé dans la buée des lessiveuses et les crachats noirs de la silicose des mineurs que soignait mon père, avec les hommes de Jaurès à la mairie, je suis rapidement devenu athée. Mais, tout de même baptisé et allant bien au catéchisme. Avec, il est vrai, un abbé Rolandt qui finira, par la suite, prêtre ouvrier chez Beghin, les sucreries Malle Beghin de Thumeries. Louis Malle vous voyez.
Un abbé Rolandt devenu un vrai militant communiste par la suite. J'étais donc un vilain garnement baptisé par un curieux abbé. Nous faisions du scoutisme et du théâtre. Ce qui m'a valu de jouer Les prisonniers d'Emmaüs et une rencontre avec Henri Groues, l'abbé Pierre. Vilain garnement mal élevé, je suis devenu d'abord incrédule, puis complètement incroyant, enfin athée, on ne peut pas faire plus.
Incrédules, car les garçons du village de Mons en Pévèle (La Sibérie du Nord selon l'évêque de Lille), ces garnements ne croyaient déjà plus, à 10 ans, aux punitions divines. Se voyant, en effet, pardonner toutes leurs bêtises, grâce à la rédemption et la confession. Comment y croire encore après cela ?
Fils de médecin généraliste, je fus, en plus des autres garnements du village, rapidement écarté par mon père, de la croyance aux miracles, parce que je les devinais être ce qu'ils sont bien en réalité, comme on le voit à Lourdes. Mon oncle catho tala, c'est-à-dire allantà-la-messe, présidait la commission médicale des miracles de Lourdes. Il n'en a reconnu aucun. Des placebos. Cet oncle, pourtant fervent catholique tradi n'a jamais reconnu le moindre miracle à Lourdes.
Dans les miracles des Evangiles, il faut - me semble t-il disait-il - distinguer les guérisons miraculeuses que Luc, Evangéliste médecin je le rappelle ne commente même pas, et, d'autre part, les prodiges que sont, par exemple, la marche de Jésus sur l'eau, sa rencontre en montagne avec Moise, et en dernier les multiplications des pains, des cruches de vin à Cana et des poissons du lac Tibériade qui ne lui semblaient être, de la part d'un visionnaire comme le Christ, que la prédiction des pêches industrielles, des boulangeries d'usines et des coopératives vinicoles !
Et puis, je suis devenu tout à fait athée, fort curieusement justement, en lisant la grande Bible, reçue lors de ma première communion. Je me disais alors, lisant l'ancien Testament, mais comment donc concilier l'omnipotence, l'omniscience, le caractère éternel de Ce Dieu avec les refus d'obéissance incessants que se permettaient des tribus du peuple élu ? Pourquoi Dieu est-il donc obligé d'envoyer à son peuple dont il connaît par ailleurs la destinée des rappels à l'ordre incessants avec ces seize prophètes de malheurs que sont Esaïe, Jérémie, Ezéchiel, Daniel, Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michée, Nahum, Habakuk, Sophonie, Aggée, Zacharie, Malachie ?»
Et enfin, j'ai eu au Lycée un professeur de philosophie, Roger Garaudy, vous savez bien le membre du bureau politique du Parti, celui qui tendait la main aux chrétiens. Et comme copain de classe, pas moins que le neveu de Marcel Paul (qui se mutila d'ailleurs la main en préparant une bombe d'attentat), et aussi le fils de Maurice Thorez, Jean devenu professeur d'anglais. Et enfin comme copains en études de médecine, les neveux de Jeannette Vermeesch, Henri et Jacques, quand Jeannette était déjà la concubine de Momo qui visitait les corons d'où il venait !
Bref, athée, je lisais encore d'autant plus la Bible que Garaudy nous le recommandait. Mais avec un gros doute cartésien. Toutefois, je ne doutais pas qu'un humain bizarre soit venu sur la Terre un jour nous dire des choses étonnantes et ceci à un certain moment précis de la vie du peuple juif ! Mais je laisse ici la parole au pasteur Winstein qui résumera les doutes historiques que nous pouvons tous avoir, les doutes venus aussi des traductions, les doutes qui viennent des transmissions orales, et l'ordre précis dans lequel, il semble que les évangiles ont été écrits.
Je laisse donc la parole au pasteur Winstein
Qui vous fait part de ces recherches
Je reprends la parole, et si vous le voulez nous allons couper cet exposé après chaque parabole.
Matthieu 2 selon Crampon et selon Segond (Comparez !)
6 (Chanoine Crampon) Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n'es pas la moindre parmi les principales villes de Juda, car de toi sortira un chef qui paîtra Israël, mon peuple.
6 (Pasteur Segond) Et toi, Bethléhem, terre de Juda, tu n'es certes pas la plus petite parmi les principales villes de Juda, car de toi sortira un chef qui prendra soin d'Israël, mon peuple.
Que veut dire ce paîtra ? Prendre soin répond Segond, plus limpide non ? Pas de doute, dès à présent, Jésus se proclame l'un des prophètes, descendu dans la troisième tribu, celle de Juda. C'est un prophète - moi je dis un visionnaire - venu, après tant d'autres, visiter le peuple afin de sermonner les tribus d'Israël. Rappelons-les, ces dix tribus : Ruben, Siméon, Juda, Dan, Nephtali, Gad, Aser, Issacar, Zabulon, Benjamin, Ephraim, Manassé. Mais voilà, Jésus lui est venu en Juda, et il est venu pour une toute nouvelle mission qui reste jusque 20 siècles après encore actuelle. Quoi donc ? Et laquelle ?
LISEZ LE TEXTE : NON POUR ABOLIR LES LOIS, MAIS POUR LES PARFAIRE DANS L'ALLIANCE DE DIEU AVEC SON PEUPLE.
POURQUOI ? EST-ELLE DONC IMPARFAITE ?
Matthieu 5 selon Crampon et selon Segond
Lisez vous-même ce texte qui annonce les intentions en clair du Christ:
17 de Matthieu (Crampon traducteur) : ' Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes; je ne suis pas venu abolir, mais parfaire.'
17 Ou encore (Segond 21 traducteur) : « Ne croyez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes; je suis venu, non pour abolir, mais pour accomplir. »
Jésus est venu accomplir ou parfaire la LOI de MOISE. Non par des nouveaux Commandements s'ajoutant aux dix premiers - les tribus ne les suivraient pas, une fois de plus ! - Non, il est venu pour donner de toutes nouvelles recommandations, de Bonnes Nouvelles, des nouvelles qui me semblent encore audibles de nos jours si on suit ses mots et non les bergers qui interprètent ses paroles.
Evangiles veut bien dire : Bonnes nouvelles !
Le Nouveau Testament comprend, vous le savez, trois corps de doctrines. Je n'utiliserais pas l'Apocalypse de Jean. C'est un texte qui a pourtant suscité, en Alsace justement, après la diffusion de la Bible (Gutenberg 1496), des sectes bibliques particulièrement vivaces à Strasbourg, celle des Millénaristes et celle des anabaptistes (1525-1535).
Je ne prendrais pas plus les Lettres que Saint Paul et Saint Pierre échangeaient entre eux, intitulées les Actes de Apôtres, avec d'autres lettres encore. Pas de temps en dix minutes !
Nous ne ferons référence qu'aux Evangiles. Pas à tous les Evangiles. Je sais qu'il y en a d'autres. Nous ne prendrons que les Evangiles synoptiques. Ce sont les quatre qui racontent les allées et venues, du haut vers le bas, du bas vers le haut, les dits miracles, les guérisons inattendues, tous les prodiges réalisés par Jésus. Christ ne les a pas dit, ni écrit. Hop dehors ! Les mêmes disciples ont vu sous trois ou quatre angles différents les mêmes choses. Et pourtant leurs témoignages sont contradictoires. On pourrait presque dire que c'est la même chose qu'ils nous content là ou qu'ils nous racontent. Texto, à savoir la vie, la mort, la résurrection d'un visionnaire, une vie décrite dans des sortes de reportages par trois télévisions différentes, mais vingt à trente cinq ans environ après des événements. Pour être synoptiques, les évangiles ne sont pas identiques : la façon dont les événements ont été vus diffère encore par la caméra de celui qui les a vu.
Par contre, ce qui a été entendu et rapporté par les mêmes - de façon disons presque identique par les narrateurs - et cela me semble plus fiable. Ce sont les mots mêmes du Christ. Or les paroles du Christ (À peine vingt pour cent du texte évangélique), ont, parfois, un sens économique ; surtout quand les paraboles sont rapportées par le disciple Matthieu qui était, je le rappelle, un agent des impôts.
LES COLLECTEURS D'IMPOTS ? CE NE SONT PAS LES BIEN PORTANTS QUI ONT BESOIN DE MEDECINS MAIS LES SEULS MALADES.
Matthieu (extraits) selon Segond 21 (choisi pour sa concision)
9 (Segond) En passant, Jésus vit un homme assis au bureau des taxes qui s'appelait Matthieu. Il lui dit : ' Suis-moi. ' Cet homme se leva et le suivit. 10 Comme Jésus était à table dans la maison, beaucoup de collecteurs d'impôts et de pécheurs vinrent se mettre à table avec lui et ses disciples. 11 Les Pharisiens virent cela et dirent à ses disciples: ' Pourquoi votre maître mange-t-il avec des collecteurs d'impôts, des publicains et des pécheurs ? ' 12 Mais Jésus qui avait entendu, leur dit : « Ce ne sont pas les bien portants qui ont besoin de médecins, mais les malades. »
Matthieu, collecteur des impôts est, par conséquent, un disciple du Christ bien plus au courant que tous les autres disciples du blé et du raisin, du pain et du vin, un disciple bien plus au courant des brebis et des cochons, des poissons et des filets ; et, ainsi, bien au courant de toutes les taxes et autres dîmes qu'il fallait, alors, payer notez uniquement à l'achat ou à la douane ou lors de la consommation. Notez de suite des taxes à la consommation pour Israël et pour César. On commence, ici déjà, dans la vision économique des Evangiles. Les taxes étaient payées, soit sur les propriétés, souvent les récoltes, mais pas sur le travail (ouvriers et esclaves qu'il fallait surtout respecter), ni même sur les placements financiers, on en parlera beaucoup à la parabole des talents, où les sens économiques sont alors nets.
Qui nous dit alors que c'est bien là les paroles du Christ qui sont rapportées dans les Evangiles ?
Tout d'abord, elles nous sont rapportées de façon presque identique. Le temps apporte toujours des différences aux témoignages ; en second, les paroles du Christ se reconnaissent, entre toutes les autres des autres, et ceci par leurs qualités propres. Elles se reconnaissent : un, par la concision, il fait toujours très court ; elles se reconnaissent, deux, par la surprise, il étonne toujours, il fait dans l'originalité ; trois, elles se reconnaissent par le bon sens, c'est toujours une logique de paysan au bon sens rural. Mais c'est aussi et en même temps une personnalisation des dix commandements, une personnalisation qui n'existait pas notez le dans l'Alliance de l'Ancien Testament.
Je n'ignore pas que les pères de l'Eglise, les conciles qui suivirent, les recopiages des textes, les difficultés de traduction de ces écrits (araméens, hébreux, grecs) qui s'écrivaient et sans ponctuations, toutes les lettres étant en majuscules, et sans séparations entre les mots, provoquent une sorte de gangue lourde et mystérieuse parfois, qui semble enrober d'obscurités les véritables pierres précieuses, les pépites, les diamants que sont les paroles du Christ ; une gangue les entoure dont il faut se débarrasser comme dans un filon de métaux précieux il faut filtrer et enlever les petits cailloux. Je voudrais dégager dans ce filon, les seuls mots du Christ noyés dans cette gangue, et seulement ces mots, comme le ferait quelqu'un qui ignore totalement, mais totalement, les religions chrétiennes.
Veulent-elles dire quelque chose sur le plan économique ?
Je n'ai pas dit si elles sont pertinentes, si elles ont un sens !
COMMENT JESUS VIENT COMPLETER LES COMMANDEMENTS DE MOISE ET DE JACOB ?
Je crois que le Christ a prévu cette question de notre part. C'est pourquoi il nous a laissé un message, alors là, un message pour le moins tout clair un véritable impératif catégorique.
Le voici : « que votre oui soit un oui, que votre non soit un non »,
Et sachez bien que : « Tout le reste vient du Malin. » . Moi, j'entends des gens trop malins.
Le Christ a aussi dit :
« Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie.
Je suis le vrai Cep.
Et mon père est le Vigneron.
Tout sarment qui est en moi.
Et celui qui ne porte pas de fruit.
Il le retranche.
Celui qui demeure en moi.
Et en qui je demeure.
Porte beaucoup de fruits. »
Ces paroles du Christ montrent me semble t-il :
Qu'il ne s'adresse pas seulement au peuple élu en tant que collectivité.
Que les dix commandements respectables ne sont pas suivis parce que collectifs,
Qu'il n'y a donc pas de recommandations collectives mais seulement des décisions personnelles.
Seul existe l'amour qui va du Christ à un homme ou à une femme.
Seul existe l'amour d'un homme ou d'une femme au Christ.
Mais il n'y pas un amour de Dieu pour un peuple, pour une nation, ou pour une tribu !
Quel changement !
Prenons en exemple la Parabole du Bon Samaritain.
Elle révèle que la solidarité des peuples n'existe que dans les textes.
Elle montre que la charité elle est un mouvement personnel. Voilà la Bonne Nouvelle.
LE CHRIST EST VENU SUR TERRE MONTRER AU PEUPLE ELU DES EXEMPLES DE CHARITE
Luc 10 selon Segond (La parabole du bon Samaritain)
25 (Segond) Un professeur de la Loi se leva et dit à Jésus pour le mettre à l'épreuve : ' Maître, que dois-je faire pour hériter de la vie éternelle ? ' 26 Jésus lui dit : ' Qu'est-il écrit dans la Loi ? ' 27 ' Qu'y lis-tu ? ' Il répondit : ' Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta force, et de toute ta pensée, et ton prochain comme toi-même.' 28 Tu as bien répondu, lui dit Jésus. ' Mais fais cela, et tu vivras.' 29 Voulant se justifier (sur un point difficile pour les juifs), il dit à Jésus : ' Et qui est donc mon prochain ? ' 30 Jésus reprit la parole et dit : ' Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. Il tomba dans les mains des brigands qui le dépouillèrent, le rouèrent de coups et s'en allèrent en le laissant à moitié mort. 31 Un serviteur du Temple qui, par hasard, descendait par le même chemin vit cet homme et passa à distance. 32 De même, aussi, un Lévite arriva à cet endroit, il le vit, et passa à distance. 33 Mais un Samaritain (Samarie est en Syrie) qui voyageait arriva près de lui et fut pris de compassion. 34 Il s'approcha et banda ses plaies en y versant de l'huile et du vin ; puis il le mit sur sa propre monture, le conduisit dans une auberge et prit soin de lui. 35 Le lendemain, à son départ, il sortit deux deniers, les donna à l'aubergiste et lui dit : ' Prends soin de lui, et ce que tu dépenseras en plus, je te le rendrais à mon retour.' 36 Lequel de ces trois te semble avoir été le vrai prochain de celui qui était tombé au milieu des brigands demande alors le Christ. ?' 37 ' C'est celui qui a agi avec bonté envers lui ', lui répondit le professeur de la LOI. Jésus lui dit donc : ' Va donc, agir de la même manière, toi aussi.'
Luc 11 selon Segond (L'ami à Minuit qui cherche du pain)
Une autre parabole sur la charité. 5 (Segond). Il leur dit encore : ' Supposez que l'un de vous ait un ami et qu'il aille le trouver au milieu de nuit pour lui dire : « Mon ami, prête-moi trois pains, 6 Car un de mes amis est arrivé de voyage chez moi et je n'ai rien à lui offrir. » 7 Supposons que, de l'intérieur de sa maison, cet ami lui réponde : « Ne m'ennuie pas, la porte est déjà fermée, mes enfants et moi nous sommes au lit, je ne peux pas me lever pour te donner du pain. » 8 « Je vous le dis, même s'il ne se lève pas pour lui donner du pain parce que c'est son ami, il doit se lever quand même et lui donner tout ce dont il a besoin. »
Pour quelles bonnes raisons Jésus cite là, en deux paraboles différentes, les prêtres du temple, les lévites, les professeurs de la LOI du DIEU du peuple élu, et les pharisiens tous ces gens qui veulent le mettre à l'épreuve ? Il faut croire que cela était sans doutes bien nécessaire. Seul se révèle charitable dans cette parabole, celui de Samarie. En effet, la nouveauté du Christ prophète, c'est que le LOI, ce n'est plus une mesure collective prise par ABRAHAM, puis par MOISE pour un peuple élu, mais c'est une décision personnelle de chacun de nous.
' NE PENSEZ PAS QUE JE SOIS VENU APPORTER LA PAIX, MAIS L'EPEE ! ET JESUS PORTE ALORS L'EPEE SUR LES PHARISIENS ET LES SCRIBES DU TEMPLE. IL EST ECRIT :
Matthieu 23
La traduction de Crampon est trop lourde, obscure. Je ne la donne pas.
La traduction de la société biblique de Genève (un peu modifiée) est, bien plus clairement, un véritable reproche qui accable non seulement les scribes, les pharisiens, les publicains, mais même à mon avis les servants du Christ de nos jours. Lisez vous-mêmes :
1 (Segond) Alors Jésus s'adressa à la foule et à ses disciples en leur disant : 2 ' Les spécialistes de la LOI, les scribes et les Pharisiens se sont faits les interprètes de MOISE. 3 Bien ! Tout ce qu'ils vous disent de respecter, faites le donc ; et respectez les, mais surtout n'agissez pas comme eux ; car s'ils disent qu'ils la pratiquent, sachez qu'ils ne le font pas en fait. 4 Ils lient des fardeaux trop lourds à mettre sur les épaules des hommes; mais eux, ils ne veulent jamais remuer le petit doigt. 5 Toutes leurs actions, ils les font, bien entendu, pour se faire remarquer des hommes. Ainsi, ils portent de grands phylactères et ils allongent les franges de leurs vêtements. 6 Ils aiment occuper la meilleure place dans les festins et les sièges d'honneur dans les synagogues, 7 Ils aiment être salués sur les places publiques et être appelés Maître par leurs semblables.
On croirait entendre, ici, une accusation moderne de ceux qui accèdent aux places des tribunes du 14 juillet ou dans les banquets officiels ; ou de ceux qui défilent avec un cortège de motos, en saluant le public comme des demi-dieux qui passeraient sur les champs Elysées. Je reprends la Bible.
8 Mais vous, ne vous faîtes pas appeler Maître, car un seul est votre maître, et c'est le Christ, et vous n'êtes tous que des frères. 9 N'appelez personne sur la terre votre père, car un seul est votre Père, c'est Dieu qui est au ciel. 10 Ne vous faîtes pas appeler chefs, car un seul est votre Chef, c'est le Christ. 11 Le plus grand d'entre vous est celui que avez en face de vous, et il sera votre serviteur. 12 Celui qui s'élèvera trop haut sera rabaissé, et celui qui s'abaissera sera relevé. 13 Malheur à vous, scribes et spécialistes de la LOI et vous aussi Pharisiens hypocrites, parce que vous enfermez les hommes qui cherchent l'accès au royaume des cieux ! Vous n'y entrerez pas vous-mêmes puisque vous ne laissez pas entrer ceux qui le voudraient. 14 Malheur à vous, scribes et spécialistes de la LOI, et à vous aussi Pharisiens hypocrites, parce vous dépouillez les veuves de leurs biens.
Allusion - me semble t-il - aux agents fiscaux qui se sont toujours attaqués aux veuves avec une fausse allusion aux fausses garanties qu'ils leur donnent lors des contrôles fiscaux
Vous dépouillez les veuves des biens de leur époux. Avec, mais, pour l'apparence seulement, de longues précautions. En raison de cela, vous serez jugés plus sévèrement que les autres ! 15 Malheur à vous, scribes et spécialistes de la LOI, et à vous aussi Pharisiens hypocrites, parce vous parcourez la mer et la terre rien que pour faire un seul converti et, quand il l'est devenu, vous en faites de lui un fils de votre enfer, deux fois plus pire que vous.
16 Malheur à vous, conducteurs aveugles des peuples ! Vous dites : ' Si quelqu'un jure par le temple, cela ne compte pas, mais si quelqu'un jure par l'or du temple, il y est aussitôt engagé. 17 Espèces de fous aveugles ! Lequel est le plus grand ? L'or ou le temple qui consacre l'or ? 18 Vous dîtes encore : « Si quelqu'un jure par l'autel, cela ne compte pas, mais si quelqu'un jure par l'offrande qui est sur l'autel, celui là, il y est, ipso facto, engagé. 19 Espèces de fous aveugles ! Lequel est le plus grand ? L'offrande ou l'autel qui consacre cette offrande ? 20 Celui qui jure par l'autel jure sur tout ce qui est au dessus de l'autel. 21 Celui qui jure par le temple, jure sur celui qui l'habite. 22 Celui qui jure sur le ciel, jure sur le trône de Dieu et il injurie celui qui y est assis.
23 Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, parce que vous vous faites verser un pourcentage (la dîme) y compris sur la menthe, le fenouil et le cumin ; mais vous laissez à l'abandon ce qu'il y a de plus important dans la Loi : la justice, la bonté et la fidélité ! C'est cela qu'il fallait pratiquer quoique sans rien négliger du reste.
Allusion - me semble t-il - encore une fois aux agents du fisc. Ce n'est pas tout à fait par hasard que l'inspecteur des impôts qui a écrit sous pseudo un livre sur le racket fiscal a pris le nom de Matthieu.
Et ce n'est pas fini de cette longue diatribe.
24 Conducteurs des peuples, vous êtes des aveugles ! Vous passez au filtre toutes vos boissons pour éliminer un moucheron, mais vous nous faîtes avaler de vrais chameaux.
25 Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, parce que vous ne nettoyez que l'extérieur de votre verre et de votre assiette, alors qu'à l'intérieur, ces objets sont encore tout sales des produits de vos vols et de vos excès. 26 Pharisiens aveugles ! Faites donc la vaisselle et nettoyez et l'intérieur des coupes et des plats, mais aussi l'extérieur afin que tout soit enfin débarrassé de vos impuretés.
27 Malheur à vous, spécialistes de la LOI et Pharisiens hypocrites, parce que vous ressemblez à des tombeaux blanchis qui nous paraissent beaux de l'extérieur, mais qui, à l'intérieur, sont pleins des ossements des morts et de toutes sortes de pourritures. 28 Vous paraissez justes aux hommes, mais, à l'intérieur, vous êtes pleins d'hypocrisie et d'injustice. 29 Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, parce que vous construisez les tombeaux des prophètes et que vous décorez les tombeaux des justes. 30 Et vous vous dites à vous-mêmes : ' Si nous avions vécu à l'époque de nos ancêtres, nous nous serions joints à eux pour verser le sang des prophètes. ' 31 Vous témoignez ainsi contre vous-mêmes que vous êtes bien les descendants de ceux qui ont assassiné les prophètes. 32 Allez y ! Portez donc à son comble les décisions de vos ancêtres ! 33 Serpents, race de vipères ! Comment échapperez vous aux jugements de l'enfer ? 34 Je vous ai envoyé des prophètes, et je vais vous envoyer des sages et des spécialistes de la LOI. Vous tuerez et crucifierez les uns, vous fouetterez les autres dans vos synagogues, et vous les persécuterez, de ville en ville. 35 Sachez que retombera sur vous tous, le sang innocent versé sur la terre, depuis celui d'Abel le juste jusqu'au sang de Zacharie, le fils de Berékia celui que vous avez assassiné entre le temple et l'autel. 36 En vérité, je vous le dis, tout cela retombera un jour sur votre génération.
37 Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes et qui lapides ceux qui te sont envoyés ! Combien de fois j'ai voulu rassembler vos enfants, comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l'avez jamais voulu !
38 Sachez que votre nation va devenir un désert. 39 Car, je vous le dis, vous ne me verrez plus, désormais, avant que vous n'ayez dit : « Béni celui qui vient au nom du Seigneur ! »
Voilà la surprise. Jésus porte le glaive sur les scribes, sur les pharisiens, sur les dirigeants des temples. Mais plus encore sur ceux qui, à l'avenir vont détourner le sens de ses paroles.
Je vais vous envoyer des sages et des spécialistes de la LOI. Vous tuerez et crucifierez les uns, vous fouetterez les autres dans vos synagogues, et vous les persécuterez, de ville en ville
Personne ne peut douter que les serviteurs du temple, le prêtre, le lévite, le pharisien, ici violement attaqués dans la parabole du bon Samaritain et dans ce chapitre de Matthieu contre les servants de messes de l'époque et à l'avenir. Ils auraient tous bien prédit en chaire la charité mais la charité à distance. Les uns, en faveur des organisations caritatives, les autres, afin de lutter contre le réchauffement climatique ou pour combattre la faim dans le monde, et encore contre le déboisement de l'Amazonie, ou pour les dons à envoyer au Téléthon, bref donner pour toutes les ONG africaines ailleurs.. Mais pas ici !
La charité que Christ apporte, c'est une décision personnelle de chacun. Hic et Nunc !
Cette activité caritative prend tellement de temps aux dirigeants de ces ONG qu'ils n'ont pas une seule seconde à perdre pour s'occuper seulement d'un blessé au bord de la route. Seul le SAMU doit s'en occuper ! Ah c'et commode ! C'est alors - et c'est inattendu - à un Samaritain de le faire.
Que retenir ? Tous les prêches collectifs ne valent rien de bon, selon le Christ et si on écoute bien cette parabole, chacun doit se décider à un acte individuel sur place au lieu d'avoir recours à la responsabilité collective pour des gens ailleurs. Charité bien ordonnée commence par soi-même !
Attention, le Christ nous avertit ailleurs que nous ne serons pas jugés, nation par nation, ou pays par pays, ou tribu par tribu, mais, attention, tous un par un. UN par UN ! Le jugement de l'Histoire collective on n'en parle pas, ce n'est, aux yeux du Christ, ni une thèse, ni une antithèse, ni une synthèse, mais seulement une foutaise. Marx, Adieu !
N'oubliez pas non plus la terrible injonction évangélique : « on exigera beaucoup de celui à qui l'on aura beaucoup donné. Et plus on en aura confié à quelqu'un, plus on lui en demandera. Même quand vous aurez fait tout ce qui vous est commandé. »
TERRIBLE ! NE PENSEZ PAS QUE JE SOIS VENU APPORTER LA PAIX, MAIS LE GLAIVE
Matthieu 10 (extraits) selon Segond
Je reprends. 34 Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre; je suis venu apporter, non la paix, mais l'épée. 35 Car je suis venu mettre la division entre le fils et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle fille et la belle-mère; 36 et l'on aura pour ennemis les membres de sa famille.
Ce sont là des phrases terribles qui accablent encore les seuls chrétiens.
Pour être un bon juif ou pour être un bon musulman, il suffit de respecter la LOI bon !
Pour être un bon musulman, il suffit de se consacrer un jour à la CHARITE, bien !
Mais pour être un bon chrétien, il faut encore faire BEAUCOUP PLUS !
Il faut faire ce qui ne nous a été, ni commandé (La LOI).
Ni recommandé (Les dix commandements).
Toujours plus ! Encore plus !
« On exigera beaucoup de celui à qui l'on aura beaucoup donné. Et plus on en aura confié à quelqu'un, plus on lui en demandera. Même quand vous aurez fait tout ce qui vous est commandé. »
Même si votre famille n'est pas d'accord avec vos libéralités !
LE CHRIST DONNE LE CONSEIL DE SE MEFIER DE LA JUSTICE ET DES JUGES
Matthieu 6
Voyez la limpidité de la traduction du Pasteur SEGOND
22 (S) Mais moi je vous le dis: ' Tout homme qui se met en colère contre son frère mérite de passer en jugement ; celui qui traitera son frère d'imbécile mérite d'être puni par le tribunal. Et celui qui le traite de fou mérite d'être puni par le feu de l'Enfer. 23 Si donc tu présentes ton offrande vers l'autel et que, là, tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, 24 Laisse donc ton offrande, devant l'autel, et va d'abord te réconcilier avec ton frère; ensuite seulement viens présenter ton offrande. 25 Mets toi rapidement d'accord avec la partie adverse, pendant que tu es en chemin avec lui, de peur qu'il ne te livre au juge, et que le juge ne te livre à l'officier de la justice et que ce dernier ne te mette en prison. 26 Je te le dis, en vérité, tu ne sortiras plus de cette prison avant d'avoir remboursé jusqu'au dernier centime.
C'est bien la leçon à tirer de nos conflits qui nous conduisent encore chez des juges administratifs ou non. Un bon proverbe nous dit aussi : « Un mauvais accord vaut mieux qu'un bon procès. » Dans une dispute entre frères, Jésus nous dit de ne pas faire appel à la justice ; nous devons nous libérer par une concertation entre nous de nos difficultés.
Mais me direz-vous, n'est-ce pas là tout à fait utopique ? La réponse a été donnée par Jean Jacques Rousseau, un des héritiers justement de 'nos frères' suisses, l'un des fondateurs de la république protestante de Genève. Ce philosophe donne l'origine de l'inégalité entre les hommes. Et nous savons tous que l'égalité ne peut pas être de ce monde. Si nous tentons de réaliser l'égalité, nous sommes certains d'anéantir la Liberté. Jean-Jacques. Rousseau ne se faisait pas la moindre illusion sur les possibilités des Républiques. Je cite : « une République ne peut survivre que si chacun de ses citoyens est vertueux ». Tenter l'égalité par la démocratie populaire aboutit au totalitarisme.
LE CHRIST RECOMMANDE DE SE GARDER DES MAUVAISES DOCTRINES (EST-CE DES TOTALITARISMES ?) ET AUSSI DES FAUX PROPHETES. MAIS LESQUELS ?
LE CHRIST DIT À DEUX REPRISES
Matthieu 24 et Luc 21 (Segond)
5 Là-dessus, Jésus leur dit : Faites attention que personne ne vous induise en erreur. 6 Plusieurs viendront, sous mon nom.
Seraient les prêtres et les pasteurs qui sont ici visés ?
En disant : « Je suis le Messie », et ils tromperont beaucoup de gens. 7 Quand vous entendrez parler de guerres et de menaces de guerres, ne vous laissez pas troubler, car cela doit arriver, mais ce ne sera pas encore la fin. 8 En effet, on verra se dresser une nation contre une nation, un royaume contre un autre, il y aura, en divers lieux, des tremblements de terre et des famines, mais ce ne seront que les premières douleurs de l'enfantement. 9 Quant à vous, faites attention pour vous-mêmes: car on vous traduira devant les tribunaux des Juifs, on vous flagellera dans les synagogues, et vous comparaîtrez devant des gouverneurs et devant des rois à cause de moi, alors que vous leur apportez le bon témoignage. 10 Il faut, avant tout, que la Bonne Nouvelle soit annoncée à toutes les nations. 11 Quand on vous emmènera pour vous traduire devant ces autorités, ne vous inquiétez pas à l'avance de ce que vous direz, mais dites simplement ce qui vous sera donné au moment même : car ce n'est pas vous qui parlerez, mais l'Esprit Saint. 12 Le frère livrera son propre frère pour le faire condamner à mort, et le père livrera son enfant ; des enfants se dresseront contre leurs parents et les feront mettre à mort. 13 Tout le monde vous haïra à cause de moi. Mais celui qui tiendra bon jusqu'au bout sera sauvé.
Tout bon prophète et visionnaire qu'il est lui-même, Jésus a réalisé ici de véritables prédictions sur les faux prophètes qui viendront à l'avenir nous tromper. Ils viendront dans l'intérêt même du peuple élu ainsi que pour sa branche chrétienne, car les chrétiens ne sont rien d'autre que des juifs convertis, mais si convertis ce sont des nouveaux chrétiens, ils sont encore des juifs. Ces faux prophètes sont des loups voraces. Qui sont donc ces faux prophètes ? Voici mon avis. Est-ce l'annonce de l'arrivée de Marx, de Trotski, de l'holocauste et des goulags, du génocide de Pol Pot ?
Plusieurs prophètes tromperont beaucoup de gens dit-il. Car l'enfer est pavé de bonnes intentions. Il n'y a rien de pire que ceux qui veulent vous gouverner pour votre bien, et méfiez vous de ceux qui disent qu'il faut se salir les mains afin de trouver le paradis sur terre, celui du grand soir !
Jésus nous prévient : « Que des guerres arriveront encore et que l'on verra - mot pour mot - ' se dresser une nation contre une nation, un royaume contre un autre '. N'est-ce pas, là, l'annonce des guerres que le peuple juif subira et en Europe centrale et en Palestine ? Certains partis religieux étaient - je vous le redit - contre l'implantation sioniste qui vaut tant de malheurs à Israël !
Peut-on être plus clairvoyant ?
Matthieu 7 (extraits) selon Segond
15 (S) Méfiez vous des prétendus prophètes ! Ils viennent à vous en vêtements de brebis, mais, au-dedans, ce sont des loups voraces. 16 Vous les reconnaîtrez à leurs fruits. Cueille t-on du raisin sur des ronces ou des figues sur des chardons ? 17 Tout bon arbre produit de bons fruits, mais le mauvais arbre produit de mauvais fruits. 18 Un bon arbre ne peut pas porter de mauvais fruits, ni un mauvais arbre porter de bons fruits. 19 Tout arbre qui ne produit pas de bons fruits est coupé et jeté au feu. 20 C'est donc à leurs fruits que vous les reconnaîtrez.
Jésus prévient que ces prophètes qui nous veulent du bien en se couvrant des peaux de brebis et qui font le mal ce sont des loups voraces mais cachés. Et on les reconnaît à leurs fruit», bref à leurs résultats économiques !
LES TOTALITARISMES SONT TOUS, ET SANS EXCEPTION AUCUNE, ISSUS DU PEUPLE ELU
Tout est en DIEU, c'est de ABRAHAM.
Tout est dans la LOI, c'est de MOISE.
Tout est dans le CAPITAL, c'est de MARX.
Tout est dans l'ETAT, c'est de TROTSKI.
Tout est dans l'AMOUR, là c'est du CHRIST.
Tout est dans le SEXE, là c'est du FREUD.
Tout est relatif, là c'est de EINSTEIN.
Je crois qu'il existe un sens économique ici en raison du fait que les paraboles à contenu économique sortent presque toutes de Matthieu, le seul qui s'y connaisse en économie, un collecteur des impôts, un publicain assis à un bureau de fonctionnaire du Trésor. Rappelons nous son recrutement.
FAUT-IL PAYER LES IMPOTS DE CESAR ?
Matthieu 23 (extraits) selon Segond 21 (Voir la concision)
15 (S) Alors les Pharisiens s'en allèrent et tinrent conseil sur les moyens de prendre Jésus en défaut sur ses paroles. 16 Et ils lui envoient leurs disciples, avec des fonctionnaires des taxes du Roi Hérode, lui dire: ' Maître, nous savons que vous êtes sincère et que vous enseignez la voie de Dieu et toute la vérité, sans souci de personne, car vous ne regardez pas le visage des hommes. 18 Dites-nous donc ce qu'il vous semble ici : Est-il permis, ou non, de payer le tribut à César ? 18 Mais Jésus, connaissant leur malice, dit : ' Bandes d'hypocrites, pourquoi me tendez-vous un piège ? 19 Montrez-moi la monnaie de la contribution fiscale. ' Et ils lui présentèrent un denier. Et il leur dit : ' De qui cette image et cette inscription ? 21 De César, ' lui dirent-ils. Alors il leur répondit : ' Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. 21 En l'entendant, ils tombèrent d'admiration et ils s'en allèrent (déçus).
La monnaie est associée au rôle de l'Etat. La planche à billets est réservée à l'Etat. Le denier qui porte l'effigie de César correspond à ce qu'il faut donner à l'Etat. Il existe un lien entre la monnaie et le pouvoir. Le domaine où s'exerce le pouvoir d'un roi est semblable à celui où sa monnaie a cours.
Mais César, c'est César en Palestine, et Dieu c'est Dieu ! On peut comprendre que ceux qui pensent la société civile, c'est ainsi que je vois DIEU moi qui est athée, doivent séparer l'Etat de la religion.
Ce lien existant entre la monnaie et le pouvoir posait alors un cas de conscience aux Juifs. Ils devaient payer l'impôt en monnaie à l'effigie de César et, ainsi, reconnaître la souveraineté de Rome sur Israël alors que, pour les Juifs, le seul vrai roi de leur peuple était leur roi ou encore leur Dieu ?
Si Jésus répond par la négative, il sera facile de le dénoncer à l'autorité romaine, ceux de Hérode l'attendent au tournant. Et s'il répond par l'affirmative, pour ceux qui attendent une libération nationale, il perd, tout crédit.
De plus il renonce à se poser comme le Messie venant réaliser ses espérances. Il ne sera pas le ROI.
C'est cette logique que Jésus arrive à balayer. C'est ce que Paul a compris dans sa première lettre aux Corinthiens : 'Nous prêchons un Messie crucifié, un scandale pour les Juifs, et une folie pour les païens '. Jésus dit bien qu'il faut payer les impôts : « Rends à Cesar ce qui est (nécessaire) à Cesar. ». Mais, par ailleurs, les collecteurs des taxes sont des malades qui ont besoin d'être remis en place !
Les économistes se sont tous intéressés aux rôles de la monnaie.
La monnaie est un instrument plus fluide pour les échanges que ne peut l'être le troc.
La monnaie est le meilleur étalon des valeurs des produits des pays.
La monnaie permet si les denrées sont périssables de se constituer un capital par l'épargne.
Matthieu suit immédiatement Jésus ! Pourquoi ?
Parce que les discours de Jésus sur l'économie rurale le passionnent plus que les autres !
Dans ce texte existent deux domaines distincts : celui de César, l'Etat et celui de la société civile régie par la morale de Dieu avec les textes des testaments que nos ancêtres nous ont laissés.
Le Royaume de Dieu n'est pas un Royaume concurrent de celui de César. Il est d'un autre ordre. Mon Royaume n'est pas de ce monde. Cette réponse, Jésus nous l'adresse à nous aussi.
Jésus manifeste que la libération qu'il apporte est bien plus radicale qu'un changement politique.
Jésus désacralise le politique. Il appelle l'Eglise à remplir, non pas une fonction de domination politique mais comme un service prophétique qui trouve son efficacité dans la conversion à des idées simples.
Lesquelles ? Des choses rurales !
JESUS DONNE DES LECONS D'AGRICULTURE
LA PARABOLE DU SEMEUR
Matthieu 13 (extraits) selon Segond 21
1 (Segond) Ce jour là, Jésus sortit de la maison et s'assit au bord du lac. 2 La foule se rassembla autour de lui, si nombreuse qu'il monta dans une barque et s'y assit. La foule se tenait sur le rivage. 3 Il leur parla en paraboles de beaucoup de choses. Il dit : 4 ' Un semeur sortit pour semer. Comme il semait, une partie de la semence tomba le long du chemin ; les oiseaux vinrent et la mangèrent. 5 Une autre partie tomba sur le sol pierreux, où elle n'avait pas beaucoup de terre, elle leva aussitôt parce qu'elle ne trouva pas un terrain profond. 6 Mais quand le soleil parût, elle fût brûlée et sécha, faute de racines. 7 Une autre partie tomba parmi les ronces ; les ronces poussèrent et l'étouffèrent. 8 Une autre partie tomba dans la bonne terre, elle donna du fruit, avec un rapport de cent, soixante, ou trente. 9 Que celui qui a des oreilles, pour comprendre cela, entende !
Jésus se lance dans la parabole du semeur. Je vois, d'ici, ceux des religieux et des bergers qui nous disent que la semence du semeur, c'est simplement la bonne parole. Non ! Jésus nous parle, ici, concrètement, des investissements ; comme plus loin il nous parlera des dettes et des placements. Lisez donc au lieu d'écouter les curés !
Celui qui investit partout doit pouvoir gagner sur quelque chose en un certain endroit. Le chancelier Schmidt, encore un élève de Weber, nous dit : « Les investissements d'aujourd'hui sont les profits de demain et les emplois d'après-demain. ».
On pourrait se demander si on est seulement un théologien quel est le sérieux d'un semeur qui jette sa semence dans les chemins, dans les ronces, dans les cailloux, au lieu de la semer sur un bon champ bien labouré. C'est qu'il est question des investissements.
Or, dans un investissement nul ne sait, ni l'entrepreneur, ni son comptable, ni son économiste, personne ne sait à l'avance quel sera le rendement des investissements. Ce sont des investissements qui, on l'espère, rendront au centuple. Mais 90 % des entreprises feront faillite. Notez bien que Jésus nous parle des rendements en pourcentages. Comment après cela croire les prêtres et les pasteurs ?
Je cite : Une autre partie tomba dans la bonne terre, elle donna du fruit, avec un rapport de cent, soixante, ou trente.
Les discours de religieux sont ici déplacés. Jésus nous parle bien de la semence du blé des greniers à blé, des investissements, des dettes, du tribunal pour des discordes, de la gestion des placements, des salaires des ouvriers. Ce ne sont pas des images pour des religions non. Ce sont des conseils de paysans pour gérer les terres, séparer le bon grain de l'ivraie, gérer les héritages etc
Or, dans un investissement, c'est la parabole du semeur, rien n'est pire que de réserver le grain aux seuls labours bien préparés, avec des grains modifiés selon Lyssenko, avec des plans selon le grossplan soviétique !
L'acte d'investissement est un acte aux résultats aléatoires. Un Etat ne prend jamais de risques. Des entrepreneurs privés en prennent sans arrêt. Ce sont ceux là que Jésus aime. Max Weber l'a vu lui le protestant. Raymond Aron l'a vu, lui le juif.
Les disciples s'approchèrent et lui dirent: ' Pourquoi leur parles-tu en paraboles ? ' Jésus leur répondit: ' Parce qu'il vous a été donné à vous de connaître les mystères du royaume des cieux; mais qu'à eux, cela ne leur a pas été donné. En effet, on donnera à celui qui a, et il y sera dans l'abondance; mais à celui qui n'a pas, on enlèvera même ce qu'il a.
L'acte d'investissement est un acte aux résultats aléatoires. Celui qui fait faillite perd tout !
JESUS DONNE DES LECONS D'AGRICULTURE
(Les paraboles du bon grain et de l'ivraie : Matthieu 13 24-30))
Traduction de Segond. 24 Il leur proposa une autre parabole : Le royaume des cieux ressemble à un homme qui avait semé une bonne semence dans son champ. 25 Mais pendant que les gens dormaient, son ennemi vint, sema de la mauvaise herbe parmi le blé et s'en alla. 26 Lorsque le blé eut poussé et produit des épis, la mauvaise herbe apparut aussi. 27 Les serviteurs du propriétaire de ce champ vinrent lui dire : Seigneur, n'as-tu pas semé une bonne semence dans ton champ ? Comment se faut-il donc qu'il y ait de la mauvaise herbe ? 28 Il leur répondit : C'est un ennemi qui a fait cela ! Les serviteurs lui dirent : Veux-tu donc que nous allions l'arracher ? 29 Non, dit-il, de peur qu'en arrachant la mauvaise herbe, vous ne déraciniez en même temps le blé. 30 Laissez pousser l'un et l'autre pousser ensemble jusqu'à la moisson, je dirai aux moissonneurs : « Arrachez d'abord la mauvaise herbe et liez-la en gerbes pour la brûler, mais amassez le blé dans mon grenier. » (951).
La mauvaise herbe est-ce l'ivraie ou la nielle ? De toutes façons, cette méthode de séparation qui n'était pas encore connue est la bonne méthode pour trier les épis lors de la récolte au lieu d'arracher les herbes en début de croissance sans pouvoir distinguer les blés des ivraies. L'ivraie est une graminée, comme le blé, le seigle et l'orge. L'ivraie donne des grains qui ressemblent aux grains de blé. C'est sa manière selon Darwin de survivre. L'ivraie pousse, au milieu des moissons, et sous tous les climats. Si la tige et les épillets, les petits épis la différencient au début de saison assez bien de l'épi de blé, par contre lors de la récolte, il n'en est pas de même au début de la croissance, à l'état d'herbe verte. Les graines, mélangées avec le bon grain, communiquent des qualités malfaisantes à la farine. Turgot, qui s'occupa tant des farines, avait affaire lui au blé niellé et non à l'ivraie. Les graines de l'ivraie possèdent un alcaloïde agissant sur le sympathique donnant des vasodilatations des artères et des veines (les feux de La Saint Antoine). L'ergotamine un médicament est encore une de ses plantes que donnent les médecins. Le mot ivresse viendrait de ivraie. De même son nom populaire ébraica a donné le nom ébriété, est lui aussi venu de ivraie. Tant qu'elle est en herbe, cette graminée se confond avec le blé. Mais quand le blé a poussé rien de plus facile pour la repérer, mais alors, il n'est pas aisé de l'arracher sans déraciner le blé en même temps.
L'ivraie Le blé
Originaire de la Méditerranée, la nielle est très présente dans les cultures de céréales. Elle est appelée l'oeillet des champs. C'est une plante vivace de floraison annuelle mesurant de 50 à 80 centimètres. Son feuillage vert à gris est très poilu. Elle aussi possède des graines toxiques pour la volaille, les bovins comme les humains. Jésus se lance dans les conseils donnés aux agriculteurs. Mais aussi il se mêle des dettes.
LES INVESTISSEMENTS, LES DETTES, ET LE PARDON POUR CEUX QUI ECHOUENT
Luc 7 (extraits) selon Segond 21
41 (S) - Un créancier avait deux débiteurs. L'un d'eux lui devait cinq cents deniers et l'autre cinquante. 42 Comme ils n'avaient pas de quoi le rembourser, il leur remit à tous deux leur dette. Lequel des deux l'aimera le plus ? 43 Simon répondit : Celui, je pense, auquel il a remis la plus grosse somme. Jésus lui dit : ' Voilà qui est bien jugé.'
Matthieu 18 (extraits) selon Segond 21
23 (S) 21 Seigneur, si mon frère se rend coupable à mon égard, combien de fois devrai-je lui pardonner ? Irai-je jusqu'à sept fois ? 22 Non, lui répondit Jésus, je ne te dis pas d'aller jusqu'à sept fois, mais jusqu'à soixante-dix fois sept fois. C'est pourquoi le royaume des cieux ressemble à un roi qui voulut régler ses comptes avec ses serviteurs. 24 Quand il se mit à l'ouvre, on lui amena un débiteur qui devait dix mille talents. 25 Comme il n'avait pas de quoi payer, son maître ordonna de le vendre, lui, sa femme, ses enfants afin d'être remboursé de cette dette. 26 Le serviteur se jeta par terre et se prosterna devant lui disant: ' Seigneur, prends patience envers moi, et je te paierai tout. ' 27 Rempli de compassion, le maître de ce serviteur le laissa aller et lui remit sa dette. 28 Une fois sorti, ce serviteur rencontra un de ses compagnons qui lui devait cent deniers. Il l'attrapa à la gorge et se mit à l'étrangler disant : ' Paie ce que tu me dois. ' 29 Son compagnon tomba à ses pieds le suppliant et disant : « Prends patience envers moi et je te paierai. » 30 Mais l'autre ne voulut rien savoir et il alla le faire jeter en prison jusqu'à ce qu'il eût payé ce qu'il devait. 31 A la vue de ce qui était arrivé, ses compagnons furent profondément attristés, et ils allèrent raconter à leur maître tout ce qui s'était passé. 32 Alors le maître fit appeler ce serviteur et lui dit: « Méchant serviteur, je t'avais remis en entier ta dette, parce que tu m'en avais supplié. 33 Ne devais-tu pas, toi aussi, avoir pitié de ton compagnon comme j'ai eu pitié de toi ? » 34 Et son maître, irrité, le livra aux bourreaux, jusqu'à ce qu'il eût payé tout ce qu'il devait. 35 C'est ainsi que mon Père céleste vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère de tout son cour.
Quand la dette est trop lourde il faut éviter d'écraser le créancier. C'est une leçon d'économie. Jésus une recette pour se sortir de cette question.
JESUS DONNE DES LECONS SUR LES DETTES
Luc (L'économe infidèle)
1 Jésus dit encore à ses disciples : Un grand propriétaire avait un gérant. On vint lui dénoncer sa conduite car il gaspillait ses biens. 2 Le maître le fit appeler et lui dit : « Qu'est-ce que j'apprends à ton sujet ? Remets-moi les comptes de ta gestion, car tu ne continueras pas à gérer mes affaires. » 3 Le gérant se dit : « Que vais-je faire, puisque mon maître m'enlève la gestion de ses biens ? Travailler comme ouvrier agricole ? Je n'en ai pas la force. Me mettre à mendier ? J'en aurais honte. 4 Ah ! Je sais ce que je vais faire pour que des gens me reçoivent chez eux lorsque j'aurai perdu ma place. » 5 Là-dessus, il fait venir un à un tous les débiteurs de son maître. Il dit au premier : « Combien dois-tu à mon maître ? » 6 « Quarante hectolitres d'huile d'olive », lui répond celui-ci. « Voici ta reconnaissance de dette, lui dit le gérant, assieds-toi là, dépêche-toi et inscris vingt hectolitres. » 7 Ensuite il dit à un autre : « Et toi, combien dois-tu ? ». « Cinq cents sacs de blé. »« Prends ta reconnaissance de dette, reprend le gérant, et inscris-en quatre cents. » 8 Le maître admira l'habileté avec laquelle ce gérant malhonnête s'y était pris. En effet, ceux qui vivent dans ce monde païen sont plus avisés dans leurs affaires avec leurs semblables que les enfants de la lumière. 9 Et moi je vous déclare : Si vous avez de ces richesses obtenues par des injustices, utilisez-les pour vous faire des amis. Ainsi, le jour où elles vous échapperont, ils vous accueilleront dans les demeures éternelles. 10 Si quelqu'un est fidèle dans les petites choses, on peut aussi lui faire confiance pour ce qui est important. Mais celui qui n'est pas fidèle dans les petites choses ne l'est pas non plus pour ce qui est important. 11 Si donc vous n'avez pas été fidèles dans la gestion des richesses injustes, qui vous confiera les véritables ? 12 Si vous n'avez pas été fidèles dans la gestion du bien d'autrui, qui vous donnera celui qui vous est personnellement destiné ?
Jésus se lance dans les conseils qu'il faut donner aux banquiers et aux propriétaires. Le message du Christ est ici redoutable. Le message des évangiles n'est pas un appel à une sorte de communisme primitif, à une sorte de famille communautaire. « Je suis venu mettre le fils contre son père et la fille contre sa mère. »
Non, le message des évangiles est un appel à l'individualisme outrancier. Comment le justifier ? Je n'ai pas dit l'approuver, non l'expliquer.
Toute liberté individuelle comporte trois composantes qui sont toutes d'origine chrétienne : la possibilité d'exercer son choix, ce qui dépend de notre environnement, la volonté d'exercer ce choix, ce qui dépend de la force de notre caractère face aux épreuves, et l'aptitude à différencier le vrai du faux. Les évangiles sont venus pour nous aider à distinguer le vrai du faux.
Ce que nous dit le Christ, c'est que les résultats économiques des sociétés régies selon des principes collectifs peuvent être très mauvais si chacun ne dispose pas de la liberté de sa conscience individuelle.
A aucun moment le Christ nous dit que les riches ne paient pas assez d'impôt et que les pauvres doivent nourrir leur famille en se transformant en voleur. Non, les voleurs sont les voleurs même si ce sont des voleurs officiels. Mais utiliser la puissance de l'Etat pour imposer aux autres une solidarité collective est fondamentalement le contraire du christianisme. C'est une formule tout à fait anti-chrétienne parce qu'elle induit la restriction de la liberté, la restriction de choisir entre le bien et le mal, la capacité à se repentir ou à ne pas se repentir.
Les économistes se sont longtemps disputés sur la valeur des biens.
Les biens peuvent être la somme du capital et du travail. C'est la notion la plus répandue de nos jours.
Les biens ont valeur mesurable par la seule psychologie (la bague de ma mère est sans prix.)
Par exemple, la santé qui n'a pas de prix quoiqu'elle ait un coût disait Choupette, Ministre de la santé.
Tout dépend de la mesure individuelle que chacun porte à un objet.
Au Maroc par exemple, la valeur d'une veste en cuir se situe entre le petit besoin de l'artisan producteur et la grosse convoitise du touriste américain acheteur. Le prix de l'objet sa valeur se situera en définitive entre ces deux bornes vues au dessus et le commerçant marocain n'accepte pas que le prix soit fixé sur une étiquette. Son seul plaisir dans la vie est de marchander. Même si à l'hôtel deux touristes se rencontrent et s'aperçoivent qu'ils ont acheté la même veste de cuir à deux prix entièrement différents.
Il en va de même d'un pot-au-feu ; on pourrait dire que sa valeur est calculable par le comptable d'un kolkhoze qui ajoutera des bouts de carotte et de pomme de terre et de navets, du bouf et des légumes, le gasoil et le tracteur. C'est le prix de la collectivité soviétique. Mais ce pot-au-feu n'a, en fait, aucune valeur marchande si l'acheteur n'a pas le moindre appétit.
Mikhaïl Boulgakov raconte qu'une certaine usine de Moscou fabriquait des allumettes non pas avec du phosphore mais avec du soufre, parce que la camarade du parti avait confondu les deux matières. Il n'empêche que les acheteurs du magasin soviétique recevaient des boîtes d'allumettes de soufre.
Quand un grand ecclésiastique catholique nous fait la déclaration, au nom de la solidarité sociale, qu'il nous faut accepter de payer encore plus d'impôts si l'Etat le demande, et ceci comme un devoir de solidarité envers les autres, ce cardinal dit, en une seule phrase, trois grosses bêtises.
Disciple du Christ, il n'a rien à dire sur les impôts qui relèvent de César et qui sont prélevés par César.
Successeur des apôtres, il n'a pas à utiliser un argument d'autorité, car nous sommes tous frères.
Catholique, il n'a pas à faire appel à une morale collective, la morale chrétienne est individuelle.
JESUS DONNE DES LECONS DECOURGEANTES SUR LES RICHESSES
Luc 12 selon Segond 21 : l'homme riche et ses greniers
13 (Segond) Du milieu de la foule, quelqu'un dit à Jésus : Maître, dis à mon frère de partager notre héritage avec moi ! 14 Mais Jésus lui répondit : Qui m'a établi pour être votre juge ou pour faire vos partages ? 15 Puis il leur dit : Gardez-vous avec soin de toute soif de posséder, car la vie d'un homme ne dépend pas de ses biens, même s'il est dans l'abondance. 16 Il leur dit cette parabole : Les terres d'un homme riche avaient beaucoup rapporté. 17 Il raisonnait en lui-même, disant : « Que vais-je faire ? En effet je n'ai pas assez de place pour rentrer ma récolte ! 18 Voici ce que je vais faire, se dit-il ! J'abattrais mes greniers, j'en construirais de plus grands, j'y amasserais toute ma récolte et tous mes biens. 19 Et je dirais à mon âme, tu as beaucoup de biens en réserve pour de nombreuses années. Repose-toi, mange, bois et réjouis toi de la vie ! » 20 Mais Dieu lui dit : « Homme dépourvu de tout bon sens ! Cette nuit même, ton âme te sera redemandée. Et ce que tu as préparé pour qui cela sera-t-il ? 21 Voilà quelle est la situation de celui qui amasse des trésors pour lui-même, et qui n'est pas riche pour Dieu.
AVEC LA RICHESSE, IL N'EST PAS FACILE DE SUIVRE LE CHRIST CE QUI NE FACILITE PAS L'ACCES AU PARADIS POUR LES RICHES
Matthieu 19 (extraits) selon Segond 21
16 (S) Un homme s'approcha et dit à Jésus : ' Maître, que dois-je faire de bon pour avoir la vie éternelle ? ' 17 Il lui répondit: ' Pourquoi m'appelles tu bon ? Personne n'est bon si ce n'est Dieu seul. Si tu veux entrer dans la vie, respecte les commandements. ' Lesquels lui dit-il ? ' 18 Et Jésus répondit: ' Tu ne commettra point de meurtre ; tu ne commettras pas d'adultère; tu ne commettras pas de vol ; tu ne porteras pas de faux témoignage; 19 honore ton père et ta mère, et tu aimeras ton prochain comme toi-même. 20 ' Le jeune homme lui dit : ' J'ai respecté tous ces commandements. Que me manque-t-il encore ? ' 21 Jésus lui dit: ' Si tu veux être parfait, va vendre ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel. Puis viens et suis-moi. ' 22 Lorsqu'il entendit cette parole, le jeune homme s'en alla tout triste car il avait de grandes propriétés. 23 Jésus dit alors à ses disciples: ' Je vous le dis en vérité, il est difficile à un riche d'entrer dans le royaume des cieux. 24 Je vous le dis encore, il est plus facile à un chameau de passer par un trou d'aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu. ' 25 Quand les disciples entendirent cela, ils furent fort étonnés et dirent: ' Qui peut donc être sauvé ? ' 26 Jésus les regarda et leur dit : « Cela est impossible aux hommes, mais tout est possible à Dieu. » 27 Pierre alors prit la parole et dit: ' Voici que nous avons tout quitté et nous t'avons suivi. Que se passera t-il pour nous ? 28 Jésus leur répondit : ' Je vous le dis en vérité, quand le Fils de l'homme, au renouvellement de toutes choses, sera assis sur son trône de gloire, vous qui m'avez suivi, vous serez de même assis sur douze trônes, et vous jugerez les tribus d'Israël. 29 Et toute personne qui aura quitté à cause de moi ses maisons, ou ses frères, ses sours, son père, sa mère, ses enfants, ou ses terres, il recevra au centuple et il héritera de la vie éternelle. ' 30 « Bien des premiers seront les derniers et bien des derniers seront les premiers. »
Jésus se lance ici dans le demande d'austérité comme Max Weber l'a remarqué.
L'éthique protestante du travail est que la profession est une vocation.
C'est Luther qui a crée l'allemand moderne et qui a choisi d'appeler une profession une vocation
Rufen veut dire appeler. Beruf est un appel une vocation à travailler. Luther souligne ainsi, pour chaque homme, la nécessité de suivre des valeurs des vocations au travail, d'épargne et de placement de ce que l'on gagne, et de discipline dans la gestion des biens. Les protestants, en commençant par Martin Luther, ont repensé le travail comme étant un devoir, une vocation, un appel de DIEU menant à un bénéfice commun pour l'individu et pour la société.
L'éthique protestante du travail est souvent créditée pour avoir marqué les sociétés où le protestantisme était fort, notamment les nations Scandinaves, Germaniques, Bretonnes et Américaines. Dans ces sociétés, elle est généralement considérée comme l'un des piliers de la prospérité nationale. Exemple le seul pays qui a assis sa constitution sur la Bible est aussi celui qui a fait la plus grande expansion économique en 250 ans, de 5 millions d'habitants avec tous des sectaires de religions chrétiennes, ils sont passés à 250 millions et devenus, de loin, le pays le plus riche au monde.
Si le rationalisme de l'Occident moderne est porté par la bourgeoisie, il a trouvé, selon Max Weber, que Raymond Aron suit, que Toynbee suit, que Hungtington suit, sa force d'impulsion originelle dans la religion et, plus spécifiquement, dans le calvinisme.
Max Weber remarque qu'en Allemagne les protestants sont significativement plus riches que les catholiques, et qu'ils ont davantage tendance, dans leurs études, à s'orienter vers des filières professionnelles plutôt que vers les Humanités, où vont préférentiellement les catholiques.
Max Weber remarque aussi que le protestantisme est austère et s'oppose à toute recherche pour elles-mêmes des richesses. Pour Weber, c'est pourtant dans cet esprit austère, ascétique qu'il faut chercher la source du capitalisme.
Max Weber, pense que Luther apporte une importante transformation dans la représentation de l'activité professionnelle. Pour le catholicisme, l'action professionnelle dans le monde n'a pas de valeur positive pour la recherche du salut. Le retrait hors du monde, le refus de la recherche des biens de ce monde, est au contraire fortement valorisé en tant que voies de salut. À l'inverse, pour Luther, l'activité professionnelle est une tâche que DIEU a donnée à accomplir aux hommes : la profession devient une vocation divine.
LA GESTION DE LA PROPRIETE
LES SERVITEURS VIGILANTS
ET LES BONS INTENDANTS
Luc 12 selon Segond
35 Restez en tenue de travail et gardez vos lampes allumées. 36 Soyez comme des serviteurs qui attendent le retour de noces de leur maître afin de lui ouvrir dès qu'il arrivera et frappera à la porte. 37 Heureux ces serviteurs que le maître, en arrivant, trouvera en train de veiller ! Je vous le dis en vérité, il se mettra aussi en tenue de travail, les fera prendre place à sa table et s'approchera pour les servir. 38 Qu'il arrive au milieu ou vers la fin de la nuit, heureux sont ces serviteurs s'il les trouve éveillés. 39 Vous le savez bien : si le maître de maison connaissait l'heure à laquelle le voleur doit venir, il resterait éveillé et ne lui laisserait pas percer les murs de sa maison. 40 Vous aussi, tenez-vous prêts, car le Fils de l'homme viendra à l'heure où vous n'y penserez pas. 41 Pierre lui dit : Seigneur, est-ce à nous que tu adresses cette parabole ou bien à tout le monde ? 42 Le Seigneur dit : Quel est donc selon toi l'intendant fidèle et prudent que le maître établira responsable de ses employés pour leur donner la nourriture au moment voulu ? 43 Heureux le serviteur que son maître, à son arrivée, trouvera occupé à son travail ! 44 Je vous le dis en vérité, il l'établira responsable de tous ses biens. 45 Mais si ce serviteur se dit en lui-même: « Mon maître tarde à venir », s'il se met à battre les autres serviteurs et servantes, à manger, à boire et à s'enivrer, 46 alors le maître viendra le jour où il ne s'y attend pas, et à l'heure qu'il ne connaît pas. Il le punira sévèrement, et lui fera partager le sort des esclaves infidèles. 47 Le serviteur qui a connu la volonté de son maître, mais qui n'a rien préparé, ni fait pour s'y conformer sera battu d'un grand nombre de coups. 48 En revanche, celui qui ne l'a pas connue et qui a fait des choses dignes de punition, sera battu de peu de coups. On demandera beaucoup à qui l'on a beaucoup donné et l'on exigera davantage de celui à qui l'on a beaucoup confié.
Une bonne gestion de la propriété nécessite une hiérarchie.
LE CAPITAL, LE DROIT DE PROPRIETE ET SON REVENU ET QUI DOIT GERER ?
Matthieu 21 (extraits) selon Segond 21
33 (S) Ecoutez une autre parabole. Il y avait un propriétaire qui planta une vigne, l'entoura d'une haie, y creusa un pressoir et construisit une tour ; puis il la loua à des vignerons et partit en voyage. 34 Lorsque le temps de la récolte fût arrivé, il envoya ses serviteurs vers les vignerons pour recevoir sa part de récolte. 35 Mais les vignerons, s'emparèrent de ses serviteurs ; ils battirent l'un, tuèrent l'autre et lapidèrent le troisième. 36 Il envoya encore d'autres serviteurs, en plus grand nombre que les premiers, et les vignerons les traitèrent de la même manière. 37 Enfin, il envoya vers eux son fils en se disant : Ils auront du respect pour mon fils. 38 Mais quand les vignerons virent le fils, ils se dirent entre eux : Voilà l'héritier. Venez, tuons-le, et emparons nous de son héritage. 39 Et ils s'emparèrent de lui, le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent. 40 Maintenant, lorsque le maître de la vigne, que fera-t-il à ces vignerons ? 41 Ils lui répondirent : Il fera mourir misérablement ces misérables, et il louera la vigne à d'autres vignerons, qui donneront sa part de récolte le moment venu.
Une bonne gestion de la propriété nécessite une hiérarchie, mais aussi de confier ses biens à de bons gestionnaires. Nous arrivons aux plus difficiles les talents et les ouvriers de la onzième heure. Disons d'emblée aux religieux que si Jésus avait voulu dire que tous seront reçus au paradis, il n'aurait pas dit des chose aussi complexes que les paraboles des talents le salaires des ouvriers contractuels ou intermittents.
Matthieu 25 (extraits) selon Crampon et Segond 21
LA PAPABOLE DES TALENTS QUE MADAME TATHCHER RECITAIT A TOUS SES INVITES
14 (Segond) Ce sera en effet pareil au cas d'un homme qui, partant pour un voyage, appela ses serviteurs et leur remit ses biens. 15 Il donna cinq talents à l'un, deux à l'autre et un au troisième à chacun selon sa capacité, puis il partit aussitôt. 16 Celui qui avait reçu les cinq talents s'en alla travailler avec eux et il gagna cinq autres talents. 17 De même, celui qui avait reçu les deux talents, en gagna deux autres. 18 Celui qui n'en avait reçu qu'un alla creuser un trou dans la terre et cacha l'argent de son maître. 19 Longtemps après, le maître de ces serviteurs revint et leur fit rendre des comptes. 20 Celui qui avait reçu les cinq talents s'approcha, en apporta cinq autres, et dit : ' Seigneur tu m'avais remis cinq talents. En voici cinq autres que j'ai gagnés. ' 21 Son maître lui dit: ' C'est bien, bon et fidèle serviteur ; tu as été fidèle en peu de choses, je te confierai beaucoup de choses. Viens partager la joie de ton maître. ' 22 Celui qui avait reçu les deux talents dit s'approcha : ' Seigneur tu m'as remis deux talents. En voici deux autres que j'ai gagnés. ' 23 Son maître lui dit: ' C'est bien, bon et fidèle serviteur ; tu as été fidèle en peu de choses, je te confierai quelques affaires. Viens partager la joie de ton maître. ' 24 Celui qui n'avait reçu qu'un talent s'approcha ensuite et dit : ' Seigneur, je savais que tu es un homme dur : tu moissonnes là où tu n'as pas semé et tu récoltes là où tu n'as pas planté. 25 Moi, j'ai eu peur, et je suis allé cacher ton talent dans la terre. Le voici, prends ce qui est à toi. ' 26 Son maître lui répondit: ' Mauvais serviteur, mauvais et paresseux, tu savais que je moissonne là où je n'ai pas semé, et que je récolte là où je n'ai pas planté. 27 Il te fallait donc remettre mon argent aux banquiers, et, à mon retour, j'aurais pu retirer ce qui est à moi avec au moins un petit intérêt. 28 Vous autres, prenez lui donc son talent, et donnez-le à celui qui a les dix talents dont cinq gagnés avec risque. 29 En effet, on donnera à celui qui a ; et il sera dans l'abondance, mais à celui qui n'a pas, on enlèvera même ce qu'il a. 30 Quant au serviteur inutile, jetez-le dans les ténèbres extérieures ; c'est là qu'il y aura les pleurs et le grincement de dents. »
Comme cette parabole est très controversée et que les uns prétendent que seul Matthieu l'a donnée je donnerais une version un peu différente, celle de Luc.
Luc 19 (Une version peu différente de la parabole des talents)
11 Comme la foule écoutait ces paroles, Jésus continua en racontant une autre parabole. En effet, il se rapprochait de Jérusalem et l'on s'imaginait que le royaume de Dieu allait se manifester immédiatement. 12 Voici donc ce qu'il dit : Un homme de famille noble était sur le point de partir pour un pays lointain afin d'y être officiellement nommé roi, avant de revenir ensuite dans ses États. Les Juifs envoyèrent une délégation pour s'opposer à sa demande. 13 Il convoqua dix de ses serviteurs et leur remit, à chacun, une pièce d'or. Puis il leur recommanda : « Faites fructifier cet argent jusqu'à mon retour ! » Il s'agit d'une pièce qui correspondait à la valeur de cent journées de travail. 14 Mais cet homme était détesté par les habitants de son pays. Aussi, ils envoyèrent, derrière lui, une délégation chargée de dire : « Nous ne voulons pas que cet homme-là règne sur nous ! » 15 Après avoir été quand même nommé le Roi, il revint dans son pays et il fit appeler les serviteurs auxquels il avait confié l'argent. Il voulait savoir ce qu'ils en avaient retiré. 16 Le premier se présenta et dit : « Seigneur, ta pièce d'or en a rapporté dix autres. » 17 « C'est bien, lui dit le maître, tu es un bon serviteur ! Tu t'es montré fidèle dans une petite affaire. Je te nomme gouverneur de dix villes. » 18 Le deuxième s'approcha et dit : « Seigneur, ta pièce d'or en a rapporté cinq autres. » 19 Le maître lui dit : « Eh bien, je te confie le gouvernement de seulement cinq villes. » 20 Finalement, un autre vint et dit : « Seigneur, voici ta pièce d'or ; je l'ai gardée enveloppée dans un mouchoir. 21 En effet, j'avais peur de toi, parce que tu es un homme sévère ; tu retires de l'argent que tu n'as pas placé, tu moissonnes ce que tu n'as pas semé. » 22 « Vaurien de serviteur ! dit le maître, tu viens de prononcer ta propre condamnation. Tu savais que je suis un homme sévère, qui retire de l'argent que je n'ai pas placé et qui moissonne ce que je n'ai pas semé. 23 Pourquoi alors n'as-tu pas déposé mon argent au moins à la banque ? À mon retour, je l'aurais retiré avec des intérêts. » 24 Puis il ordonna à ceux qui étaient là : « Retirez-lui cette pièce d'or et donnez-la à celui qui en a dix ! » 25 « Mais, Seigneur, lui firent-ils remarquer, il a déjà dix pièces ! » 26 « Eh bien, je vous le déclare, à celui qui a on donnera encore, mais à celui qui n'a pas, on ôtera même ce qu'il a. 27 D'autre part, amenez-moi ici mes ennemis qui n'ont pas voulu que je règne sur eux, et qu'on les mette à mort devant moi. »
(Allusion possible au fait que, après la mort d'Hérode le Grand, son fils Hérode Archélaüs dut se rendre à Rome pour obtenir sa succession.)
Dans la parabole des talents, on voit bien que le Christ ne s'intéresse nullement à la lutte des classes, celle que Marx installa entre les capitalistes et les travailleurs. Non ! Dans la parabole des talents, Madame Thatcher considérait que ce que le Christ voulait nous faire entendre, et qu'il est indispensable que le capital soit rémunéré avant la rente du placement en banques.
Les meilleurs serviteurs sont ceux qui prennent des risques et qui parviennent à augmenter les talents. On n'entend même pas parler des ouvriers qui ont permis le doublement des talents ou des pièces d'or.
Même celui qui ne veut pas prendre aucun risque ne devait pas enterrer le talent que son maître lui avait donné, il devait apporter l'argent chez un banquier, c'est le minimum pour en obtenir au moins une rente, c'est-à-dire un intérêt.
Le taux d'intérêt est la seule façon logique de faire rentrer le temps et le risque dans le calcul économique. On voit bien que le Christ n'a aucune passion pour les rentiers qui placent leur argent à la banque. Mais il a alors cette fois en horreur celui qui enterre le capital et attend que l'argent rentre tout seul en recevant la paie. Hop, en enfer !
On voit bien dans la parabole des talents que ce qui compte, pour le Christ, c'est la volonté de prendre des risques, c'est l'entreprise. J'entends déjà les moralisateurs modernes qui citent le Christ : « Vous ne pouvez pas servir Dieu et Mammon. » Mais Jésus dit cela après avoir chassé les marchands du temple.
LA GESTION DE LA PROPRIETE
LES OUVRIERS DE LA ONZIEME HEURE
Matthieu 20 (extraits) selon Segond 21
1 (Segond) En effet, le royaume des cieux ressemble à un propriétaire qui sortit dès le matin, afin d'embaucher des ouvriers pour sa vigne. 2 Il se mit d'accord avec eux pour un salaire d'un denier par jour, et les envoya à sa vigne. 3 Il sortit vers la troisième heure, et il en vit d'autres qui étaient sur la place sans travail. 4 Il leur dit : Allez aussi à ma vigne, et je vous donnerai ce qui sera juste (ou raisonnable selon les traducteurs). 5 Et ils y allèrent. Il sortit de nouveau vers la sixième heure et vers la neuvième, et il fit de même. 6 Étant sorti vers la onzième heure, il en trouva d'autres qui étaient là sans travail. Il leur dit : Pourquoi vous tenez-vous ici toute la journée sans travailler ? 7 Ils lui répondirent : C'est que personne ne nous a embauchés. Allez aussi à ma vigne, leur dit-il et vous recevrez ce qui sera raisonnable (de mon point de vue). 8 Le soir venu, le maître de la vigne dit à son intendant : 'Appelle les ouvriers, et paie-leur le salaire, en allant des derniers aux premiers. 9 Ceux de la onzième heure vinrent et reçurent chacun un denier. 10 Quand les premiers vinrent à leur tour, ils pensèrent recevoir davantage, mais ils reçurent chacun pas plus qu'un denier. 11 En le recevant, ils murmurèrent contre le propriétaire. 12 En disant : 'Ces derniers arrivés n'ont travaillé qu'une heure, et tu les as traité comme nous qui avons supporté la fatigue du jour et de la chaleur. 13 Il répondit à l'un d'eux : Mon ami, je ne te fais pas tort. N'as-tu pas convenu avec moi pour un salaire d'un denier ? 14 Prends donc ce qui te revient, et va-t'en. C'est ma volonté si je veux donner le même denier à ce dernier arrivé autant qu'à toi. 16 Ne m'est-il pas permis de gérer comme il le faut ma propriété. ? Où vois-tu encore d'un mauvais oil que je sois bon avec lui ? 16 Ainsi les premiers seront les derniers et les premiers seront les deniers.
Dans la parabole des ouvriers de la onzième heure, ce qui compte ce n'est pas le calcul des efforts fournis par les ouvriers, mais combien les ouvriers rapportent au vigneron de bénéfices une fois ses frais remboursés. Les premiers ouvriers couvrent le coût de la propriété et de son entretien quotidien, et les contractuels les CDI si l'on veut reçoivent un contrat de un denier mais c'est chaque jour qu'il pleuve ou qu'il fasse soleil. Tandis que les derniers ouvriers occasionnels ou intermittents apportent le bénéfice du vigneron et chaque heure qui passe dans la journée avec le soleil qui monte et qui chauffe donnant soif aux consommateurs du marché ce qui augmente les prix du raisin et la valeur du surplus de bénéfice. C'est pourquoi les ouvriers de la onzième heure reçoivent douze fois plus que les ouvriers de la première heure.
Voilà le débat sur la manière que recommande Jésus de payer les ouvriers.
Non pas selon la valeur du travail au prorata du nombre des heures effectuées, mais selon la valeur que les acheteurs veulent bien donner au raisin selon l'heure à laquelle ils le consomment.
Cette parabole met dans l'embarras le prêtre catholique qui répond à la protestation ouvrière. La voici :
'Ce n'est pas juste ! Ah ! Non, Seigneur, il y a quelque chose là qui ne va pas du tout dans cet exemple que vous donnez ! C'est arbitraire et c'est du paternalisme. Ainsi, j'aurai lutté toute ma vie durant, pour être en règle avec tous tes commandements et en accord avec ceux de l'Église, et en supplément, voilà que je me retrouve sur le même pied d'égalité que mon voisin de palier : ce noceur, ce débauché, en fait ce non embauché (c'est le cas de le dire lui qui n'est jamais embauché qu'en toute dernière minute), un voisin que je ne connais que trop bien, rentrant ivre mort, chaque nuit à deux heures du matin, ayant reçu des litrons de vins qu'il boit de suite au lieu d'apporter la paie à sa pov' femme ! Il lui aura suffi de bosser une heure par jour avant de rendre son dernier hoquet de pinard ! Non, je ne peux pas croire que le Père de toute justice ne puisse distribuer qu'arbitrairement à chacun ce qui, de droit, lui revient !' Cela ne va pas Seigneur !
Dieu répondit à cet ouvrier protestataire selon le prêtre catholique une version à coté de la plaque.
« Mon enfant, pourquoi te scandaliser, en quoi t'ai-je lésé ? Mon alliance est donc gratuite, et l'entrée de mon Royaume n'est jamais fermée à clef ; pour en ouvrir la porte, il suffit simplement d'aimer ses frères et il n'est jamais trop tard pour commencer ! La récompense n'est pas à la mesure de tes mérites, mais à celle de mon infinie libéralité. Pourquoi serais-je injuste ? Je ne suis que bon ? En accueillant ton frère, juste à la dernière heure au vignoble, ai-je manqué à ma promesse envers toi, celle d'un contrat d'un denier pour travailler dès la première heure ? Pourquoi serais-tu jaloux ? Pourquoi veux-tu réduire mon dessein divin à tes critères étroitement humains ? Voilà le discours que les prêtres font devant cette parabole fort embarrassante. N'est-ce pas là une nouvelle prise de pouvoir par les hommes de la loi divine ? De celle que Jésus, justement, dénonçait ainsi :
Malheur à vous, scribes et spécialistes de la LOI DIVINE, et à vous aussi Pharisiens hypocrites.
Mais les ouvriers qui eux ont bossé douze heures protestent encore de cette décision :
Ils lui disent : « Alliance veut certes dire contrat. Mais ce n'est pas parce que l'entrée de ton Royaume est ouverte à tous, bosseurs comme feignants, que je doive accepter cette fois sur terre les anomalies de la paie que tu fais distribuer par ton intendant ! Non c'est criminel ! Qui te dit que je n'aimerais pas mon voisin de palier par la suite au Paradis ? La récompense de mon travail sur terre elle doit être à la mesure de mes sueurs sous le soleil et de mes efforts physiques ! C'est la valeur de mon travail qui compte Ce n'est pas de la bonté dont tu nous fais part ici, mais, tout au contraire, d'injustice et d'arbitraire ! Pourquoi es-tu si injuste en faisant ainsi une sorte de charité mal ordonnée ? Certes, en accueillant mon frère feignant à la dernière heure, tu n'as pas manqué à ta promesse envers moi de la première heure ? C'est vrai ! Mais comment peux tu espérer de nous qui avons bossé dès le matin que nous revenions à ta vigne par la suite ?
Cette parabole met également dans l'embarras le pasteur
Réponses. Comme pour les catholiques, le royaume des cieux, là, c'est un riche propriétaire ayant les moyens de se payer un intendant afin d'affronter les ouvriers de douze heures pour un seul denier. En fait, c'est bien lui qui gère les embauches et qui a recruté à quatre reprises. Pourquoi quatre fois ? C'est que cet homme tient à sa vigne et tient à sa vendange et qu'il est obligé de tenir compte de la vente de son raisin selon la chaleur qui règne au village. S'il va plusieurs fois sur la place du village, c'est que c'est là où se rassemblent les gens à la recherche d'un travail et ceux qui achètent du raisin. Il veut s'assurer que les vendanges se feront en temps voulu.
Les pasteurs eux disent que cette parabole c'est l'appel que Dieu lance aux hommes, la vocation, l'invitation qu'il leur adresse à entrer dans son Royaume.
Allons donc ! Foutaises ! On y entrerait, alors, pour pas grande chose et on y recevrait, gratuitement ou presque, le pardon, le salut, et même toutes les bénédictions. Ceux qui en font le moins toucheraient la même somme que ceux qui travaillent dur !
Elle semble bien curieuse cette version pastorienne. La parabole parle bien en effet d'ouvriers engagés à des horaires différents mais de salaires curieusement identiques. Le denier proposé par le maître de maison était à l'époque le salaire journalier d'un ouvrier sous contrat.
« Il convint avec eux d'un denier par jour, et il les envoya à sa vigne ».
Il convint, c'est un contrat de travail. Ce sont des pourparlers, un dialogue employeur employé, un contrat oral certes mais un vrai contrat de travail. Les travailleurs n'entendent pas faire de cadeaux au patron qui choisit de donner pour une heure ce que le autres touchent pour douze heures.
Que faire alors ? Donner à chacun au prorata de ses heures enregistrées (sur Gestor), ou laisser le patron faire ce qui lui parait raisonnable pour sa vigne mais qui reste injuste à tous ceux qui sont élevés dans cette croyance que le salaire est proportionné aux heures réalisées alors qu'il ne devrait l'être qu'aux produits vendus ?
Les pasteurs disent que le maître qui les envoya dans sa vigne ce serait un appel à la foi, au salut et accessoirement au service. Pourquoi troisième heure, sixième heure, onzième heure. Les pasteurs disent que nous sommes appelés dans le Royaume, chacun à son heure, quand Dieu vient à nous et non quand nous décidons d'aller à lui. Une journée de travail dans la vigne serait aussi un symbole et le temps qui sépare l'heure de l'embauche du soir représente le travail effectué par chacun dans l'Eglise. Ces horaires différents peuvent vouloir dire - selon les pasteurs - que certains seront appelés dès leur enfance, d'autres à l'âge adulte, d'autres durant leur vieillesse, et d'autres à la veille de leur mort. Le point de comparaison n'est pas le temps passé à travailler dans l'Eglise, mais les souffrances qu'on y a endurées à cause du Christ, la fidélité dont on a fait preuve.
Comment croire à des fadaises pareilles ?
En fait, le maître promet à ces différents ouvriers de leur donner 'ce qui sera raisonnable' pour la bonne gestion de sa propriété quand le pasteur et le curé comprennent à tort 'ce qui sera juste' pour ses employés à la fin d'une journée de travail harassante !
Si le prix du raisin au marché monte, alors le maître sort une dernière fois à la onzième heure, une heure avant le coucher du soleil. Une embauche pour une heure de travail ! Pourquoi ? Parce que le douzième des produits suffit à doubler ou à quadrupler le bénéfice du patron !
Nous sommes, ici, en face de l'application de l'école autrichienne d'économie à la marge !
La valeur d'un bien ou d'un service et ainsi son utilité se situe - on l'a vu avec l'exemple du Maroc - entre la convoitise de l'acheteur et le besoin du producteur.
Et toute autre considération n'est pas économique mais théologique !
Faire ou ne pas faire d'heures supplémentaires ? L'occupation des loisirs peut être très saine et salutaire, de plus elle n'est pas forcément onéreuse. Eduquer ses enfants, faire du sport, oeuvrer dans une association, marcher en montagne, s'instruire, lire, etc, sont des activités parfois plus utiles et plus raisonnables que de faire des heures supplémentaires.
Mais en quoi ces loisirs viennent déranger le fait qu'il faut se décider à payer les heures supplémentaires. Les faire ou ne pas les faire, c'est la liberté de chacun. Ne pas les payer est injuste ! Les décharger de l'IRPP est juste ! Les décharger des cotisations sociales est injuste !
Vous avez vu ce que pensent les prêtres catholiques et les pasteurs luthériens des significations de certaines paraboles économiques. Mais Mathieu, appelé AUSSI Lévi, lui, écrit son texte 50-60 après JC (dit on sous la dictée de Pierre). Il avait été collecteur des impôts ou publicain de l'Etat. D'où son intérêt particulier pour les paraboles du Christ en matière de gestion des vignobles et des propriétés, de l'impôt à payer à César, de la gestion des biens, des propriétés et du capital et des récoltes, le revenu et aussi son intérêt pour l'argent placé : la rente qui rapporte sans travailler, et pour les dettes (les investissements qui rapportent en travaillant), pour l'héritage, etc.
La Bible appartenant à tous, y compris aux athées dont je suis et aux financiers, on peut se permettre d'isoler des récits évangéliques fallacieux les paroles du Christ, et les lire elles seules sous cet angle. J'ai fait le choix de quelques paraboles surtout celles de Mathieu à signification économique.
LA MULTIPLICATION DES PAINS, DES POISSONS DE TIBERIADE ET DU VIN AUX NOCES DE CANA, CE NE SONT QUE DES VISIONS SUR LA SOCIETE INDUSTRIELLE
Matthieu 14 et 15 (extraits) selon Crampon et Segond 21
16 (S) Jésus leur répondit: ' IIs n'ont pas besoin de s'en aller. Donnez-leur vous-mêmes à manger ! ' 17 Mais ils lui dirent: ' Nous n'avons ici que cinq pains et deux poissons. ' 18 Apportez-les-moi, ici, ' dit Jésus. 19 Il fit asseoir la foule sur l'herbe, prit les cinq pains et les deux poissons, leva les yeux vers le ciel, prononça la prière de bénédiction. Puis il rompit les pains et les donna aux disciples, et les disciples qui les distribuèrent à la foule. 20 Tous mangèrent et furent rassasiés, et l'on emporta douze paniers plein des morceaux qui restèrent. 21 Ceux qui avaient mangé étaient environ 2000 hommes, sans compter les femmes et les enfants.
32 (S) Jésus, appela ses disciples, et leur dit: ' Je suis rempli de compassion pour cette foule, car voilà trois jours qu'ils sont près de moi et ils n'ont rien à manger. Je ne veux pas les renvoyer à jeun, de peur que les forces ne leur manquent en chemin. ' 33 Les disciples lui dirent: ' Comment nous procurer dans cet endroit désert assez de pains pour rassasier une si grande foule ? ' 34 Jésus leur demanda : ' Combien avez-vous de pains ? - Sept, répondirent-ils et quelques petits poissons. ' 35 Alors fit asseoir la foule par terre, 36 Prit les sept pains et les poissons, et, après remercié Dieu, il les rompit et les donna à ses disciples, qui les distribuèrent à la foule. 37 Tous mangèrent et furent rassasiés; et l'on emporta sept corbeilles des morceaux qui restaient, on emporta sept corbeilles pleines. 38 Ceux qui avaient mangé étaient 4000 hommes, sans compter les femmes et les enfants.
Chapitre 2 Jean (extraits) selon Crampon et Segond 21
1 (S) Or le troisième jour, il y eut des noces à Cana en Galilée. La mère était là. 2 Jésus fut aussi invité aux noces avec ses disciples. 3 Comme le vin venait à manquer, la mère de Jésus lui dit : ' Ils n'ont plus de vin.' 4 Jésus lui répondit : ' Que me veux tu femme ? Mon heure n'est pas encore venue.' 5 Sa mère dit aux serviteurs: ' Faites tout ce qu'il vous dira.' 6 Or, il y avait là six jarres de pierre destinées aux purifications des Juifs et contenant chacune une centaine de litres. 7 Jésus leur dit: ' Remplissez d'eau ces jarres.' Et ils les remplirent jusqu'au bord. 8 Jésus leur dit: ' Puisez maintenant, leur dit-il et apportez-en à l'organisateur du repas. Et ils lui en apportèrent. 9 L'organisateur du repas goûta l'eau changée en vin. Na sachant pas d'où venait ce vin, tandis que les serviteurs qui avaient puisé l'eau le savaient bien, il appela le marié et lui dit :10 'Tout homme sert d'abord le bon vin, puis le moins bon après qu'on s'est enivré ; mais toi, tu as gardé le bon jusqu'à présent.' 11 Tel fut, à Cana en Galilée, le premier des signes miraculeux que fit Jésus. Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui.
CAFE POLITIQUE DU 22 NOVEMBRE 2007 L'EUROPE : EURODISTRICTS ET INTERDISTRICTS
Présentation de l'Eurodistrict Strasbourg-Ortenau
Un Eurodistrict se définit comme une entité administrative européenne qui regroupe des agglomérations urbaines situées de part et d'autre d'une frontière d'Etats.
En 2005, une convention relative à la création de l'Eurodistrict Strasbourg-Ortenau s'établit entre l'Ortenaukreis, les villes d'Offenbourg, de Lahr, de Kehl, d'Achern, d'Oberkirch et la Communauté Urbaine de Strasbourg.
Cet Eurodistrict ambitionne d'être un territoire-pilote en matière d'intégration approfondie dans les régions frontalières, de contribuer au développement durable de notre région et d'améliorer le quotidien des citoyens transfrontaliers.
Un Conseil réunit les représentants politiques des collectivités locales. Il est l'organe décisionnel de l'Eurodistrict. Il se réunit au minimum tous les 6 mois.
Un Comité de Suivi, conçu comme un Conseil de l'Eurodistrict élargi, réunit les représentants de l'ensemble des partenaires institutionnels des deux Etats. Il suit les travaux du Conseil et facilite les accords avec les services étatiques.
Les porteurs de projets sont soutenus par l'Eurodistrict dans le cadre de leurs demandes de subventions auprès de l'Union Européenne ou d'autres cofinanceurs potentiels.
Les domaines d'action prioritaires sont : l'environnement, les déplacements et équipements, l'économie, l'éducation et le bilinguisme, la santé publique, l'emploi, l'enseignement supérieur et la recherche, la sécurité publique, les services postaux, les média.
Intervention de Jacques Papazian, initiateur du Forum citoyen créé peu après la mise en place de l'Eurodistrict.
Jacques Papazian vit en Allemagne depuis 1938 et se positionne comme centriste sur l'échiquier politique. Il est très intéressé par le renforcement d'une pensée européenne humaniste et s'inscrit en cela dans la lignée de Pierre Pflimlin. Il craint en ce moment une recrudescence de l'extrême-droite qui s'organiserait de manière efficace sur le plan transfrontalier.
Il insiste sur l'importance du rôle de la société civile comme force de proposition pour l'Eurodistrict.
Jacques Papazian propose un nouveau concept, l'Interdistrict qui se différencierait de l'Eurodistrict en ce qu'il ne s'agit plus d'organisation transfrontaliere, mais d'une sorte de jumelage entre agglomérations qui se choisissent. Les Eurodistricts serviraient alors de force d'impulsion. Ainsi, la société civile qui a un potentiel électoral pro-européen se mobiliserait davantage pour la création de ces Interdistricts en Europe. Par exemple, ce serait possible entre un arrondissement de Berlin et un arrondissement parisien.
L'opinion pro-européenne est motivée en Sarre, en Rhénanie, en Alsace-Lorraine. Elle s'appuie sur les minorités françaises en Allemagne et inversement. Les familles mixtes contribuent également à cet esprit.
DEBAT
La frontière est la résultante de l'activité humaine, souvent la résultante de rapports de force. C'est une convention . L'aspect géographique de la frontière sert en fait de prétexte aux humains pour marquer leurs choix.
L'intérêt de la création d'un Eurodistrict est qu'il atteint une masse critique pour se développer et peut présenter un pouvoir attractif pour les organismes européens en terme d'investissement. L'Eurodistrict Strasbourg-Ortenau comprend près de 9 00 000 habitants.
L'Eurodistrict est né d'une utopie globalisante des fondateurs de l'Europe. On peut cependant se demander si dans le concret de ses réalisations, il représente une plus-value réelle.
Difficultés de l'Eurodistrict.
· Les structures administratives d'un Etat fédéral comme l'Allemagne sont très différentes de celles d' un pays centralisé comme la France.
Pour agir en commun, il faut identifier des homologues. Par exemple, dans le cadre d'une simulation de création d'un IUT transfrontalier, il est question de faire venir le Ministre français de l'Education Nationale. Le mettre en face d'un ministre de Land serait une sorte d'impair. Il faudrait en fait lui faire rencontrer un Secrétaire d'Etat allemand du Bund.
· Le problème de la délégation de compétences peut causer de difficultés. Dans l'exemple de la construction d'un pont, une seule personne en responsabilité du dossier en Allemagne va se trouver en face de cinq interlocuteurs en France. Les Allemands ont des délégations de compétences claires là où les Français sont obligés de se référer à leur hiérarchie ce qui ralentit considérablement la prise de décision.
· Les difficultés de compréhension de la langue de l'autre sont un obstacle qui peut être important.
On raconte l'histoire d'une initiative qui n'a pas pu se réaliser parce que le mot Parlement de la Jeunesse n'a pas été bien compris. Si cette idée s'était appelée Conseil de Jeunes la difficulté aurait été levée. Toute réunion doit proposer la traduction simultanée et l'animation doit en être bilingue.
· Un témoignage relate les difficultés de l'harmonisation fiscale pour les transfrontaliers. Tous les obstacles sont loin d'être levés. De même une retraité fait part de son manque d'information sur la couverture sociale en Allemagne. Cette carence l'a conduite à ne pas s'installer en Allemagne de peur de ne pas être assez couverte en cas de maladie.
· Les services postaux entre Strasbourg et Kehl sont particulièrement lents. Une lettre partie de Strasbourg va à Lille, puis à Stuttgart et enfin arrive à Kehl !
· Les abonnements transfrontaliers doivent être dédoublés : pour aller de Bitche à Kehl, il faut un abonnement Bitche- Strasbourg, et un autre abonnement Strasbourg- Kehl.
En conclusion, il y a pourtant des projets qui réussissent comme les ponts, les pistes cyclables. D'autres sont en chantier comme l'apprentissage transfrontalier et la coopération avec l'hôpital allemand spécialisé dans l'épilepsie à Kork. Le Conseil de l'Eurodistrict a décidé de soutenir la création de l'école européenne de Strasbourg.
Une des difficultés majeures que rencontre l'Eurodistrict est qu'il ne dispose ni de personnalité juridique ni de budget propre. Lors de la dernière réunion du Conseil, Edith Schreiner, maire d'Offenbourg et porte-parole de l'Eurodistrict n'avance aucun calendrier pour la création d'une personnalité juridique.
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L'Entrepreneur Français est-il assez performant ?
Patrice de Crémiers - Mai 2007
Rappel de la situation économique
La situation économique française est caractérisée par les faits suivants :
Croissance molle : Depuis 17 ans, hormis les années 98, 99 et 2000, la croissance du PIB ne parvient pas à dépasser le niveau de 2 à 2,5 % par an. Sa croissance de 2 % en 2006 met la France en 10ème position de la zone Euro, loin derrière l'Irlande, l'Espagne et l'Allemagne.
Chômage important : Depuis les années 90, le taux de chômage reste de l'ordre de 10 % de la population active.
Pauvreté durable : La pauvreté affecte non seulement les chômeurs et certains retraités, mais aussi, de plus en plus, des travailleurs précaires, ou à temps partiels.
Inflation maîtrisée et Euro fort : Depuis plus de 10 ans maintenant, l'inflation annuelle est contenue autour du niveau de 2 %. Les taux d'intérêt fixés par la BCE se traduisent aussi depuis plusieurs années par un Euro fort.
Commerce extérieur déficitaire : Pour la première fois depuis 1991, le solde des échanges extérieurs français est devenu négatif en 2005 (15,7 Mds ?), et s'est encore aggravé en 2006 (25,8 Mds ?). De son côté, le commerce extérieur allemand continue à être largement excédentaire.
L'Entrepreneur Français est trop rare
Cette insatisfaisante situation durable résulte d'abord d'une insuffisance quantitative d'entreprenariat.
. Déficit d'entreprises : En France, plus de 40 % des créations d'entreprise sont réalisées par des chômeurs et 2/3 des créations concernent le commerce, la construction ou les services aux entreprises (Passet, du Tertre, 2005). Ainsi, le nombre de créations d'entreprises innovantes est faible, et la mortalité précoce des entreprises créées, élevée. Il pourrait en résulter un certain déficit numérique d'entreprises, difficile à comparer avec d'autres pays, sans doute inexistant par rapport aux USA, mais important par rapport au Royaume-Uni (Baverez, 2006). Ce n'est pourtant pas le dispositif légal de création d'entreprise qui pourrait être en cause, car très comparable au dispositif américain (Estay, Tchankam, 2003).
. Désert de moyennes entreprises : Par contre, les différentes études s'accordent à reconnaître que, dans la pyramide des tailles, ce sont les moyennes entreprises qui manquent le plus. Le contraste est particulièrement grand avec l'Allemagne, où les moyennes entreprises sont nombreuses et performantes. Contrairement à ce pays et aux pays anglo-saxons, les diverses structures sectorielles sont ainsi plutôt déséquilibrées en France, avec de grands groupes, privés et publics, dominant une multitude de petites entreprises. Le pouvoir de marché de ces groupes rend difficile l'émergence de moyennes entreprises indépendantes (Passet, du Tertre, 2005).
. Blocage de l'accès aux marchés : Ces groupes « champions nationaux » pratiquent en effet une classique stratégie d'entreprise « leader », en élevant des barrières à l'entrée de leurs secteurs respectifs, comme par exemple contrôle des innovations, intensification capitalistique et souplesse commerciale, et au besoin rachètent leurs concurrents performants. Cette stratégie est particulièrement efficace en France parce qu'elle est favorisée par l'Administration, à travers aides, commandes (Passet, du Tertre, 2005), réglementations et « pantouflage » des hauts fonctionnaires : 60 % des premiers dirigeants des entreprises françaises du CAC 40 sont anciens élèves de l'X et de l'ENA. Elle est aussi renforcée par un traitement préférentiel de la part des institutions, banques (CNCT, 1999), organismes professionnels et syndicats (Briche, 2005). Ce genre de corporatisme « colberto-féodal », même s'il est maintenant moins direct, reste une entrave bien française à la libre entreprise. Il est assez dissuasif pour la création d'entreprise, et surtout peu incitatif pour le développement des PME.
. Concentration de la richesse : En France, comme dans d'autres pays tels que l'Allemagne, le Royaume-Uni et les USA, la concentration des capitaux dans la population est extrême. L'essentiel de l'économie française serait ainsi sous le contrôle de 0,15 % des ménages (Pinçon, 2005)). Même le développement du microcrédit ne semble pas pouvoir remédier à l'incapacité d'autofinancement qui en résulte pour la très grande majorité de la population. Une telle concentration, liée au corporatisme précédent, ne favorise ni le dynamisme de l'entreprenariat ni l'expression optimale des talents divers du pays.
. Contrôle des innovations : Les circuits de développement, de diffusion et de mise en ouvre des innovations technologiques, comme par exemple les Centres Techniques, les CRITT et les Pôles de Compétitivité, sont trop dominés par les grandes entreprises. Un tel contrôle, décisif pour le maintien de leurs positions, est bien sûr lié à la concentration des richesses, au corporatisme et au déséquilibre structurel des secteurs d'activité. Il ne favorise ni la plus grande production d'innovations, ni leur meilleure exploitation par un large accès protégé aux projets innovants.
L'Entrepreneur Français est trop inefficace
Mais la situation économique française est aussi le résultat d'une insuffisance qualitative de l'entreprenariat.
. Faible production d'innovations : Si l'innovation commerciale et organisationnelle est trop souvent hors de portée des petites entreprises, c'est l'innovation technologique qui fait le plus défaut à l'ensemble du tissu économique. La France est en effet globalement peu inventive, et malgré la loi sur l'innovation de 1999, trop peu d'innovations technologiques arrivent à être disponibles pour son entreprenariat. Selon l'OMPI, elle dépose 3,4 fois moins de demandes de brevet que l'Allemagne et 13,5 fois moins que les USA, sans parler du Japon ! En tenant compte de la taille et de la richesse des pays, la valorisation industrielle de la recherche française reste bien inférieure à l'allemande, l'américaine ou la britannique, et cela même par rapport aux moyens mis en ouvre. En dehors de certains domaines « nationaux », comme le nucléaire ou l'aérospatial, la recherche publique est très insuffisante et, à part de notables exceptions comme le CEA, l'INRIA et l'École des Mines, entretient de trop rares liens avec le tissu économique (IGF - IGAENR, 2007). Cette rareté est aussi en rapport avec la persistante faiblesse globale de la R&D du secteur privé, liée au manque d'entreprises moyennes. En effet, très concentrée dans les grands groupes, la recherche privée intègre l'exigence de rentabilité à court terme, et tend alors à utiliser la recherche publique et ses « jeunes pousses » pour externaliser les risques.
. Fiscalité insuffisante : La fiscalité française ne parvient pas à assurer le financement d'une recherche publique plus innovante, tout en satisfaisant les besoins républicains du pays (éducation, santé, justice .), car la collecte fiscale est à la fois inefficace et dissuasive (Saint-Étienne, Le Cacheux, 2005). Cette insuffisance fiscale est directement liée au petit nombre de contribuables significatifs, trop souvent acculés à la fraude ou à l'exil, c'est-à-dire liée à l'extrême concentration des richesses dans la population.
. Rentabilité fondée sur le taux de marge : La rentabilité économique d'une entreprise a deux composantes : le taux de marge et la productivité du capital. Or la rentabilité des entreprises françaises reste acceptable grâce au taux de marge, c'est-à-dire à la part de la valeur ajoutée qui va à la rémunération des capitaux (Picart, 2004). En effet, sur le demi-siècle écoulé, le partage de la valeur ajoutée s'est nettement déformé depuis 1986 en faveur du capital, et au détriment de la part du travail (graphique 1). Par contraste, les entrepreneurs américains, dans le même contexte de mondialisation, n'ont pas eu besoin du recours « facile » à une telle déformation pour assurer la rentabilité de leurs entreprises (graphique 2).
. Insuffisante productivité du capital : La productivité du capital investi mesure sa capacité à générer de la valeur ajoutée. Aux variations de la combinaison capital/travail près, cette capacité est d'autant plus grande que les investissements sont plus « chargés » d'innovation répondant mieux aux besoins du marché, aspect décisif et « difficile » de l'entreprenariat. Malgré un certain flou des interprétations, les études s'accordent à montrer qu'en France la productivité du capital ne contribue pas, pour le moins, à une amélioration sensible de la rentabilité économique des entreprises, sur pratiquement toute la période 1965/2000 (Sylvain, 2001 - Picart, 2004 - Passet, du Tertre, 2004). Cette réalité contraste fortement avec les USA, où les entrepreneurs augmentent la rentabilité de leurs entreprises grâce à une tendance générale à la hausse de la productivité du capital, de 1959 à 2001, avec peut-être un palier entre 1965 et 1983 (Sylvain, 2001 - Passet, du Tertre, 2004). Cette insuffisance française de la productivité du capital est en rapport avec la fiscalité inefficace entraînant une recherche faible et peu innovante, d'une part, et avec le corporatisme entraînant un manque d'entreprises moyennes, d'autre part. L'ensemble de ces déficiences est finalement la conséquence de l'extrême concentration des richesses, en discordance avec la spécifique ambition républicaine du pays.
Conclusions
La rareté et l'inefficacité des entrepreneurs français se traduisent par un manque de dynamisme des investissements en France, observé en tendance sur toute la période 1978 à 2005 (graphique 3), en contraste avec les USA où ce dynamisme s'accélère nettement de 1993 à 2000, en particulier dans les NTIC et les biotechnologies, avant de s'effondrer finalement en 2001 avec l'éclatement de la bulle internet (graphique 4). Ce déficit d'investissements productifs en France entraîne croissance molle, chômage, pauvreté, ainsi que le récent déficit des échanges extérieurs. Ce n'est effectivement pas son modèle social qui plombe la France, mais bien son modèle économique (Phelps, 2006). Dans ce contexte, la qualité et la productivité du travail français soulagent plutôt la gravité de la situation
Toute l'analyse précédente peut être résumée en une formule malicieuse : Dans la République Française, il y a beaucoup trop peu de riches, dans le sens où les richesses sont excessivement concentrées. Afin d'améliorer la performance des entrepreneurs français, il convient d'abord de libérer largement l'entreprenariat, en assurant aux développeurs de moyennes entreprises en particulier, et aussi aux créateurs, une plus grande disponibilité des moyens de base que sont les apports en fonds propres et les différentes innovations.
Références
. Baverez Nicolas (2006). « Que faire ? », Éditions Perrin.
. Briche Nicolas (2005). « La représentativité des organisations patronales », Mémoire de Master Droit Recherche, mention droit du travail, École Doctorale n° 74, Université Lille 2.
. Conseil National du Crédit et du Titre (1999). « Le financement de l'entreprise », Banque de France.
. Estay Christophe, Tchankam Jean-Paul (2003). « Les dispositifs légaux de la création d'entreprise aux USA et en France », Revue des Sciences de Gestion, mars-avril 2003.
. Inspection Générale des Finances - IGAENR (2007). Rapport sur « La valorisation de la recherche publique ».
. INSEE, Comptes nationaux annuels, base 2000.
. Passet Olivier, du Tertre Renaud (2004). « La rentabilité des entreprises, de l'euphorie boursière à la crise financière », Commissariat général du Plan.
. Passet Olivier, du Tertre Renaud (2005). « Promouvoir un environnement financier favorable au développement des entreprises », Commissariat général du Plan.
. Phelps Edmund (2006), Professeur d'Économie Politique, Université de Columbia. Site internet du 27 juin.
. Picart Claude (2004). « Évaluer la rentabilité des Sociétés Non Financières », INSEE, Économie et Statistique.
. Pinon Michel (2005), CNRS. « La voie de la fortune », Journal du Net du 3 juin.
. Saint-Étienne Christian, Le Cacheux Jacques (2005). « Croissance équitable et concurrence fiscale », Conseil d'Analyse Économique.
. Sylvain Arnaud (2001). « Rentabilité et profitabilité du capital : le cas de six pays industrialisés », INSEE, Économie et Statistique.
. US Bureau of Economic Analysis (BEA). National Income and Product Accounts.
L'entrepreneur français est-il assez performant ?
Débat après l'intervention de Patrice de Crémiers
Le déficit grandissant du commerce extérieur en France signe une croissance molle et un manque d'innovation.
Pourquoi les EU qui ont eux aussi un fort déficit extérieur ont-ils une bien meilleure croissance que nous ? Une des réponses possibles est que les EU délocalisent les industries de main-d'ouvre dans des pays moins développés qu'eux et mettent l'accent sur leur territoire sur la recherche et le développement. D'autre part, leur déficit semble compensé par des retours financiers (par exemple, la Chine investit en dollars).
La France épargne beaucoup et investit peu dans l'entreprise.
Il faut souligner le rôle de la BCE qui, par des taux d'intérêt trop élevés, ne favorise pas la croissance. Par contre, la FED aux EU, fixe un taux court aux rentiers inférieur à ce qu'il est pour les entreprises. Il est donc plus rentable d'entreprendre que d'épargner. L'argent circule davantage.
Les grandes entreprises françaises participent d'un système qui freine l'innovation.
Il y a une intrication entre les grands groupes et les grands corps de l'Etat qui leur fournissent leurs cadres dirigeants (polytechniciens, énarques.). Le modèle de concentration des pouvoirs prime. C'est comme si les Français n'assumaient pas dans leur inconscient collectif la mort de Louis XVI et continuaient à vivre un modèle culturel monarchique. On dépasse le problème d'une simple différence de mentalité des Français par rapport à d'autres nations qui ferait que nous serions moins capables d'entreprendre et d'innover. En fait, nos traits spécifiques de mentalité se conjuguent fortement avec le système féodalo-colbertiste dans lequel l'Etat intervient dans les grands groupes industriels par la nomination des dirigeants, les commandes et les réglementations qu'il met en place. Ainsi se bétonne un système qui a pour conséquence que les plus petites entreprises soient éliminées ou rachetées par les grands groupes. Il en est de même pour la recherche et l'innovation qui ont peu droit de cité en-dehors de la recherche publique et de celle des grands groupes.
La recherche publique a beaucoup de problèmes.
Les chercheurs du public sont mal payés malgré un cursus long. Ils peinent à trouver leur place dans les grands groupes qui privilégient les grands corps de l'Etat dans le recrutement de leurs dirigeants.
Dans d'autres pays, les chercheurs trouvent des postes de recherche dans des entreprises privées et sont mieux payés ce qui explique en partie la fuite des cerveaux français à l'étranger. Les pays étrangers fidélisent les chercheurs français en leur proposant des conditions de travail attractives et leur demandant de formuler leurs besoins.
Il reste que le facteur motivation pour entreprendre manque parfois dans l'hexagone, toute cause structurelle mise à part.
Les exemples de micro-économie démontrent que les enfants de chefs d'entreprise ne sont pas toujours motivés pour reprendre l'entreprise. Il faudrait que la motivation ne soit pas que le travail en soi, mais mette en jeu d'autres valeurs. Le travail paie peu en ce moment. Louis Chauvel en parle dans son ouvrage : la dérive des classes moyennes.
Conclusion.
Même si le problème français a des spécificités par rapport aux autres pays, il n'en reste pas moins qu'il faut prendre en compte dans le phénomène de croissance molle la grande part que les actionnaires prélèvent au détriment des investissements productifs. Le financier semble avoir pris le pas sur l'économique. La croissance apparaît comme le seul moteur. Peut-être convient-il de faire la place à d'autres modes de réflexion sur l'économique ?
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QUE PENSER DE LA REVALORISATION DU TRAVAIL ?
CAFE POLITIQUE LUNDI 13 SEPTEMBRE 2007
Première intervention.
Le slogan « travailler plus pour gagner plus » concerne, semble-t-il, surtout la classe ouvrière. Mais y a-t-il vraiment du travail à lui proposer et à long terme les heures supplémentaires sont-elles une solution satisfaisante ?
La réflexion sur le travail n'est pas une démarche naturelle au sein de l'entreprise. Le fait, par exemple, qu'une secrétaire s'intéresse à des éléments techniques particuliers dont elle a connaissance n'est pas perçu positivement.
Revaloriser le travail pourrait passer par le fait qu'au lieu d'assister socialement des personnes en difficulté il serait possible de s'appuyer sur leurs compétences pour les mettre au service de la société. Ainsi, l'argent de l'aide sociale pourrait financer la crèche pour une mère célibataire qui possède un CAP de plomberie.
De même la revalorisation de la place des handicapés dans la société passe davantage par leur participation à l'effort collectif du travail que par la carte d'invalidité qui les place dans une position d'assisté.
Deuxième intervention.
L'idée d'encourager les travailleurs et les employeurs à recourir aux heures supplémentaires s'inspire d'une économie de l'offre par opposition au modèle keynésien qui propose la relance de la consommation. Développer les heures supplémentaires peut entraîner un effet d'aubaine et créer des dommages collatéraux.
Les Français ressentent le slogan « travailler plus pour gagner plus » comme une promesse électorale. Ils doutent que les fruits du travail soient mieux redistribués et craignent qu'ils profitent à une partie de la population déresponsabilisée. Ce qui démotive les personnes qui travaillent c'est la confiscation de leurs efforts au profit d'une redistribution qu'ils contestent. Ainsi un ménage qui travaille pour la valeur 100 ne perçoit que la valeur 40.
La plus grande solidarité serait de tout faire pour ne plus être à la charge des autres et de travailler.
DEBAT.
Revalorisation du travail et heures supplémentaires
· Les heures supplémentaires n'existent que si l'employeur les propose et elles ne sont pas à l'initiative de l'employé
· Elles sont défiscalisées et ne cotisent pas pour la retraite.
· Dans les métiers de service, les heures supplémentaires effectuées en haute-saison sont récupérées en basse-saison comme des heures payées normalement
· Les heures supplémentaires concernent les salariés et non les travailleurs indépendants.
· Revaloriser le travail ne signifie pas seulement faire des heures supplémentaires.
La motivation au travail.
La motivation au travail peut paraître en diminution,
· La France a perdu le goût du travail : l'artisanat a perdu ses lettres de noblesse.
· Autrefois, le paysan « se réjouissait de nourrir la France »
· L'idée que travailler c'est contribuer à la solidarité perd de sa force
· Le travail proposé ne suscite souvent guère d'intérêt. D'après Laurence Parisot, entre 2000 et 2007, la consommation a augmenté de 19%, les importations de 57% et la production de 8% seulement, en France.
· Le capitalisme financier prospère alors que les personnes au travail ont un pouvoir d'achat qui évolue peu
A contrario on peut affirmer que la motivation au travail reste un moteur puissant, mais que de nombreuse difficultés l'entravent :
· L'homme veut travailler. Il est à la recherche d'espaces pour travailler. Dans la pyramide de Maslow, c'est ce qui dépasse les besoins élémentaires qui tire l'homme vers le haut.
· La démotivation vient des limitations imposées à la capacité de travailler. Le travail a été réduit à sa fonction de production de richesses et a perdu le sens qu'il pourrait avoir dans un autre registre.
· Le manque de considération de la hiérarchie et les phénomènes de harcèlement moral au travail peuvent décourager
· La pénibilité du travail est sans conteste un frein à la motivation. On peut mesurer actuellement l'usure prématurée de l'organisme liée au travail. L'usure prématurée démontre en partie l'échec de la politique de prévention en terme de santé au travail. Cela dit, les maladies professionnelles et les accidents de travail ne représentent aujourd'hui, en France que 1,5% des dépenses de l'assurance maladie..
· Le sentiment de précarité au travail peut renforcer la démotivation.
· Le taux de chômage joue sur la pénibilité du travail en permettant aux employeurs de demander toujours plus pour le même salaire.
· La demande de productivité dans le travail se renforce et exerce des pressions sur les personnes. Le discours qui se tient est de dire que pour être productif, il faut être le mois cher possible. Cela culpabilise les salariés. Certains chefs d'entreprise, peu nombreux, commencent à entrevoir une autre manière de manager en tenant davantage compte des facteurs humains. Les pays nordiques ont fait cette révolution mentale et on constate une chute de l'absentéisme et des maladies professionnelles.
· L'expérience d'un consultant dans les entreprises européennes nous démontre qu'une atmosphère humaine au travail permet de relever des challenges économiques a priori difficiles.
· Les postes de dirigeants d'entreprise en France sont trop souvent proposés à des sortants de grandes écoles contrairement à l'Allemagne qui permet la promotion interne et met en avant l'expérience de l'entreprise et du produit.
Il convient de sortir de l'idée que le travail n'est qu'une unité de compte monétaire. Il a aussi pour but de produire des biens et est une valeur d'échange. Il joue un rôle sociétal en créant du lien social et de l'insertion. Un des gros problèmes français tient à la sclérose des hiérarchies au sein des entreprises et à la difficulté du dialogue social.
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SYNTHESE DU CAFE POLITIQUE DU 14 JUIN 2007
QUELS CONTRE- POUVOIRS EN DEMOCRATIE
Introduction :
Le pouvoir peut-être défini comme pouvoir de l'Etat. Il est subi et apparaît comme une contrainte. Le contre-pouvoir est une force d'opposition à ce pouvoir.
Dans une autre approche, on peut avancer que la démocratie repose sur le couple commandement-obéissance, l'obéissance demandant de convaincre. Ainsi, dans l'agora athénienne, la discussion précède la loi. Le langage est alors pouvoir et contre-pouvoir. Par comparaison, dans le règne animal, le couple commandement-obéissance est remplacé par le couple dominance-soumission.
Les blogs peuvent-ils être considérés comme des contre-pouvoirs ?
Arguments opposés à cette thèse
· Pour qu'il y ait contre-pouvoir, il faut qu'il soit un minimum structuré, ce qui n'est pas le cas des blogs
· La pensée véhiculée par les blogs peut manquer de pertinence car elle n'est pas sourcée la plupart du temps
· Le nombre de blogs politiques est restreint : plusieurs dizaines de milliers sur environ 7 millions de blogs et internet n'est pas accessible à une partie de la population
· Les discussions sur les blogs ne se réfèrent pas à un sens commun par rapport à la collectivité. Les fondements de valeurs communes sont peu visibles
· Dans le cas de Désirs d'Avenir, la démarche style Cahiers de Doléances a été pervertie par la reprise en main des idées par les ténors du PS
· Dans le cadre de la démocratie, le contre-pouvoir se met en place dans un cadre consenti alors que dans les blogs, la base de consentement collectif explose : chacun a l'impression de prendre le pouvoir. On perd de vue le consensus de négociation de mise en démocratie.
· Il manque la référence commune et le lieu commun dans les blogs
Arguments favorables
· En allant sur un blog politique comme celui du Modem, il est possible d'échapper au filtrage des médias et de participer à un forum politique qui permet d'échanger des arguments comme dans une réunion de quartier
Les contre-pouvoirs dans le cadre institutionnel
o On a un problème en France avec la séparation des pouvoirs. Le Parlement n'est qu'une chambre d'enregistrement et a tendance à n'appliquer qu'une discipline de parti. La faiblesse des corps intermédiaires renforce l'impression d'absence de contre-pouvoir
o On a tendance à utiliser trop peu le dialogue avec les élus pour contester leur action
o Les élections mettent en place des nouvelles donnes et ont valeur de sanction. Par exemple actuellement, les Verts et le PS sont sanctionnés et le FN n'est plus pertinent.
o Dans le cadre de la démocratie représentative, l'électeur doit pouvoir demander des comptes. Il faudrait une règle du jeu avec un jeu de pouvoirs plus égalitaire et plus souple.
Les contre-pouvoirs et la culture politique
o Le manque de culture politique ne favorise pas le contre-pouvoir. Certains se refusent même à lire les tracts d' autres tendances politiques que la leur.
o L'analyse critique des élections présidentielles reste à faire pour qu'une foule de gens non-représentés n'ait pas le sentiment de tomber dans le silence
o En Suisse, il existe des pratiques sociales qui permettent d'intégrer les citoyens à la gestion des agglomérations et leur donnent l'opportunité de réfléchir aux orientations à prendre dans le cadre urbain (ces assemblées de réflexion peuvent réunir jusqu'à 800 personnes).
o Cette optique d'intelligence collective est définie par Habermas comme pouvant relever de l'agir communicationnel et interactionnel.
La publicité comme pouvoir. Comment imaginer un contre-pouvoir ?
o La publicité a un pouvoir insidieux, quotidien et touche toutes les classes d'âge
o Elle a été inventée par un psychologue comportementaliste dans les années 1930 du nom de Watson
o En pays communiste autrefois, la publicité pouvait manquer aux Occidentaux en visite, preuve de son pouvoir omniprésent dans notre mental
o La publicité a des conséquences politiques : la consommation est orientée par le marketing et les contre-pouvoirs par rapport à cet état de fait sont difficiles à imaginer
En conclusion : on ne s'attache pas assez à comprendre ce qui se cache derrière le pouvoir. Il y a souvent confusion entre le pouvoir et ceux qui l'incarnent. L'exercice du pouvoir n'est pas toujours conforme à ce que les citoyens en attendent. La confiance qu'on devrait témoigner aux élus devrait élargir leur légitimité en ajoutant une dimension morale et substantielle qui s'attache au bien commun. La confiance donnerait ainsi une durabilité à la légitimité. Elle serait un économiseur institutionnel et éviterait de tout remettre en cause à tout moment. Le contre-pouvoir peut, lui aussi, aussi contenir les mêmes germes hégémoniques que le pouvoir.
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SYNTHESE DU CAFE POLITIQUE DU 3 MAI 2007
A QUOI SERVENT LES SONDAGES ?
Une intervention sur les sondages permet d'ouvrir le débat sur plusieurs aspects qui posent question :
· Le lien entre les instituts de sondage et l'argent (les intérêts particuliers)
Les sondages politiques ne représentent qu'une petite partie de l'activité des instituts de sondage. Ceux-ci sont surtout centrés sur le marketing commercial. Les sondages politiques apparaissent comme un produit d'appel pour les instituts. Ils sont vérifiables et publiés dans les journaux.
L'importance du pouvoir des actionnaires dans les instituts de sondage est le même que dans n'importe quelle entreprise. La majorité d'entre eux décide de l'orientation de l'entreprise et de ses liens politiques privilégiés. L'IFOP, dirigée par Laurence Parisot, répond par exemple à une demande de Nicolas Sarkozy pour un budget de 600 000 euros .
· La question de la fiabilité des sondages.
Certains sondages ne sont pas publiés et on ignore pourquoi.
La question de la fiabilité des sondages par internet se pose. Comment peut-on vérifier la véracité des renseignements donnés par ce canal ?.
Il se pose le problème du redressement des données brutes : par exemple, le vote Le Pen trop sous-estimé en 2002 est pratiquement doublé aujourd'hui. Le passé devient alors prédictif du futur. Le redressement repose sur trois éléments : la rectification de la méthode des quotas si elle n'est pas satisfaisante, la rectification à partir des résultats antérieurs et la rectification par l'intuition.
Les marges d'incertitude ne sont pas publiées. On ne donne pas l'intervalle de confiance comme pour toutes les autres statistiques.
La Commission de surveillance existe , mais ses remarques ne sont pas explicites. Elle a fait une remarque à l'institut CSA en parlant d'incohérence, mais on ignore en quoi il y a incohérence.
Les sondeurs ont des consignes pour réduire la part d'indécis dans leurs résultats.
Certaines parties de la société, en particulier les jeunes et les plus pauvres sont peu interrogés par les sondeurs.
· Les sondages manipulent-ils l'opinion ?
Même si les sondages ne sont en aucun cas prédictifs et s'ils donnent à un moment donné une photo de l'opinion, il est difficile de croire qu'ils n'ont pas d'incidence sur la pensée des citoyens Cette façon de quantifier l'opinion peut entraîner un effet d'identification. De même que la publicité influence le consommateur de manière inconsciente, il est difficile de croire en l'absence totale d'influence des sondages sur l'opinion. Il est clair que des électeurs établissent des stratégies à partir des sondages. Par exemple, au premier tour, certains électeurs socialistes en voyant monter les intentions de vote pour Bayrou l'ont pensé davantage capable de battre Sarkozy que ne le ferait Royal. La presse nationale a publié à la virgule près les bons sondages pour le premier tour, en particulier Les Echos et le Parisien.
Il y aurait donc une interaction sondage-opinion. L'opinion est ce que mesurent les sondages. En une sorte de boucle auto-réalisatrice, ce qui existe (l'opinion) est ce que nous appréhendons (le sondage), qui à son tour fait ce qui existe (l'opinion). Il est utile de rappeler que des sondages fictifs existent sur internet et peuvent agir sur les indécis comme la rumeur que Le Pen ferait près de 20% la veille du premier tour.
· Propositions pour rendre plus éthiques les sondages.
- Séparer les instituts de sondage des groupes industriels
- Clarifier les règles d'élaboration des sondages en publiant les données brutes et les coefficients de redressement
- Définir clairement le rôle de la Commission de surveillance et motiver ses avis
- Publier tous les sondages
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SYNTHESE DU CAFE POLITIQUE DU 22 MARS 2007
COMMENT SORTIR DE L'INDECISION ELECTORALE ?
Trois interventions dont le contenu, pour deux d'entre elles, se trouve en annexe, ouvrent le débat.
Première intervention :
Les critères de choix du candidat qui paraissent importants sont les suivants :
- le réalisme et le pragmatisme
- Le respect des valeurs démocratiques
- Une conviction européenne, une ouverture au monde
- La méthode du candidat, son comportement, son caractère : honnêteté, écoute, sens du consensus, mais aussi capacité de décision, crédibilité, courage
- Un candidat qui a des chances de gagner
- Peu de promesses, mais des promesses réalisables
- Un discours structuré qui ne résulte pas du marketing politique
En conclusion, il semble difficile de trouver un candidat qui réponde à tous ces critères !!
Deuxième intervention :
- Il peut être intéressant d'assister à des réunions de conseils municipaux pour prendre conscience des fondements des décisions des partis qui ont la majorité et des opinions de l'opposition
- Le fait d'aller bien ou mal dans sa vie peut influencer largement le vote
- Assister à des meetings politiques permet de saisir l'ambiance qui y règne et de voir le public qui se déplace pour écouter le candidat
- Il est important de se demander ce que le candidat ne dit pas, qui peut être révélateur en creux de son projet
- Un exercice d'anticipation en simulant la mise en ouvre de certaines mesures peut alimenter la réflexion. Par exemple, comment réagiraient les Français si les 32 heures étaient appliquées ou si les professeurs étaient astreints à effectuer 35 heures dans leur établissement ? Qu'en serait-il de la réouverture d'un débat sur l'enseignement privé ou d'une loi sur le service minimum garanti en cas de grève ?
Troisième intervention :
Il s'agit d'une comparaison critique des programmes économiques et sociaux des trois principaux candidats pour comprendre quel choix prioritaire est fait pour relancer la croissance. L'UMP semble axer de nombreuses mesures sur l'augmentation du temps de travail pour permettre une plus grande aisance aux salariés, l'UDF agit sur l'offre avec une panoplie de mesures destinées à régénérer le tissu des PME en France. Le PS joue sur le renforcement de la demande en augmentant les bas salaires et les petites retraites tout en faisant le pari de l'innovation et de la sécurisation du salarié.
Reste en suspens le financement de toutes ces propositions dont le chiffrage varie selon les experts, mais qui pose question aux Français davantage qu'à d'autres élections.
DEBAT : comment choisir son candidat ?
Premier critère :
Je me fonde sur mon intuition qui alimente mon raisonnement. Deux éléments me semblent importants : les valeurs et la compétence. Je ne m'intéresse que très peu aux programmes et aux petites péripéties de la campagne. A la limite, même si un programme favorise mon enrichissement comme la transmission gratuite que propose Sarkozy, ce n'est pas pour autant que je voterai pour lui. J'attends que quelque chose se dégage du candidat qui emportera mon adhésion. Je pense que le candidat doit trouver un équilibre. En effet, trop de social tue le social, mais il ne faut pas arrêter le social. « L'économie sans l'amour c'est féroce et le social sans l'amour, c'est abject ». Mes valeurs fondamentales sont l'amour et la vérité.
Deuxième critère :
Les programmes sont difficiles à appréhender et fourmillent de promesses. Il est difficile de les comparer. Une méthode consiste à se demander de qui le candidat s'entoure pour élaborer son programme. En effet, les idéologies qui président aux programmes semblent absentes. En réalité elles existent, mais ne sont plus montrées. Chaque candidat puise dans les réservoirs de pensée en émergence que sont les journalistes et les économistes qui l'entourent. Pour choisir un candidat, il est intéressant de se demander avec qui il travaille. Les programmes sont aussi la résultante de l'intervention de groupes de pression à l'intérieur des partis et cela permet, en décodant l'influence de ces groupes, de comprendre la multiplication des mesures quelquefois contradictoires.
Troisième critère :
La notion de conscience politique peut permettre de faire évoluer l'indécision électorale en prenant le mot de conscience au sens large, en intégrant l'intuition et les arguments. Ainsi, l'indécision se résoudra dans l'attitude humaine qui consiste à s'investir dans le phénomène vital. Comme nous ne sommes pas des experts en tout, et que nous ne pouvons pas entrer dans toute la complexité des programmes, nous faisons appel à notre intuition qui s'appuie sur des valeurs, sur l'idéal que le candidat incarne.
Quatrième critère :
Les qualités pour être élu ne sont pas toujours celles qui permettent de bien gouverner, ce qui complexifie le choix du candidat. Dans cette optique, il est possible de se fixer un ensemble d'exigences pour mieux construire son choix.
- La garantie des libertés publiques (avoir en mémoire les décrets anti-juifs en 1942 en France et repenser aux lois récentes de prévention de la délinquance qui ont suscité une grande opposition de la part de l'ensemble des psychiatres français)
- Une position européenne qui aille dans le sens de la construction et non d'un regain nationaliste et une position claire à l'égard des Etats-Unis
- Se demander avec qui le candidat va gouverner dans la mesure où les législatives suivent les présidentielles. Bayrou, à cet égard, pose problème.
En réalité, le choix tourne autour de trois candidats dont l'un sera à coup sûr Président. Les gens ont encore des réflexes idéologiques. Le deuxième tour de 2007 l'a démontré.
REMARQUES SUR L'ELECTION
o Les gens sont peu formés au débat politique. L'école aurait un grand tôle à jouer dans ce travail rhétorique
o Actuellement, on repousse les extrêmes, « on veut manger sur le centre ». La théorisation de la société est absente du débat. Beaucoup de personnes « bachotent » pour comprendre le sens des programmes
o Le parlement n'est pas représentatif : où est la représentation des chômeurs par exemple ?
o Est-ce que ce sont les citoyens qui font le candidat où l'inverse ?
o Pour certains, le choix se fera en fonction de la peur des agressions ou et de la peur du lendemain
o Celui qui sera élu risque de l'être en fonction de son look et de sa manière de se présenter
o La faible marge qui sépare un candidat élu de son rival donne l'impression que l'élection est aléatoire. D'un côté, cela donne de l'importance au vote singulier qui a d'autant plus de poids que la majorité est courte. D'un autre côté, on a l'impression que des citoyens versatiles peuvent changer le destin du pays en votant de manière peu réfléchie. Dans la cité grecque, les magistrats étaient désignés par tirage au sort et non par l'élection ce qui donnait beaucoup de poids à la notion d'aléa. Ce qui comptait, c'était l'alternance et la mobilité. La majorité courte supprime l'impression nihiliste du : tout est joué.
o Le problème du deuxième tour est que l'électeur peut se trouver en face de deux candidats qui ne correspondent pas à ses valeurs. Alors que faire ?
o Au premier tour, on vote pour quelqu'un et au deuxième tour, on vote contre quelqu'un !!
SYNTHESE DU CAFE POLITIQUE DU 12 AVRIL 2007
LE CHOMAGE EST-IL UNE FATALITE ?
Quatre interventions vont se succéder sur le thème du chômage.
- La première intervention porte sur le thème du NAIRU.
Le NAIRU est le taux de chômage au-dessous duquel il ne faut pas descendre si on veut contenir l'inflation : Non Accelerating Inflation Rate of Unemployment. Il s'agit du taux de chômage (minimum ) qui n'augmente pas l'inflation.
Le NAIRU est utilisé par les grandes instances de décision et d'orientation des politiques économiques comme l'OCDE, la Banque Centrale Européenne, le Sénat.Ce chômage « utile », délibérément accepté et planifié, serait le prix à payer pour une faible inflation. Décrit théoriquement par Keynes, formalisé ensuite par de nombreux économistes, le NAIRU est un mécanisme abondamment vérifié par le fonctionnement réel des économies. Il expliquerait en partie que le chômage de masse en France ne régresse pas depuis 30 ans. Le NAIRU représenterait ainsi un taux de sacrifice sociétal.
- La deuxième intervention analyse les mécanismes du chômage et distingue trois types de chômage :
· Le chômage classique : une partie incompressible, une partie liée à la volonté des salariés : il y aurait bien du travail offert par les employeurs, mais les travailleurs le refusent aux conditions offertes (rigidité des salaires et de l'embauche)
· Le chômage keynésien : involontaire, lié à un déficit d'investissements de la part des entrepreneurs. Les entrepreneurs se comportent de manière trop frileuse et investissent trop peu en craignant que le taux interne de rentabilité ne soit inférieur au taux d'intérêt. Ils sont ainsi sous l'emprise d'une anticipation négative sur les perspectives économiques et le niveau du taux d'intérêt. Le NAIRU est donc la conséquence directe d'un taux d'intérêt élevé anti-inflation, lequel entraîne déficit d'investissements et manque d'emplois.
· Le chômage colbertiste et néoféodal : involontaire, lié à un corporatisme pratiqué par l'État et les grands entrepreneurs, bloquant l'accès rentable aux marchés pour le développement et la création d'entreprises, ce qui entraîne un déficit d'entreprenariat. Il y aurait alliance entre les grands industriels et les grands commis de l'Etat pour bénéficier de protections et d'avantages variés. Alain Peyrefitte, dans son ouvrage Le Mal Français, dénonçait déjà cette « économie administrative » qui sévit en France depuis trois siècles.
Ces blocages institutionnels et de management sont très marqués en France par rapport aux pays anglo-saxons. Seule la France est à la fois aussi néo-féodale et colbertiste, ce qui renforce puissamment les mécanismes du chômage keynésien.
- La troisième intervention décrit le statut des DRE : dispensés de recherche d'emploi à partir de 57 ans et les difficultés à créer une entreprise pour retrouver une activité.
Si vous changez de ville, vous avez du mal à exister comme DRE. Les agents de l'ANPE sont débordés, chacun devant gérer un quota de 150 chômeurs par mois. Il existe plus de 400 000 cas en France qui ne bénéficient plus de réception à la banque d'accueil de l'ANPE.
Il vous reste la possibilité de créer une entreprise pour retrouver une activité. Sur présentation d'un dossier dans lequel vous avez démontré que vous avez un potentiel de clients (avec certificats de garantie à l'appui) pour votre activité, un business plan et une trésorerie pour démarrer, ce dossier est soumis à une commission qui vous donne l'aval et vous fait bénéficier, la première année de réductions de charges qui seront multipliées par cinq la troisième année de votre activité. Vous pouvez aussi accepter un emploi de gérant salarié d'un magasin. Vous démarrez au SMIC pour 55heures de travail (malgré votre savoir-faire, votre expérience et votre valeur ajoutée) dans un magasin que je ne nommerai pas. Vous serez alors votre « propre patron », mais cette solution très précaire ne vous donnera aucun droit au chômage puisque votre organisme ne cotise pas. Les jeunes ont de plus en plus tendance à créer leur propre structure ce qui laisse augurer une précarité de plus en plus grande pour la retraite. Cette tendance est forte en Allemagne également.
- La quatrième intervention insiste sur les moyens individuels de sortir d'une situation de chômage en tentant de lutter contre le pessimisme, en anticipant un éventuel licenciement, en fréquentant les associations d'insertion.
DEBAT
· Une première question concerne le NAIRU. Qu'est-ce qui explique les différences de taux de chômage entre les pays de la zone euro alors que la BCE fixe un objectif moyen d'inflation et un taux d'intérêt identique dans la zone Euro ?
On peut penser que les divers « taux de chômage d'équilibre » résultent de la diversité des économies nationales, dans leur marché du travail et leur dynamisme entrepreneurial.
Par exemple, il est possible qu'interviennent le calcul du taux de chômage et le mode d'indemnisation. En effet, l'Espagne a vu son taux de chômage passer sous Aznar de 20 à 12% par le fait qu'elle n'a pas comptabilisé les travailleurs immigrés au nombre d'1 million environ et que le SMIC n'est pas obligatoire en Espagne.
· Un autre intervenant met en avant d'autres causes à ce chômage qui dure depuis longtemps. En effet depuis le discours de Nixon en 1971, le dollar n'est plus convertible en or. Cette décision fait suite à la mesure prise par le Général De Gaulle de retirer l'or français de Fort Knox. Il est cependant difficile d'établir un lien avec le chômage français, mise à part la référence à la concurrence économique générale entre les USA et les autres pays, qui ainsi pénalise ces derniers ;
Les pays producteurs d'énergie sont alors payés en dollar ce qui désavantage l'économie française. Le premier choc pétrolier touche la France en 1973. La France arrive alors à compenser sa balance commerciale par l'exportation, ce qui ne sera plus le cas lors du deuxième choc pétrolier de 1978. Le tissu des PME étant insuffisant, la pauvreté augmente, l'inflation monte à plus de 15%.
Il aurait sans doute fallu travailler davantage alors que les 35 heures ont créé un déficit public important sans pour autant résoudre le problème du chômage et de l'atonie de l'activité. Le lien logique entre le chômage et la faible quantité de travail est cependant difficile à établir. Peut-être aurait-il fallu entreprendre davantage ?
· Comment expliquer le phénomène de l'hyperinflation de 1923 en Allemagne ? Il ne semble pas qu'il y ait une relation à faire avec l'emploi.Il est probable que l'Allemagne ait utilisé ce moyen pour minorer le paiement de sa dette de guerre. Il reste que les Allemands ont été très impressionnés par cet épisode et qu'ils pensent que juguler l'inflation est une priorité. Ainsi, la BCE s'inspire très largement du fonctionnement de la Bundesbank. Le NAIRU procède de cet état d'esprit de contenir l'inflation. Il y a aujourd'hui une convergence des économies sur le rôle de la monnaie. L'argent se reproduirait en captivité et on assisterait à une sorte de turbo-capitalisme.
· La thèse marxiste explique que la réserve des prolétaires au chômage permet d'exercer une pression sur le marché de l'emploi. Depuis cette thèse semble communément admise.
· L'Etat aide surtout les grandes entreprises au détriment des PME davantage créatrices d'emploi.
· La perspective de créer des produits nouveaux est limitée en France. Si on retirait du tissu industriel français les nouvelles technologies, le chiffre de croissance de la France serait dangereusement bas. Nous sommes dans une économie de renouvellement des produits très limitée. La croissance française a ainsi un caractère qu'on pourrait qualifier de factice (ce qui confirmerait le manque de dynamisme entrepreneurial.)
· La France n'est pas compétitive par rapport à l 'Asie. Si l'Allemagne a une économie plus florissante que nous en ce moment, c'est en partie parce qu'un certain nombre de ses secrets de fabrication et de ses machines n'ont pas été copiés par les Asiatiques. Ainsi, il ne s'agit pas de la compétitivité-coût, mais de la compétitivité-produit-services, à charge des entrepreneurs.
Le manque de PME est à attribuer au féodalo-colbertisme français. L'Etat ne peut plus créer d 'emplois publics, faute de creuser le déficit budgétaire, et les entrepreneurs sont trop frileux et n'investissent pas assez : de même que les lions repus ne mangent ni ne laissent manger, les grands féodaux industriels, soutenus par l'Administration et les institutions, n'entreprennent ni ne laissent entreprendre.
Il y a pourtant beaucoup d'emplois non pourvus en France dans des secteurs comme la restauration, le service à la personne, le bâtiment.(Certes, mais à des salaires de travailleur pauvre ?)
Il serait bon de croiser l'ensemble des causes qui aboutissent au chômage de masse en France :
La crise économique ( contrairement aux USA, en Irlande, en Chine , au Brésil, en Espagne)
Le caractère féodalo-colbertiste de l'économie française
Le facteur démographique avec le phénomène de l'augmentation de la population, du travail des femmes ( pourtant l'augmentation de la population active est généralement un facteur classique de la croissance économique dans d'autres pays. Malgré cela, la croissance reste molle en France !)
La diminution de l'emploi dans le secteur primaire et secondaire qui n'est pas compensée de manière mathématique par l'augmentation du secteur tertiaire
En conclusion, le déficit entrepreneurial, keynésien et corporatiste, le déficit de qualification pour le court terme, les rigidités des systèmes d'embauche (en réalité, déjà très assouplies avec CDD, CNE, intérim, temps partiel, etc .) peuvent contribuer au chômage. Le NAIRU renforce probablement ces caractéristiques en liant taux de chômage et taux d'inflation contrairement à la politique américaine qui fait preuve de davantage de souplesse (l'avantage américain est que l'entreprenariat y est très dynamique, et peut ainsi compenser les effets négatifs sur le chômage de la lutte contre l'inflation. Ce n'est hélas pas le cas en France).
Une autre approche est de dire que la priorité de la lutte contre l'inflation implique un certain chômage ; or une certaine stabilité des prix est un bienfait public général qui profite à tous, et en particulier aux plus démunis.
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SYNTHESE DU CAFE POLITIQUE DU 13 NOVEMBRE 2008
LE PROBLEME DES RETRAITES EN FRANCE
Débat : Quelques remarques préliminaires
Il existe une solidarité intergénérationnelle dont témoigne un rapport récent qui démontre que les retraités aident financièrement les jeunes qui eux-mêmes financent les retraites. Il peut être intéressant d’avoir ainsi une vision globale des reports financiers.
Dans la question des retraites, il faudrait impérativement distinguer les personnes qui s’usent au travail en utilisant leur corps de celles dont le travail est axé sur les activités plus intellectuelles et prendre ainsi en compte le facteur pénibilité au travail.
Pourquoi un problème des retraites en France ?
Le financement du régime par répartition en France repose essentiellement sur le travail, sur la vitalité économique et non sur les revenus du capital. Or plusieurs éléments contrarient les sources de ce financement :
La concurrence mondiale pèse sur les salaires donc sur l’assiette de la retraite.
Il existe de nombreuses mesures de défiscalisation qui en éliminant les charges sociales minorent l’argent disponible pour les retraites ( participation, intéressement, heures supplémentaires…)
La production économique française est faible. Cette faiblesse est liée au manque de productivité du capital en France. Sur les 25 dernières années, les Etats-Unis ont créé par personne un supplément de richesses supérieur d’un tiers à celui de la France
Si l’économie française avait été sur cette période aussi dynamique que l’américaine, notre richesse nationale serait maintenant supérieure de 200 milliards d’euros. La cotisation retraite de ce supplément de richesse correspondrait justement au manque de financement du régime par répartition d’ici à 2020, indiqué par le Conseil d’Orientation des Retraites !
Les délocalisations ne vont pas dans le bon sens dans la mesure où le travail part de France.
Le ralentissement démographique limite le nombre des actifs.
Le chômage reste élevé, reflet de la faiblesse de l’économie française.
La vie du retraité s’allonge. C’est un problème pour le financement même si on n’est pas encore au stade des Etats-Unis avec leurs cures de jouvence performantes !
Quelques propositions et esquisses de solutions, et problèmes en suspens
Jouer sur les trois variables de financement des retraites par répartition: abaisser le montant des pensions, augmenter les cotisations sociales, allonger la durée de cotisation, mais il faut savoir que le travail des plus de 50 ans est un problème en France ( on voit de plus en plus de salariés de plus de 50 ans demander de l’aide au Secours Populaire).
Faire appel à l’immigration pour augmenter le nombre de cotisants ( voir ce que font les Etats-Unis).
Il serait intéressant de prendre en compte une manière individuelle d’envisager sa fin de vie de travail en permettant à celui qui travaille tardivement ou qui pratique une épargne individuelle d’être exempté d’une partie des cotisations sociales, sans remettre en cause toutefois la solidarité nationale.
Passer du régime par répartition à un régime par capitalisation paraît une solution peu intéressante : la période de transition qui durerait 20 ans obligerait l’Etat à augmenter les impôts ou à emprunter. Le taux d’intérêt du capital est certes un peu supérieur au taux de croissance de la masse salariale sur le long terme, mais la différence ne justifie pas un tel changement radical. En effet, la très longue période de transition obligerait l’Etat à augmenter les impôts ou à emprunter.
Par ailleurs, la plupart des salariés n’ont aucune possibilité de se constituer un patrimoine suffisant, étant donné que les salaires sont toujours fixés au niveau relatif de « survie », comme l’ont montré Adam Smith et Ricardo.
Il y aurait la possibilité d’aller vers un système mixte, mais majoritairement par répartition tout en sachant que les fonds de pension font pression sur les salaires pour mieux se rémunérer eux-mêmes.
Depuis 1970, l’équilibre financier des Etats est compromis. L’endettement est devenu la règle, dette privée et publique. Les cotisations retraites portent sur le revenu du travail, mais la part qui revient au travail dans le revenu national a baissé. Ainsi, depuis 1975, la part du travail a perdu 10 points de PIB au bénéfice de celle du capital. Le capital, facteur le plus mobile, n’a trouvé en France que cette déformation du partage des richesses pour se rémunérer selon les standards internationaux. alors que le travail est captif.
CONCLUSION
On peut imaginer aisément que les seniors vont avoir à souffrir de la situation difficile du financement des retraites. Il est possible de manifester politiquement sa réprobation. Certains mouvements comme l’UES proposent de porter une attention particulière à cette catégorie de Français qui perd chaque année 1,5 point par rapport à l’inflation. Un indice INSEE SENIOR est à l’étude.
Faut-il un Etat fort ?
Café politique du 15 janvier 2009
Intervention de Gérard sur le problème de l’Etat fort.
DEBAT
Peut-on se passer d’Etat ?
Liberté et Etat sont deux notions qui peuvent sembler contradictoires.
L’’Etat exerce son autorité et fait appliquer les lois. Par définition, il limite la liberté individuelle. Mais que se passe-t-il en l’absence d’Etat ? Ce sont souvent les seigneurs de la guerre, les systèmes mafieux, la loi du plus fort qui s’imposent.
Même si la loi est favorable aux puissants, elle restreint leur pouvoir par rapport à ce que serait un simple arbitraire et l’absence de toute loi.
De manière universelle, des textes fondateurs protègent le citoyen. La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 reconnaît la nécessité du respect inaliénable des droits fondamentaux de l’homme dans la dignité et la valeur de la personne humaine, sans distinction de race, de sexe et de religion. A l’origine, 48 Etats, dont la France, vont adopter cette Charte.
L’Etat définit les règles du vivre ensemble. Comme dit La Fontaine :est maître des lieux celui qui les organise.
Quel est le niveau de souveraineté dont dispose l’Etat en France ?
Cette souveraineté est partagée avec l’Europe comme pour tous les pays de l’Union européenne. Et pourtant, dans ce partage tous les pays n’ont pas la même taille, la même armée, la même puissance. Il y a donc inégalité dans la souveraineté partagée.
En France, les lois imposées par l’Europe sont plus ou moins acceptées. Elles posent souvent problème au niveau économique :
· Le pays n’est plus maître de l’ouverture de ses frontières : c’est la fin du protectionnisme
· Le taux de rémunération des capitaux n’est pas libre
· Les normes comptables sont internationales, en réalité les Etats-Unis les nomment normes américaines
· Pas de liberté pour le choix du modèle de gouvernance des entreprises aligné sur le modèle boursier dans lequel ce sont les actionnaires qui ont le pouvoir de décision
· Au niveau fiscal, il existe une concurrence fiscale interne à l’Europe qui défavorise les pays qui taxent davantage les bénéfices. Ainsi, se met en place une émigration fiscale et économique : DELL, pionnier de l’informatique, vient de fermer en Irlande pour rouvrir en Pologne. Quand le président Sarkozy promet des mesures pour relancer la fabrication des petites voitures françaises, il faut savoir que ces modèles sont fabriqués à l’étranger…
· Il faut tenir compte des contraintes budgétaires liées au déficit maximal défini par Maastricht
L’Etat semble faible face à une mondialisation libérale.
· Beaucoup de sociétés se font racheter par des fonds souverains comme par l’Etat de Dubaï, Singapour, les pétrodollars arabes (Par exemple Thomson dont le cours s’est effondré de 90% doit se refaire un capital et créer des actions).
· Le manque d’encadrement du monde financier a créé un climat de pourrissement et d’incertitude généralisés ( exemple : Angela Merkel injecte 50 milliards d’euros dans une banque allemande pour empêcher la faillite imminente de celle-ci alors que la Chancelière pensait ne pas devoir intervenir).
· Dexia et Natixis ont encore des soucis et manquent de transparence
· Le capitalisme spéculatif met en danger les Etats en les contraignant à prendre des mesures d’urgence. Cette situation démontre la validité des concepts marxistes qui différencient valeur d’usage et valeur d’échange.
· Produire de l’argent à partir de l’argent ouvre la porte à toutes les dérives.
· La question se pose de savoir si la production est en soi un idéal, si le bien commun est la production. Le système pourrait-il fonctionner sans système financier dans la mesure où l’économie réelle suffit à répondre aux besoins essentiels des hommes ?
L’Etat français souffre de l’absence d’Europe sociale
· Le défaut d’harmonisation européenne favorise le dumping, les coûts salariaux les plus bas, la fiscalité la plus faible
· L’absence d’unicité dans la législation du travail en Europe défavorise les transports français et en font chuter près de 10%
· L’industrie du cuir française a perdu sa place parce que l’Italie, sa principale concurrente, a toléré la pollution de ses rivières contrairement à la France
· Nos aéroports, au contrôle plus tatillon pour les passagers, ont vu leur trafic diminuer par rapport à d’autres aéroports européens, comme ceux du Luxembourg, moins exigeants.
Quelques spécificités de l’Etat français.
L’Etat français est omniprésent, mais il manque de recettes fiscales et la plus grande partie de la population française n’est pas riche
· L’innovation, facteur de richesse, vient du processus recherche – développement, très performant dans des domaines comme le nucléaire et l’aérospatiale, mais faible dans les autres domaines industriels.
· La recherche publique est insuffisante et la recherche privée s’appuie sur la recherche publique
· Le tissu industriel est trop concentré et sous-efficace
· Les Français les plus riches quittent le pays et l’Etat ne peut plus rien espérer d’eux en terme de contribution fiscale.
Le manque de ressources fiscales de l’Etat français a des conséquences sur ses fonctions régaliennes :
· Les hélicoptères de l’armée manquent d’hélices ( que penser du récent accident d’hélicoptère français au large du Gabon dont on ne connaît pas en core l’origine ?)
· Il y a des problèmes criants de moyens dans le domaine de la justice et des prisons
· De nombreuses infrastructures deviennent obsolètes (par exemple les voies ferrées et les trains)
En conclusion
Si la concurrence économique brime l’Etat, que lui reste-t-il comme domaine d’action spécifique ? On peut penser aux compétences par département et par région, à la dimension sociale et aux objectifs supérieurs de l’ordre du culturel, à la mise en chantier d’une réflexion sur une économie au service de l’homme qui ouvrirait la voie à un partenariat de régulation entre la main visible de l’Etat et la main invisible du marché.
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L’HOSPITALITE - CAFE PHILO DU 18 MARS 2009
Introduction
De nombreux auteurs ont produit en hospitalité tout ou partie de leur œuvre : Platon fut l’hôte de Denys de Syracuse, Aristote d’Alexandre, Descartes de la Hollande…Les anciens stoïciens s’affirmaient citoyens du monde. Les empereurs romains furent rarement originaires d’Italie, et les derniers, tous métèques. Aujourd’hui, en France, on ne saurait imaginer un Italien ou un Suisse à la tête du pays.
L’intolérance à l’étranger date d’à présent. L’hospitalité semble passée de mode. Dérangeante, intempestive, elle résiste pourtant, comme la folie, à toutes les raisons, à commencer par la raison d’Etat.
Définition de l’hospitalité par quelques philosophes.
Aristote considère l’hospitalité comme la vertu de l’homme sage au sens de l’honnête homme du XVIIIème siècle. Il l’associe à l’amitié dans son Ethique à Nicomaque.
Platon , préoccupé des lois de la meilleure des cités, place l’hospitalité au premier rang des obligations prescrites aux citoyens. C’est un devoir sacré sous peine d’être puni par les dieux. En effet, « l’étranger, se trouvant éloigné de ses parents et de ses amis, intéresse davantage les hommes et les dieux », et surtout Zeus hospitalier (les Lois V).
Le christianisme opère un glissement vers un idéal de pauvreté : il n’accueille pas les humbles en dépit de leur dénuement, mais en raison de leur dénuement. Derrière la charité de l’hospitalier, il faut déceler la recherche de l’ abandon absolu du « Soi », une affirmation de l’exil terrestre. L’exilé est accueilli parce que celui qui accueille se reconnaît en lui comme un être d’exil.
Dans Qu’appelle-t-on penser ?, Heidegger tente de dégager l’essence de l’hospitalité. A partir du commentaire de quelques vers d’Hölderlin tiré de l’Hymne à l’Ister (ancien nom du Danube) :
« Mais il faut des fentes au rocher
des sillons à la terre.
Où serait l’hospitalité, sinon,
Le séjour (die Weile) ?
Fendre le rocher, creuser la terre, c’est préparer le sol en vue du labour.
Pour Heidegger, il n’y a pas d’ hospitalité là où manque la possibilité d’offrir un repas, d’offrir à boire et à manger. Pour lui, « donner et recevoir et séjourner caractérisent la demeure des mortels sur terre ». L’hospitalité est ainsi liée au travail qui rend la terre féconde. L’hospitalité n’est pas un accident de la condition de l’homme, mais lui est liée par essence.
Et pourtant, l’hospitalité ne requiert pas par essence qu’il y ait demeure et sédentarité.
L’hospitalité des Bédouins, dont la grandeur inconditionnelle et l’intransigeance dépassent de loin le service rendu, a un côté légendaire. « Celui qui inopinément se présente à vous a toujours sa place réservée sous la tente : il est l’envoyé de Dieu » (Edmond Jabès, Le Livre de l’hospitalité, Paris, Gallimard, 1991, P. 81-84).
On ne demande pas son nom au voyageur. Le prochain ne commande pas l’hospitalité. Il s’actualise en elle. Elle détient le secret du passage de l’éloignement à la proximité ( voir la parabole du Bon Samaritain qui, bien qu’étant d’une tribu honnie par le juifs, se porte au secours d’un juif blessé laissé pour compte par plusieurs passants, prêtres, lévites, tous juifs). Ici le prochain est en fait le plus lointain.
Kant voit dans l’hospitalité le principe même d’un droit international. Il écrit Vers la paix perpétuelle qui paraît en 1795. Cet essai philosophique énonce que « le droit cosmopolitique doit se borner aux conditions d’une hospitalité universelle ». Est institué un simple droit de visite qui autorise chaque homme à faire partie de n’importe quelle société partielle. Kant tire la justification de cette proposition du fait que la terre étant ronde, les hommes « ne peuvent s’y disperser à l’infini et ils doivent bien à la fin se tolérer les uns les autres, personne n’ayant originairement plus de droit qu’un autre sur une portion de terre ».
Kant, dans cette même logique analyse le colonialisme. Il met l’accent sur la conduite inhospitalière des peuples civilisés : « Si l’on compare la conduite inhospitalière des Etats civilisés, en particulier des Etats commerçants de notre continent, l’injustice qu’ils témoignent dans leur visite aux pays et aux peuples étrangers (visite qui est pour eux synonyme de conquête) prend des proportions épouvantables . L’Amérique, les pays occupés par les Nègres, les îles des épices, le Cap, etc., furent pour ceux qui les découvrirent des terres qui n’appartenaient à personne ; car ils ne tenaient aucun compte de leurs habitants. Dans les Indes orientales (l’Hindoustan), sous prétexte de n’établir que des comptoirs de commerce, ils introduisirent des troupes étrangères et ainsi opprimèrent les indigènes, suscitèrent des guerres très étendues entre les différents Etats de ce pays ; ils y répandirent la famine, l’insurrection, la perfidie et toute la litanie des maux qui peuvent affliger l’humanité ».
La colonisation sous sa forme moderne n’a été possible que par la constitution d’Etats-Nations et par leur désir d’agrandissement et de conquête.
L’hospitalité est-elle alors compatible avec l’existence d’Etats-Nations ?
Qui dit Etat dit réglementations restrictives interdisant les frontières et le sol. On peut considérer que le national représente une catastrophe de l’hospitalité, par suite d’une « contradiction insoluble entre les droits de l’homme et ceux de l’Etat » ( In Gérard Noiriel dans la Tyrannie du national, page 306).
Qu’ils soient des dictatures ou des Etats libéraux, les Etats entrent en contradiction avec la notion d’hospitalité. Dans les dictatures tout acte d’hospitalité devient résistance au pouvoir et dans les Etats libéraux c’est le bon vouloir de l’administration qui règle l’accueil d’étrangers dans le cadre privé.
Quand on parle d’ hospitalité, tout nous porte à repenser radicalement les présupposés des Etats. Même dans la cité idéale de Platon, la République, la classe dirigeante des « gardiens », doit vivre en commun dans une sorte d’autarcie. A Adimante, jeune contradicteur de Socrate, qui objecte que ces hommes seront bien malheureux de ne pouvoir exercer l’hospitalité, il est répondu que la subordination de l’individu à l’Etat est nécessaire. La cité plus ouverte des Lois prévoit de préférence à une hospitalité privée défaillante, l’institution de lieux publics d’accueil où les étrangers seront traités.
Aujourd’hui, le langage politique est contradictoire quand il parle « d’hôtes indésirables ». L’hospitalité est ainsi souvent placée sous le signe de l’asile et de l’expulsion. La pratique politique est l’inverse de l’hospitalité, mais elle utilise son langage.
Conclusion…subversive.
La grande révélation du film Théorème de Pasolini n’est-elle pas que les géniteurs ne sont jamais parents que d’adoption ? Tout le monde vient d’ailleurs, ce qui n’empêche qu’il ne soit chez lui ici ; Il n’y a pas d’étranger et nous le sommes tous. Ici est partout, il n’y a que des Ici.
(Michel Serres, Le système de Leibniz, t.II , paris, PUF, 1968, p.720)
Vienne le temps des hôtes ! Celui où il n’y aura plus des recevant ni de reçu ;celui où chacun pourra se dire l’hôte de l’hôte.
Café politique du jeudi 19 mars 2009
La crise financière et ses conséquences.
Après une introduction chantée par Djamel ( Le parachute doré de Souchon et Assédic composée par les Escrocs), Geneviève propose une brève chronologie de la crise financière tirée du petit ouvrage de Nicolas Beniès :Petit Manuel de la crise financière et des autres… édité chez SYLEPSE.
DEBAT
1) De la création de la FED au néolibéralisme.
a) La création de la FED en 1913 aux Etats-Unis.
Jusqu’à la création de la FED, l’économie américaine était fondée sur des principes de type calviniste : travailler procure un gain qui peut être épargné ou investi. A partir de 1915, la FED change la donne et permet à l’économie américaine de vivre sous le régime de l’endettement. Depuis, il semble complexe de revenir sur cette orientation. En effet, certaines thèses avancent même l’idée que ceux qui ont voulu contrôler la FED l’ont payé de leur vie. Kennedy venait de signer le décret d’étatisation de la FED la veille de son assassinat. Johnson va annuler ce décret dans l’avion qui le ramène à Washington le jour même du décès de Kennedy.
b) 1971 et la fin de la convertibilité dollar-or.
En 1971, le dollar devient la monnaie de référence sans rapport avec une encaisse-or correspondante. C’est la porte ouverte à la déréglementation du système financier et à la disparition de toute entrave à la circulation des capitaux. La mondialisation se met en marche avec la fuite des gains vers les paradis fiscaux et la création de nombreuses bulles technologiques, immobilières, pétrolières. C’est le néolibéralisme.
Le dollar, monnaie reine, est garantie par la présence de l’armée américaine à l’étranger. Tous les échanges se font en dollar, en particulier dans le domaine du pétrole qui a une importance stratégique fondamentale pour les Etats-Unis. Cela pourrait expliquer les raisons de la guerre en Irak : Saddam Hussein souhaitait vendre son pétrole en euros et non en dollars. La nécessité de produire toujours davantage entraîne la création de nouveaux marchés et la mondialisation des échanges.
2) La crise financière.
· D’où vient l’argent ?
Quand la croissance de l’après guerre commence à marquer le pas dans les années soixante-dix, les marchés saturent. Il est alors nécessaire d’ouvrir de nouveaux marchés (comme rendre payant du gratuit) ou de vendre à l’étranger ( la mondialisation). Le capitalisme financier met en place un système qui inonde de dollars la terre entière par le biais de la planche à billets américaine et dont le moteur est de faire de l’argent sur l’endettement. Le capitalisme financier recrée ainsi du profit.
Le monde est progressivement envahi de liquidités qui provoquent le gonflement de bulles. Ce nouvel argent va vers des sphères inutiles à la société. Ces transactions sont d’une importance phénoménale : le PIB mondial par comparaison ne représente que 2% de leur volume !
· le processus de la crise financière
Cet argent amène à construire des produits financiers ( titrisation) qui transfèrent le risque lié à l’endettement. Les banques mettent en place un système qui les débarrasse des crédits : elles cèdent le crédit à un tiers. Le crédit est ainsi « saucissonné » et revendu sous forme de titres, et personne ne sait plus ce que chacun possède en terme de patrimoine. Le débiteur rembourse son crédit à un tiers et non plus à sa banque.
Quand le 8 février 2007, 1 450 000 américains ne peuvent plus honorer leurs crédits immobiliers, les banques se trouvent en difficulté et il est impossible de faire le bilan des créances douteuses inclues dans des produits financiers répandus dans le monde entier. Les Etats portent alors secours aux banques en difficulté pour éviter l’effondrement du système financier dans son ensemble.
· La crise et les Etats
Les Etats empruntent sur les marchés financiers. Ces obligations sont les instruments de la dette.
Certains Etats ont aussi un endettement global très important : L’Islande a un endettement de l’ordre de 9 à 11% de son PIB. D’autres Etats européens sont à la peine comme l’Irlande, la Grande-Bretagne ou l’Espagne.
· La question de la responsabilité.
Le petit porteur fait confiance à sa banque .Qui est responsable de la crise financière ?
Dans le système du management néolibéral, les employés et les cadres bancaires assument devant les clients les conséquences de la crise. Les managers ont comme seule fonction de permettre aux actionnaires d’encaisser 15% de dividendes par rapport au capital qu’ils ont investi. Les managers ne se sentent pas responsables de leur entreprise et leur seule « sanction » est l’obtention de parachutes dorés, pour certains, même si la banque est en difficulté.
3) Les solutions et les problèmes en suspens.
· Se saisir du parc immobilier des banques en compensation de leurs erreurs
· S’intéresser au modèle de finance islamique : on n’achète pas d’argent et on ne peut que financer un actif réel. Si on souhaite acheter une maison, la banque l’achète pour nous et nous la loue. La plus-value devient ainsi commerciale et les risques partagés entre l’épargnant et le consommateur. Cet acte est licite dans le système de la loi divine.
· S’inspirer d’initiatives novatrices comme celle de René Hans, en Alsace, qui cherche à mettre au point un système dans lequel des PME qui font du profit prêteraient directement à des PME en difficulté.
· Il y a sans doute un lien à établir entre sortie de crise et écologie.
Il reste que beaucoup de questions restent sans réponse pour des raisons structurelles :
v Peut-on changer le système actuel et le veut-on vraiment ? On est pris dans une certaine logique de consommation qu’il faudrait revoir . Peut-être le fait que la consommation ne serait plus possible de la même manière avec la crise ouvrirait-il la voie au changement ? La voie de la concertation européenne peut aussi être une solution .
v Le danger est de sortir de cette crise en recréant de l’endettement. En effet, la crise démontre que le système était bâti sur du sable. Il s’est auto-corrigé par son propre éclatement, mais il a tendance à soigner le mal par le mal, c’est-à-dire par un réendettement massif. Or la crise a son origine dans le fait que les Etats-Unis ont utilisé la planète pour répondre à leur insolvabilité. (voir l’ouvrage de Michel Ruch présent au café dont le titre est :L’Empire attaque aux éditions Amalthée)
v La BCE a également créé de la monnaie en Europe fondée sur la fraude de la dette. Le problème de fond réside dans la création monétaire déconnectée des besoins des personnes.
v Qui va prendre la direction du changement au niveau mondial ? Emmanuel Todd dans son ouvrage Après la démocratie, prévoit que la Commission européenne va prendre le pouvoir et imposer son orientation.
Conclusion
Pour l’instant, on assiste à la socialisation des pertes américaines par l’ensemble du monde. Le système financier mondial est prédateur et engendre la crise économique et sociale. Comment répondre à ce défi ?
La crise financière et ses conséquences
• On peut plutôt dire que la fin de la convertibilité du dollar a été la « porte ouverte » au desserrement des contraintes pesant sur le système financier mondial, et de la restriction à la circulation des capitaux. Cette nouvelle donne favorise évidemment les économies fortes, c’est à dire compétitives, ce qui est bel et bon, mais tout le problème est là : Il faut avoir une économie forte et compétitive !
• Il est très réducteur de considérer que la mondialisation n’est que « la fuite des gains vers les paradis fiscaux et la création de nombreuses bulles ».
• « Produire toujours davantage » n’est pas le seul moteur de la croissance économique : Pas mal de monde sur terre aspire encore à améliorer sa condition matérielle. Les nouveaux marchés ne se réduisent pas à « rendre payant du gratuit ».
• Le système financier « n’inonde » pas la terre de dollar. Il est de la compétence responsable de la FED de doser au mieux à tout moment la masse monétaire (billets et crédits), ni trop ni trop peu, pour le meilleur fonctionnement de l’économie.
• Il n’y a pas que le système financier qui cherche à « faire de l’argent » à partir de l’endettement, mais aussi toutes les entreprises. Ce ne sont pas les liquidités excessives qui créent les bulles, mais l’excès moutonnier de confiance, de la même façon que c’est l’excès de défiance qui crée les krachs.
• Non, le « nouvel argent » ne va pas vers des sphères inutiles à la société. Bien au contraire, tout l’intérêt de l’économie de marché est que, bon an mal an, les ressources, hommes et capitaux, vont « naturellement » vers les secteurs les plus rentables, c'est-à-dire finalement vers les plus demandés par la société.
• Il n’y a pas de sens à comparer le volume des transactions sur les actifs financiers avec le PIB : Par exemple, le PIB du blé est la création de valeur représentée par le blé produit, alors que le volume des transactions sur le blé est la somme des valeurs de tous les échanges de ce blé dans l’année.
• Il est très réducteur de considérer que la seule fonction des managers est de servir 15% de dividendes aux actionnaires, et c’est un procès d’intention que d’affirmer que « les managers ne se sentent pas responsables de leurs entreprises ».
• Il n’est pas cohérent de dire que « les USA ont utilisé la planète pour répondre à leur insolvabilité », car la planète, elle, les a trouvés solvables ! En effet, on peut plutôt dire réciproquement que la planète (Chine, Arabie, Europe) a utilisé le placement sûr et rentable aux USA, pour répondre à leurs économies insuffisantes.
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État des lieux de la Syrie et du Proche-Orient
Café politique, jeudi 13 décembre 2018 (Michèle Abbas)
Au cours de l'année 2017 ont été commémorés les 100 ans de la Déclaration Balfour, les 70 ans du partage de la Palestine votée par l'ONU, les 60 ans de la Guerre des Six jours, les 10 ans du blocus de Gaza.
Au cours de l'année 2018 ont été commémorés les 100 ans de la fin de la Première guerre mondiale, les 70 ans de la proclamation de l'État d'Israël, mais aussi les 70 ans de la Déclaration universelle des droits de l'homme.
Tous ces événements auxquels s'en ajouteront d'autres issus de ceux-ci et de la politique mise en place par les puissances occidentales vont contribuer aux éruptions sporadiques aux Proche-et Moyen-Orient des décennies passées et, la détermination d'autocrates à s'accaparer le pouvoir aidant, avoir des retombées sur la situation actuelle dans la région.[1]
1. L'histoire en marche vers les crises du XXIème siècle Les notions mêmes de « Proche-Orient », « Moyen-Orient » et « Extrême-Orient » sont issues des expansions impérialistes occidentales (essentiellement Grande-Bretagne, France, Russie) : la tripartition conceptuelle de l'immense espace qui va de l'Europe de l'Est (et plus tard des rives méditerranéennes) au Japon est le résultat du modelage de cette immense zone par l'Occident au cours des XIXème et XXème siècles, au détriment des trois puissances déclinantes, l'Empire ottoman [Carte 1], l'Iran des Qadjar, la Chine des Qing. Les noms français de ces espaces (historiquement fluctuants) sont des calques de leurs dénominations anglaises : Far East, Middle East et Near East.
Le Far East désignait la région où empires russe et britannique s'affrontent pour la domination de la Chine (guerres de l'Opium, 1839). Le Middle East est d'abord centré sur l'Iran et le golfe Persique. Le Near East/Proche-Orient n'est alors que la grande partie balkanique, donc européenne, de l'empire ottoman. Lorsqu'il s'avère que le vaste empire ottoman est devenu « l'homme malade de l'Europe », les Britanniques s'y intéressent : c'est une partie de cet espace en train de s'effondrer - un espace intermédiaire entre l'ouest et l'est de l'Asie, centré sur le monde turc et arabe auquel s'ajoutera le monde perse - qui s'appellera alors Middle East (« Moyen-Orient »). Les régions de la façade méditerranéenne - Palestine, Liban, Syrie, Asie mineure - en relations commerciales séculaires avec la France ont longtemps porté le nom de « Levant » qui, après la Seconde Guerre mondiale, tombe en désuétude et c'est le terme « Proche-Orient » qui s'impose. Il est d'un emploi préférentiel en France (et par les historiens) et révèle un regard méditerranéen alors que la notion de « Moyen-Orient » dénote une empreinte de géopolitique contemporaine. Les deux termes sont plus ou moins interchangeables, mais c'est le plus souvent le mot « Moyen-Orient » qui est usité.[2]
En même temps que ces termes émergeaient, s'accélérait l'histoire du Proche-Orient.
La position géographique du Proche-Orient et du Moyen-Orient entre l'Asie, l'Afrique et l'Europe, et leur ouverture sur la Méditerranée leur confèrent une grande importance stratégique et fait donc de cette vaste région l'objet de toutes les convoitises. L'espace est depuis la très haute antiquité un lieu de passage et d'acheminement des marchandises vers l'Europe, d'où la nécessité de pouvoir contrôler les ports de départ et d'arrivée et les routes d'acheminement.
Ces régions sont en outre pourvues de ressources énergétiques majeures : pétrole et gaz. Les grandes régions pétrolifères sont, par ordre décroissant des réserves : l'Arabie saoudite, l'Iran, l'Irak, le Koweït, les Émirats arabes unis ; la Syrie[3] n'en a que des quantités bien plus faibles. Le sous-sol du Moyen-Orient possède également 40,9% des réserves mondiales de gaz, ceux de l'Iran et du Qatar en tête. La Syrie, le Liban et Israël possèdent d'importants champs gaziers dans leurs eaux territoriales. La Syrie est aussi un couloir énergétique pour le transit du gaz du Moyen-Orient vers l'Europe.
La plupart de ces pays sont des espaces de passage utiles aux Occidentaux, mais certains occupent surtout une position stratégique, telle l'Arabie saoudite (devenue indispensable aux Britanniques puis aux Américains) : la politique des Britanniques a toujours été la recherche de la facilité de l'accès et de la protection de la route des Indes orientales, quitte à nuire aux intérêts français, qui ne voient alors aucun inconvénient à nuire aux intérêts britanniques (expédition
d'Égypte).
À compter de la deuxième Guerre mondiale, l'Arabie saoudite va constituer un intérêt vital pour les États-Unis du fait de la position géopolitique de la péninsule Arabique en devenant une tête de pont militaire américaine au Moyen-Orient (base de Dahran, puis les autres sur le golfe Arabo-Persique). L'Amérique s'emploiera donc à faire de ce royaume un État stable : en 1950, l'Arabie obtient l'assurance de la protection américaine en cas de besoin, et également celle de ne pas être importunée par une interférence des USA dans les affaires politiques intérieures. Les événements récents ont montré que c'était toujours d'actualité. Et, bien sûr, le pétrole aussi devient un enjeu stratégique.
Lorsqu'en octobre 1914, le gouvernement jeune-turc se range aux côtés de l'Empire allemand, le champ de bataille de la Première Guerre mondiale s'étend vers le Proche-Orient. Lors de ce premier conflit mondial, la situation semble favorable aux Arabes de l'Empire pour tenter de se libérer du joug ottoman avec l'aide des Britanniques et l'implication de Thomas Edward Laurence, « Lawrence d'Arabie »[4]. En 1916, le chérif Hussein et ses fils parviennent à fédérer les tribus arabes du Hedjaz, de Mésopotamie et de Syrie, déclenchant la « Grande révolte arabe » et, le 1er octobre 1918, les troupes arabes et les troupes australo-britanniques libèrent Damas. Cette situation tiendra jusqu'à ce que Britanniques et Français revoient la donne.
Parallèlement, les Britanniques sont sur trois projets : la promesse par Lord Balfour à Lord Rothschild de l'instauration d'un « foyer national pour les Juifs » en Palestine, l'aide aux Saoud dans leur conquête de l'Arabie et la mise en place d'un mandat au Proche-Orient. Le 2 novembre 1917, la « Déclaration Balfour » promet « l'établissement en Palestine d'un Foyer national pour les Juifs [...] ». Le 15 mai 1948, le « Foyer » devient « État », l'État d'Israël : 82% des Palestiniens deviennent des réfugiés et leur droit au retour est récusé. La Palestine a sa Nakba (« Catastrophe »), un des éléments déstabilisateurs du Proche-Orient. Malgré leur promesse à Hussein, les Britanniques signent, en 1915, un traité de protection avec son ennemi, Abd al-Aziz ibn Saoud, sultan du Nadjd qui prend La Mecque, en chasse Hussein : en 1932, naît officiellement le royaume qui portera le nom de la famille Saoud, l'Arabie saoudite. Pour réussir son entreprise, Saoud s'est appuyé sur le prédicateur religieux Mohamed ben Abdelwahhab dont le nom est donné à la doctrine la plus rigoriste de l'islam sunnite, le wahhabisme. La manne pétrolière permettra la modernisation du pays (mais peu celle des mentalités) et ... le financement de l'exportation du fanatisme religieux.
Dès 1914 cependant, les Français et les Britanniques se repenchent sur la question du Proche-Orient : ce sera « l'Accord de Sykes-Picot[5] » qui débouchera sur le Mandat. Les négociations vont concerner l'espace ottoman compris entre les mers Noire, Méditerranée, Rouge, Caspienne et l'océan Indien sur lesquelles les deux puissances comptent exercer leur influence. Une première version est proposée [Carte 2] et contestée. Le mode de présence au Proche-Orient sera, à l'initiative du président américain Woodrow Wilson, le « Mandat ». Selon l'article 22 de la Société des Nations (SDN) qui vient d'être créée, un Mandat consiste à confier pendant une durée assez courte (vingt ou trente ans) à une puissance « civilisée » une population afin que celle-ci acquière les compétences et les outils nécessaires à la formation d'un État moderne et à son indépendance. La France aura la Syrie, la Grande-Bretagne la Palestine et l'Irak : le traité de San Remo du 25 avril 1921 entérinera le partage des zones d'influence. [Carte 3]
Tout est stratégie : lorsqu'après la Première Guerre mondiale l'empire ottoman s'effondre, les provinces arabes qui le constituaient sont balkanisées par les puissances européennes - Grande-Bretagne et France en tête - à leur plus grand profit. Lorsque ces puissances mandataires tracent les frontières, les États qu'elles délimitent sont hétéroclites car elles ne tiennent comptent ni des vœux des populations, ni de la composition ethnique, ni des ressources naturelles. [Carte 4] L'Arabie saoudite jouit, dès la fin de la guerre, du fait de sa situation géographique, d'une position exceptionnelle et à peu près incontestée.
2. Le soulèvement en Syrie Avant de parler du soulèvement de mars 2011, il nous faut examiner la lente dérive qui y a mené et, à partir de ce soulèvement, à la catastrophe humanitaire en cours.
L'opinion syrienne est hostile à la présence mandataire[6]. Fayçal, le fils du chérif Hussein, proclame l'indépendance de la Grande Syrie dont il devient roi en mars 1920. Mais, le général Gouraud, Haut-Commissaire de la République française, arrivant à Damas, l'en expulse. Puis Gouraud entreprend de morceler le territoire : le 1er septembre, il crée l'État du Grand-Liban (indépendant). Il divise la Syrie en trois États : l'État de Damas, l'État d'Alep et l'État druze ; le Territoire des Alaouites est directement administré par la France. Il y aura aussi l'État du sandjak d'Alexandrette puis un État des Alaouites. La configuration géopolitique interne de la Syrie sera plusieurs fois remodelée sous Gouraud : le dernier remodelage, l'« État de Syrie » (États de Damas, d'Alep, des Alaouites ; capitale : Damas), intervient le 1er janvier 1925. L'idée de Gouraud est de contrer l'opposition nationaliste en favorisant des minorités, surtout celle des Alaouites. La cohésion de cette communauté (citadins évolués / ruraux arriérés) s'est établie sur une identité victimaire (mépris de la société syrienne, persécution en tant que non-ottomans et en tant que minorité religieuse). Ils soutiennent donc le Mandat. Beaucoup d'hommes s'engagent dans le IIème Bataillon du Levant alors entièrement composé d'Alaouites. L'État alaouite finit par être rattaché à l'État syrien en 1939. Ali Suleyman al-Assad du petit village de Qurdaha est dans le camp des séparatistes. Son fils, Hafez, arrivé au pouvoir suprême, jouera sur les deux éléments : le nationalisme arabe (donc niant les communautarismes) et l'appartenance des
Alaouites à l'islam (selon la constitution le président de la Syrie est musulman). Mais ça, c'est le discours officiel ...
Les débuts du Mandat sont difficiles. Cependant, dans l'ensemble, il a eu des effets matériels et culturels positifs avec, notamment un système éducatif secondaire et supérieur dont sortiront les cadres de la fonction publique syrienne, la modernisation de l'État (Justice, création d'une armée nationale), le développement du pays dans tous les domaines (infrastructures, industrie, agriculture) : autrement dit la présence française favorise, dans tous les domaines, le transfert des compétences techniques en vue d'un transfert des pouvoirs.[7]
Mais les Syriens visent l'indépendance : dès 1925, la lutte est initiée par les Druzes, puis en 1928 émergent les chefs nationalistes (Atassi, Mardam-Bey, ...). Le 3 janvier 1944, la souveraineté de la Syrie est reconnue, sans être tout-à-fait réelle : l'opinion publique s'émeut, les autorités françaises bombardent Damas. Enfin, le 17 avril 1946, le dernier Français a quitté la Syrie. Ce sera le jour de la Fête nationale syrienne. [Carte 5]
En 1947 est créé officiellement le parti Baath (« Résurrection »). Il veut s'opposer aux interférences de l'Occident en Syrie. Sa doctrine repose sur le socialisme arabe, le nationalisme panarabe et la laïcité et sa devise Wahdah, Hurriyah, Ishtirrakiyah (« Unité, Liberté, Socialisme ») : parce qu'il paraît être un tremplin social, ce programme séduit les classes populaires, les milieux ruraux et les minorités, notamment les Alaouites qui adhèrent en masse, dont Hafez al-Assad. La Syrie a connu, au début de l'indépendance et jusqu'en 1963, une période de démocratie (élections libres), mais aussi des coups d'État. Un groupe de militaires, s'appuyant sur l'idéologie baathiste, renverse le gouvernement, prend le pouvoir et y porte le Baath (seul parti légal). En 1966, la junte militaire évince l'aile modérée et les fondateurs. Deux factions coopèrent cahin-caha à partir de 1966, les progressistes néo-marxistes et les nationalistes (Hafez al-Assad) jusqu'à ce que ce dernier évince l'autre en 1970, prenne le pouvoir et s'y maintienne jusqu'à sa mort.
Le régime de Hafez al-Assad est devenu pérenne car il est dictatorial et très répressif. En 1973, il met en place une nouvelle constitution qui lui donne tous les pouvoirs. Le président renforce les services de renseignements (les moukhabarat) qui deviennent particulièrement efficaces et qui lui permettent de contrôler tous les secteurs de la société (contrôle réticulaire). Ils sont secondés activement par un appareil policier redoutable (arrestations arbitraires, prison, tortures,[8] souvent pas de jugements ou jugements sommaires, mesures de rétorsion sur la famille, ...). Par la terreur et la brutalité, toute contestation est sévèrement réprimée (lutte contre les Frères musulmans : 1982, Hama, fourchette des morts : entre 10 000 et 40 000). L'information est censurée, la propagande omniprésente. Assad développe un véritable culte de la personnalité et s'impose partout dans la vie syrienne (statues, affiches, slogans louangeurs, récitation de ses « pensées » dans les écoles, .). Contrairement au discours officiel, tout fonctionne selon un système de clientélisme : Assad s'appuie sur la communauté alaouite qu'il favorise, lui distribuant responsabilités et prébendes. Un moyen de dominer est la corruption : laisser faire et inciter à faire. Tous les secteurs de l'économie sont sous la coupe des membres de la famille. L'armée, dont les généraux sont presqu'essentiellement des Alaouites, est à ses bottes. Sous le prétexte de les protéger, il instrumentalise les minorités religieuses ou ethniques. Les Syriens lui doivent allégeance, y compris les dignitaires religieux.
Les Syriens ont appris à adapter leurs comportements et leurs propos. Ils ont intégré l'interdit et, pour continuer à vivre dans un tel climat, ont développé une sorte d'état d'aliénation.
Contrairement à leur discours public, les Assad ont toujours soutenu les intérêts de leur communauté, de leur clan et de leur propre famille. C'est devenu de plus en plus visible et a été exacerbé par la guerre devenue civile : ils tablent sur la mémoire des persécutions et sur la peur de l'Autre (quel qu'il soit, modifiable et modulable). Certains, qui furent peu sensibles à ce message - Alaouites démocrates, laïcs, critiques du président - y sont maintenant très sensibles, d'autres restent tout simplement syriens (et, au passage, saluons l'écrivaine Samar Yazbek[9]).
À sa mort, son fils Bachar lui succède grâce à une pirouette constitutionnelle. Au début il fait illusion : il représente pour les Syriens un espoir d'ouverture et de changements.[10] La parole se libère et « une société muette, complètement coupée du monde » (Michel Kilo, écrivain et journaliste) s'ouvre au « Printemps de Damas » : de juillet 2000 au 8 février 2001, des dizaines de montada (« forums ») se réunissent pour demander des réformes et 99 intellectuels osent signer et remettre une pétition au gouvernement. Mais l'entreprise échoue et l'on revient pratiquement à la situation antérieure. Il semblerait que l'annonce de réformes ait été surtout destinée à faire venir des investisseurs étrangers pour juguler la crise sociale et économique. Certains investissements étrangers ont eu effectivement lieu, surtout profitables à la famille présidentielle proche. Cependant, il y a eu quelque chose qui allait mûrir.. .n
À partir de la Tunisie, l'onde des revendications populaires arabes va se propager dans le Maghreb et le Machreq : tous les pays sont touchés[11] et les gouvernements y répondent de façon plus ou moins violente et intelligente. En Syrie, les internautes tentent de mobiliser depuis début février, mais c'est du 15 mars 2011 qu'est daté le début de la révolution. La dynamique insurrectionnelle viendra du sud de la Syrie, de Deraa, quand des gamins tagueurs (« Jay alek el dor ya doctor ! » / « Ton tour arrive, docteur ! ») sont arrêtés. Lorsque les parents viennent demander leur libération, ils sont insultés par le chef de la Sécurité politique, insulte déshonorante qui fait le tour de la ville. Une manifestation de protestation est organisée le vendredi 18, à la sortie de la mosquée. L'armée tire sur la foule désarmée : deux morts, les premiers martyrs de la révolution syrienne. C'est le début de l'engrenage... Pendant leur détention, les enfants ont été torturés (Hamza Al-Khatib, 14 ans, torturé à mort) : la population redouble de colère, incendie des bâtiments officiels (18 mars) ; le 21, l'armée tire et on dénombre des dizaines de morts dans la mosquée Al-Omari et autour. Au lieu de présenter les excuses attendues, Assad accuse les manifestants d'être des conspirateurs à la solde d'Israël et envoie l'armée mater la ville. Il pense avoir clos l'événement. Mais, en solidarité, des manifestations s'organisent dans tout le pays. Elles sont pacifiques pendant six mois. C'est la révolution.
11 « L'économie est restée la même, la façon de gouverner aussi, de même que les polices secrètes. Pourtant,
l'atmosphère générale a un peu changé. C'est tout mais c'est déjà beaucoup en Syrie. » (Michel Kilo).
Certains ont vu dans l'origine de la contestation un complot lié aux projets de gazoducs, l'un iranien (Nabucco), l'autre qatari. L'analyse montre qu'aucun des éléments (dates deconception, tracé, financement, faisabilité technique, éléments géopolitiques) ne peuvent expliquer l'origine du soulèvement syrien.[12] C'est singulièrement rabaisser l'immense courage du peuple syrien ! Le soulèvement est d'abord celui des Syriens avec des causes syriennes liées aux pratiques du régime syrien depuis plus de quarante ans, et à la situation économique.
L'opposition[13] commence à se militariser pour défendre les manifestants de la répression de l'armée qui s'accentue contre ce qu'elle appelle « des groupes terroristes ». Des soldats et des officiers désertent et créent l'Armée libre syrienne (ASL) le 31 juillet 2011. Le régime bombarde les villes : les victimes sont essentiellement des civils. Il bombarde aussi les hôpitaux et les écoles et s'en prend donc intentionnellement aux centres de vie et d'éducation, assassine ou enlève les personnels de santé.[14]
Le nombre de morts est très vite important et les Institutions internationales attirent l'attention sur cet « usage immodéré de la force » et parlent dès le début de « crimes contre l'humanité ». Des massacres sont perpétrés par des milices armées pro-Assad (Houla, le 25 mai 2012, 109 morts, tous sunnites). Quand le Conseil de sécurité des Nations Unies tente une résolution pour condamner la violence, la Chine et la Russie, alliés de Damas, la bloquent (veto). En sept ans de guerre civile, le nombre de morts et disparus dépasse les 400 000 (la fourchette est très variable selon les sources), et s'élève probablement à bien plus.
Et il y a les attaques chimiques qui émeuvent (rhétoriquement surtout) l'opinion : le 21 août 2013, le régime lance une attaque chimique (gaz sarin) contre la population civile d'un faubourg de Damas : 1500 morts. La fameuse « ligne rouge » est franchie. Malgré cela, les É-U n'interviennent pas, mais exigent, conjointement avec Moscou, la destruction de l'arsenal chimique d'Assad qui semble obtempérer.[15] Une autre attaque chimique a lieu sur Khan Cheikhoun le 4 avril 2017 (les É-U bombardent la base voisine dans la nuit du 6 au 7 avril). Plus de cent attaques ont été recensées, la plupart au chlore, qui ne sont pas « chimiques ». Les alliés chiites (d'Iran, d'Irak, du Hezbollah libanais) de Damas sont sur le terrain très rapidement. La Russie n'intervient que le 30 septembre 2015, mais avec efficacité : en soutien à Assad, l'aviation russe bombarde non pas l'EI qui est installée depuis avril 2013, mais les groupes rebelles et les villes ou quartiers qui sont sous leur contrôle (Alep-Est).
L'opposition politique tente de s'organiser en Turquie : en septembre 2011, elle crée le Conseil national syrien (CNS), autorité politique de transition (30 organisations d'opposition) chargée de coordonner l'opposition. En novembre 2012 naît la Coalition nationale des forces de l'opposition et de la révolution (CNFOR) à laquelle adhère le CNS. Elle demande la chute du régime et celle de tous ses symboles. Au lieu de fournir à la rébellion les moyens de se défendre, la Communauté internationale réfléchit à une éventuelle intervention militaire, mais préfère opter pour les sanctions économiques et instaure l'embargo sur les armes et le pétrole. Le régime est équipé en armement par la Russie et l'Iran ; les rebelles sont aidés par l'Arabie saoudite et le Qatar, avec l'accord des États-Unis. Dès 2012 est créé un MOC (Military Operation Center) à Amann qui assure la formation des insurgés (dispositif maintenant arrêté).
Au début, les Occidentaux, la Turquie, l'Arabie saoudite demandaient le départ d'Assad. La Russie et l'Iran le maintiennent au pouvoir. Maintenant, cette demande élémentaire s'estompe : ce quasi-retournement occidental (ils demandent un gouvernement de transition) est lié au narratif du régime qui dit lutter contre l'EI et devient donc un rempart contre le terrorisme, d'autant plus que des groupes de rebelles radicalisés (Front al-Nosra.) ont pris le devant de la scène. Quand la communauté internationale décide enfin d'intervenir, c'est seulement contre l'organisation islamique.
Les É-U montent une grande coalition internationale (60 pays aux apports divers : financiers, logistiques, militaires)[16], coalition qui s'effrite, des pays ayant des objectifs divers (Turquie, en 2015, contre les Kurdes ; l'Arabie saoudite contre les Houtites au Yémen, ce qui révulse d'autres pays). La Russie intervient en septembre, mais contre l'opposition modérée ! En 2016, l'EI est nettement affaibli grâce aux kurdes (YPG) et aux Forces démocratiques syriennes (FDS, kurdo-arabes) soutenue par la coalition : Raqqa tombe le 17 octobre 2017. Alep-Est est reprise aux rebelles (fin décembre). Le 14 avril 2018, c'est la Ghouta orientale (assiégée depuis 2013) qui tombe. Ce qui fut le jardin de Damas est un champ de ruines.[17] La rébellion est à genoux. Reste Idlib ... Jusqu'à quand ?
Il nous faut dire un mot de Daech. Ce mouvement protéiforme commence à poindre à la suite de l'invasion catastrophique de l'Irak par les Américains. Ceux-ci emprisonnent les opposants (prison Abou Ghraib) : des djihadistes et d'anciens cadres baathistes de Saddam Hussein se rencontrent, parmi eux Ibrahim al-Badri, le futur « calife » Abou Bakr al-Baghdadi. En Irak est créé l'EII (« État islamique en Irak ») qui devient l'EIIL (« État islamique en Irak et au Levant »). Le 29 juin 2014, Abou Bakr al-Baghdadi proclame le « Califat » (capitale : Raqqa, en Syrie) et devient « calife » : on a alors ce qu'on appellera Daech (al-Daoula al-islamiyya fi al-Iraq wa al-Cham), ou ISIS (Islamic State of Irak and Syria), ou l'EI (État islamique).
Le califat est alimenté par des djihadistes syriens, mais surtout par de nombreux étrangers (30 000). Les djihadistes (non étrangers) sont des sunnites radicalisés, mais la montée du djihadisme est aussi le résultat du cynisme du pouvoir syrien car il entre dans sa stratégie de communication, c'est pourquoi il facilite la « formation » de ces groupes et leurs actions. En 2005, il envoie les réseaux djihadistes syriens en Irak pour appuyer des actions contre les troupes américaines et les milices chiites. A leur retour, ils sont directement incarcérés puis libérés dès le 26 mars 2011 lorsque la contestation anti-Assad prend de l'ampleur. Ils vont se joindre aux éléments du Front al-Nosra ou de Daech.
Assad utilise ces radicalisations pour sa propagande, prétendant lutter contre les « terroristes ». Ce terme est cyniquement magique puisqu'il lui permet de manipuler l'opinion en se présentant comme un rempart contre le terrorisme (ces noyaux radicaux sont particulièrement médiatisés, ses propres exactions ne le sont pas ou peu) et donc, en luttant contre Daech, il est vu comme un élément protecteur de l'Occident, donc indispensable, donc à maintenir au pouvoir. Mais, notons que l'armée régulière affronte très rarement Daech.
L'une des fixations idéologiques[18] de Daech porte sur les accords Sykes-Picot dont ils font une question d'actualité. En supprimant la frontière entre la Syrie et l'Irak, ils estiment avoir éliminé l'humiliation. Autre idée : les musulmans sont aliénés par l'Occident, il faut donc combattre et les aliéneurs et les aliénés !
3. Les conséquences et les suites ... Poutine semble être l'homme-orchestre des tentatives de solutions au conflit au détriment des Américains (à Ankara, négociation avec Erdogan d'un accord de paix avec cessez-le-feu, sans
consulter les Américains : camouflet diplomatique ; Sotchi, Astana). Il a réussi à marginaliser
les efforts de l'ONU et des quatre émissaires et des pourparlers de Genève. La Russie dispose
désormais d'un deuxième accès sur la Méditerranée.
L'Iran envisage probablement l'extension de l'axe chiite en Syrie.
Les « zones de désescalade » et les « zones de sécurité » continuent à être bombardées.
Aujourd'hui, le territoire de la Syrie est fragmenté et soumis à des influences diverses : environ
60% sont contrôlés par le régime ; les Kurdes en occupent 24% ; l'opposition tient environ
15% ; Daech a toujours des poches (3 à 4%) ; les Turcs sont au nord-ouest ; des bases
américaines sont installées à l'est.[19] [Carte 6]
Daech est donc éliminé, ou presque, mais les risques d'exportation de la terreur sont importants. La Syrie est détruite à 60%. Des gouvernements européens (Allemagne) refusent de participer à la reconstruction « au profit du régime ». Les sites archéologiques, les musées sont fortement touchés et pillés par les différents acteurs du conflit.[20] Détruire le patrimoine architectural d'un pays, c'est superposer la mort de l'histoire à la mort humaine : c'est désormais considéré comme un crime de guerre.
Le tissu social est complètement détruit. Les impacts psychologiques du conflit sont énormes. Les exactions, les tortures, les dépossessions ont créé un climat de haine difficilement maîtrisable.
Tout est documenté dans ce conflit.[21] Et pourtant, la Cour pénale internationale (CPI) est impuissante : la Syrie n'a pas ratifié le traité et donc seul le Conseil de Sécurité des Nations Unies peut alors saisir la CPI. Après la parution du rapport César[22], Paris a soumis une résolution : veto de la Russie. Plusieurs rapports dénoncent les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre (Haut-commissariat aux droits de l'homme de l'ONU) ; les attaques chimiques et leurs responsables : le régime et l'EI (Organisation pour l'interdiction des armes chimiques, Nations Unis) ; enquêtes sur les crimes du régime et des groupes djihadistes (des ONG, Commission for International Justice and Accountability). Des pays européens (France, Suède, Allemagne, Pays-Bas) ouvrent des enquêtes au titre de la compétence universelle. Les victimes de tortures réfugiés dans les pays européens collaborent à la recherche des criminels. L'opposition entre communautés chiites et sunnites est désormais à son paroxysme aussi bien en Syrie qu'entre pays soutenant l'un ou l'autre camp (Arabie saoudite, EAU, Bahreïn, Egypte vs Qatar / Arabie saoudite contre Houtites au Yémen). En Iran se développe un racisme antiarabe et anti-sunnite.
La moitié de la population syrienne est déplacée, à l'intérieur du pays (6,6 millions) ou réfugiée dans les pays voisins ou en Europe. 1/3 des réfugiés dans le monde sont des Syriens, soit environ 6 millions répartis ainsi : 3,5 millions en Turquie, 1,5 million au Liban, 1,3 million en Jordanie,
1 million en Europe (dans les difficiles conditions que l'on connaît).[23] Conséquences pour l'Europe et les pays d'accueil : il n'y a pas d'entente européenne, ni de solidarité, et l'Europe se déchire sur l'accueil des réfugiés. La tendance est à la remise en cause des politiques d'asile et de migration en Occident, ce qui débouche sur un refus de la présence des réfugiés (accord avec la Turquie, novembre 2015) et, partant, sur une volonté de se défaire d'eux (plan germano-turc prévoyant le renvoi des Syriens de Grèce en Turquie). Le régime lui-même a procédé au déplacement massif de populations (vers Idlib, notamment). Même si les pays les poussent à partir (Liban, Jordanie, mais aussi des pays européens), peu de réfugiés sont rentrés au pays[24] car le retour est particulièrement risqué : sécurité des personnes non assurée (conscription, arrestations, représailles, ...) ; contrôle drastique du régime ; difficultés de réintégration (économie anéantie, pas de travail, peut-être plus de logement (Article 10[25]), logement volé,
pillé).
Des zones (le Hauran) sont vides de population : on pense à une volonté de repeuplement démographique par des « fidèles » au clan (Alaouites) ou des « aidants » (chiites). Ou à une future mainmise d'Israël sur le territoire.
De nouvelles alliances se dessinent : rapprochement entre Israël et l'Arabie saoudite et les Émirats (convergences d'intérêts contre l'Iran).
Et aussi, « grâce » à ces conflits, Allemagne, France, USA ont signé des contrats de vente d'armement avec l'Arabie saoudite.
Pour que la Syrie redevienne un pays habitable, il faut que justice soit faite : en s'en prenant aux racines politiques du mal (condamnation des coupables, fin de l'impunité criminelle ; qu'il y ait une (véritable) transition politique ; que la personne humaine soit respectée (droit de revenir habiter dans sa région d'origine, dans sa maison ; restitution des biens volés) . La diplomatie a été inefficace, les « valeurs » des pays européens inaudibles. Les Syriens savent désormais qu'il est illusoire d'en attendre quoi que ce soit : « Je ne crois plus ni à la communauté internationale, ni à l'Occident, ni aux droits de l'Homme et ceux qui prétendent les défendre. Tous ont voulu nous tuer dans la Ghouta. Ce n'est pas de l'impuissance, mais de la pure hypocrisie. » (Un rescapé de l'enfer de la Ghouta).
Le régime pense avoir gagné et parle de « reconquête ». Des statues monumentales à la gloire de Hafez et de Bachar sont élevées, ce qui signifie : « tout redevient comme avant » !
Comme AVANT ??? Impossible.
Les Syriens ont dû apprendre à ne pas sombrer. La répression est allée trop loin, le régime est complètement discrédité. Mais toujours en place.
Cependant, le printemps arabe a réveillé les consciences, a donné aux femmes des places éminentes, a conforté des droits à des aspirations autres que l'allégeance à des autorités honnies. Au début de l'insurrection a été scandé ce slogan : « Nous ne sommes plus des souris, nous n'avons plus peur du chat. » Et c'est le cas, même s'ils doivent encore baisser la tête pour survivre !
Révolte ou révolution ? Révolution car dans les têtes tout a changé.
Le site SYRIA:direct qui, en association avec la Fondation Konrad Adenauer, documente tous les aspects de la guerre en Syrie est un précieux outil de compréhension de ce qui se passe dans le pays et dans les camps de réfugiés.
Le blog « Un œil sur la Syrie » par le diplomate Wladimir Glasman (Ignace Leverrier), qu'après la mort du fondateur, le journaliste Nicolas Hénin a pris en charge. Le blog de Jean-Pierre Filiu : « Un si proche Orient ».
Les articles du « Comité Syrie-Europe Après Alep » animé par la journaliste Claire Poinsignon sont hébergés par « Un œil sur la Syrie » ou le site de l'association SouriaHouria.
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Nous sommes les concierges de la lâcheté
Nous avons assuré soutenir les démocrates. Nous avons menti.
Nous avons laissé mourir l'Armée libre et toutes les forces de la liberté. Nous avons débattu du nombre de morts.
Nous avons débattu de lignes rouges, que nous avons placées, puis déplacées car nous n'étions pas sûrs qu'elles aient été réellement franchies.
Nous avons débattu de la couleur de la bave dans la bouche des cadavres. Nous avons assuré soutenir les forces démocratiques. Nous avons menti.
Nous avons convoqué des conférences dans des palais européens.
Où nous avons vu les cartes dans la main de l'Arabie saoudite, du Qatar et de la Turquie.
Nous avons continué à mentir.
Chaque jour nous débattions du nombre de morts.
Nous avons regardé les tentes fleurir en Turquie, en Jordanie, au Liban.
Chaque jour nous comptions les tentes.
Lassés de compter les corps mutilés nous nous sommes félicités de l'amélioration des conditions de vie des réfugiés.
Nous avons vu des hommes égorgés dans le désert sur lesquels nous n'avions pas compté. Nous nous sommes indignés et notre indignation s'est transformée en bombes et en attaques aériennes.
Chaque jour nous débattons de l'efficacité de nos bombes. Nous comptons les morts et les tentes. Nous vendons des avions.
Nous apprenons des noms de villes, nous apprenons des noms de villes détruites aussitôt que nous les avons appris. Nous mentons.
Nous sommes les géographes de la mort.
Les explorateurs de la destruction.
Nous sommes des concierges.
Des concierges à la porte de la tristesse.
Chaque jour on frappe à nos portes.
Nous comptons les coups contre nos portes.
L'un dit « cent mille personnes frappent à nos portes ».
L'autre dit « ils sont des millions, ils poussent ».
Ils poussent pour chier devant nos portes closes.
Nous sommes les concierges de la lâcheté.
Nous n'accueillons personne.
Nous ne plions devant personne.
Nous sommes fiers de n'être personne.
Mathias Énard, extrait de Bienvenue !, texte collectif sur le sujet de l'exil et des réfugiés.
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Etat des lieux en Syrie et au Moyen-Orient.
Café politique du 13 décembre 2018
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Après un exposé très documenté sur la Syrie et le Moyen-Orient aujourd'hui, le débat est un peu moins long que d'habitude étant donné la richesse de la conférence et sa durée. Quelques questions complémentaires sont soulevées.
1 La position de Bachar el-Assad aujourd'hui.
- Quand les circonstances lui ont été très défavorables, Bachar avait commencé à se constituer un Etat de repli, l'Etat alaouite. ( voir carte 6 dans le fichier joint ). Les Iraniens sont venus en plus grand renfort et puis les Russes un peu plus tard. Ils ont sauvé Bachar à ce moment là.
- Il est le chef de l'Etat mais le mot chef ne convient plus pas plus que celui d'Etat. Il est chef d'un espace mais l'Etat alaouite en tant que tel n'existe pas.
- Bachar apparaît comme un homme sous contrôle : dès 2012-2013, l'entrée de son bureau est contrôlée par des Iraniens et non plus par sa garde syrienne. Les Russes le font venir et le renvoient selon leur bon plaisir et Poutine l'apprécie, semble-t-il, assez peu.
- Son but n'est pas l'enrichissement personnel, mais de rester au pouvoir transmis par son père. Il appartient à la dynastie Assad, une sorte de monarchie héréditaire. Tout son parcours pour arriver au pouvoir le démontre. Au départ il faisait des études de médecine en Angleterre et c'est la mort de son frère aîné destiné à la succession de Hafez qui l'a précipité dans la succession de son père. En peu de temps il a franchi, contrairement à tous les codes, les grades de la hiérarchie militaire pour devenir général et être présidentiable. Marié à une syro-britannique il a pu donner au début de sa présidence une impression de modernité et d'ouverture. Cela n'a duré que peu de mois avant que son vrai visage n'apparaisse.
- Il n'envisage en aucun cas de démissionner car il risquerait d'être traduit devant une compétence universelle, celle des Etats pouvant le traduire devant une Cour pour crimes contre l'humanité.
- Le rôle de Bachar dans la lutte contre Daech qui pourrait être un argument en sa faveur ne tient pas. Il l'a très peu combattu.
2 Quel rôle les Occidentaux et Israël jouent-ils au Moyen-Orient ? Y a-t-il une tentative de casser les Etats existants ?
- Si l'on considère les cas de l'Afghanistan, de l'Irak et de la Syrie, on pourrait se demander s'ils n'ont pas l'intention d'établir de nouveaux Etats sur une base ethnique comme c'est le cas pour Israël. L'ancien système établi par les mandats ne fonctionne plus. Bachar entrerait alors dans ce projet de casser la Syrie créée à l'époque des mandats.
- Notons qu'Israël, à l'issue de la guerre des Six jours, s'est appropriée le Golan, territoire intéressant pour ses montagnes et son eau. Les Israéliens y produisent du vin et des pommes exportés en partie vers l'Europe et que nous devrions songer à boycotter.
- Israël a intérêt à ce que les pays arabes soient en difficulté.
- Les néoconservateurs américains ont eu aussi comme projet de s'attaquer aux Etats laïcs, l'Irak, la Libye, puis la Syrie. Pour aboutir à leur morcellement ils s'appuient sur les monarchies sunnites.
3 La complexe question kurde.
- On ne sait ce qui anime les Kurdes : est-ce une intention séparatiste ou un idéal démocratique, celui de vivre ensemble en Syrie en harmonie ?
- La situation des Kurdes en Syrie peut-être qualifiée de très complexe : ils ont été considérés comme des Kurdes vivant en Syrie et les Assad, père et fils, ne leur ont pas attribué la nationalité syrienne. Dès que les événements de 2011 se sont produits, Bachar a donné à 300 000 Kurdes la nationalité syrienne.
- Au départ il devait y avoir un Etat kurde selon le désir de Wilson, mais les Kurdes en fait sont répartis entre divers pays. Ils ne s'entendent pas et on ne sait s'ils veulent vraiment un Etat indépendant.
- Il a été question un temps de créer un Kurdistan indépendant dans le Nord de la Syrie ce que Erdogan soutenait pour se débarrasser des Kurdes en Turquie qui se seraient alors exilés en Syrie. Bachar a refusé la partition du territoire. A la suite de cela Erdogan a cessé de soutenir Daech ce qu'il faisait au départ ( il exportait même son pétrole ).
En conclusion
En suivant l'actualité syrienne nous pouvons constater un fort désir de démocratie et de liberté. Il y a beaucoup de laïcs parmi eux.
Autrefois les Syriens vivaient en harmonie. Il y avait des Arabes, des Kurdes, des Arméniens accueillis comme exilés. La Syrie était une sorte de terre d'accueil pour des minorités en conflit avec leurs Etats d'origine comme les Arméniens par exemple. Pour ce qui est des religions, c'était la liberté religieuse. Ce n'était pas le fait du régime mais celui de ses habitants qui se respectent.
ll reste que nous nous demandons si la question syrienne a des chances d'être réglée sans la Russie peu acceptée depuis deux décennies au moins par les Occidentaux. La Russie n'a qu'une seule base militaire dans le monde qui se trouve en Syrie comparativement aux Etats-Unis qui en ont 202
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[1] Alain Gresh, « Les cent clés du Proche-Orient », le Monde diplomatique, 29 mars 2011. (*) Et Alain Gresh, Dominique Vidal, Emmanuelle Pauly, Les 100 clés du Proche-Orient, nouvelle édition, Pluriel-Fayard, 2011. L'astérisque (*) signifie que le document est consultable en ligne.
[2] Pour plus d'informations, consulter l'article de Enki Baptiste : « Moyen-Orient ou Proche-Orient, Middle East ou Near East ? Retours historiques sur l'invention d'un espace géographique », « Les clés du Moyen-Orient ». (*)
[3] La production journalière de pétrole syrienne est très faible, mais, selon les spécialistes, les réserves sont très importantes (pétrole : 2,5 milliards de barils). La production pétrolière est surtout destinée à la consommation locale, mais une partie est exportée vers l'Europe (Allemagne, Italie, France). Pour le gaz, les réserves sont estimées à 240 milliards de m3.
Voir aussi : Maïté de Boncourt, « Le Proche-Orient met les gaz. Avec une carte des réserves de gaz réelles et potentielles », 19 juillet 2014, La revue géopolitique, diploweb.com. (*)
[4] Anne-Lucie Chaigne-Oudin, « Lawrence d'Arabie », in « Les clés du Moyen-Orient », 14 décembre 2010. (*)
[5] Les deux personnalités connaissent bien le Proche-Orient : François Georges-Picot était consul à Beyrouth, le Britannique Mark Sykes est attaché au Bureau de la Guerre au Proche-Orient. Le traité est signé le 16 mai 1916, par l'ambassadeur de France à Londres, Paul Cambon, et Edward Grey, secrétaire au Foreign Office et devrait donc s'appeler « Accords Grey-Cambon ».
[6] En juin 1919, une enquête importante (la Commission King-Crane) est lancée par les Américains pour prendre le pouls des Syriens à ce sujet sur une vaste zone (d'Alep à Bersabée) : trente-six villes, deux mille délégations venues de trois cents villages, trois mille pétitions ont permis de faire savoir clairement que les Syriens refusaient le Mandat et la déclaration Balfour et qu'ils souhaitaient l'établissement de la Grande Syrie. L'enquête était destinée à aider les congressistes réunis à Versailles à prendre une décision concernant les vœux des peuples destinés à quitter l'Empire ottoman. Les résultats ne convenaient ni aux Français ni aux Britanniques.
[7] Trois documents par Henry Laurens pour approfondir le sujet : « Comment l'Empire ottoman fut dépecé », Le Monde diplomatique, Avril 2003. (*) ; « Les jeux d'ingérence et d'intervention existent en Syrie depuis deux cents ans », Revue des Deux Mondes, septembre 2016, « Islam et terrorisme, le casse-tête syrien » ; « Le mandat français sur la Syrie et le Liban », in Nadine Méouchy, France, Syrie et Liban 1918-1946, Presses de l'IFPO, 2002.
[8] Moustafa Khalifé, La Coquille. Prisonnier politique en Syrie, Actes Sud/Babel, 2012.
[9] Samar Yazbek, auteure de Feux croisés. Journal de la révolution syrienne (2012), Les Portes du néant (2016) et La Marcheuse (2018) qui se rapportent tous trois à la révolution syrienne. En 2012, elle a créé l'ONG
« Women Now for Development », une association d'aide aux femmes et aux enfants syriens. Voir aussi les articles suivants : Grégoire Leménager, « Samar Yazbek, la revenante de l'enfer syrien », Bibliobs, 20 mars 2016 ; Silvia Moresi, « La littérature syrienne miroir de la réalité », Revue Orient XXI, 28 avril 2017. (*)
[10] En juin 2001, lors de la visite d'Assad en France, Chirac lui décerne (en toute discrétion !) la Légion d'Honneur pour l'encourager à « faire bouger les choses » en Syrie. Lire aussi : Michel Duclos, « Portrait de Bachar el-Assad, Président de la République arabe syrienne », Institut Montaigne, 2 août 2018. (*)
[11] Le prix Sakharov qui récompense « des personnalités exceptionnelles qui luttent contre l'intolérance, le fanatisme et l'oppression », décerné par le Parlement européen, a été attribué en 2011 à des personnalités marquantes de ce « Printemps arabe » : celui par qui tout s'est embrasé, le Tunisien Mohamed Bouazizi (posthume) ; l'Égyptienne Asmaa Mahfouz qui avait lancé l'appel à manifester Place Tahrir au Caire ; le Libyen Ahmed al-Sanoussi, opposant historique à Khadafi ; deux Syriens : Razan Zeitouneh, avocate qui a dirigé les comités de coordination de la révolution, et Ali Farzat, caricaturiste de presse. « Le prix Sakharov décerné à cinq activistes du Printemps arabe », Libération du 27 octobre 2011.
[12] Trois articles explicatifs : Cédric Mas, « Pour en finir avec cette histoire de gazoduc », janvier 2017, site Kurultay ; Pierre Breteau, « Les pipelines et les gazoducs sont-ils à l'origine de la guerre en Syrie comme l'affirme Jean-Luc Mélenchon ? », Le Monde, « Les décodeurs », 12 avril 2017. David Rigolet-Roze, « La variation énergétique dans la crise syrienne. La question stratégique du contrôle d'un futur gazoduc méditerranéen », dans Confluences Méditerranée, N° 91, 2014, pp. 95 à 106. (*)
[13] Pour la compréhension chronologique des événements, on peut se reporter au dossier du Monde, « Du soulèvement populaire au conflit international, 7 ans de guerre en Syrie » et à « Le conflit syrien pour les nuls » mis en ligne. (*)
[14] Cf Raphaël Pitti, Va où l'humanité te porte (Taillandier, 2018). Raphaël Pitti a contribué à la formation des Casques blancs en Syrie.
[15] Le 14 septembre 2013, la Syrie accède à la Convention sur l'interdiction des armes chimiques (CIAC) ! En réalité, Assad maintient des stocks sur la base aérienne de Al-Chayrat (près de Homs).
[16] Article « Coalition contre l'EI : qui participe et comment », Le Monde, 19 février 2015. (*)
[17] Benjamin Barthe, « La Ghouta orientale, tombeau de la révolution », Le Monde, 13 avril 2018. (*)
[18] Myriam Benraad tente de la décrypter dans son ouvrage L'État islamique pris aux mots, Armand Colin, Paris, 2017. Enki Baptiste y consacre un article dans « Les clés du Moyen-Orient » du 4 décembre 2017. (*)
[19] « La situation territoriale de la Syrie », entretien avec Ziad Majed (vidéo), Les clés du Moyen-Orient, 30 novembre 2018.
[20] Voir notamment Michel Al-Maqdissi et Eva Ishaq, La Syrie et le désastre archéologique du Proche-Orient. « Palmyre, cité martyre », Beyrouth, 2016. L'Association pour la protection de l'archéologie syrienne (APSA) qui recense les atteintes au patrimoine syrien a été créée à Strasbourg par les archéologues Cheikhmous Ali et Philippe Quenet.
[21] Pour plus d'informations, deux articles de Cécile Boëx : « La grammaire iconographique de la révolte en Syrie : Usages, techniques et supports », Revue « Cultures & Conflits », 91/92, automne/hiver 2013 ; et « Entre la vie et la mort. Images liminales de la révolte en Syrie », Revue « les Carnets du BAL, N° 8, Paris, Éditions Textuel, Centre national d'arts plastiques, 2017, pp. 134-149. (*)
Et, également, Sana Yazigi, Chroniques de la révolte syrienne : des lieux et des hommes, 2011-2015, ouvrage édité par Mémoire créative de la révolution syrienne, Presses de l'IFPO et Fondation Friedrich Ebert, 2017. Ainsi que l'interview réalisée à ce propos par Fanny Arlandis « Syrie. Ils ont filmé la guerre en douleur », Libération, mars 2016. (*)
[22] Garance Le Caisne, Opération César. Au cœur de la machine de mort syrienne, Éditions Stock, 2015. Cet ouvrage très documenté a permis de diligenter une enquête pour crimes contre l'humanité par le quai d'Orsay, en septembre 2015. Voir aussi l'article d'Élise Vincent, « Une plainte contre Damas déposée à Paris pour "crimes contre l'humanité", Le Monde, 24 octobre 2016. (*)
[23] Source : Site « Syrian refugees ». La Syrie compte 21 millions d'habitants, soit moins d'1% de la population mondiale). Le 10 décembre a été approuvé à Marrakech par les pays membres de l'ONU le « pacte mondial pour une migration sûre, ordonnée et régulée ».
[24] Selon l'UNHCR, entre 2015 et 2017, 238 000 sont revenus de Turquie, 18 000 du Liban, 16 000 de Jordanie (dont 77 300 pour l'année 2017). En 2017, 850 000 déplacés internes ont pu regagner leur région d'origine, mais il y a eu parallèlement 2,9 millions de nouveaux déplacés internes. Un travail de recherche de dix-huit mois a été effectué auprès de réfugiés syriens au Liban et en Jordanie par le Carnegie Middle East Center qui a publié le rapport Unheard Voices: What Syrian Refugees Need to Return Home (« Des voix non entendues : ce dont les réfugiés syriens ont besoin pour rentrer chez eux »). (*)
[25] Benjamin Barthe et Allan Kaval, « Damas s'apprête à exproprier en masse les réfugiés », Le Monde du 26 avril 2018. (*)